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03/05/2013 | FRANCE | N°12/00255

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 03 mai 2013, 12/00255


ARRET N°

HB/I.HIL/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 03 MAI 2013



CHAMBRE SOCIALE



Contradictoire

Audience publique

du 07 Décembre 2012

N° de rôle : 12/00255



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 16 décembre 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



[P] [U]

C/

SAS [

U]-[J]







PARTIES EN CAUSE :





Madame [P] [U], demeurant [Adresse 2]



APPELANTE



REPRESENTEE par Me Jean-Jacques TISSERAND, avocat au barreau de MONTBELIARD





ET :





SAS [...

ARRET N°

HB/I.HIL/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 03 MAI 2013

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 07 Décembre 2012

N° de rôle : 12/00255

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 16 décembre 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[P] [U]

C/

SAS [U]-[J]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [P] [U], demeurant [Adresse 2]

APPELANTE

REPRESENTEE par Me Jean-Jacques TISSERAND, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

SAS [U]-[J], ayant son siège social, [Adresse 1]

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Denis LEROUX, avocat au barreau de MONTBELIARD

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 07 Décembre 2012 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Madame Hélène BOUCON, Conseiller, en présence de Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

lors du délibéré :

Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Conseillers, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Monsieur Jean DEGLISE, Président de chambre

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 1er février 2013 et prorogé au 03 mai 2013 par mise à disposition au greffe.

**************

Suivant protocole d'accord de cession d'actions en date du 30 janvier 2006, les époux [R] et [P] [U] et leurs enfants ont cédé à M. [G] [J] la totalité des actions de la sas [U] Electricité, laquelle est devenue la sas [U]-[J].

Mme [P] [U] qui exerçait les fonctions de responsable administrative et financière de la société en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée régularisé le 1er avril 2004, s'est engagée à rester au service de celle-ci pendant une durée minimale de deux ans après la cession.

Les relations de travail se sont dégradées entre M. [J] et Mme [U] à partir de juillet 2007, en raison d'un différend opposant M. [J] à M. [R] [U] concernant le règlement du complément du prix de cession convenu dans le protocole.

Mme [P] [U] évoque dans plusieurs échanges de courrier avec le repreneur, des pressions exercées par celui-ci pour l'amener à démissionner de son poste, la révocation de ses procurations bancaires le 6 juillet 2007, le retrait d'une partie de ses responsabilités administratives confiées à l'assistante de direction, sa mise à l'écart, et l'altération de son état de santé consécutive aux agissements de M. [J].

En arrêt de travail du 15 au 25 avril 2008, puis à nouveau du 17 novembre 2008 au 14 décembre 2008 pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, elle fait l'objet d'un avis d'inaptitude par le médecin du travail le 15 décembre 2008, à l'issue d'une seule visite en raison de l'existence d'un danger immédiat.

Elle est licenciée le 22 janvier 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, avec un préavis de six mois non rémunéré expirant le 22 juillet 2009.

Considérant que son inaptitude était consécutive à des agissements de harcèlement moral de l'employeur, Mme [P] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort, section encadrement, le 12 novembre 2009 aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement, subsidiairement déclarer celui-ci abusif, et condamner la sas [U]-[J] à lui payer diverses sommes à titre d'indemnités conventionnelles de préavis et de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement nul ou abusif et pour harcèlement moral.

Par jugement en date du 16 décembre 2011 auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil a dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [U] était régulier en la forme et fondé sur une cause réelle et sérieuse, a débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [P] [U] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 2 février 2012.

