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18/02/2010 | FRANCE | N°09/01287

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 18 février 2010, 09/01287


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD'HOMMES

GROSSES le 18 FEVRIER 2010 à

Me Michel-Louis COURCELLES

Me Sonia MALLET-GIRY

COPIES le 18 FEVRIER 2010 à

SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER

[X] [U]

ARRÊT du : 18 FÉVRIER 2010



N° : 110/10 - N° RG : 09/01287



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes de TOURS en date du 14 Avril 2009 - Section : COMMERCE



ENTRE



APPELANTE :



SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER
r>[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Madame [R] [B] (délégué du personnel train de TOURS), assistée de Maître Michel-Louis COURCELLES, avocat au barreau d'OR...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD'HOMMES

GROSSES le 18 FEVRIER 2010 à

Me Michel-Louis COURCELLES

Me Sonia MALLET-GIRY

COPIES le 18 FEVRIER 2010 à

SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER

[X] [U]

ARRÊT du : 18 FÉVRIER 2010

N° : 110/10 - N° RG : 09/01287

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes de TOURS en date du 14 Avril 2009 - Section : COMMERCE

ENTRE

APPELANTE :

SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Madame [R] [B] (délégué du personnel train de TOURS), assistée de Maître Michel-Louis COURCELLES, avocat au barreau d'ORLÉANS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [X] [U]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Maître Sonia MALLET-GIRY, avocat au barreau d'ORLÉANS

Après débats et audition des parties à l'audience publique du 06 Janvier 2010

LA COUR COMPOSÉE DE :

Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre,

Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller,

Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mademoiselle Valérie LATOUCHE, Greffier,

Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 11 Février 2010 prorogé au 18 Février 2010, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Mademoiselle Valérie LATOUCHE, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

RÉSUMÉ DES FAITS et DE LA PROCÉDURE

Monsieur [X] [U] a intégré un poste d'agent d'exploitation de bureau à la SNCF à compter du 2 novembre 1982 puis il exercera les fonctions d'agent des trains voyageurs et d'agent commercial train.

Le 14 mars 1997, la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF a prononcé son placement dans la deuxième catégorie des invalides et le même jour cette société lui a notifié sa mise à la réforme pour invalidité ne résultant pas d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Il a contesté cette décision.

Le 28 novembre 1997, la SNCF a prononcé sa mise à la réforme pour invalidité ne résultant pas de ses fonctions et justifiant son reclassement en deuxième catégorie des invalides.

Il a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de la capacité d'ORLÉANS qui a jugé le 1er février 1998 qu'il présentait un état d'invalidité réduisant des deux tiers sa capacité de travail et ne permettant pas l'exercice d'une quelconque profession.

Sur rappel de celui-ci, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification a confirmé en toutes ses dispositions le jugement.

Il a formé un pourvoi en cassation et par arrêt de la haute cour du 11 mars 2003 l'arrêt du 19 octobre 2000 a été cassé et annulé en toutes ses dispositions.

Dans un second arrêt du 28 juin 2007 la cour nationale a considéré que Monsieur [U] était bien apte à exercer une activité à compter du 1er février 1998 et a, ainsi , annulé la décision de placement en invalidité deuxième catégorie.

C'est dans ces conditions qu'il a sollicité sa réintégration auprès de son employeur ainsi que l'indemnisation de son préjudice ce qu'a refusé la SNCF.

Le 15 juillet 2008, il a saisi le conseil des prud'hommes de TOURS, section commerce, d'une action contre la SNCF pour que sa mise à la réforme soit jugée nulle et de nul effet , et en conséquence

- qu'il soit réintégré au sein de la SNCF à compter du jugement avec reprise de son ancienneté à partir du 2 novembre 1982 et ce sans interruption

- que la SNCF soit condamnée à lui payer 130.830,71 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi

- à tout le moins que la mise à la réforme irrégulière remporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'ainsi la SNCF soit condamnée à lui payer une somme de100.830,71€, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement et avec exécution provisoire outre 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, la SNCF a conclu au débouté de toutes les demandes présentées par Monsieur [U] et à sa condamnation à lui verser une somme de 1.000 €, pour les frais non compris dans les dépens.

