COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 26 JUIN 2020
N° 2020/ .
Rôle N° RG 17/10042 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BATEL
[O] [L]
C/
SNC TRAVAUX PUBLICS DE PROVENCE
Copie exécutoire délivrée
le : 26/06/20
à :
Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (vestiaire 157)
Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 06 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/01128.
APPELANT
Monsieur [O] [L]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 1] ([Localité 1]), demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SNC TRAVAUX PUBLICS DE PROVENCE pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 13]
Représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont été informées que la procédure se déroulerait sans audience et ne s'y sont pas opposées dans le délai de 15 jours.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2020.
COMPOSITION DE LA COUR
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller
qui en ont délibéré.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2020,
Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
I. FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.
La société TP Provence, située à [Localité 8], est spécialisée dans les travaux de terrassement et de canalisations.
Monsieur [O] [L] a été embauché par la société TP Provence à compter du 1er janvier 1989, en qualité de conducteur d'engins dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il a successivement été promu aux fonctions de chef d'équipe, de contremaître et au mois d'avril 2006, de chef de chantier. Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel brut de base a été de 2789 euros outre divers accessoires, ce pour un horaire de 151,67 heures. La relation contractuelle relève de la convention collective des ETAM des Travaux publics.
Monsieur [O] [L] a été arrêté du 14 mai 2012 au 4 avril 2014, en raison successivement d'une prothèse de hanche gauche et d'une surdité de perception bilatérale, celle-ci ayant été reconnue comme maladie professionnelle par la CPCAM des Bouches-du-Rhône (ultérieurement déclarée inopposable à l'employeur par jugement du tribunal des affaires sociales du 23 février 2016).
A l'issue de la visite de reprise du 4 avril 2014, le médecin du travail a émis un avis « d'inaptitude au poste de chef de chantier. Serait apte à un travail à temps partiel sédentaire et sans efforts physiques et en évitant les atmosphères bruyantes ». Le 18 avril 2014, le médecin du travail a procédé à la seconde visite et conclu dans des termes identiques. Ce même jour, Monsieur [O] [L] s'est vu attribuer une pension d'invalidité BTP prévoyance.
La société TPP a informé les délégués du personnel de la possibilité de proposer à Monsieur [O] [L] un poste d'assistant dispatcheur à temps partiel. Ce poste a été proposé à l'intéressé le 5 mars 2015, lequel a refusé en raison de l'éloignement du poste de son domicile.
Le 3 avril 2015, la société Travaux publics de Provence a notifié à Monsieur [O] [L] son licenciement pour inaptitude.
Le 18 novembre 2016, Monsieur [O] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues afin que la société TP Provence soit condamnée à lui payer un rappel de prime d'ancienneté, l'incidence congés payés, une indemnité compensatrice de préavis et l'incidence congés payés ainsi que le solde de l'indemnité spéciale de licenciement (article L.1226-14 du code du travail), des dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail, inégalité de traitement et licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 6 avril 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues a :
' condamné la société TP Provence à payer à Monsieur [O] [L] la somme de 10 161 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 1016 euros de congés payés afférents et à remettre à Monsieur [O] [L] un bulletin de salaire et une attestation pour l'emploi rectifiés, sous astreinte, avec réserve du droit de liquider l'astreinte au conseil de prud'hommes,
'déclaré légitime le licenciement pour inaptitude prononcé à l'encontre de Monsieur [O] [L],
' rejeté le surplus des demandes,
' condamné la société TP Provence à payer à Monsieur [O] [L] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejeté la demande reconventionnelle de la société TP Provence,
' condamné celle-ci aux dépens.
Le 26 mai 2017, Monsieur [O] [L] a interjeté appel de ce jugement.
