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17/12/2007 | FRANCE | N°06/03617

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0286, 17 décembre 2007, 06/03617


ARRET
No

X...

C /

Y...

Mo. / KF

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE DES RENVOIS APRES CASSATION

ARRET DU 17 DECEMBRE 2007

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RG : 06 / 03617

TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEAUVAIS DU 17 mars 2003
COUR D'APPEL DE AMIENS DU 12 mai 2005
RENVOI CASSATION DU 12 juillet 2006

La Cour, composée ainsi qu'il est dit ci- dessous, statuant sur l'appel formé contre le jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEAUVAIS DU 17 mars 2003 (sur renvoi qui lui en a été fai

t par la Cour de Cassation), après en avoir débattu et délibéré conformément à la Loi, a rendu entre les parties en cause la p...

ARRET
No

X...

C /

Y...

Mo. / KF

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE DES RENVOIS APRES CASSATION

ARRET DU 17 DECEMBRE 2007

*************************************************************

RG : 06 / 03617

TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEAUVAIS DU 17 mars 2003
COUR D'APPEL DE AMIENS DU 12 mai 2005
RENVOI CASSATION DU 12 juillet 2006

La Cour, composée ainsi qu'il est dit ci- dessous, statuant sur l'appel formé contre le jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEAUVAIS DU 17 mars 2003 (sur renvoi qui lui en a été fait par la Cour de Cassation), après en avoir débattu et délibéré conformément à la Loi, a rendu entre les parties en cause la présente décision le 17 Décembre 2007.

PARTIES EN CAUSE

APPELANT

Monsieur Philippe X...
né le 17 Mars 1928 à NEUILLY SUR SEINE (92200)
...
75005 PARIS

Représenté et concluant par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE, Avoués à la Cour et plaidant par Maître CHARPENTIER, Avocat au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL : DECLARATION DE SAISINE du 19 septembre 2006

ET :

INTIME

Monsieur Yves Y...
...
60580 COYE LA FORET

Représenté et concluant par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et plaidant par Maître Patrick BAUDOUIN, Avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR :

La Cour, lors des débats et du délibéré :
Président : Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président de Chambre, faisant fonctions de Premier Président,
Assesseurs : M. LAYLAVOIX, Président de Chambre,
Mme SIX, Conseiller,

La Cour, lors du prononcé :
Président : Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président de Chambre, faisant fonctions de Premier Président,
Assesseurs : M. BONNET, Président de Chambre,
M. DAMULOT, Conseiller,

Madame Agnès PILVOIX, Greffier, désignée conformément aux dispositions de l'article 812- 6 du Code de l'Organisation Judiciaire en remplacement du Greffier en Chef empêché, a assisté la Cour lors des débats, puis lors du prononcé.

*
* *

PROCEDURE DEVANT LA COUR

Dans un litige opposant Philippe X... à Yves Y..., et sur le pourvoi de Y..., la cour de cassation a cassé et annulé, le 12 juillet 2006, en toutes ses dispositions, un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 12 mai 2005 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens dans l'état où celles- ci se trouvaient avant l'annulation intervenue.

Philippe X... a repris la procédure dans les conditions et délais prévus par les articles 1032 et suivants du Nouveau Code de procédure civile (A. S du 19 septembre 2006).

Philippe X... a conclu (conclusions des 16 janvier 2007, 14 mai 2007).

Yves Y... a conclu (conclusions des 16 mars 2007, 25 juin 2007).

Après clôture de la mise en état, l'affaire a été fixée au 10 septembre 2007 pour plaidoirie (O. C du 4 septembre 2007).

Les parties et leurs conseils ont été régulièrement avisés pour cette date, dans les formes et délais prévus par la loi.

Le jour dit, l'affaire a été appelée en audience publique devant la formation chargée des renvois après cassation en matière civile et commerciale.

Après avoir successivement entendu le conseiller rapporteur en son rapport, les avoués et avocats des parties en leurs demandes fins et conclusions, la cour a mis l'affaire en délibéré et indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu le 17 décembre 2007 par mise à disposition de la décision au Greffe.

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour a rendu la présente décision à la date indiquée.

DECISION
Faits, procédures, demandes en appel

Philippe X... est propriétaire, au... à Coye- la- forêt, d'une villa, de type « chalet suisse », construite sur une étroite bande de terrain de cinquante mètres de long et vingt mètres de large (soit 1. 000 m ²), le tout légèrement orienté Sud- Ouest / Nord- Est.

