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30/11/2012 | FRANCE | N°12/01338

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 novembre 2012, 12/01338


ARRET N°

JD/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2012



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 31 août 2012

N° de rôle : 12/01338



S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de DOLE

en date du 18 janvier 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[W] [Z]

C/


S.A.R.L. SOCIETE KARA

INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [W] [Z], demeurant [Adresse 1]



APPELANT



REPRESENTE par Me Philippe RENAUD, ...

ARRET N°

JD/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2012

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 31 août 2012

N° de rôle : 12/01338

S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de DOLE

en date du 18 janvier 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[W] [Z]

C/

S.A.R.L. SOCIETE KARA

INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [W] [Z], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

REPRESENTE par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau de PARIS

ET :

S.A.R.L. SOCIETE KARA, ayant son siège social [Adresse 2] ' comparante en la personne de Monsieur [O] [H], gérant

INTIMEE

ASSISTEE par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON

INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE, ayant son siège social [Adresse 6]

PARTIE INTERVENANTE

NON COMPARANTE - NON REPRESENTEE

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 31 Août 2012 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 19 octobre 2012 et prorogé au 30 novembre 2012 par mise à disposition au greffe.

**************

M. [W] [Z], embauché selon contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 1er janvier 2003 en qualité de voyageur, représentant ou placier (VRP) multicartes par la société Kara, société à responsabilité limitée dont le siège social est situé à [Localité 3] (39) et dont l'activité consiste principalement dans la création de collections de montures optiques et solaires commercialisées ensuite par une force de vente composée de VRP multicartes, a été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 30 juillet 2008, après convocation le 4 juillet 2008 à un entretien préalable fixé le 15 juillet suivant , les griefs énoncés étant une baisse de ses prises de commandes, le non-respect des conditions commerciales, la rétention de marchandises et la commercialisation de manière cachée et indirecte des produits de la société Vista design (marque Locco).

M. [W] [Z] avait auparavant, avec quatre autre salariés, M. [S] [V], M. [W] [P], M. [U] [T] et M. [L] [A], adressé une lettre recommandée à M. [O] [H], gérant de la société Kara, pour solliciter la régularisation à fin avril 2008 de toutes les montures non livrées prises en commande depuis le silmo 2007 (salon international de l'optique lunetterie), s'agissant de la seule rémunération et de la couverture des frais de déplacement déjà engagés, et ce après avoir constaté un écart important entre les prises de commandes livrables et les commandes livrées et facturées depuis plusieurs années mais surtout depuis début novembre 2007 sur tous les secteurs, (environ 40 %) et après avoir appris que le gérant avait jugé bon d'annuler certains reliquats de commandes sans prévenir les VRP.

Cette lettre a été suivie d'une lettre recommandée datée du 19 mai 2008 adressée au gérant de la société Kara par le conseil des cinq VRP confirmant leur demande de régularisation des commissions en procédant au règlement immédiat des sommes au titre des six derniers mois (de novembre 2007 à avril 2008), avant d'envisager dans un second temps les modalités de régularisation de l'ensemble des commissions non perçues par chacun.

Le gérant de la société Kara a répondu le 22 mai 2008 au conseil des cinq VRP précités en communiquant un résumé de l'analyse des chiffres pour chacun des salariés (prises de commande, factures, reliquats), en précisant qu'il comptait honorer les reliquats des commandes des clients, en mettant en cause l'attitude des salariés dont la position entravait le devenir de l'entreprise et en ajoutant qu'il était dans l'incapacité d'anticiper de nouveaux approvisionnements et le développement de nouveaux produits.