Elle demande à la cour d'infirmer celui-ci et statuant à nouveau, de :

- constater qu'elle a été victime d'un harcèlement moral systématique de son employeur visant à l'exclure de l'entreprise à bon compte, et que l'altération de son état de santé à l'origine de son inaptitude médicale est la conséquence de ce harcèlement,

- prononcer la nullité de son licenciement,

- condamner la sas [U]-[J] à lui payer les sommes suivantes :

* 1295,56 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 20178,18 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents inclus,

* 51720,55 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 130 € à titre de dommages-intérêts pour non-remise de chèques cadeaux fin 2008.

lesdites sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2009

* 42802,20 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 12500 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouter la société [U]-[J] de ses demandes de dommages-intérêts pour accusations mensongères et calomnieuses et pour frais de procédure et condamner celle-ci aux dépens.

La sas [U]-[J] Electricité conclut à la confirmation du jugement.

Elle demande à la cour de condamner Mme [U] à lui verser les sommes de :

- 20000 € à titre de dommages-intérêts pour accusations mensongères et calomnieuses liées au harcèlement moral dont elle se prétend à tort victime,

- 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que Mme [U] est d'une parfaite mauvaise foi lorsqu'elle expose qu'elle a été poussée à la démission, alors qu'au terme des deux années prévues dans le protocole, elle a fait part de son désir de quitter l'entreprise pour rejoindre son époux qui, ayant pris sa retraite en septembre 2004 était parti s'installer dans les [Localité 1] ; que les négociations en vue d'une rupture conventionnelle n'ayant pas abouti, du fait de ses exigences, elle a alors imaginé de se faire passer pour une victime de harcèlement moral, en vue de percevoir des indemnités substantielles.

Elle conteste formellement les accusations de harcèlement moral qu'elle estime calomnieuses et diffamatoires.

Elle fait valoir notamment que la révocation des procurations générales sur les comptes bancaires dont Mme [U] bénéficiait dès avant la cession, était parfaitement justifiée dans le contexte de crise né du différend opposant M. [J] à M. [U] quant au versement du complément du prix de cession, ce dernier ayant menacé de remettre en cause la cession et de reprendre la direction de l'entreprise avec l'appui des salariés.

Elle estime que les différents faits invoqués par Mme [U] pour étayer l'existence d'un harcèlement moral procèdent simplement d'une réorganisation du service administratif qui entre dans le cadre d'un exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges.

Elle conteste en conséquence être à l'origine de l'altération de l'état de santé et de l'inaptitude de l'appelante.

Elle fait valoir par ailleurs que celle-ci se prévaut à tort, à l'appui de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'une ancienneté de services dans la société depuis 1979, alors qu'elle a été licenciée le 16 septembre 1983 et réembauchée le 1er mai 1986 avant d'exercer des fonctions de mandataire social du 1er janvier 1988 au 1er avril de salariée.

Il s'ensuit donc selon elle qu'elle a été remplie de ses droits et qu'elle a été déboutée à juste titre de l'ensemble de ses demandes par le conseil.

Il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens des parties à leurs conclusions écrites visées au greffe respectivement le 5 novembre 2012 (Mme [U]) et le 5 décembre 2012 (sas [U]-[J]) développées oralement à l'audience par leurs conseils.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité du licenciement

Il résulte des dispositions des articles L 1152-1et suivants du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et que toute rupture du contrat de travail qui trouve son origine dans des agissements de harcèlement moral subis par un salarié qu'il s'agisse d'une démission, d'une prise d'acte de la rupture ou d'un licenciement pour inaptitude consécutive à une altération de l'état de santé du salarié, produit les effets d'un licenciement nul.

En application des dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail, il incombe au salarié en cas de litige d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce il est établi et non contesté que les relations professionnelles entre M. [J], nouveau dirigeant de la société et Mme [P] [U], dont le contrat de travail s'est poursuivi, se sont dégradées à partir de juillet 2007, en raison d'un différend opposant M. [J] à M. [R] [U] concernant le paiement du complément de prix de cession convenu dans le protocole, lequel devait intervenir après l'établissement du bilan de l'exercice clos au 31 mars 2007.