Un mur de la villa (muni de jours de souffrance), puis une clôture, longent sur cinquante mètres et selon un axe Sud- Ouest / Nord- Est, la propriété d'Yves Y..., son voisin.

De son côté, Yves Y... est propriétaire, au..., d'une haute bâtisse du XIX ème, du type « maison de maître » et d'un terrain de près de 5. 000 m ², étant précisé que la bâtisse est située, non pas au centre de ce terrain, mais en bordure Est du dit terrain, à hauteur de la maison de Philippe X... et que seule une bande de terrain de 4, 80 mètres sépare les deux constructions.

En avril 2002, Yves Y... a entrepris la construction d'une cuisine de 5, 60 mètres de haut, de 10 mètres de long et d'un peu moins de 4, 80 mètres de large, sur la dite bande de terrain, entre la villa de Philippe X... et sa propre bâtisse, étant précisé que le mur Est de la dite cuisine a dépassé, en fin de travaux, de quelques mètres, le mur de la villa de Philippe X... et est entré désormais dans le champ de vision, en vue droite, d'une fenêtre de ce dernier.

Estimant qu'il avait acquis une servitude de vue sur le fond voisin du fait de l'ouverture, lors de la rénovation de sa propre maison en 1960, d'une fenêtre qui lui permettait de voir le jardin de son voisin et estimant que la construction qu'il voyait s'édifier devant lui portait atteinte à cette servitude, Philippe X... a assigné Yves Y..., devant le tribunal d'instance de Senlis, par acte en date du 29 avril 2002, en vue d'obtenir, sur le fondement des articles 1264 NCPC et 678 et 680 du Code civil, l'interruption des travaux et, le cas échéant, la démolition de la construction.

A la demande d'Yves Y..., qui s'avérait être conseiller au tribunal des prud'hommes de Senlis et par jugement du 25 septembre 2002, le tribunal d'instance de Senlis s'est dessaisi au profit du tribunal d'instance de Beauvais sur le fondement de l'article 47 NCPC, de sorte que Philippe X... a repris sa demande devant ce tribunal, en février 2003, et a fait valoir que, pour presque toucher son mur Ouest sur la moitié de sa longueur et pour se trouver à moins de 1, 90 m de sa fenêtre sur le reste de sa longueur, la construction édifiée par Yves Y..., désormais achevée, portait atteinte à la servitude d'égout de toit et à la servitude de vue, dont il jouissait depuis plus d'un an sur le fond de son voisin.

En défense, Yves Y... a soutenu que, pour avoir était introduite plus d'un an après l'affichage de son permis de construire (mars 2001), point de départ du trouble prétendu, l'action possessoire engagée par son voisin (en avril 2002) était irrecevable.

Par jugement en date du 17 mars 2003, le tribunal d'instance de Beauvais a déclaré l'action de Philippe X... recevable, mais mal fondée, et a en conséquence rejeté la demande de ce dernier.

Pour prononcer ainsi, le tribunal a retenu que, l'affichage du permis ne laissant en rien deviner l'endroit où aller être effectués les travaux, seul le début des travaux entre les deux maisons, en avril 2002, avait fait naître le trouble invoqué par Philippe X... et que l'action n'était donc pas prescrite ; que néanmoins Philippe X... ne rapportait pas la preuve de l'existence de sa fenêtre depuis plus de trente ans et que le trouble apporté à la prétendue servitude de vue qu'il avait depuis cette fenêtre n'était pas patent ; qu'édifiée à quelques centimètres du mur de sa maison, la construction de son voisin ne portait pas atteinte à son droit de propriété ; que la seule saillie de sa gouttière à l'aplomb du fond de son voisin, alors que les eaux de pluie recueillies dans cette gouttière avaient toujours continué à s'écouler sur son propre fond, n'avait pas créé à son profit une servitude d'égout de toit.

Sur appel de Philippe X... et par arrêt du 12 mai 2005, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré l'action possessoire recevable, a infirmé le jugement pour le surplus et a ordonné la démolition de la partie de la construction implantée, sur la propriété de M Y..., à moins de 19 décimètres de la limite séparative des fonds de Mr Y... et de Mr X....