Par nouvelle lettre recommandée du 7 juillet 2008 adressée au conseil des salariés concernés par la réclamation, le gérant de la société Kara a informé celui-ci qu'il envoyait ce jour à Messieurs [Z], [P], [T] et [A] les commissions sur les commandes en reliquats de la période du 1er novembre 2007 au 29 février 2008, ajoutant qu'ils ne percevront pas de nouvelles commissions sur la facturation de ces commandes en reliquats pour cette période dès lors qu'elles seront livrées et facturées et qu'en ce qui concerne les commandes en reliquats depuis le 1er mars, il était entendu que depuis cette date, chacun d'entre eux avait été informé régulièrement depuis la semaine 9 des produits disponibles et indisponibles sur stock et que dès lors ils s'exposaient à une annulation des soldes de commandes prises sur les produits indisponibles. Concernant M. [V] , qui avait été licencié le 16 juin 2008 , le gérant précisait au conseil des salariés qu'il adressait à l'intéressé les commissions dues sur l'ensemble des commandes restant à livrer.

M. [W] [Z], qui avait avant son licenciement reçu un avertissement le 26 juin 2008 pour non-respect des conditions commerciales, a saisi le 7 octobre 2008, par requête de son avocat, le conseil de prud'hommes de Dole en paiement de diverses sommes dont un rappel de commissions et des congés payés afférents, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de clientèle, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage en date du 18 janvier 2011, le conseil de prud'hommes de Dole a débouté M. [W] [Z] de son rappel de commissions, a dit que le licenciement de celui-ci reposait sur des agissements constitutifs d'une faute grave, a débouté le salarié de ses demandes d'indemnité de clientèle, de licenciement et de préavis et a condamné le demandeur à payer à la société Kara la somme de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant les commissions, le conseil de prud'hommes a considéré qu'en application de la clause contractuelle, "le salarié ne peut percevoir de commissions sur des commandes qui n'ont pas été acceptées expressément ou tacitement par la société ou qui n'ont pas été payées, sauf si ce défaut d'encaissement résulte d'un fait volontaire de la société", le droit à commissions étant ainsi conditionné notamment à l'encaissement des commandes sauf pour le salarié à démontrer que l'absence d'encaissement résulte d'une faute de l'employeur, une telle preuve n'étant pas rapportée par M. [W] [Z].

Concernant le licenciement, le conseil de prud'hommes a considéré que le salarié avait signé le 6 février 2008 un contrat de représentation avec la société Vista design en vue de vendre les montures de lunettes de la marque Locco, sans solliciter au préalable l'autorisation de la société Kara comme son contrat de travail l'y obligeait, que ces produits étaient concurrentiels de ceux fabriqués par la société Kara et qu'en acceptant sans l'autorisation préalable de représenter une maison fabriquant des produits concurrents, M. [Z] avait commis une faute grave privative des indemnités de clientèle, de licenciement et de préavis.

M. [W] [Z] a régulièrement interjeté appel du jugement par lettre recommandée de son avocat postée le 4 février 2011.

L'affaire, fixée à l'audience de la chambre sociale du 29 novembre 2011, a dû être radiée, faute de diligences de la part de l'appelant.

Après remise au rôle le 8 juin 2012 à la requête du conseil de la société Kara, l'affaire a été fixée à l'audience du 31 août 2012, étant précisé que les cinq autres procédures concernant la société Kara ont été fixées à la même audience.

M. [W] [Z], par conclusions reçues au greffe le 29 août 2012 et reprises oralement à l'audience par son avocat, demande à la cour notamment d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Kara à lui verser les sommes suivantes :

- 28'314 € à titre de rappel de commissions,

- 2 831,40 € à titre de congés payés sur rappel de commissions,

- 12'413,21 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 241,32 € à titre de congés payés sur préavis,

- 24'826,43 € à titre de retour sur échantillonnage,

- 1 241,32 € à titre de congés payés sur retour sur échantillonnage

et à défaut sur une période de trois mois 12'413,21 €,

- 104'250 € à titre d'indemnité de clientèle,

- 30'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

lesdites sommes avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts à compter du 8 octobre 2008,

- 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 8 juin 2012, reprises et complétées oralement à l'audience par son avocat, la société Kara demande à la cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dole le 18 janvier 2011, de dire que le licenciement de M. [W] [Z] repose sur des agissements constitutifs d'une faute grave, de dire que l'intéressé a perçu l'intégralité du commissionnement à lui revenir à hauteur de 15 % sur le chiffre d'affaires réalisé, déduction faite des annulations et des avoirs, de débouter M. [W] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de le condamner à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Concernant la demande nouvelle portant sur le retour sur échantillonnage, elle déclare à l'audience s'y opposer.