Il résulte sans équivoque des courriers échangés entre Mme [U] et M. [J] les 29 juillet et 24 août 2007 que ce dernier a tenté d'obtenir la démission de la salariée lors d'un entretien du 9 juillet 2007 alors même qu'il avait exigé lors de la signature du protocole l'engagement de celle-ci à poursuivre l'exécution de son contrat pendant au moins deux ans après la cession.

Il reconnaît dans un courrier du 24 août 2007 que devant le refus de la salariée de quitter son poste, il a procédé aux 'mesures conservatoires qui s'imposaient'.

Lesdites mesures, dénoncées par Mme [U] dans son courrier du 29 juillet  2007 comme une modification de son contrat de travail, à savoir la révocation en date du 6 juillet 2007 des procurations bancaires qui avaient été renouvelées à son profit par M. [J] après la cession, et le courriel diffusé le 24 juillet 2007 à l'ensemble du personnel pour l'informer de ce qu'en son absence toutes les décisions administratives y compris la signature des chèques seraient validées par Mme [D] [B], qui était sa subordonnée, avaient un caractère purement vexatoire, faute d'être justifiées par un quelconque manquement de Mme [U] dans l'utilisation des procurations et délégations de pouvoirs dont elle bénéficiait jusqu'alors.

Il s'agissait manifestement de mesures de rétorsion, en réponse au refus par M. [U] des conditions mises par M. [J] au règlement du complément de prix convenu, refus dont il n'est même pas allégué qu'il était illégitime.

Ces mesures étaient destinées à retirer à Mme [U] l'essentiel de ses prérogatives de responsable administrative et financière et à la marginaliser en vue de l'acculer à la démission, alors qu'à aucun moment ses compétences professionnelles ou sa loyauté n'ont été prises en défaut.

Mme [U] établit également qu'au-delà de cette période de crise, les agissements vexatoires et humiliants de M. [J] à son encontre ont perduré, qu'elle a constaté qu'un certain nombre d'informations relevant de ses attributions ne lui étaient pas communiquées, ou l'étaient tardivement, que certaines de ses attributions étaient exercées par d'autres salariées (Mme [B] pour la formation et les journées 'portes ouvertes') alors qu'à l'inverse il lui était demandé d'assurer le contrôle et la validation de toutes les opérations effectuées par l'assistante comptable ayant remplacé sa fille [X] [U], démissionnaire alors qu'un expert-comptable était chargé de la supervision desdites opérations.

La société intimée ne peut de bonne foi soutenir que c'est Mme [U] qui a mis en place une stratégie pour quitter l'entreprise avec de confortables indemnités en vue de rejoindre son époux parti vivre dans les [Localité 1].

Elle ne produit aucun élément probant de nature à accréditer que Mme [U], qui était âgée de moins de 50 ans au moment de la cession et dont la fille [X] était embauchée en contrat de professionnalisation dans la société, était disposée à quitter la région et à renoncer à un emploi valorisant et rémunérateur.

Il est en tout état de cause établi et non sérieusement contesté que c'est M. [J] qui est à l'origine du différend survenu avec le cédant M. [U] sur le versement du complément du prix de cession, et des mesures vexatoires prises à la suite de celui-ci.

D'ailleurs si telle avait été l'intention de Mme [U], celle-ci n'aurait pas attendu plus de dix-huit mois pour quitter l'entreprise, et elle aurait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur dès avant la fin de l'année 2007.

Il apparaît au contraire qu'elle n'a cessé d'essayer de convaincre son nouvel employeur de son adhésion aux intérêts de l'entreprise et de sa loyauté, et d'inviter celui-ci à lui permettre de continuer à exercer son emploi dans des conditions plus sereines et respectueuses de ses attributions.

Or il résulte d'un courriel adressé par M. [J] le 1er avril 2008 qu'il lui a proposé sans détour une nouvelle organisation consistant dans la mise en place d'un chef de service administratif, pour éviter les liens hiérarchiques directs entre eux et apaiser les tensions ce qu'elle a refusé, dans la mesure où il s'agissait pour elle d'une éviction injustifiée de ses attributions contractuelles.