À titre subsidiaire, elle souhaitait que soient évaluées dans de plus justes proportions les indemnisations réclamées.

Par jugement du 14 avril 2009, le conseil des prud'hommes de TOURS a :

- dit la mise à la réforme nulle

- ordonné la réintégration de Monsieur [U] au sein de la SNCF à compter du 14 avril 2009 avec reprise de son ancienneté à compter du 2 novembre 1982

- condamné la SNCF à lui verser 130.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelé que l'exécution provisoire était de droit sur les créances salariales et fixée à 1.480 € bruts la base moyenne mensuelle de salaire

- ordonné l'exécution provisoire des créances excédant le plafond en application de l'article 515 du code de procédure civile, les intérêts majorés et capitalisés courant à compter de la saisine du conseil des prud'hommes le 15 juillet 2008

- Débouté la SNCF de sa demande et l'a condamnée aux dépens.

Le 24 avril 2009, cette société a interjeté appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

1°) Ceux de la SNCF appelante

Elle sollicite l'infirmation du jugement critiqué, le débouté de toutes les demandes de Monsieur [U] et

- n'y avoir lieu à réintégration par application de l'article L. 1235 - 11 alinéa 2 du code du travail du fait de la condamnation pénale de Monsieur [U]

- le remboursement immédiat de la somme de 30.000 €

- la condamnation de Monsieur [U] à lui verser 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

À titre subsidiaire

- que la réforme n'est pas nulle et le rejet de la demande de réintégration

- que la réforme n'est pas sans cause réelle et sérieuse

- le débouté de toutes les demandes de Monsieur [U] et sa condamnation à lui payer 1.000 € pour les frais de l'article 700 précité

À titre infiniment subsidiaire, à l'évaluation à de plus justes proportions des indemnisations réclamées par Monsieur [U], toute condamnation éventuelle devant être compensée par la provision versée et les condamnations pénales de Monsieur [U] non acquittées à la SNCF.

À titre principal, elle fait valoir qu'il existe une procédure ad hoc dont la mise à la réforme fait partie et qu'il a droit à une pension de réforme s'il remplit les conditions prévues par l'article huit du règlement des retraites.

Elle étudie les différents recours que peut exercer un agent et note que l'État d'invalidité est apprécié par le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie tandis que que l'inaptitude est appréciée par le médecin du travail.

Dans le cas d'espèce, l'annulation de la décision de classement en deuxième catégorie d'invalidité a pour seule conséquence de ne plus faire porter la pension de réforme de Monsieur [U] au niveau d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie.

Si la commission médicale a été saisie de son dossier c'est uniquement à la suite de sa contestation quant au motif de sa mise à la réforme et non à propos de la décision de réforme elle-même.

En ne s'inscrivant pas dans la contestation de la décision de la SNCF de sa mise à la réforme, il s'est privé d'une procédure particulièrement protectrice et n'est donc pas recevable à agir devant la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de la réforme. Ainsi est-il désormais forclos pour contester judiciairement le bien-fondé de sa mise à la réforme.

À titre subsidiaire, sur le caractère infondé de la nullité de la réforme il a seulement contesté son placement en deuxième catégorie d'invalides et elle estime que sa réintégration est impossible.

À titre infiniment subsidiaire sur le montant de l'indemnisation allouée, elle se réfère à la jurisprudence de la Cour de Cassation qui estime que le salarié qui demande sa réintégration à droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Monsieur [U] aurait perçu des salaires nets entre février 1998 et juin 2008 de 146.255,69 €montant dont doit être déduite une somme minimum de 85.045,10 €

correspondant au montant allégué et non justifié de la pension d'invalidité qu'il aurait perçu pendant cette même période. Ainsi le montant de son préjudice ne saurait excéder la somme maximale de 61.210,59 €.

.

Monsieur [U] n'apporte aucun élément de preuve de nature à permettre d'aller au-delà de l'année de l'indemnisation minimale de six mois de salaire. Son placement en invalidité deuxième catégorie ne l'a nullement empêché de retrouver un nouvel emploi puisque les notions d'invalidité et d'inaptitude restent indépendantes l'une de l'autre, la première relevant de la sécurité sociale , la seconde du droit du travail.