Il convient de se référer aux conclusions susvisées pour l'exposé succinct des moyens des parties.

SUR CE, LA COUR

Attendu que M. [W] [Z] ayant été débouté de l'ensemble de ses demandes par jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dole statuant en formation de départage le 18 janvier 2011 et ayant repris ses demandes en modifiant toutefois les sommes réclamées et en y ajoutant des demandes au titre des commissions sur retour d'échantillonnage, il convient d'examiner celles-ci en commençant, comme l'ont fait les premiers juges, par la demande de rappel de commissions qui a été faite pour la première fois par lettre recommandée datée du 7 avril 2008 et signée par cinq voyageurs, représentants ou placiers, à savoir M. [W] [Z], M. [W] [P], M. [U] [T], M. [S] [V] et M. [L] [A], étant rappelé ci-dessus que les quatre premiers ont été ensuite licenciés pour faute grave et que le dernier a pris acte de la rupture de son contrat de travail en décembre 2008 aux torts de l'employeur, ainsi que précisé par l'appelant dans ses conclusions , ce dernier ajoutant qu'un autre VRP, M. [B] [N], a également été licencié et ce, en août 2008, le premier à être licencié étant M. [S] [V] par courrier du 16 juin 2008 ;

Sur le rappel de commissions

Attendu que la société Kara rappelle au préalable qu'à aucun moment, M. [W] [Z] n'avait formulé quelque demande que ce soit en se plaignant de ne pas percevoir l'intégralité de ses commissions et que la première demande en ce sens date du 7 avril 2008 et émane, de manière étrangement incidente, de cinq VRP dont M. [W] [Z] et M. [S] [V] auquel un avertissement venait d'être notifié le 14 mars 2008 au motif qu'il avait accepté la représentation d'une nouvelle carte sans solliciter ni obtenir l'accord préalable de son employeur, ce dernier précisant avoir appris incidemment début mars 2008, au cours d'un entretien téléphonique avec un client qui s'était trompé d'interlocuteur, que M. [V] vendait des montures d'une marque concurrente (produits Locco ) sans avoir sollicité ni obtenu son accord ;

Attendu que les parties divergent sur la règle applicable en matière de paiement des commissions, cette règle étant énoncée ainsi dans le contrat de travail écrit signé par M. [W] [Z] avec effet à compter du 1er janvier 2003 :

'Article IX- Rémunération

En rémunération de son travail, M. [W] [Z] recevra une commission de 15 %. Ce taux de commission pourra varier suivant les conditions commerciales accordées à certains clients. Il s'appliquera à toutes les commandes directes ou indirectes émanant de la clientèle de M. [W] [Z] sur le rayon géographique défini à l'article V ci-dessus.

Étant précisé que:

° l'assiette des commissions est le montant hors taxes des factures .

° le représentant ne pourra prétendre à aucune commission sur les commandes non acceptées par la société, dont le silence dans les 10 jours de la réception de la commande vaut confirmation de celle-ci, ou non payées par les clients, dès lors que le défaut d'encaissement ne résultera pas du fait volontaire de la société.

