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19/04/2011 | FRANCE | N°10/01012

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 19 avril 2011, 10/01012


ARRET N°

JD/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 19 AVRIL 2011



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 08 mars 2011

N° de rôle : 10/01012



S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BESANCON

en date du 15 mars 2010

Code affaire : 89B

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute i

nexcusable





S.N.C. SOCIETE EIFFAGE CONSTRUCTION ALSACE FRANCHE-COMTE

C/

[G] [S]

SOCIETE SUP INTERIM

MUTUELLE BAYARD PREVOYANCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALA...

ARRET N°

JD/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 19 AVRIL 2011

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 08 mars 2011

N° de rôle : 10/01012

S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BESANCON

en date du 15 mars 2010

Code affaire : 89B

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

S.N.C. SOCIETE EIFFAGE CONSTRUCTION ALSACE FRANCHE-COMTE

C/

[G] [S]

SOCIETE SUP INTERIM

MUTUELLE BAYARD PREVOYANCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS

PARTIES EN CAUSE :

S.N.C. SOCIETE EIFFAGE CONSTRUCTION ALSACE FRANCHE-COMTE, ayant son siège social [Adresse 1]

APPELANTE

REPRESENTEE par Me Dany KRETZ, avocat au barreau de STRASBOURG

ET :

Monsieur [G] [S], demeurant [Adresse 4]

REPRESENTE par Me Jérôme PICHOFF, avocat au barreau de BESANCON

SOCIETE SUP INTERIM, ayant son siège social [Adresse 3]

REPRESENTEE par Me Catherine ROUSSELOT, avocate au barreau de BESANCON

L'institution Reunica prévoyance, venant aux droits de la MUTUELLE BAYARD PREVOYANCE, ayant son siège social [Adresse 6]

REPRESENTEE par Me Jérôme VIAL, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS, ayant son siège social [Adresse 5]

REPRESENTEE par Madame [R] [N], responsable du service contentieux, selon pouvoir général et permanent

INTIMES

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 08 Mars 2011 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mme M. ANDRE

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 19 Avril 2011 par mise à disposition au greffe.

**************

La société Eiffage construction Alsace Franche-Comté a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 15 mars 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon qui a notamment :

- constaté l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu le 23 février 2006 au préjudice de M. [G] [S],

- condamné la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté à garantir la société Sup interim des sommes dues par celle-ci à la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon dans la suite de l'accident du travail, et ce dans la limite de la moitié de la majoration de rente et autres indemnisations complémentaires qui ont été ou seront payées par la caisse à la victime,

- majoré la rente servie à M. [S] en la portant au maximum prévu à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,

- accordé à M. [S] une provision de 2 000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices complémentaires qui sera payée par la caisse, à charge pour elle d'en obtenir le remboursement auprès de l'employeur,

- ordonné une expertise médicale conformément à l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale, et désigné à cet effet le Dr [J] avec mission d'évaluer les souffrances physiques et morales et le préjudice esthétique et de donner son avis sur le préjudice d'agrément et la perte de chance de promotion professionnelle éventuellement allégués par M. [S],

- condamné solidairement les sociétés Sup interim et Eiffage construction Alsace Franche-Comté à payer à M. [S] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal, dans les motifs de sa décision, avait constaté que la société mutuelle Bayard, mise en cause sur demande verbale formulée par le conseil du requérant à l'audience du 7 septembre 2009, n'avait pas comparu, bien que régulièrement avisée et qu'aucune demande n'était formulée contre elle.

M. [G] [S], né le [Date naissance 2] 1948, a été victime d'un accident du travail le 23 février 2006 alors que, salarié intérimaire de la société Sup interim, il avait été mis à disposition de la Sns Saintot, aux droits de laquelle vient la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté, et ce en qualité de maçon finisseur.

M. [S] a chuté du deuxième étage d'un immeuble en construction sur le chantier du bâtiment [Adresse 8], à [Localité 7], les garde-corps ayant cédé. Il a perçu des indemnités journalières au titre de la législation professionnelle du 24 février 2006 au 5 octobre 2007 puis du 25 octobre 2010 au 31 janvier 2011, date à laquelle a été fixée la consolidation, le taux d'incapacité permanente étant en cours d'évaluation.

Dès le 17 novembre 2006, M. [S] avait sollicité la mise en oeuvre de la procédure de conciliation en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur .

La tentative de conciliation ayant échoué, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon a donc été saisi par la victime le 22 février 2008 et a fait droit à la demande de celle-ci sur le fondement de la présomption de faute inexcusable résultant de l'absence de formation renforcée de sécurité dispensée au travailleur intérimaire affecté à un poste à risques, en application de l'article L. 4154-3 du code du travail.