Il conviendra de donner acte à la SNCF de ce qu'elle a déjà versé une somme de 30.000 € en exécution du jugement contesté et de l'ordonnance de référé du premier président du 19 mai 2009.

Enfin, elle développe l'impossibilité de le réintégrer alors qu'il s'est rendu coupable postérieurement à la rupture , d'actes de concurrence déloyale envers son ancien employeur en sorte qu'il est déchu de ses droits en raison de sa faute.

Elle fait référence à de multiples infractions tarifaires et à des comportements agressifs envers les agents de contrôle de la SNCF. Il a reçu 80 procès-verbaux d'infraction entre 2003 et 2008 et a été condamné pour délit de fraude d'habitude par le tribunal correctionnel de TOURS le 20 octobre 1006.

2°) Ceux de Monsieur [U]

Il souhaite la confirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions

- la déclaration de nullité de sa mise à la réforme

- et en conséquence sa réintégration au sein de la SNCF à compter du prononcé de la décision du conseil des prud'hommes soit le 14 avril 2009 avec reprise de son ancienneté à compter du 2 novembre 1982 et ce sans interruption,

- la condamnation de cette société à lui payer la somme de 149.526,15 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice, outre la somme mensuelle de 1.500,46 € au titre du traitement de l'indemnité de résidence et de la prime de travail outre la prime de vacances la prime de fin d'année la gratification d'exploitation de janvier 2010 jusqu'à sa réintégration effective

- à tout le moins à la condamnation de la SNCF à lui payer 116.608,15 € à titre de dommages-intérêts outre la somme mensuelle de 1.461,24 € au titre du traitement de l'indemnité de résidence de la prime de travail de vacances de fin d'année et la gratification d'exploitation de mai 2009 puisqu'à l'arrêt intégration effectif

- subsidiairement, que la mise à la réforme irrégulière emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle sérieuse et que la SNCF soit condamnée à lui payer 155.489 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, les créances indemnitaires portantes intérêts au taux légal à compter de l'arrêt outre 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans un premier temps, il insiste sur la nullité de sa mise à la réforme ou à tout le moins , sur l'absence de cause réelle et sérieuse de celle-ci.

Elle fait valoir , en effet, que dès lors que la commission régionale d'invalidité reconnaît l'agent indemne de toute invalidité l'avis émis par la commission médicale de la SNCF se trouve privé de tout effet.

La cour nationale des incapacités a ainsi jugé que Monsieur [U] était indemne de toute invalidité au 1er février 1998 dès lors, la décision de mise à la réforme du 28 novembre 1997 pour invalidité apparaît nulle et de nul effet.

Dans tous les cas, il s'est strictement conformé aux voies de recours qui lui étaient notifiées par la SNCF dans sa notification de mise à la réforme alors que l'article 25 du règlement disposait que la notification devait comporter entre autres les voies et délais de recours ouverts à l'agent.

Ainsi il ne saurait lui être reproché de n'a pas avoir suivi de procédure dont il n'a jamais été avisé.

Il rappelle que la Cour de Cassation a clairement jugé que les décisions de mise à la réforme et d'invalidité n'étaient pas des décisions autonomes indépendantes l'une de l'autre.

Il s'ensuit que la décision de mise à la réforme était donc privée de cause et devra être nécessairement annulée.

Sur la réintégration, il développe sa thèse selon laquelle des lors que la mise à la réforme est nulle la réintégration est obligatoire sur demande du salarié sauf impossibilité matérielle et qu'en l'espèce la SNCF ne justifie pas être dans l'impossibilité absolue de le réintégrer sur son emploi ou un emploi équivalent.

Elle fait valoir que les condamnations alléguées ne caractérisent nullement un acte de concurrence déloyale qui selon la Cour de Cassation justifierait une impossibilité de réintégration alors que par ailleurs il a formé opposition à l'encontre de ce jugement par défaut et l'appel est en cours de délibéré. Par ailleurs, il aurait dû continuer à bénéficier de l'avantage reconnu aux agents SNCF en matière de transport et la SNCF ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude.