° les commissions seront payées dans les 15 premiers jours de chaque trimestre civil sur bordereau comprenant toutes les facturations encaissées par la société le trimestre précédent';

Attendu que M. [W] [Z] soutient que le taux de commissions à hauteur de 15 % doit s'appliquer sur toutes les commandes, et non pas sur les seuls produits livrés et facturés, l'exigibilité de la commission naissant de la commande et non pas de la livraison ou de la facturation, contrairement à ce qu'a affirmé le conseil de prud'hommes, la facture n'étant pas le facteur déclenchant de l'exigibilité de la commission mais n'étant qu'un mode de détermination du montant en ce sens que c'est le montant hors taxes de la facture qui constitue l'assiette de la commission ; que la particularité de ce contrat est de fixer comme règle absolue la non exigibilité de la commission dès lors que l'employeur refuse la commande, pour en réduire le principe au moyen de deux conditions suspensives essentielles; que la première condition (à l'annulation du pouvoir de l'employeur de refuser la commande et de ne pas payer la commission) est la suivante: « dont le silence dans les 10 jours de la réception de la commande vaut confirmation de celle-ci ... », c'est-à-dire que le contrat, sans que le créancier de la commission ait quoi que ce soit à faire ou prouver, impose un automatisme qui est de nature à renverser la proposition principale, savoir que si la société Kara ne réagit pas, à réception de la commande et dans un délai de 10 jours, et seulement pour la « non accepter » (donc la refuser), cela entraîne de droit le paiement de la commission au profit du VRP, quoi que fasse l'employeur par la suite ; que l'autre condition fixée par le contrat est celle qui envisage le défaut de paiement par le client ; que dans ce cas, les parties sont convenues qu'un défaut d'encaissement devait conduire à un non-paiement de la commission, mais seulement dans le cas où: «... Ou non payées par les clients, dès lors que le défaut d'encaissement ne résultera pas du fait volontaire de la société » ; que « le fait volontaire » mentionné, c'est celui qui résulterait pour la société de ne pas tenir compte du contrat passé avec le client, c'est-à-dire que la commande ayant été acceptée au terme du délai de 10 jours, le contrat commercial est formé sur l'objet et le prix, et dès lors l'employeur doit s'obliger à livrer la commande qu'il n'a pas refusée, et il s'oblige également à la facturer de telle sorte que le représentant puisse être payé de sa commission au taux convenu ; qu'à l'inverse, si l'entreprise, soit par passivité, soit par malice, soit par déloyauté, ne respecte pas le contrat commercial vis-à-vis du client, c'est-à-dire lorsqu'elle commet une faute contractuelle, alors elle doit, malgré tout, payer au représentant l'intégralité de la commission, peu important que l'employeur n'ait pas traité la commande ni facturé celle-ci ; qu'ainsi, lorsque l'employeur ne traite pas une commande ni ne la facture, c'est à lui de démontrer, et non pas au représentant, qu'il n'a pas été en mesure de livrer et facturer pour un fait indépendant de sa volonté ; qu'à aucun moment, la société Kara n'a justifié de ce qu'elle aurait été amenée, par des faits indépendants de sa volonté, à ne pas pouvoir livrer un client, bien que la charge de la preuve lui incombe ; qu'il est clair, pour M. [W] [Z], qu'au plan contractuel, l'employeur doit la commission à son représentant, au taux de 15 %, dès que la commande transmise (en direct et indirect) n'a pas fait l'objet d'une non acceptation (refus explicite) dans le délai de 10 jours de sa réception, et sauf le cas où un événement extérieur dû soit au fait du prince, soit insurmontable et imprévisible, soit à la faute d'un tiers à la relation contractuelle, aurait entraîné un défaut de livraison et par voie de conséquence un défaut de facturation ;

Que l'appelant en conclut que non seulement la preuve par l'employeur d'un fait insurmontable et imprévisible ayant entraîné l'impossibilité de livrer la chose vendue grâce à l'intervention du représentant n'a pas été rapportée, mais surtout que l'employeur, sans motif valable, a cherché à raboter les commandes passées pour, soit les annuler en tout ou partie, soit les transformer en avoirs, au préjudice des représentants, alors même que la commande n'avait pas fait l'objet d'un refus dans le délai de 10 jours, étant relevé qu'à aucun moment, la société Kara n'a notifié au représentant sa volonté de refuser la commande ou plus précisément de la « non accepter » ; qu'il en est résulté, selon l'appelant, que la société Kara, par violation du contrat de travail, ne voulant commissionner que ce qui avait été facturé et non pas commandé, a réduit artificiellement, sans l'accord du représentant, la valeur de ses commissions ;