Loin de s'améliorer, sa situation dans l'entreprise s'est dégradée définitivement en septembre et octobre 2008, dans les conditions qu'elle décrit dans un courrier du 7 novembre 2008 faisant état d'une mise à l'écart caractérisée, n'étant plus invitée aux réunions des responsables de la société en date des 29 septembre et 6 octobre 2008, alors que des décisions y ont été prises concernant le processus de facturation dont elle était chargée.

Elle se plaint également :

- de ce que le courrier hebdomadaire, en l'absence du dirigeant, est désormais visé par sa collègue Mlle [B] alors que cette tâche lui incombait jusque là,

- de ce que les mots de passe du logiciel de banque ont été changés en août sans qu'elle en soit informée.

Ces affirmations ne sont pas contredites par M. [J] et sont étayées par un compte rendu de réunion du 4 novembre 2008.

Enfin Mme [U] communique aux débats divers certificats médicaux attestant de la dégradation de son état de santé : consultation d'un médecin psychiatre le 12 novembre 2008 et prescription d'un traitement anti-dépresseur, arrêt de travail à compter du 17 novembre 2008, renouvelé jusqu'au 14 décembre 2008 qui n'a pas été remis en cause malgré les contestations formées auprès de la caisse primaire d'assurance maladie par M. [J] dès le 19 novembre.

Le médecin du travail qui a examiné Mme [U] le 15 décembre 2008 a conclu à son inaptitude à reprendre un poste dans l'entreprise, sans estimer nécessaire de prévoir une deuxième visite considérant l'existence d'un danger immédiat pour la santé de la salariée, indubitablement lié au climat délétère des relations de travail.

Celui-ci a maintenu son avis défavorable à un reclassement de la salariée dans l'entreprise lors d'une réunion avec l'employeur en présence des délégués du personnel.

Il existe donc en l'espèce des éléments de conviction suffisants pour admettre que la déclaration d'inaptitude est en relation causale directe avec des agissements répétés et délibérés de harcèlement moral de la part de l'employeur ayant pour objet de porter atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la nullité du licenciement de Mme [P] [U].

Sur les indemnités allouées

En cas de nullité du licenciement, le salarié est en droit de prétendre aux indemnités de préavis et de licenciement, légales ou conventionnelles, ainsi qu'à une indemnité en réparation du préjudice subi d'un montant minimal égal à six mois de salaires.

En l'espèce, Mme [U] qui bénéficiait du statut cadre, relevait des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

A la date de son licenciement son salaire mensuel brut de base était de 3057,30 € par mois.

Elle était âgée de 51 ans et avait plus de cinq ans de présence dans l'entreprise.

L'article 27 de la convention collective prévoit dans ce cas une durée de préavis de six mois.

L'employeur ne peut se prévaloir de ce que la salariée n'étant pas en mesure d'exécuter son préavis du fait de son inaptitude, l'indemnité compensatrice n'est pas due, dès lors que l'inaptitude étant consécutive à des agissements de harcèlement moral, l'inexécution du préavis lui est imputable.

Il convient en conséquence de fixer celle-ci, congés payés inclus, à la somme de :

3057,30 € x 6 mois x 1,10 = 20178,18 € brut

L'indemnité conventionnelle de licenciement résultant de l'article 29 de la convention collective susvisée est fixée à :

- 1/5ème de mois par année d'ancienneté pour la tranche de 1 à 7 ans,

- 3/5ème de mois par année d'ancienneté pour la tranche au-delà de 7 ans.

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 50 ans et de moins de 55 ans et ayant cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement est majoré de 20 % sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieur à 3 mois.