Sur les dommages-intérêts, il estime son préjudice matériel et moral considérable puisqu'il s'est vu priver de son emploi et de sa rémunération pendant 12 ans ne percevant une pension d'invalidité. Il désire qu'au salaire soient ajoutées les primes diverses qu'il percevait et au total estime que ces rémunérations auraient dû se monter à 240.500,37 € alors qu'il a perçu que 90.974,22 € pendant cette période, son préjudice restant à 149.526 €.

.

Il abandonne sa demande en réparation spécifique du préjudice moral.

À tout le moins, il estime qu'il a droit à des dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse sur la base de 155.489 € alors qu'il n'a pu retrouver d'emploi et qu'il a dû s'endetter pour subvenir à ses besoins alimentaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 17 avril 2009, en sorte que l'appel, régularisé le 24 avril suivant, dans le délai légal d'un mois, s'avère recevable en la forme.

1°) Sur la forclusion à constater sa mise à la réforme

Le 14 mars 1997, la division des ressources humaines de la direction de TOURS de la SNCF notifie à Monsieur [U] que « votre état de santé ne me permet pas de vous maintenir dans les cadres. En conséquence, je me vois dans l'obligation de vous mettre à la réforme pour invalidité ne résultant pas d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Cette décision prend effet à compter du 15 mai 1997.

Une pension de réforme SNCF...va être liquidée à votre profit pour 10.200 francs par trimestre...

Le taux de votre invalidité est au moins égal à 2/3, 2ème groupe.

Si vous n'acceptez votre mise à la réforme ou en invoquez le caractère professionnel ou si vous contestez le taux de votre invalidité ou le groupe d'invalides, je vous demande de le faire connaître à votre chef d'établissement dans un délai maximum de 15 jours en vue de votre comparution devant la commission médicale ou la commission de réforme. »

Le 20 mars 1997, par lettre recommandée avec avis de réception, Monsieur [U] saisit, comme il lui était suggéré, le directeur général de la SNCF de TOURS en soulignant qu'il n'est pas d'accord avec le motif invoqué pour sa mise à la réforme. « En effet, ma maladie est bien d'origine professionnelle ».

La cour doit analyser cette lettre comme un recours gracieux de la décision du 14 mars 2007.

En effet, les commissions « médicales » et de « réforme » vont être saisies, sans que la SNCF nous fournisse aux débats le moindre document médical puisque

le 28 novembre 2007, le même chef de la division des ressources humaines de TOURS lui notifie, « après délibération des commissions » médicale « et de réforme » « qu'il confirme votre mise à la réforme pour invalidité ne résultant pas de l'exercice de vos fonctions. Cette décision prendra effet à compter du1er février 1998 ».

Le taux d'invalidité, au moins égal à 2/3 est confirmé, ainsi que le 2ème groupe.

« Si vous n'étiez pas d'accord sur le taux d'invalidité ou le groupe d'invalides dans lequel vous êtes classé, vous pourriez former un recours devant le tribunal du contentieux de la sécurité sociale...Ce recours doit être adressé à la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales à ORLÉANS, avant l'expiration d'un délai de deux mois... ».

Dans la mesure où Monsieur [U] ne conteste ni le taux d'incapacité ni le groupe d'invalidité, il ne choisit pas d'exercer un recours devant le TASS d'ORLÉANS.

Cependant, il saisit, le 4 décembre 1997, le tribunal du contentieux de l'incapacité d'ORLÉANS qui, le 26 mai 1999, va « confirmer une décision du 28 novembre 1997 de la SNCF prononçant sa mise à la réforme et son classement dans la 2ème catégorie des invalides ».

Il convient de préciser que les parties n'ont pas cru devoir fournir aux débats cette décision du 26 mai 1999.

Le 28 juin 1999, Monsieur [U] régularise un appel devant la CNITAAT, qui siège à [Localité 6] et celle-ci confirme la décision du 26 mai 1999, en déclarant Monsieur [U] mal fondé, par arrêt du 19 octobre 2000.