Par conclusions du 29 octobre 2010 reprises oralement à l'audience par son avocat, la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, à titre principal de dire que l'accident dont a été victime M. [S] n'est pas dû à la faute inexcusable de la concluante, et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 2 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident, de dire que la responsabilité et les conséquences financières en découlant doivent être partagées entre la concluante et la société Sup interim.

Par conclusions du 10 janvier 2011 reprises oralement à l'audience par son avocat, la société Sup interim demande également à la cour de débouter M. [S] de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, le requérant ne bénéficiant pas de la présomption de faute inexcusable et ne démontrant pas l'existence de celle-ci.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en raison du préjudice personnel subi par la victime et des augmentations de cotisations sociales résultant de l'accident.

À titre infiniment subsidiaire elle demande à la cour de constater que la responsabilité de la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté est prépondérante et que celle-ci ne peut être inférieure à 80 %, la société utilisatrice devant en outre être condamnée à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 23 décembre 2010 reprises oralement à l'audience par son avocat, M. [G] [S] demande à la cour , à titre principal de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire de dire que la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté a manqué à son obligation de sécurité et a commis une faute inexcusable, cause de l'accident du concluant.

Il demande d'autre part à la cour de modifier la mission d'expertise médicale, de condamner solidairement la société Sup interim et la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté à lui verser une indemnité provisionnelle de 2 000 € à valoir sur son préjudice définitif, de déclarer la décision opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs et de condamner les deux sociétés à lui verser une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 15 février 2011 reprises oralement à l'audience par Madame [R] [N], responsable du service contentieux, la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs demande à la cour de lui donner acte de son intervention, de statuer ce que de droit sur la demande de M. [S] et, dans le cas où la faute inexcusable serait confirmée, de condamner la société Sup interim au remboursement du capital de la majoration de rente qui sera servie à la victime ainsi que celui de l'ensemble des préjudices alloués.

L'institution Reunica prévoyance, venant aux droits de la mutuelle Bayard prévoyance par voie de fusion absorption, par conclusions du 8 mars 2011 reprises oralement à l'audience par son avocat, demande à la cour de la mettre hors de cause, le litige sur le caractère inexcusable de la faute de l'employeur n'ayant aucune incidence sur le versement de l'indemnité à la victime par la concluante qui a versé à celle-ci les indemnité complémentaire auxquelles elle pouvait prétendre en application de l'accord de branche du travail temporaire.

SUR CE, LA COUR

Sur la faute inexcusable

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation revêt le caractère de la faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Que d'autre part en application de l'article L. 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2 ;

Que ce dernier article dispose que les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptée dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés ; que la liste de ces postes est établie par l'employeur, après avis du médecin du travail et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou à défaut de délégués du personnel, s'il en existe ; qu'elle est tenue à la disposition de l'inspecteur du travail ;

Qu'en l'espèce, l'existence d'une faute inexcusable de la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté à l'origine de l'accident du travail survenue le 23 février 2006 au préjudice de M. [G] [S] a été retenue par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon sur le fondement de l'article L 4154-3 du code du travail, le tribunal ayant en effet considéré que le poste de travail auquel était affecté le salarié, employé intérimaire mis à sa disposition en qualité de maçon finisseur par la société Sup interim, présentait un risque particulier au sens de l'article précité ,dès lors que le salarié travaillait dans les étages du bâtiment en construction, qu'il était ainsi exposé aux risques propres aux travaux en hauteur et que ce risque s'était déjà réalisé dans le passé à l'occasion d'un premier accident du travail survenu alors qu'il occupait le même poste, les société défenderesses ne prétendant pas que la formation de sécurité renforcée ait été dispensée au requérant ;

Attendu toutefois que même s'il est vrai que l'accident du travail est survenu alors que M. [S] effectuait des travaux au deuxième étage d'un bâtiment en chantier situé à [Localité 7], [Adresse 8], il ne résulte cependant pas des pièces du dossier que le poste sur lequel il était affecté ait présenté des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité de nature à entraîner une formation renforcée à la sécurité et devant figurer sur la liste des postes établie par l'employeur en application de l'article L. 4154-2 du code du travail ;

Qu'en effet, la société Saintot a demandé à la société Sup interim de mettre à sa disposition un salarié intérimaire pour la période du 20 février au 24 février 2006 en vue d'une reprise de finitions et de manutentions diverses, ces tâches étant mentionnées dans le contrat de mission temporaire avec les mentions ' port du casque et des chaussures de sécurité obligatoire', la case figurant à côté de la mention 'ce poste figure -t-il sur la liste des postes à risques de l'utilisateur'' n'étant pas cochée ;