Attendu que la société Kara soutient que le mode de rémunération d'un représentant statutaire est déterminé librement lors de la conclusion du contrat, que le contrat de travail régularisé entre les parties est limpide, qu'il n'est contesté par aucune des parties que la rémunération du représentant était constituée exclusivement d'une commission dont le montant était de 15 % sur le montant hors taxes réalisé sur son secteur, qu'en l'absence d'accord ou d'usage contraire, la commission est due dès lors que la commande est ferme et définitive, c'est-à-dire prise par le client et transmise à l'employeur, en dehors de toute faute de l'intéressé, que les parties peuvent parfaitement aménager ce principe, notamment par des clauses de commandes acceptées ou de ventes menées à bonne fin, que la clause prévue à l'article IX a été respectée, que s'il est vrai que la faute de l'employeur ne peut avoir d'incidence sur le droit à commission, la société Kara justifie que le représentant disposait de l'intégralité des moyens dont il avait besoin pour mener ses commandes à bonne fin, qu'elle l'a toujours informé quotidiennement par téléphone des produits arrêtés, indisponibles et des nouveautés, que les tarifs étaient communiqués régulièrement au représentant et réactualisés à chaque lancement de nouveautés et que depuis le mois de février 2008, l'information verbale a été complétée par une information écrite extrêmement complète et détaillée, qu'elle a rappelé à ses commerciaux à de multiples reprises la nécessité de se conformer aux conditions générales de vente, que si elle avait commis des manquements qui empêchaient de livrer les clients et donc de générer une commission au profit du représentant, celui-ci aurait réagi sans attendre, que le représentant n'a pas tenu compte de l'article VI du contrat de travail stipulant qu'il est tenu d'agir en conformité absolue avec les directives de la société et d'appliquer les méthodes commerciales qui lui seront indiquées, le représentant ayant notamment pris des commandes sur des produits qu'il savait indisponibles, s'étant dispensé de pratiquer des tarifs actualisés qui lui étaient régulièrement transmis ,et n'appliquant pas les consignes en matière de reprise ;

Attendu que les critiques formées par [W] [Z] quant à l'interprétation donnée par la société Kara de la clause prévue à l'article IX du contrat de travail signé entre les parties ne sont que partiellement contestées par ladite société qui admet que la faute de l'employeur ne peut avoir d'incidence sur le droit à commission et qui conclut à l'absence de faute de sa part, documents à l'appui, rapportant ainsi, selon elle , la preuve qu'elle a respecté la clause du contrat concernant la rémunération, aucun rappel de commission n'étant dès lors dû à l'appelant ; qu'elle conteste en revanche son interprétation concernant l'automaticité du paiement des commissions lorsqu'elle n'a pas réagi à réception de la commande dans un délai de 10 jours pour ne pas accepter la commande ;

Attendu qu'il résulte de la clause précitée que la commande passée par le client génère le droit commission, et donc son exigibilité, et que le montant hors taxes de la facturation constitue l'assiette des commissions, le taux de commissionnement étant de 15 % sur cette facturation ;

Que de même, il résulte de cette clause que le représentant ne peut prétendre à aucune commission sur des commandes non acceptées par la société ou qui n'ont pas été payées, sauf si ce défaut d'encaissement résulte d'un fait volontaire de la société, étant relevé que même si la société a accepté la commande en gardant le silence pendant le délai de 10 jours à la réception de celle-ci, ce qui vaut confirmation de celle-ci selon ladite clause, cela n'implique pas pour autant que la commission soit due automatiquement, la commission ne pouvant en effet être basée que sur la facturation ; que la clause doit donc être interprétée en ce sens que seul le fait volontaire de la société est de nature à entraîner le paiement de la commission à défaut de facturation , comme en cas de factures impayées ;