~*~
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Monsieur [O] [L] sollicite la confirmation du jugement sur la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sa réformation pour le surplus, en l'état d'une exécution fautive et déloyale du contrat de travail, de l'inégalité de traitement (retrait du véhicule société durant la période d'arrêt de travail) et du caractère infondé du licenciement. Il demande :
* la condamnation de la société Travaux publics de Provence au paiement des sommes de :
' 14 796,27 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 1479,63 euros à titre d'incidence congés payée,
' 12 684,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis spéciale, outre 1268,46 euros à titre d'incidence congés payés, ce à titre principal, et subsidiairement celle de 11 862,24 euros s'il n'était pas retenu le rappel de prime d'ancienneté, outre 1186,22 euros à titre d'incidence congés payés,
' 39 341,18 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ce à titre principal, et subsidiairement celle de 35 244,54 euros s'il n'était pas retenu le rappel de prime d'ancienneté,
' le tout outre intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil,
* l'injonction à l'entreprise sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'une part, de délivrer au concluant les bulletins de salaire et attestation pôle emploi rectifiés, mentionnant les rappels de rémunération judiciairement fixés, et d'autre part, de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux,
* sa condamnation au paiement des sommes de :
' 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail,
' 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement au titre du retrait de véhicule de fonction en période d'arrêt de travail,
' 75 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illégitime, article L. 1126-15 du code du travail,
' 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Travaux publics de Provence conclut à la confirmation du jugement sauf sur la condamnation au paiement du rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté pour la période postérieure au 4 avril 2012, cette demande devant être rejetée. Elle demande en conséquence la condamnation de Monsieur [O] [L] au remboursement des sommes versées en exécution de l'arrêt du 3 avril 2015 (1300 euros) et du jugement du 6 avril 2017 (11 177 euros bruts)et au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec distraction.
II. MOTIVATION.
A. L'exécution du contrat de travail.
1) La prime d'ancienneté.
a. La prescription.
Monsieur [O] [L] soutient qu'en application de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013, il avait un délai nouveau de 3 ans expirant le 16 juin 2016 pour exercer son action, dans la limite de la prescription de 5 ans prévue par la loi antérieure, que le conseil de prud'hommes a été saisi en mai 2014 et que la prescription ne pouvait être invoquée qu'à compter du 16 juin 2016.
Cependant, il réulte de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013 que l'instance introduite après la promulgation de cette loi emporte application de la loi nouvelle.
L'appelant ayant introduit son instance le 16 mai 2014, il y a lieu d'appliquer les dispositions modifiées de l'article L.3245-1 du code du travail selon lesquelles l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Au jour de la rupture du contrat de travail, le 4 avril 2015, l'action de Monsieur [O] [L] se trouve prescrite en ce qui concerne les rappels de salaire antérieurs au 4 avril 2012. La demande de rappel des primes d'ancienneté à compter du 4 avril 2012 doit être déclarée recevable.
b. Le fond.
Monsieur [O] [L] fait valoir que l'accord du 12 décembre 1968 prévoit une prime d'ancienneté pour les ETAM des travaux publics, que l'accord départemental du 28 octobre 1968 et la convention collective nationale du 12 juillet 2006 avec une nouvelle grille de classification professionnelle n'ont pas entraîné la suppression de la prime d'ancienneté, que la société Travaux publics de Provence est affiliée à la Fédération Nationale des Travaux Publics, que la Fédération du Bâtiment et des Travaux Publics des Bouches-du-Rhône a signé l'accord du 28 octobre 1968 applicable aux salariés assujettis à la convention collective des ETAM des travaux publics, que l'employeur ne peut se prévaloir du caractère discutable de cet avantage catégoriel.
La société TPP répond qu'à défaut d'accord étendu, la prime d'ancienneté ne s'applique qu'aux salariés des sociétés adhérentes à l'un des syndicats signataires de l'accord, qu'elle n'est pas adhérente de la Fédération du bâtiment et des travaux publics des Bouches-du-Rhône, que le salarié relève de la branche des travaux publics représentée par la Fédération nationale des travaux publics, représentée en région PACA par la FRTP PACA, et non par la Fédération des BTP des Bouches-du-Rhône, émanation de la Fédération française du bâtiment.
~*~
L'accord du 28 octobre 1968, qui stipule la création d'une prime d'ancienneté au bénéfice des ETAM et dont Monsieur [O] [L] sollicite l'application, a en effet été signé par la Fédération du bâtiment et des travaux publics des Bouches-du-Rhône (FBTP 13). Le salarié ne conteste pas que cet accord n'a pas été étendu et que la société TPP est une société de travaux publics.
Celle-ci justifie n'être pas adhérente de la FBTP 13. En effet d'une part, Madame [K] [W], présidente de cette Fédération indique que la société TPP n'en a jamais été adhérente. D'autre part, Monsieur [D] [F], secrétaire de la Fédération Provence Alpes Côte d'Azur des travaux publics, atteste que la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) n'ont aucun lien juridique, ont chacune leur propre convention collective et que la prime d'ancienneté instituée le 28 octobre 1968 n'est pas applicable aux entreprises des travaux publics.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'accord du 28 octobre 1968 ne s'applique pas à la société TPP et à Monsieur [O] [L]. Par ailleurs, la convention collective des ETAM des travaux publics du 12 juillet 2006 ne prévoit pas de prime d'ancienneté. La demande de ce dernier doit être rejetée et le jugement infirmé sur ce point.