Que le poste occupé par M. [S] ne présentait donc pas a priori de risques particuliers pour la sécurité de l'intéressé qui au demeurant était habitué à travailler sur ce chantier pour le compte de la société Saintot, puisqu'il avait déjà été employé en qualité de maçon finisseur à plusieurs reprises depuis le 1er septembre 2005 et qu'il avait même été victime d'un accident du travail à la fin de l'année 2005, l'intéressé étant tombé d'un échafaudage ;

Que si la présomption de faute inexcusable ne peut être retenue, la preuve de la faute inexcusable de l'employeur est cependant établie par M. [S] qui, le 23 février 2006, a fait une chute d'une hauteur d'environ 7 métres alors qu'il se trouvait sur le balcon d'un appartement situé au deuxième étage où il travaillait et qui aurait dû être parfaitement sécurisé, ce qui n'a pas été le cas, les enquêteurs de police ayant constaté que les protections situées sur le balcon avaient cédé et se trouvaient au sol, de même qu'un seau de ciment;

Que les enquêteurs de police ont en effet constaté que :

- les balcons du bâtiment sont tous munis de barrières de protection similaires d'une hauteur approximative de 1 ou 1,10 m, que le balcon d'où l'employé a vraisemblablement chuté mesure environ 5 m de long et que sur sa largeur se trouve posés des étais à l'horizontale en attente d'être utilisés ;

- trois morceaux de tubes coulés dans la dalle du balcon précité sont positionnés sur un espacement d'environ 2,50 m ; ces tubes en tuyau PVC servent apparemment à recevoir des piquets en métal (appelés semble-t-il des potelets) au nombre de trois lors de la chute de la victime ; ces potelets servent à maintenir quatre tubes métalliques en travers (appelés semble-t-il des tubulures) qui constituent une barrière de sécurité ;

- ces potelets et ces quatre tubulures sont au sol à proximité du lieu où a été trouvé M. [S] ; il semblerait que l'un des tubes coulés dans la dalle située le plus à gauche en regardant vers l'extérieur du bâtiment présente une petite esquille pointue de 2 cm, ce qui pourrait correspondre à une cassure relativement nette suite à un choc ; il s'agit d'une matière plastique genre PVC de couleur grise ; les deux autres tubes fixés dans la dalle semblent intacts, ce qui peut laisser supposer que les potelets ont pu être déboîtés ;

- le balcon mesure environ 5 m de long par 2 m 30 de profond ; il est protégé du vide par, sur sa longueur, quatre potelets métalliques entourant des attentes métalliques scellées dans l'épaisseur de la dalle ; les trois potelets font environ 1,50 m de haut et entre chaque potelet, deux tubes métalliques placés à l'horizontale situés respectivement à 45 et 90 cm de hauteur par rapport au sol constituent les garde- corps empêchant la chute ;

- le casque de la victime gisait à ses côtés au moment de sa découverte ainsi qu'un seau de béton, entre les poutres sur lesquelles il a été retrouvé et la tête de la victime ;

Attendu que M. [P] [E] , chef de chantier dans l'entreprise Saintot, a déclaré aux enquêteurs le 23 février 2006 qu'il était prévu que M. [S] travaille au deuxième étage à des travaux de finissage dans un appartement situé à une dizaine de mètres de l'endroit où il est tombé, qu'au niveau du départ de sa chute, il se trouvait un balcon qui était protégé par des potelets de sécurité avec des tubes de sécurité métalliques placés horizontalement, que ce dispositif était bien fait et très solide, que les potelets étaient enfoncés d'une dizaine de centimètres environ dans le béton du sol des balcons et qu' en les poussant simplement, ils ne pouvaient théoriquement pas tomber ;

Que toutefois M. [C] [Z],, responsable des équipes de plâtriers sur le chantier, a déclaré aux enquêteurs le 23 février 2006 qu'il savait que lorsque des livraisons arrivaient sur le chantier, les équipes concernées démontaient la sécurité pour faciliter l'accès aux étages, mais les remettaient aussitôt, les déchargements terminés ;

Que M. [W] [V], responsable du secteur, entendu par les enquêteurs le 20 mars 2006, a déclaré qu'une des explications qu'il avait eues était que les garde- corps avaient pu être mal emboîtés dans les attentes fixées dans la dalle du balcon d'où est tombé M. [S]; qu'il a précisé que l'inspectrice du travail , présente sur les lieux, avait questionné le chef de chantier sur les modalités de déchargement et de distribution des matériaux dans les étages et qu'il arrivait que les ouvriers s'en chargent manuellement ou démontent le garde- corps pour hisser ce qu'ils veulent à l'étage désiré par un système de poulies ou de cordes, puis qu'ils remettent les garde- corps dès le déchargement terminé ;