Pour prononcer ainsi, l'arrêt a retenu que, compte tenu de la légère déviation de la limite séparative des deux fonds, vers l'Est, en direction du fonds de Mr X..., l'axe de la fenêtre de Mr X... traversait le fonds de Mr Y..., de telle sorte que Mr X... possédait bien une vue droite sur le fonds de son voisin ; que, le propriétaire d'un fonds servant ne pouvant construire à moins de 19 décimètres du parement du mur où l'ouverture est faite, c'était donc à tort que Mr Y... avait réalisé un mur qui, en plusieurs points, se trouvait à l'intérieur d'un rayon de 19 décimètres compté à partir du parement de la fenêtre de Mr X... ; que la démolition de l'ensemble de la construction n'était toutefois pas nécessaire et qu'il y avait seulement lieu d'ordonner la destruction de la partie de la construction implantée à moins de 19 décimètres de la limite séparative des deux fonds.

Sur pourvoi d'Yves Y... et par arrêt du 12 juillet 2006, la Cour de Cassation a cassé et annulé, au visa des articles 678 et 680 du Code civil, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens.

La cour de cassation a énoncé qu'en ordonnant la démolition de la partie de la construction implantée sur la propriété de Mr Y... à moins 19 décimètres de la partie séparative des deux fonds, alors qu'elle avait constaté que la construction litigieuse était située entre 1, 15 mètre et 1, 39 mètre du parement extérieur du mur où se trouvait l'ouverture donnant sur le fonds de Mr Y..., la cour d'appel n'avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.

Devant la cour de céans statuant comme de renvoi,

Philippe X... demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de démolition ; de dire qu'il possède, depuis plus d'un an avant le trouble, une servitude de vue droite, la propriété du mur séparatif, la bande de terrain située à l'aplomb de sa gouttière, une servitude d'égout de toit, de dire que la construction de Mr Y... lui crée un trouble possessoire et, par voie de conséquence d'ordonner la démolition, sous une astreinte de 1. 000 euros par jour de retard, de la totalité de la construction édifiée.

Yves Y... demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclarer recevable l'action de Philippe X..., de déclarer Philippe X... irrecevable en ses demandes, faute pour ce dernier d'avoir engagé son action dans le délai de 1 an à compter de l'affichage du permis de construire, et, à titre subsidiaire, de débouter Philippe X... de ses demandes, ce dernier possédant une vue oblique et non droite sur la construction litigieuse. A titre encore plus subsidiaire, dans le cas où la cour retiendrait l'existence d'une vue droite, il demande que la démolition soit limitée à la portion située à moins de 1, 90 mètre du parement extérieur du mur dans lequel l'ouverture a été pratiquée et qu'il lui soit accordé un sursis dans l'exécution de cette mesure jusqu'à ce qu'il soit statué au pétitoire.

Il sollicite enfin l'allocation de 10. 000 euros au titre de l'article 700 NCPC.

En cet état,

Sur la recevabilité de l'appel

Philippe X... ayant formé son recours dans les formes et délais prévus par la loi et la recevabilité de l'acte n'étant pas contesté, la cour recevra l'intéressé en son appel.

Il en sera de même de l'appel incident formé, par voie de conclusions, par Yves Y....

Sur la portée de la cassation

La Cour de Cassation ayant cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, la cour d'Amiens, autrement composée, est saisie de l'entière procédure.

Sur le bien fondé de l'appel

Philippe X... est appelant des dispositions du jugement ayant rejeté sa demande de démolition.

Reprenant son argumentation de première instance, Philippe X... soutient que la construction réalisée par son voisin porte atteinte à sa propriété, à sa servitude d'égout de toit et à sa servitude de vue.

Yves Y... est appelant incident des dispositions ayant déclaré l'action de Philippe X... recevable.

Sur la recevabilité de l'action engagée par Philippe X...

Il résulte des dispositions de l'article 1264 NCPC que les actions possessoires sont ouvertes, dans l'année du trouble, à ceux qui, paisiblement, possèdent ou détiennent depuis au moins un an.

En l'espèce, estimant qu'il avait acquis une servitude de vue sur le fond de Mr Y... du fait de l'ouverture, en 1960, d'une fenêtre qui lui permettait de voir le jardin de son voisin et estimant que la construction que Mr Y... était en train d'édifier portait atteinte à cette servitude, Philippe X... a assigné Yves Y..., devant le tribunal d'instance de Senlis, par acte en date du 29 avril 2002, en vue d'obtenir, sur le fondement des articles 1264 NCPC et 678 et 680 du Code civil, l'interruption des travaux et, le cas échéant, la démolition de la construction.

