ARRET N° 16/
PB/KM
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 22 MARS 2016
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 09 février 2016
N° de rôle : 14/02163
S/appel d'une décision
du Conseil de Prud'hommes de VESOUL
en date du 01 octobre 2014
Code affaire : 80G
Demande en paiement de créances salariales en l'absence de rupture du contrat de travail
SAS [H] DISTRIBUTION
C/
[Z] [U]
PARTIES EN CAUSE :
SAS [H] DISTRIBUTION, [Adresse 2]
APPELANTE
représentée par Me Frédéric RENAUD, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nelly BONY, avocat au barreau de LYON et par Monsieur [A] [M], Chef du personnel de la société muni d'un mandat et d'un pouvoir de représentation émanant de Monsieur [N] [H], Directeur de la Société TD, DISTRUBUTION - [H] § [H] DISTRIBUTION SAS datés du 8 février 2016
ET :
Monsieur [Z] [U], demeurant [Adresse 1]
INTIME
assistée par Monsieur [P] [D], défenseur syndical CFDT muni d'un mandat émanant de Monsieur [J] [O], Secrétaire Régional CFDT UD 70 daté du 5 janvier 2016 et d'un pouvoir de l'appelant daté du 9 février 2016.
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 09 Février 2016 :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER
CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN
GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN
Lors du délibéré :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER
CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 22 Mars 2016 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PROCEDURE
M. [Z] [U] a été embauché le 1er avril 1993 en qualité de chauffeur livreur par la Sarl Mouginot dont le fonds de commerce a été cédé à la Sas [H] Distribution en 2008.
Le 26 février 2014, M. [Z] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Vesoul aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement du montant des frais réglés au titre d'un voyage en Thaïlande au mois de février 2014, qu'il n'a pu réaliser au motif que l'employeur lui avait de manière illicite refusé un congé auparavant accordé.
Par jugement du 1er octobre 2014, le conseil de prud'hommes a condamné la Sas [G] au paiement des sommes suivantes :
-3.157€ au titre du remboursement des frais engagés,
-1.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-250€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue le 8 octobre 2014, la Sas [G] a interjeté appel de la décision.
Selon conclusions notifiées le 9 novembre 2015, elle conclut à l'infirmation du jugement, au débouté de l'intégralité des demandes et à la condamnation de M. [Z] [U] à lui payer la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que 2540€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon conclusions visées le 11 janvier 2016, M. [Z] [U] conclut à la confirmation du jugement et demande en outre la somme de 4000€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination et comportement déloyal à l'occasion de la remise des médailles du travail en 2014 et 2015 outre la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 9 février 2016.
MOTIFS DE LA DECISION
I ) Sur la demande de remboursement des frais engagés pour le voyage
En application de l'article L 3141-13 du code du travail, la période des congés payés est fixée par les conventions ou accord collectifs de travail et comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre. C'est cette période qui est reprise par l'article I.16 de la convention collective nationale du négoce et de la distribution des combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers applicable au présent litige.
Sur cette période, l'ordre des départs est fixé par l'employeur après avis, le cas échéant, des délégués du personnel.
L'employeur produit le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel qui établit qu'il a respecté ces dispositions.
En tout état de cause, la demande de M. [Z] [U] concernait des congés sur le mois de février de sorte que ces dispositions étaient inapplicables, les jours sollicités se trouvant en dehors de la période légale.
Etaient donc applicables uniquement les dispositions de l'article L 3141-19 aux termes duquel les jours non pris durant la période du 1er mai au 31 octobre peuvent être accordés en une ou plusieurs fois.
Il appartient en conséquence au salarié d'établir qu'un congé lui avait été accordé pour la période litigieuse.
Or, le 22 mars 2013, M.[Z] [U] a adressé un courriel à son employeur lui demandant s'il pouvait prendre des congés courant février-mars 2014, ce à quoi ce dernier lui a répondu également par mail ' février c'est gênant pour le travail... Mars, si c'est la deuxième semaine ça peut aller'.