Que M. [S], entendu par les enquêteurs de police le 30 mars 2006, a déclaré qu'il ne se souvenait pas des circonstances de l'accident, qu'il organisait son travail comme il l'entendait et avait pour tâche de faire la finition de raccords de béton, piquages et préparation pour la peinture pour le deuxième étage au complet, qu'il pouvait se déplacer comme il voulait sur l'étage au complet et pouvait aller sur le balcon pour faire les finitions ou pour vider son seau par-dessus le garde -corps ;

Que la seule explication qu'il pouvait donner était que le garde -corps n'était pas bien fixé par les potelets, précisant qu'auparavant il avait remarqué que certains garde- corps présentaient un jeu trop important par rapport à leur mode de fixation qui ne devait pas laisser un jeu si important et qu'il avait calé quelques potelets avec un petit morceau de bois enfoncé au marteau entre la base du potelet et la réservation fixée dans la dalle du balcon, ajoutant qu'il n'avait pas vérifié les potelets sur le balcon du deuxième étage;

Attendu qu'il résulte de ces constatations et déclarations que les garde- corps, qui devaient répondre aux conditions de sécurité prévues à l'article R. 4323-59 du code du travail, lequel stipule notamment que la prévention des chutes de hauteur à partir d'un plan de travail est assurée: 1° soit par des garde- corps intégrées ou fixés de manière sûre, rigides et d'une résistance appropriée, placés à une hauteur comprise entre 1 m et 1,10 m et comportant au moins une plinthe de butée de 10 à 15 cm en fonction de la hauteur retenue pour les garde-corps, une main courante et une lisse intermédiaire à mi- hauteur, n'étaient pas de nature à assurer la sécurité à laquelle le salarié pouvait prétendre et ce en raison précisément d'une pratique tolérée sur le chantier visant à retirer régulièrement les garde- corps pour faciliter le transport de matériel à l'étage, ce qui a contribué à fragiliser ce système de protection, les potelets, mal calés, s'étant ainsi déboîtés ainsi que l'ont constaté les enquêteurs ;

Que la société Saintot, représentée sur le chantier, a toléré cette pratique et avait ou aurait dû avoir conscience du danger créé par celle-ci et n'a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver M. [S] dont la chute du balcon n'a pu être évitée par le garde- corps dont l'installation s'est avérée défectueuse ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a reconnu l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu le 23 février 2006 au préjudice de M. [S] ;

Sur la majoration de la rente

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a majoré la rente servie à M. [S] en la portant au maximum prévu à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, étant rappelé que lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale ;

Sur la garantie due par l'entreprise utilisatrice

Attendu, ainsi que l'a rappelé le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon, qu'en matière de travail intérimaire l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale dispose que, pour l'application des articles L.452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur ; que ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable ;

Que la société Sup interim dispose donc d'une action en remboursement contre la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté sur laquelle pèse la charge définitive du paiement des indemnités dont la victime est créancière dès lors que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'entreprise de travail temporaire, employeur juridique, n'a commis aucun manquement à ses obligations et a mis à la disposition de l'entreprise utilisatrice un salarié expérimenté pour le poste de maçon finisseur demandé à propos d'un poste présenté comme sans risque particulier ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qui concerne la garantie et que la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté devra garantir la société Sup interim de toutes condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige relatif à la faute inexcusable ;

Sur l'intervention de la caisse primaire d'assurance maladie

Attendu qu'en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration est payée par la caisse qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse régionale d'assurance maladie sur la proposition de la caisse primaire, en accord avec l'employeur, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale compétente ;

Que d'autre part , en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices personnels visés à cet article est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a d'ores et déjà dit, d'une part, que la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs devra payer à M. [S] la provision de 2 000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices complémentaires, à charge pour elle d'en obtenir le remboursement auprès de l'employeur, d'autre part, que la société Sup interim était tenue envers la caisse primaire au remboursement de la majoration de la rente et des autres indemnisations complémentaires qui ont été ou seront payées par la caisse à M. [S] ;

Que le jugement ayant été rendu le 15 mars 2010 et donc avant la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 en date du 18 juin 2010 aux termes de laquelle il a été expressément reconnu aux salariés victimes la possibilité de réclamer réparation de l'ensemble des dommages mêmes non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, la question du paiement par la caisse primaire à la victime des indemnisations autres que celles expressément visées à l'article L. 452-3 n'a pas été évoquée par le tribunal qui aura à se prononcer le cas échéant sur cette question lors de la liquidation du préjudice de la victime après expertise, si de tels préjudices sont établis ;