Sur pourvoi de Monsieur [U], la cour de cassation le 11 mars 2003, casse et annule, en toutes ses dispositions, la décision rendue le 19 octobre 2000.

Sur envoi de la cour de cassation, un premier arrêt du 29 mars 2006 de la CNITAAT ordonne la désignation d'un expert psychiatre pour dire si l'intéressé présentait un état d'invalidité, réduisant au moins des deux tiers sa capacité de travail ou de gain et le rendant absolument incapable d'exercer une profession quelconque.

Par arrêt du 28 juin 2007, la CNITAAT a :

- entériné le rapport du docteur [G],

- et, déclarant l'appel formé par Monsieur [U], en partie bien fondé,

- infirme le jugement entrepris, reçoit partiellement l'appelant en ses demandes,

- constate qu'à la date du 1er février 1998, Monsieur [U] était capable d'exercer une activité rémunérée,

- annule, de fait, la décision de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF du 14 mars 2007.

Dès lors qu'aucun recours n'a été exercé par les parties de cet arrêt du 28 juin 2007, il s'impose à elles.

Il signifie que la mise à la réforme prononcée le 14 mars 1997, et partant, celle qui a suivi, le 28 novembre 1997, contestée devant le tribunal de contentieux de l'incapacité d'ORLÉANS, sont mises à néant.

La décision contenue dans les deux notifications précitées était identique : « mise à la réforme pour invalidité au moins égale à 2/3, 2ème groupe, ne résultant pas de l'exercice de vos fonctions ».

Tous les éléments de cette phrase sont ainsi anéantis, annulés.

Dès lors, Monsieur [U] se retrouve dans la situation où il était avant le 14 mars 1997, dans les fonctions effectives qu'il accomplissait au sein de la SNCF depuis le 2 novembre 1982.

Par ailleurs, la SNCF a inséré dans ses pièces le régime de sécurité sociale du personnel (assurances vieillesse et invalidité) intitulé PS 10D, du 1er octobre 1997 « applicable dès réception ».

Le chapitre 2 a trait aux procédures de reclassement et de mise à la réforme : le préambule déclare que « préalablement à l'engagement d'une procédure de réforme, les dispositions prévues ci-après en matière de reclassement devront être mises en oeuvre, en vue de rechercher pour l'agent un emploi compatible avec ses aptitudes. Cette recherche doit s'inscrire dans le cadre des clauses de l'accord sur l'emploi des travailleurs handicapés.

L'article 19 évoque le reclassement au sein de l'établissement « mesures à prendre, avec le CHSCT pour permettre le maintien en service de l'agent dans son poste...».

L'article 20 expose le reclassement au sein de l'entreprise... »le chef de la division des ressources humaines (celui-là même qui a signé les décisions des 14 mai et 28 novembre 2007) poursuit l'étude sur les possibilités de reclassement dans un autre poste de l'entreprise, après avoir demandé au médecin de région de réexaminer les aptitudes de l'agent, en liaison avec le médecin de l'établissement. Il tient compte des souhaits formulés par l'agent et de l'avis que le CHSCT...sera appelé si nécessaire...l'agent peut contester ces conclusions et propositions devant la commission médicale.

L'article 21 traite de la commission de reclassement instituée au sein de chaque région qui doit faire effectuer un bilan de reclassement-réorientation de l'agent...

L'article 22 : suites données : le chef de la division des ressources humaines fait effectuer et évalue les essais de reclassement...

Cependant la SNCF n'a nullement justifié de l'accomplissement de toutes ces diligences qui s'avéraient obligatoires (cf le préambule : devront être mises en oeuvre).

Au total :

- la décision de mise à la réforme de Monsieur [U] a été annulée,

- et la procédure préalable obligatoire n'a pas été respectée.

Il s'en suit que la réintégration s'impose à compter de la notification de cet arrêt, comme il le demande, la SNCF ne démontrant par aucune pièce que la réintégration s'avère impossible, au sens de l'article L 1235-11 alinéa 2 du code du travail.

Par ailleurs, la cour saisit mal comment une condamnation pénale non définitive pour infractions tarifaires pourrait s'assimiler à des actes de concurrence déloyale envers son ancien employeur qui permettraient la déchéance de ses droits, en raison de sa faute.