M. [Z] [U] a formulé par écrit, sur le formulaire prévu daté du 16 septembre 2013, une demande de congés pour la période du 07 au 23 février 201. Cette pièce a été reçue le 18 septembre ainsi qu'en atteste le cachet apposé par l'entreprise.
Le 20 septembre 2013, M.[Z] [U] a réservé son séjour en Thaïlande.
L'employeur, à une date non précisée, mais dont le salarié ne soutient pas qu'elle n'a pas ait été déraisonnablement éloignée de la demande, le formulaire lui a été retourné avec la mention : ' je vous rappelle mon courriel du 26 mars 2013".
Il convient de constater que le formulaire ne comporte pas la mention 'accordé' ou 'refusé', mais il s'agit manifestement de la pratique suivie dans l'entreprise, l'acceptation se manifestant par la signature du chef de service et de la direction, ainsi qu'il résulte des autres exemplaires de demandes de congés produits.
Le salarié ne peut donc soutenir que l'employeur n'avait pas refusé la demande de congés.
Il a déposé une nouvelle demande de congés le 21 janvier 2014 et l'employeur les lui a refusés le même jour.
Le salarié fait certes état d'une conversation au cours de laquelle l'employeur lui aurait fait part d'un arrangement possible. L'employeur indique toutefois par mail adressé au salarié que cet accord éventuel avait été subordonné au retour d'un autre salarié en maladie.
M. [Z] [U] ne rapporte donc pas la preuve d'un accord formel sur lequel serait revenu l'employeur.
Enfin, ce refus ne peut être considéré comme étant une modification de l'ordre des départs fixés précédemment, visé par l'article L 3141-16, dès lors qu'il n'existait aucun accord antérieur.
Il en résulte que l'employeur était fondé à refuser la demande de congés reçue le 21 janvier 2014, dès lors que sous réserve des dispositions légales dont il résulte des développements précédents qu'elle ont été respectées, la fixation de la date des congés payés constitue une prérogative de l'employeur.
Aucun congé n'ayant été accordé antérieurement, le salarié ne peut solliciter le remboursement des frais de réservation pour le séjour payé le 20 septembre 2013.
Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point, tant en ce qui concerne le remboursement du prix du séjour que les dommages et intérêts complémentaires.
II) Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'absence de remise des médailles du travail
Cette demande a été formée pour la première fois à hauteur d'appel.
Le salarié fait valoir en premier lieu qu' au cours de l'année 2014, il a présenté une demande de médaille d'honneur du travail argent et vermeil au titre de la promotion du 14 juillet 2014 et que les médailles ne lui ont pas été remises au cours de la cérémonie organisée par l'employeur, alors que ces distinctions lui avaient été effectivement accordées par le préfet.
Il soutient en second lieu que sa demande au titre de la médaille d'honneur du travail or n'a jamais été prise en compte par l'employeur au courant de l'année 2015.
Ces agissements constituent selon lui une pratique discriminatoire ou une exécution déloyale du contrat de travail.
Or, revêt un caractère discriminatoire une mesure fondée sur un critère expressément prévu par l'article L 1132-1 du code du travail, tel que l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique , le nom de famille, le lieu de résidence, l'état de santé ou le handicap.
Force est de constater que M. [Z] [U] n'indique pas pour quelle raison il aurait subi une discrimination étant rappelé que toute différence de traitement entre salariés, même non justifiée, ne constitue pas nécessairement une discrimination.
Il y aura donc lieu uniquement de rechercher, si le traitement des demandes de médailles par l'employeur constitue ou non une exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les médailles argent et vermeil
Il convient en premier lieu de constater que les deux médailles ont été accordées à M. [Z] [U] par l'autorité préfectorale au mois de juillet 2014, ainsi que l'atteste un document issu de la préfecture de la Haute-Saône.
Par ailleurs, il est constant qu'aucune de ces médailles n'a été remise à M. [Z] [U] le 18 décembre 2014, au cours de la cérémonie organisée par l'entreprise à cet effet.
En effet un mail de Mme [V] [T], secrétaire commerciale de l'agence indique 'j'ai été surprise qu'hier [Z].[U] n'ait pas reçu sa médaille du travail. Dossier remis en date et heures et au siège aussi en même temps que les nôtres puisque quand [F] a téléphoné la personne qui s'occupait des dossiers, elle lui a confirmé que les cinq dossiers étaient bien revenus de la préfecture et qu'ils étaient conformes'.