Que toutefois, pour éviter tout retard et pour permettre à l'expert de donner son avis sur tous les chefs de préjudice susceptibles d'être invoqués devant le tribunal, il sera fait droit à la demande de modification de la mission d'expertise présentée par M. [S] ;

Sur la mise en cause de l'organisme de prévoyance

Attendu que l'institution Reunica prévoyance, venant aux droits de la mutuelle Bayard prévoyance, a versé à M. [S] la somme de 4 014, 89 € représentant l'intégralité des droits auxquels il pouvait bénéficier en application des dispositions du titre III de l'accord signé le 23 janvier 2002 par les partenaires sociaux et concernant les salariés de travail temporaire victimes d'un accident de travail ;

Que cet accord n'est pas régi par le droit de la sécurité sociale ni par le droit des assurances mais relève du droit civil ainsi que le rappelle l'institution Reunica prévoyance, qui sera dès lors mise hors de cause, étant relevé qu'aucune partie n'a formé de demande à son égard ;

Sur les autres demandes

Que le jugement sera confirmé en ce qui concerne l'indemnité provisionnelle de 2 000 € allouée à M. [S] ainsi qu'en ce qui concerne la somme de 1 000 € allouée à la victime sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à condamner la société Sup interim à payer cette somme, cette dernière pouvant en obtenir ensuite le remboursement auprès de l'entreprise utilisatrice ;

Qu'une nouvelle indemnité de 1 000 € sera allouée à M. [S] au titre de ses frais irrépétibles d'appel, cette indemnité étant due par la société Sup interim à charge pour elle d'en obtenir le remboursement auprès de la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté ;

Que cette dernière société devra en outre verser une indemnité de 800 € à la société Sup interim au titre de ses frais irrépétibles exposés pour l'appel en garantie ;

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l' avis audience adressé à la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale,

Confirme, par substitution de motifs, le jugement rendu le 15 mars 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon entre les parties sauf en ce qu'il a retenu une limite de moitié quant à la garantie due par l'entreprise utilisatrice à l'égard de l'entreprise de travail temporaire, sauf en ce qui concerne la condamnation solidaire au paiement des frais irrépétibles et sauf à étendre la mission d'expertise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté devra garantir la société Sup interim de toutes condamnations qui sont ou seront prononcées à son encontre dans le cadre du litige relatif à la faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu le 23 février 2006 au préjudice de M. [G] [S] ;

Constate que le jugement rendu le 15 mars 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon est antérieur à la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 du 18 juin 2010 et relative à la possibilité pour les victimes de réclamer réparation de l'ensemble des dommages mêmes non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale en présence d'une faute inexcusable de l'employeur ;

Dit qu'il appartiendra au tribunal de se prononcer, au vu de l'expertise, sur le paiement éventuel à la victime par la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs des sommes non visées expressément à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à charge ensuite pour la caisse d'en obtenir le remboursement par l'employeur juridique ;

Complète d'ors et déjà la mission d'expertise donnée par le tribunal à l'expert M. [J] :

- déterminer les préjudices patrimoniaux temporaires et les préjudices patrimoniaux permanents avant et après consolidation, telle que retenue dans le cadre de l'accident du travail ;

- déterminer les préjudices extra patrimoniaux temporaires avant consolidation en indiquant :

* le déficit fonctionnel temporaire ;

* les souffrances endurées tant physiques que psychologiques ainsi que les troubles associés ;

* le préjudice esthétique temporaire ;

- déterminer les préjudices extra patrimoniaux permanents après consolidation en indiquant :

* le préjudice fonctionnel permanent ;

* le préjudice d'agrément ;

* le préjudice esthétique permanent ;

Dit que le présent arrêt sera notamment notifié à l'expert, dont le rapport devra être transmis au tribunal, en exécution du jugement confirmé sur le principe de l'expertise ;

Condamne la société Sup interim à payer à M. [G] [S] une indemnité de mille euros (1 000 €) au titre de ses frais irrépétibles de première instance et une indemnité de mille euros (1 000 €) au titre de ses frais irrépétibles d'appel, à charge pour ladite société d'en obtenir le remboursement auprès de la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté ;

Condamne la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté à payer à la société Sup interim une indemnité de huit cents euros (800 €) au titre de ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'appel en garantie ;

Met hors de cause l'institution Reunica prévoyance, venant aux droits de la mutuelle Bayard prévoyance.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix neuf avril deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01012
Date de la décision : 19/04/2011

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°10/01012 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-19;10.01012 ?
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