Mr Y... soutient à tort que, pour avoir était introduite plus d'un an après l'affichage de son permis de construire (mars 2001), point de départ du trouble prétendu, l'action possessoire engagée par son voisin (en avril 2002) était irrecevable, dès lors que, en premier lieu, le trouble possessoire se définit comme tout acte matériel et juridique qui, soit directement et par lui- même, soit indirectement et par voie de conséquence, constitue et implique une prétention contraire à la possession d'autrui, dès lors que, en deuxième lieu, suivant procès- verbal de constat dressé le 22 avril 2002 par Maître Z..., huissier de justice à Senlis, l'affichage du permis de construire sur le portail de la propriété de Mr Y... ne comportait aucun renseignement de nature à déterminer la situation du bâtiment qui en était l'objet par rapport à la maison d'habitation voisine et ne pouvait, de ce fait, être considéré comme un acte manifestant la volonté de contredire la possession de Mr X... et dès lors que, en troisième lieu, ce permis de construire n'était qu'une autorisation portant sur une construction en projet qui n'obligeait pas Mr Y... à effectuer les travaux.

La cour estime, dans ces conditions, que seul le commencement des travaux a marqué le point de départ du délai annal pour agir au possessoire et qu'en l'espèce le chantier ayant commencé le 22 avril 2002, la demande introduite le 29 avril 2002 l'a été dans le délai de la loi et s'avère comme telle recevable.

Sur la servitude d'égout de toit et la propriété de la banque de terrain surplombée par la gouttière

Il résulte des dispositions de l'article 681 du code civil que tout propriétaire doit établir des toits de manière à ce que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique, sans pouvoir les faire verser sur le fonds voisin.

En l'espèce, il ressort des photos produites que Mr X... a posé une gouttière le long du mur Ouest de son habitation, en saillie de quelques millimètres par rapport au fonds de Mr Y..., pour recueillir les eaux de pluie et les déverser sur son propre fonds et il ressort de la même manière que la construction de Mr Y..., distante de quelques centimètres des gouttières, n'a pas affecté ces dernières.

Par ailleurs, Mr X... ne produit aucun document de nature à démontrer que son voisin lui a consenti une servitude d'usage en surplomb de son terrain et aucun document permettant de dater la pose de cette gouttière et de conclure à l'acquisition, par prescription, d'une telle servitude et a fortiori de la propriété de la bande de terrain située à l'aplomb de la gouttière.

Les prétentions de Mr X... invoquant une atteinte à ses droits de servitude et de propriété seront donc rejetées.

Sur l'atteinte à son droit de propriété sur le mur de sa maison invoquée par Mr X...

Mr X... soutient que la trop grande proximité de la construction de Mr Y... porte atteinte à son droit de propriété sur le mur de sa villa, car cela ferait obstacle à l'entretien de son mur et au libre fonctionnement de son système de ventilation.

La cour observe néanmoins que la construction de Mr Y... a été réalisée à quelques centimètres du mur, sans toucher aux gouttières, et que l'interstice a été obturé par du polystyrène de telle sorte que l'eau de pluie ne coule pas entre les murs et que la ventilation est toujours fonctionnelle.

Les prétentions de Mr X... seront donc rejetées sur de point.

Sur l'atteinte à la servitude de vue de Mr X...

Il résulte des dispositions des articles 678 et 680 du Code civil qu'on ne peut avoir de vues droites sur l'héritage de son voisin s'il n'y a 19 décimètres (1, 90 mètre) de distance entre le mur où on pratique une ouverture et le dit héritage (la distance de 19 décimètres se comptant depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture se fait) et, lorsqu'il préexiste une servitude de vue droite, cette règle a pour corollaire l'interdiction, pour le propriétaire du fonds servant, de construire à moins de 19 décimètres du parement du mur où se trouve l'ouverture donnant la vue sur le dit fonds.

En l'espèce, lors de la rénovation de sa maison en 1960, ainsi que cela ressort de son permis de construire, Philippe X... a ouvert, dans le mur Nord, à 1, 29 mètre de l'angle formé par les murs Nord et Ouest, une fenêtre de 1, 96 de large et 1 mètre de haut, donnant, en vue droite, sur le jardin de son voisin (la bâtisse de ce dernier, située à même hauteur que la sienne, n'étant pas visible, sauf à se pencher par la fenêtre).

Or, à l'issue des travaux d'agrandissement effectués par Yves Y... en 2002, sur la bande de terrain située entre la maison de Philippe X... et la sienne, il s'est avéré que la construction réalisée constituait, au droit du mur Nord de la villa de Philippe X..., en avant de lui et tout contre lui, une avancée de 2, 50 mètres de long et 2 mètres de haut, entrant dans le champ de vision de la fenêtre ouverte en 1960.