En l'espèce la société intimée qui ne conteste ni le statut cadre de Mme [U], ni le fait que celle-ci soit âgée de plus de 50 ans et qu'elle ait plus de cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise, a néanmoins cru pouvoir limiter le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement versée à celle-ci à 3310,85 €, ce qui est loin du montant minimal de trois mois.

Force est de constater par ailleurs que ladite société a délivré à Mme [U] le 22 juillet 2009 un certificat de travail mentionnant que celle-ci avait été employée du 1er avril 1980 au 22 juillet 2009 en qualité d'assistante de direction, lui reconnaissant ainsi une ancienneté de plus de 29 ans.

En réalité l'examen des pièces communiquées par les parties fait apparaître que la salariée est entrée au service de la société [U] Electricité le 1er décembre 1977 en qualité de secrétaire, puis a été promue à un poste de secrétaire de direction avant d'être 'licenciée' le 16 septembre 1983, correspondant à la date de son mariage avec M. [R] [U] son employeur.

Elle a été réembauchée le 1er mai 1986 en qualité de secrétaire, non-cadre, à temps partiel, puis à temps complet à compter de juillet 1988.

Les mentions de ses bulletins de salaire à partir de 1995 établissent qu'elle a bénéficié d'une reprise de son ancienneté antérieure au 1er mai 1986, par fixation du point de départ de celle-ci au 1er avril 1980 (cf bulletins de salaire à partir de 1998).

La société intimée qui a délivré un certificat de travail conforme à celle-ci, qui a signé le protocole de cession d'actions le 30 janvier 2006, après avoir été dûment informée par l'annexe 7 de celui-ci, de la liste du personnel de la société comportant les noms, emplois, ancienneté et rémunération des salariés repris, n'est pas fondée à remettre en cause l'ancienneté reconnue à Mme [U] pour minimiser le montant de l'indemnité de licenciement due à celle-ci.

Le fait que sa rémunération n'ait pas été assujettie aux cotisations d'assurance chômage du 1er janvier 1988 au 1er avril 2006 est insuffisant à lui conférer la qualité de mandataire social, entraînant la suspension de son contrat de travail.

L'appréciation par l'assedic de la qualité de mandataire social, exclusive du droit à l'assurance chômage ne lie pas la juridiction prud'homale.

En l'espèce Mme [U] a repris en 1986 l'emploi qu'elle occupait au sein de la société avant son mariage, à temps partiel puis à temps complet à partir de 1988.

Sa participation au capital de la société est toujours restée très minoritaire, passant de 10 actions à 325 actions sur un total de 5600 actions, à peine supérieure à celle de ses enfants.

Il ne peut donc être sérieusement soutenu qu'elle a exercé ses fonctions d'assistante de direction puis de responsable administrative et financière de 1988 à 2006 en dehors de tout lien de subordination à l'égard de son mari, détenteur de 86 % du capital social et Président directeur général de la société jusqu'à la cession.

Il convient en conséquence de calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d'une ancienneté du 1er avril 1980 au 22 juillet 2009, soit 29 ans et 4 mois soit :

- 3057,30 € x 1/5ème x 7 ans = 4280,22 €

- 3057,30 € x 3/5ème x 22,33 ans = 40961,70 €

---------

45241,92 €

+ majoration 20 % 9048,38 €

---------

TOTAL 54290,30 €

Ce total n'excède pas le plafond de 18 mois (55031,40 €).

La société ayant versé 3310,85 €, il reste dû :

54290,30 € - 3310,85 € = 50979,45 €

En considération de son âge et de son ancienneté dans l'entreprise et du montant de sa rémunération, il y a lieu de faire droit à ses demandes de dommages-intérêts dans la limite de 20000 € au titre du caractère illicite de son licenciement et de 10000 € en réparation du harcèlement moral dont elle a été victime pendant plusieurs mois.