Si une réintégration à ses fonctions antérieures n'est pas opportune aux yeux de la SNCF, il lui est loisible d'envisager une réintégration dans un emploi équivalent. Monsieur [U] a déclaré à l'audience qu'il s'était passionné pendant ces années de « réforme » pour la bourse, et l'activité de « boursicoteur » pourrait permettre de réfléchir à une voie de réinsertion possible.

2°) Sur le montant de l'indemnisation

La SNCF est d'accord pour admettre que dans ce cas, le salarié a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre sa mise à la réforme et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, après déduction des sommes perçues au titre des revenus de remplacement.

La cour choisira la proposition subsidiaire de Monsieur [U] qui réintègre l'intégralité de l'indemnité de résidence, et des primes de travail, de vacances, de gratification et de fin d'année, et qui corrige l'addition de francs et de euros qu'avait opérée dans un premier temps la SNCF.

Ainsi la totalité des salaires réévalués compose suivant le tableau ci-après

Année

Traitement + indemnité de résidence

Prime de travail

Prime de vacances

Prime de gratification

Prime de fin d'année

Total

1998

79.965,38F

6.773,80F

850F

6.397,23F

7.269,58F

101.255,99F soit 15.436,38€

1999

87.234,96F

7.389,60F

1.000F

6.978,80F

7.269,58F

109.872,94F soit 16.750,02€

2000

87.234,96F

7.389,60F

1.000F

6.978,80F

7.269,58F

109.872,94F soit 16.750,02€

2001

87.234,96F

7.389,60F

1.500F

6.978,80F

7.269,58F

110.022'94F soit 16.772,89€

2002

13.994,28€

1.169,28€

200€

1.119,54€

1.166,19€

17.649,29€

2003

14.050,32€

1.173,96€

200€

1.124,03€

1.170,86€

17.719,17€

2004

14.511,96€

1.200,36€

200€

1.160,96€

1.209,33€

18.282,61€

2005

14.858,52€

1.224€

200€

1.188,68€

1.238,21€

18.709,41e

2006

15.320,28€

1.371,48€

200€

1.225,62€

1.276,69€

19.394,07€

2007

15.551,40€

1.574,16€

200€

1.244,11€

1.295,95€

19.865,62€

2008

15.786€

1.748,88€

200€

1.262,88€

1.315,50€

20.313,26€

2009

5.262€

582,96€

200€

420,96€

6.265,92€

Total

203.908,66€

une somme gloable de 203.908,66 euros, dont il convient de soustraire la somme des pensions d'invalidité perçues du 1er février 1998 au 31 décembre 2009 : 90.974,22 euros selon les écritures de Monsieur [U].

Ainsi lui est-il dû 203.908,66€-90.974,22€=112.934,44 euros de dommages et intérêts en deniers et quittances, puisqu'il a déjà perçu un chèque de 30.000 euros, et avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Il y sera ajouté une somme d e1.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au vu de l'ensemble de ces motifs, les autres demandes des parties seront rejetées comme mal fondées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

VU l'arrêt définitif du 28 juin 2007 de la CNITAAT,

RECOIT, en la forme, l'appel principal de la SNCF et l'appel incident de Monsieur [X] [U],

CONFIRME le jugement critiqué (CPH TOURS, section commerce, 14 avril 2009) sur la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, mais l'infirme pour le surplus,

ET STATUANT A NOUVEAU,

CONSTATE que la nullité de la mise à la réforme de Monsieur [U] a été décidée par la CNITAAT dans son arrêt du 28 juin 2007,

ORDONNE sa réintégration au sein de la SNCF dans son emploi ou à un emploi équivalent, avec reprise de son ancienneté à compter du 2 novembre 1982, à compter de la notification de cet arrêt,

CONDAMNE la SNCF à lui payer, en deniers ou quittances, la somme de 112.934,44 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, outre celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la SNCF aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier

Valérie LATOUCHE Daniel VELLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01287
Date de la décision : 18/02/2010

Références :

Cour d'appel d'Orléans, arrêt n°09/01287


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-18;09.01287 ?
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