Que les documents produits aux débats permettent de vérifier que le représentant recevait chaque mois un relevé de facturation justifiant le commissionnement payé détaillant les factures, les avoirs, la date de la commande, le numéro de la commande, les références du client, la quantité de pièces livrées, le chiffre d'affaires réalisé, le montant de la commission qui en résulte ;

Que M. [W] [Z], embauché par la société Kara en qualité de VRP multicartes à compter du 1er janvier 2003 ne justifie d'aucune contestation sur le paiement des commissions avant l'envoi à son employeur, avec quatre autres représentants, d'une lettre recommandée datée du 7 avril 2008 demandant la régularisation à fin avril 2008 de toutes les montures non livrées prises en commandes depuis le salon international de l'optique lunetterie Silmo 2007, alors qu'il disposait auparavant de tous les documents lui permettant de contester le montant des commissions perçues, étant rappelé que cette première contestation fait suite à un avertissement qui avait été notifié à l'un des cinq signataires de la lettre, M. [V], pour la prise d'une seconde carte, ainsi que précisé dans ladite lettre ;

Que la société Kara conteste les allégations de l'appelant selon lesquelles les retards ou l'absence de livraison des produits commandés lui était imputables et justifie qu'elle a respecté ses engagements ainsi que cela résulte notamment de l'attestation de M. [E] [X], en date du 20 octobre 2009, celui-ci faisant état de ce que depuis six ans, il travaillait comme représentant chez Kara pour le secteur Est de la France et qu'il avait toujours été informé sur les disponibilités du stock ainsi que sur les sorties de collection afin de pouvoir prendre ses commandes au plus juste grâce à ces informations ;

Qu'elle produit également aux débats sept notes internes entre 2004 et mai 2007 rappelant de manière détaillée aux représentants les conditions commerciales de vente, notamment quant aux reprises et aux différents produits, rappelant qu'elle ne faisait pas de remise et faisant état le cas échéant de dérapages sur les conditions accordées ;

Qu'elle produit en outre un dernier rappel des conditions générales de vente lors d'une réunion organisée à [Localité 4] en décembre 2007, et ce avant tout contentieux, ce rappel portant sur les mentions à porter sur les commandes, sur les modalités de règlement, sur le tarif de ventes et les conditions de livraison, sur le service après-vente et la garantie, sur le rappel des conditions particulières de vente (notamment pas de gratuité si reprise, et 13e gratuite pour 12 achetées si pas de reprise, pas de chèque cadeau pour les nouveaux comptes clients ou les clients n'ayant pas commandé dans une période de six mois), sur les conditions de reprise, sur le barème décôte pour les reprises ;

Que la société Kara justifie , d'autre part, avoir adressé à M. [W] [Z], avant tout litige, deux courriers en date des 23 octobre 2007 et 2 avril 2008 mettant en exergue le non respect par celui-ci des consignes, ainsi qu'un avertissement notifié le 26 juin 2008 pour non-respect des conditions commerciales, étant relevé que l'intéressé a contesté par écrit cet avertissement le 28 juillet suivant ;

Attendu que la société Kara produit enfin aux débats la liste des commandes prises par l'appelant de 2004 à 2008, la liste des avoirs générés par celui-ci pendant la même période, ainsi que le relevé des factures et des commissions perçues par l'appelant de 2004 à 2008 ;

Que les critiques formées par l'appelant concernant ces documents ne sont pas fondées et que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes déboutant M. [W] [Z] de sa demande de rappel de commissions sera confirmé, la société Kara ayant respecté la clause contractuelle relative à la rémunération, étant relevé que si l'interprétation a posé problème, l'application de cette clause n'avait toutefois fait aucune difficulté jusqu'à ce qu'un avertissement soit notifié à l'un des salariés signataires de la lettre du 7 avril 2008 précitée, et n'a d'ailleurs pas fait difficulté pour l'un des représentants qui n'a pas souhaité se joindre à ses collègues dans ce contentieux ;

Sur le licenciement

Attendu qu'en cas de licenciement pour faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la charge de la preuve des faits gravement fautifs énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige, incombe à l'employeur ;