Ce courrier a obtenu la réponse suivante ' dossier jugé non conforme par la direction'.
Aucune explication n'est donnée sur cette non conformité alors que la distinction a été accordée par arrêté préfectoral.
La Sas [G] fait uniquement valoir que l'attribution du diplôme par la préfecture et l'attribution d'un insigne et d'une gratification par l'employeur sont distinctes.
Elle indique par ailleurs que M. [Z] [U] s'est vu remettre uniquement l'insigne vermeil, le plus élevé, conformément aux règles d'attribution fixées par l'entreprise, alors même que selon elle, elle aurait pu le refuser en application de la condition selon laquelle il appartient au salarié de faire valoir ses droits dans un délai d'un an après chaque seuil d'ancienneté.
Elle n'explique toutefois pas pourquoi, alors qu'elle indique elle-même qu'elle lui avait accordé l'insigne vermeil, il ne s'est pas vu remettre au moins cet insigne le 18 décembre 2014, ce qui est confirmé par le courriel de la secrétaire de l'entreprise, le salarié indiquant par ailleurs avoir été humilié de ne pas avoir reçu la médaille alors qu'il était présent à la cérémonie.
En l'absence de toute explication de l'employeur sur ce point, il est établi que l'employeur a eu un comportement déloyal dans l'exécution du contrat de travail, en refusant de lui remettre l'insigne au cours de la cérémonie organisée par l'entreprise.
Sur la médaille or
Il résulte des pièces produites que le salarié a déposé auprès de l'employeur un dossier le 24 mars 2015. L'employeur justifie que le dossier lui a été retourné au motif qu'il manquait la photocopie de la carte d'identité.
Le salarié produit une seconde demande, datée du 8 avril 2015 comportant la carte d'identité, ce qui établit donc que l'employeur l'a averti du caractère incomplet du dossier.
Rien ne permet toutefois d'établir qu'il a adressé ce second dossier à l'employeur pour transmission à la Préfecture ou qu'il l'a directement transmis à l'administration.
L'employeur indique qu'au final le Préfet n'a pas attribué la médaille d'honneur au salarié, en observant que ce dernier se garde de produire le courrier de rejet correspondant.
En l'état de ces constatations, il sera retenu qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve qu'il a effectivement transmis son dossier complété, étant observé qu'il avait en particulier la possibilité de solliciter de l'administration la confirmation de ce que le dossier complet avait été ou non réceptionné, démarche qu'il a effectuée pour les médailles obtenues l'année précédente.
Il en résulte que la preuve d'un comportement déloyal de l'employeur, en ce qui concerne cette troisième médaille n'est pas rapportée.
Au titre du comportement déloyal relatif à l'absence de remise de médailles sur l'année 2014, il sera alloué à M. [Z] [U] la somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts.
III) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Dès lors que la demande de M. [Z] [U] a été partiellement accueillie, la demande de dommages et intérêts de la Sas [G] sera rejetée.
III) Sur les frais irrépétibles
Dès lors que le jugement a été infirmé en ce qui concerne l'ensemble des demandes formées en première instance, il devra également être infirmé au titre des frais irrépétibles alloués au salarié à ce stade de la procédure ainsi que sur la charge des dépens.
La demande nouvelle étant accueillie à hauteur d'appel, il sera alloué à M. [Z] [U] la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés dans la présente instance.
La demande formée au même titre par la Sas [G] sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M. [Z] [U] de l'ensemble de ses demandes formées en première instance ;
Le CONDAMNE aux dépens de la procédure de première instance ;
Statuant par voie de dispositions nouvelles sur les demandes formées à hauteur d'appel,
CONDAMNE la Sas [G] à payer à M. [Z] [U] la somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNE la Sas [G] à payer à M. [Z] [U] la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Sas [G] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
DEBOUTE la Sas [G] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sas [G] aux dépens de la procédure d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt deux mars deux mille seize et signé par Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Madame Karine MAUCHAIN, Greffière.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,