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01/03/2011 | FRANCE | N°10/01299

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 01 mars 2011, 10/01299


ARRET N°

HB/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET du 1er MARS 2011



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 07 décembre 2010

N° de rôle : 10/01299



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LURE

en date du 19 avril 2010

Code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires





[T] [Y]

C/

SARL TRANSPORTS CLOT









PARTIES EN

CAUSE :





Monsieur [T] [Y], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Yves NINNOLI, avocat au barreau de LURE







ET :



SARL TRANSPORTS CLOT, ayant son siège social, [Adresse 2]





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ARRET N°

HB/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET du 1er MARS 2011

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 07 décembre 2010

N° de rôle : 10/01299

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LURE

en date du 19 avril 2010

Code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires

[T] [Y]

C/

SARL TRANSPORTS CLOT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [T] [Y], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Yves NINNOLI, avocat au barreau de LURE

ET :

SARL TRANSPORTS CLOT, ayant son siège social, [Adresse 2]

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Marie-Josèphe LASSUS-PHILIPPE, avocat au barreau de VESOUL

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 07 Décembre 2010 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 1er février 2011 et prorogé au 1er mars 2011 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Embauché à compter du 20 décembre 2004 par la SARL Transports Clot en qualité de conducteur routier, Mr [T] [Y] a démissionné de son emploi à effet du 31 janvier 2007.

Le 29 septembre 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lure d'une demande en paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, outre dommages et intérêts pour résistance abusive et indemnité de procédure.

Par jugement en date du 19 avril 2010, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.

Régulièrement appelant de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2010, il demande à la cour d'infirmer celui-ci et de condamner la SARL Transports Clot à lui verser les sommes suivantes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires :

* 2 819,25 € pour la période de janvier à novembre 2005

* 3 259,66 € pour la période de décembre 2005 à novembre 2006

* 1 085,91 € pour la période de décembre 2006 et janvier 2007

Il sollicite en outre :

- 2 170 € à titre de paiement de 35 jours de repos compensateurs

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'employeur

- 1 800 € au titre des frais de lecture de disques et frais postaux

La SARL Transports Clot conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement déféré.

Elle sollicite reconventionnellement la condamnation de Mr [Y] :

- à lui restituer sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir les carnets qu'il verse aux débats

- à lui payer une somme de 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

La cour entend se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions écrites visées au greffe respectivement le 18 novembre 2010 (Mr [Y]) et le 6 décembre 2010 (SARL Transports Clot), reprises intégralement à l'audience par leur conseil.

MOTIFS DE LA DECISION

Le contrat de travail de Mr [Y] stipule en son article 5 :

La rémunération est fixée comme suit :

- les heures de travail effectif seront rémunérées sur la base horaire de la SMPG telle qu'elle résulte de l'accord du 7 novembre 1997 majoré le cas échéant, des heures supplémentaires effectuées

- la rémunération est fixée à un salaire mensuel brut de 1 764,09 €

- le calcul des heures de travail effectif devant s'effectuer à l'appui des disques de chronotachygraphe, Mr [Y] s'engage à remettre à l'entreprise, en bon ordre, les disques dont l'utilité n'est pas nécessaire à bord du véhicule.

Le salaire mensuel professionnel garanti (SMPG) résultant de l'accord du 7

novembre 1997 étendu, est calculé sur la base de 200 heures par mois pour les ouvriers roulants 'grands routiers' ou 'longue distance'.

Il n'englobe pas les indemnités conventionnelles dues au titre du travail des jours fériés, des dimanches et de nuit.

Les heures supplémentaires effectuées au delà de 200 heures par mois doivent être rémunérées en sus, étant rappelé que les majorations de 25 % et de 50 % sont dues en application du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 :

- de la 36e à la 43e heure par semaine - majoration de 25 %

- au-delà de 43 heures par semaine : majoration de 50 %

La durée du temps de service des personnels roulants 'grands routiers' ou 'longue distance' étant fixée à 43 heures par semaine (dont 8 heures majorées à 25 %), les heures supplémentaires effectuées au delà de 43 heures par semaine, (186 heures par mois ou 559 heures par trimestre) ouvrent droit à un repos compensateur trimestriel obligatoire dont la durée est égale à :

- 1 jour à partir de la 41ème heure et jusqu'à la 79ème heure supplémentaire effectuée par trimestre

- 1,5 jours à partir de la 80ème heure jusqu'à la 108ème heure supplémentaire effectuée par trimestre

- 2,5 jours au-delà de la 108ème heure effectuée par trimestre

Il est constant en l'espèce que Mr [Y] effectuait des transports 'longue distance' et relevait donc des dispositions réglementaires et conventionnelles sus-visées.

L'examen de ses bulletins de salaire sur la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2007 correspondant à 25 mois au total, fait apparaître que pour 18 mois les temps de service mentionnés sont très inférieurs à 200 heures par mois, entraînant de ce fait le paiement d'une indemnité différentielle et que pour 7 mois seulement (avril, mai, juin, juillet, septembre, octobre, novembre 2006) le temps de service indiqué est supérieur à 200 heures par mois et a donné lieu au paiement d'heures supplémentaires au taux de 50 %.

L'employeur soutient pour s'opposer aux prétentions de Mr [Y] que les bulletins de salaire ont été régulièrement établis à partir de l'analyse des disques chronotachygraphes remis par ce dernier au moyen du logiciel SOLID homologué par l'inspection du travail.