Que M. [W] [Z] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 30 juillet 2008, après convocation le 4 juillet 2008 à un entretien préalable fixé le 15 juillet suivant, pour un non-respect des clauses du contrat, une baisse sérieuse d'activité, un non-respect des conditions commerciales, une rétention de produits, une concurrence déloyale et un détournement de l'équipe commerciale ;

Que le conseil de prud'hommes a considéré que le salarié avait commis une faute grave en retenant le grief relatif à la commercialisation de produits concurrentiels de ceux fabriqués par la société Kara sans l'autorisation préalable de celle-ci ;

Que l'appelant conteste cette décision de même qu'il conteste avoir reconnu quoi que ce soit lors de l'entretien préalable, précisant dans ses conclusions d'appel qu'il n'a jamais tourné pour le compte de Locco avant d'être licencié ;

Attendu cependant que dans ses conclusions de première instance, M. [W] [Z] n'a pas contesté qu'il avait pris la carte de la société Vista design (marque Locco) au début de l'année 2008, et ce pour pallier le non-respect des engagements contractuels par la société Kara qui ne procédait pas au versement des commissions dues sur les produits commandés, l'ancien conseil du salarié soutenant que ces produits Locco n'entraient pas en concurrence avec les produits Kara dans la mesure où ils ne se situaient pas dans la même gamme commerciale ;

Que le conseil de prud'hommes a clairement rappelé qu'en application de l'article L. 7313-6 du code du travail, lorsque le contrat de travail ne prévoit pas l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier de représenter des entreprises ou produits déterminés, il comporte, à moins que les parties n'y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur ;

Attendu que le fait pour un représentant d'avoir pris en cours de contrat une nouvelle carte sans avoir obtenu l'accord préalable de l'employeur est constitutif d'une faute ;

Que M. [W] [Z] peut difficilement revenir devant la cour sur les déclarations qu'il avait faites en première instance concernant la prise de carte de la société Vista design au début de l'année 2008, et ce sans autorisation préalable de la société Kara, alors que son contrat de travail reprenait la disposition légale précitée, le juge départiteur ayant relevé que M. [W] [Z] avait signé le 6 février 2008 un contrat de représentation avec la société Vista design en vue de vendre les montures de lunettes de la marque Locco sans solliciter au préalable l'autorisation de la société Kara ;

Que les documents produits aux débats permettent de retenir que les collections commercialisées par la société Kara sous le nom de Yokko et celles commercialisées par l'autre société sous le nom Locco étaient concurrentielles, les arguments de l'appelant concernant la différence de prix entre les deux collections n'étant pas pertinents, ainsi que l'a retenu le juge départiteur, et que l'appelant ne pouvait pas signer un tel contrat de représentation sans avoir recueilli préalablement l'autorisation préalable de la société Kara ;

Que si cette dernière se doutait que depuis un certain temps, l'appelant commercialisait, sur la France, de manière cachée et indirecte les produits de la société Locco Brillen design,elle n'a pu cependant réellement rechercher des éléments de nature à étayer ce manquement que le 9 mai 2008, date à laquelle elle a reçu la commande d'une monture Locco de la part d'un opticien qui avait manifestement opéré une confusion entre les deux sociétés, étant rappelé que la convocation du salarié à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement date du 4 juillet 2008 et que l'employeur n'a eu de certitude quant à ce manquement que lors de l'entretien préalable ; qu'elle ajoute qu'elle n'a découvert que dans les conclusions de première instance que M. [W] [Z] s'était également engagé en juillet 2003 avec la société Cazal, sans solliciter son accord ;