Sur les autres demandes au titre des congés payés et chèques cadeaux

En vertu des dispositions légales et conventionnelles applicables et de l'article 7 de son contrat de travail Mme [U] bénéficiait au titre des congés payés de :

- 25 jours ouvrés (congé légal),

- 5 jours supplémentaires (6ème semaine),

- 3 jours d'ancienneté (statut cadre, article 14 CCN)

soit au total 33 jours ouvrés par an.

Elle prétend qu'elle n'a pas été remplie de ses droits à la date de la rupture, et qu'il lui était dû 4022,76 € correspondant à un solde non pris de 28,5 jours, alors qu'elle n'a perçu que 2727,20 € d'où un solde dû de 1295,56 €.

L'examen de ses bulletins de salaire fait apparaître qu'à la date de la notification de son licenciement, Mme [U] n'avait pris que 26,5 jours ouvrés sur les 33 jours auxquels elle avait droit au titre de la période de référence 2007-2008.

Il lui restait donc à prendre 6,5 jours ouvrés.

Au titre de la période de référence 2008-2009, sur la base de 33 jours ouvrés par an correspondant à 2,75 jours par mois, elle a acquis du 1er juin 2008 au 23 janvier 2009 un total de 22 jours.

Il lui restait donc dû une indemnité compensatrice correspondant à un total de 28,5 jours ouvrés soit :

3057,30 €/21,66 j x 28,5 j = 4022,76 €

d'où un solde dû de :

4022,76 € - 2727,20 € = 1295,56 €

Sa demande apparaît donc fondée et il convient d'y faire droit.

S'agissant de l'indemnité réclamée au titre des chèques-cadeaux remis à chaque salarié pour Noël, la société intimée confirme qu'elle a commandé pour Noël 2008, 27 carnets de chèques-cadeaux pour ses salariés dont un destiné à Mme [U], mais que celle-ci ne l'ayant pas réceptionné , un avoir a été établi à son profit par la société Cadhoc.

Mme [U] qui était en arrêt-maladie, soutient qu'elle n'a pas été informée de la mise à disposition des chèques la concernant.

Il incombait à l'employeur de lui adresser directement par courrier cet avantage, destiné à être utilisé au moment des fêtes de fin d'année, sans attendre la date de son retour.

Son abstention revêt un caractère discriminatoire, et a nécessairement causé un préjudice à la salariée.

Il sera également fait droit à sa demande sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles de la société intimée

La dénonciation par Mme [U] des agissements de harcèlement moral dont elle a été victime s'étant révélée fondée, la demande de dommages-intérêts pour accusations mensongères et calomnieuses ne peut prospérer.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société [U]-[J] qui succombe sur l'appel supportera les dépens ainsi que les frais irrépétibles exposés par l'appelante dans la limite de 1500 €.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit Mme [P] [U] recevable et fondée en son appel ;

Infirme le jugement rendu le 16 décembre 2011 par le conseil de prud'hommes de Belfort, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur l'ensemble du litige :

Dit que le licenciement de Mme [P] [U] pour inaptitude médicale est consécutif au harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son employeur,

Prononce la nullité dudit licenciement,

Condamne la société [U]-[J] Electricité à payer à Mme [P] [U] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2009 :

- vingt mille cent soixante dix-huit euros et dix-huit centimes (20178,18 €) brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,

- cinquante mille neuf cent soixante dix-neuf euros et quarante cinq centimes (50979,45 €) à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- mille deux cent quatre vingt quinze euros et cinquante six centimes (1295,56 €) brut à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

- cent trente euros (130 €) à titre d'indemnité pour non-remise de chèques cadeaux fin 2008.

Condamne également la société [U]-[J] Electricité à payer à Mme [P] [U] les sommes de :

- vingt mille euros (20000 €) à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

- dix mille euros (10000 €) à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- mille cinq cents euros (1500 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes principales et reconventionnelles ;

Condamne la société [U]-[J] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trois mai deux mille treize et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre, et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00255
Date de la décision : 03/05/2013

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°12/00255 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-03;12.00255 ?
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