Mr [Y] soutient pour sa part sans être contredit qu'il n'a jamais eu communication pendant la durée d'exécution de son contrat de travail des informations relatives au décompte mensuel de la durée des temps de conduite et des temps de service autres que la conduite, qui doit figurer sur un document annexé au bulletin de salaire, en application des dispositions du paragraphe 6 de l'article 10 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 modifié.

De fait, la société intimée n'a communiqué les résultats d'analyse de l'activité mensuelle de Mr [Y] effectués par elle au moyen du logiciel SOLID qu'à hauteur de cour, aucune mention de ceux-ci ne figurant dans ses écritures de première instance.

Elle n'a en fait daigné communiquer ceux-ci que pour mettre en doute les résultats de l'analyse des disques chronotachygraphes à laquelle Mr [Y] s'est trouvé contraint de procéder à ses frais, aux fins d'étayer sa demande, intégralement rejetée en première instance, en dépit de la carence de l'employeur à justifier des horaires effectués par le salarié.

La société intimée n'avait évidemment aucun intérêt à produire les résultats d'analyse des disques en sa possession, lesquels ne pouvaient que conforter les réclamations du salarié.

La comparaison de ceux-ci mois par mois avec les bulletins de salaires fait apparaître en effet des différences importantes entre les temps de service résultant de l'addition des temps de conduite, temps de travail et temps de mise à disposition, figurant sur les résultats et ceux figurant sur les bulletins de salaire de Mr [Y], l'employeur ayant minoré systématiquement les temps de service résultant de l'analyse par le logiciel, quitte à verser une indemnité différentielle, et ce dans le but manifeste d'éviter tout paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateur.

Ainsi pour l'année 2005, contrairement aux mentions des bulletins de salaires indiquant des temps de service très inférieurs à 200 heures par mois, les temps de service sont la plupart du temps supérieurs à 200 heures (8 mois sur 12 en 2005).

Pour l'année 2006, les documents produits par l'employeur correspondent aux énonciations des bulletins de salaire, mais ne constituent pas les résultats d'analyse logicielle jour par jour, mais des récapitulatifs établis par l'employeur sur une base hebdomadaire, lesquels, confrontés aux résultats d'analyse effectués à la demande du salarié, font apparaître une minoration importante par l'employeur des temps autres que les temps de conduite, à savoir les temps de travail et de mise à disposition.

La société Transports Clot qui n'a apparemment jamais fait grief au salarié d'une manipulation erronée ou abusive du sélecteur d'enregistrement des temps, ni fourni aucune explication à celui-ci de nature à justifier la réduction unilatérale des temps de travail et de mise à disposition, ne saurait utilement se prévaloir d'une jurisprudence récente de la cour de cassation en date du 7 avril 2010, aux termes de laquelle les temps d'attente pendant lesquels le salarié n'est pas appelé à participer aux opérations de déchargement et de chargement et ne se trouve pas à la disposition de l'employeur et tenu de se conformer à ses directives, ne constituent pas un temps de travail effectif.

Cette analyse ne peut trouver application en l'espèce que dans la mesure où l'employeur est en mesure de fournir, en fonction des plannings de travail du salarié, des éléments de fait susceptibles d'accréditer le bien-fondé de la réduction de la durée des temps de travail et des temps de mise à disposition résultant de l'analyse des disques de conduite.

Il n'est pas davantage fondé, eu égard à la carence probatoire dont il a fait preuve en première instance, et à nouveau devant la cour, à mettre en doute la valeur probante de l'analyse des disques de conduite à laquelle le salarié a été contraint de procéder.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires de Mr [Y], dont le décompte produit aux débats ne peut être sérieusement contesté.

Le décompte des repos compensateurs apparaît en revanche erroné, en ce qu'il prend en compte les heures d'équivalence, alors que seules peuvent donner lieu à l'octroi de repos compensateurs les heures effectuées au-delà de 559 heures par trimestre et seulement à partir de la 41ème heure.

L'examen des documents produits ne permet pas de faire droit à sa demande.

La demande de dommages et intérêts pour résistance dolosive n'apparaît pas davantage justifiée, dans la mesure où l'employeur a communiqué à Mr [Y] les copies des disques chronotachygraphes dès que celui-ci en a fait la demande, lui permettant d'en solliciter l'analyse et d'étayer sa demande devant les premiers juges.

Il peut seulement prétendre aux intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit à compter du 2 octobre 2008.

Il convient d'ordonner à Mr [Y] de restituer à l'employeur les carnets en sa possession, sans qu'il y ait lieu en l'état d'assortir cette injonction d'une astreinte.

La société Transports Clot qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mr [Y] les frais non compris dans les dépens, tels que les frais d'analyse des disques et les honoraires d'avocat qu'il a exposés dans l'instance.

Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 1 000 €.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l'appel recevable et fondé,

Infirme le jugement rendu le 19 avril 2010 par le conseil de prud'hommes de Lure,

Statuant à nouveau :

Condamne la SARL Transports Clot à payer à Mr [T] [Y] la somme de sept mille cent soixante quatre euros et quatre vingt deux centimes (7 164,82 €) brut à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires effectuées du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2007, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice du 2 octobre 2008,

Ordonne à Mr [T] [Y] de restituer à ladite société les carnets à souches en sa possession dans le délai d'un mois de la notification du présent arrêt,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Transports Clot aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Mr [T] [Y] une indemnité de mille euros (1 000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le premier mars deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01299
Date de la décision : 01/03/2011

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°10/01299 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-01;10.01299 ?
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