Contrairement à ce qu'allègue Yves Y..., l'avancée constatée ne relève pas du champ d'application de l'article 679 du code civil, relatif à la réglementation des vues obliques, mais bien de celui de l'article 678 relative aux vues droites.

En effet, au vu du plan cadastral, compte tenu de la légère déviation de la limite séparative des deux fonds, vers l'Est, en direction du fonds de Mr X..., l'axe de la fenêtre de Mr X... traverse le fonds de Mr Y..., de telle sorte que Mr X... possède bien une vue droite sur le fonds de son voisin.

Les arguties contraires de Mr Y... fondées, non sur un dire d'expert, mais sur ses propres appréciations, ne sont pas pertinentes.

Qui plus est, il ressort des photos produites que, placé à l'intérieur de la villa de Philippe X..., devant la fenêtre en question, n'importe quel observateur a dans son champ de vision, sans avoir à se pencher à l'extérieur et à tourner la tête, le mur qui se trouve devant lui et ce sur plus de 45o d'angle, en site et en azimut, dans le secteur Ouest / Nord- Ouest.

La cour estime que Philippe X... a donc bien une vue droite, sur le fonds de son voisin, depuis une fenêtre ouverte en 1960 et, par voie de conséquence, une servitude de vue droite sur le dit héritage.

Aussi, pour se trouver en plusieurs de ses parties dans un rayon de moins de 19 décimètres (calculé à partir du parement extérieur de la fenêtre), ce mur contrevient aux dispositions des articles 678 et 680 du code civil. Il est aisé de relever en effet que, de l'angle du mur à l'extrémité de l'avancée, le mur est, sur un plan horizontal, à l'intérieur de ce rayon sur une distance de 1, 38 mètre. La même constatation peut être faite sur le plan vertical.

Constatant que la construction réalisée par Mr Y... porte, en partie, atteinte à la servitude de vue droite que Mr X... détient sur l'héritage de ce dernier, la cour ordonnera, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, la démolition de la construction implantée, sur la propriété de Mr Y..., à moins de 19 décimètres du parement extérieur du mur de la maison de Mr X... où se trouve l'ouverture donnant la vue sur le fonds de Mr Y....

La cour rejettera également la demande de sursis à l'exécution de cette mesure formée par Mr Y... qui n'est pas justifiée, l'action possessoire étant indépendante de l'action pétitoire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La partie perdante devant, aux termes de l'article 696 NCPC, être condamnée aux dépens, la cour condamnera Yves Y..., qui succombe, à supporter les dépens de première instance, d'appels et de cassation.

La partie perdante devant, en outre, aux termes de l'article 700 du même code, être condamnée à payer à l'autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme arbitrée par le juge, tenant compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, la cour condamnera Yves Y... à payer 7. 000 euros à Philippe X..., tous frais de première instance et d'appels et de cassation confondus.

PAR CES MOTIFS,

La cour, autrement composée, statuant publiquement et contradictoirement, sur renvoi qui lui en a été fait par la cour de cassation,

Reçoit Philippe X... en son appel principal et Yves Y... en son appel incident,

Déclarant l'appel de Philippe X... fondé et l'appel d'Yves Y... non fondé ;

Confirme le jugement du tribunal de Beauvais en date du 17 mars 2003 en ce qu'il a déclaré recevable l'action possessoire engagée par Philippe X..., confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions de ce dernier relatives à l'atteinte à son droit de servitude d'égout de toit et à son droit de propriété, mais l'infirmant pour le surplus,

Constate que la construction réalisée par Mr Y... porte, en partie, atteinte à la servitude de vue droite que Mr X... détient sur le fonds de ce dernier,

Ordonne, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, la démolition de la construction implantée, sur la propriété de Mr Y..., à moins de 19 décimètres du parement extérieur du mur de la maison de Mr X... où se trouve l'ouverture donnant la vue sur le fonds de Mr Y...,

Rejette la demande de sursis à l'exécution de cette mesure formée par Mr Y...,

Condamne Yves Y... aux dépens de première instance, d'appels et de cassation, dont distraction au profit de la SCP SELOSSE- BOUVET et ANDRE, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne Yves Y... à payer 7. 000 euros à Philippe X..., tous frais de première instance, d'appels et de cassation confondus, au titre de l'article 700 NCPC.

Mme PILVOIXM. de MASSIAC
Greffier, Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0286
Numéro d'arrêt : 06/03617
Date de la décision : 17/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Beauvais, 17 mars 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2007-12-17;06.03617 ?
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