Attendu, concernant les autres griefs ,que si l'avertissement du 26 juin 2008 sanctionne un non-respect des conditions commerciales, ce fait ne pouvant être sanctionné une nouvelle fois, il résulte cependant des pièces communiquées aux débats que le grief relatif à la baisse catastrophique de 61,13 % de prises de commandes pour la période de mai à juin 2008 par rapport à la même période en 2007, la comparaison n'ayant pu se faire qu'après l'avertissement, est établi et révèle un manquement du salarié, qui n'a pas loyalement respecté ses obligations contractuelles, même s'il est vrai que depuis le mois d'avril 2008, il était en conflit avec son employeur et avait déjà commencé à commercialiser d'autres produits ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [W] [Z] reposait sur des agissements constitutifs d'une faute grave et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité de clientèle, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

Sur la demande relative aux commissions sur retour d'échantillonnage

Que cette demande, formée pour la première fois en cause d'appel par le nouveau conseil de l'appelant , est parfaitement recevable, la demande en paiement correspondant, selon l'appelant, aux factures qui ont été adressées à l'entreprise après la rupture du contrat de travail, mais générées par les visites du représentant avant la rupture ;

Que l'appelant soutient que les commissions sur retour d'échantillonnage sont dues, même en cas de faute grave, pour tous les ordres pris avant la notification du licenciement, de telle sorte que s'il n'y avait pas lieu au paiement de l'indemnité de préavis, les commissions sur retour d'échantillonnage seraient dues, selon les usages dans l'optique lunetterie, à hauteur de six mois, soit la somme de 24'126,43 € outre les congés payés afférents ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 7313-11 du code du travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, quelles que soient la cause et la date de la rupture du contrat de travail, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat ;

Que sauf clause contractuelle plus favorable au voyageur, représentant ou placier, le droit à commissions est apprécié en fonction de la durée normale consacrée par les usages ;

Que la société Kara se contente de s'opposer à cette demande en relevant que l'appelant avait été remplacé dans son secteur, et qu'il n'établit pas un délai d'usage de 6 mois, un tel usage étant de 3 mois sans paiement toutefois de l'intégralité de la rémunération ;

Attendu que le contrat de travail stipule qu'en cas de cessation du contrat, M. [W] [Z] percevra les commissions prévues à l'article IX sur les affaires qui seront la suite directe de son travail ;

Que l'appelant ne communique aucun élément permettant de retenir un délai de six mois comme délai en usage dans l'optique lunetterie, alors que dans de nombreuses branches professionnelles, ce délai est de trois mois;

Qu'il sera donc fait droit à la demande de l'appelant dans la limite de trois mois, les sommes dues s'élevant à 8434,71 € brut au titre des commissions, et à 843,47 € brut au titre des congés payés afférents, et ce sur la base du montant total de la rémunération soumise à charges sociales au cours de l'année en 2007, tel que calculé par le salarié lui-même dans ses conclusions de première instance, à savoir 33'738,83 € , avant toute réintégration des commissions réclamées, lesquelles ne sont pas dues, étant relevé que la base retenue par l'appelant intègre les commissions réclamées;

Attendu que la saisine du conseil de prud'hommes était justifiée ne fût-ce que pour pouvoir présenter cette dernière demande, même si tel n'a pas été le cas en première instance;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qui concerne les dépens et la condamnation du salarié sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Kara qui devra verser en outre une indemnité de 1200 € à l'appelant sur le fondement des dispositions de l'article précité ;

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement de départage rendu le 18 janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de Dole entre les parties sauf en ce qui concerne les dépens et l'indemnité allouée à la société Kara sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant, condamne la société Kara à payer à M. [W] [Z] les sommes suivantes:

- huit mille quatre cent trente quatre euros et soixante et onze centimes (8 434,71 €) brut à titre de commissions sur retour d'échantillonnage ;

- huit cent quarante trois euros et quarante sept centimes (843,47 €) brut à titre de congés payés afférents ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit à compter des conclusions déposées le 29 août 2012, avec capitalisation des intérêts à compter de cette demande en justice ;

Condamne en outre la société Kara à payer à M. [W] [Z] la somme de mille deux cents euros (1 200 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [W] [Z] de ses autres demandes ;

Déboute la société Kara de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Kara aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente novembre deux mille douze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01338
Date de la décision : 30/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-30;12.01338 ?
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