2) Les demandes de dommages-intérêts.
Monsieur [O] [L] indique que la société Travaux publics de Provence a mis à sa disposition un véhicule à compter du 20 mai 2003 avec autorisation de l'utiliser en dehors des jours de travail, ce moyennant une retenue mentionnée sur son bulletin de paie, qu'il était en arrêt de travail lorsque suite à une panne du véhicule le 12 octobre 2013, elle lui a retiré ce véhicule de fonction (lui indiquant qu'il lui serait restitué lorsqu'il reprendrait le travail) alors que s'agissant d'un élément essentiel de son contrat de travail non modifiable sans son accord et d'un avantage salarial, il ne devait pas être suspendu pendant la suspension du contrat de travail, qu'il y a exécution fautive et déloyale du contrat de travail.
Monsieur [O] [L] se trouvait en effet en arrêt maladie depuis le 12 mai 2012 pour une prothèse de hanche, suivie d'une affection de surdité de longue durée.
La société TPP ne peut soutenir qu'il s'agissait d'un véhicule de service avec autorisation exceptionnelle de l'utiliser à titre privé, alors qu'un tel véhicule ne peut être utilisé que pour des trajets professionnels à l'exclusion de tous déplacements privés. Elle a au contraire, pendant 10 années, expressément autorisé le salarié à utiliser le véhicule pour ses déplacements personnels et sans précision du caractère exceptionnel de cette autorisation (lettre du 20 mai 2013). De plus, un tel usage entraînait l'adhésion à une police « sécurité famille passagers », laquelle apportait des garanties aux adhérents mais aussi aux membres de sa famille transportés, police que l'appelant a souscrite le 9 décembre 2005.
En l'état de cette autorisation donnée expressément à Monsieur [O] [L], ne sauraient enlever au véhicule sa qualification de 'véhicule de fonction' constitutive d'un élément de rémunération en nature,
- ni les chantiers confiés à l'intéressé, l'employeur faisant valoir que le marché du canal de Provence pouvait nécessiter l'intervention d'urgence de Monsieur [O] [L] avec possibilité de transporter ses outils dans la camionnette. Mais il convient d'observer que ce marché a été souscrit à compter de 2006, soit postérieurement à l'attribution du véhicule au salarié,
- ni le caractère utilitaire du véhicule (fourgonnette), lequel au vu de la photographie produite, peut transporter plus de 2 personnes,
- ni le montant de la retenue mensuelle de 40 euros payée par Monsieur [O] [L], la société TPP se prévalant de retenue mensuelle pour les véhicules de fonction d'un montant minimum de 101 euros. La cour remarque que ce montant vaut pour 2013, alors que le véhicule litigieux a été remis à Monsieur [O] [L] en 2003 et consiste dans une fourgonnette, d'un confort moindre qu'un véhicule de tourisme.
Aux termes de ces observations, le salarié se prévaut à juste titre d'une modification de sa rémunération. Lorsque la société TPP a retiré à Monsieur [O] [L] l'utilisation dudit véhicule, elle s'est prévalue non d'un abus d'utilisation mais du fait que le salarié était absent, précisant qu'à son retour, un véhicule de service serait mis à sa disposition. Au surplus, alors que le salarié avait l'autorisation sans restriction d'utiliser le véhicule en dehors de ses déplacements professionnels, l'employeur ne peut lui reprocher d'avoir réalisé de longues distances et de s'être déplacé loin de son domicile.
En dernier lieu, l'employeur se prévaut de l'utilisation de la carte essence alors qu'il ne devait pas le faire lorsqu'il utilisait le véhicule à titre privé, et de l'utilisation d'un badge pour s'approvisionner à la pompe de l'entreprise, ce aux frais de celle-ci. Ces reproches portent cependant sur l'utilisation de la carte Total et des pompes dans l'entreprise, et non sur l'usage du véhicule. Il y a lieu d'écarter ce moyen.
La privation indue du véhicule est constitutive d'une exécution fautive du contrat de travail ayant occasionné un préjudice certain pour Monsieur [O] [L], ce jusqu'au jour de son licenciement. Il convient d'évaluer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 800 euros (avant déduction de la provision allouée en référé), et de condamner la société TPP à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts.
Au titre de ces mêmes faits, Monsieur [O] [L] se prévaut d'une inégalité de traitement. Le préjudice subi est unique et ne saurait donner lieu à une seconde indemnisation sur un fondement supplémentaire. Cette demande doit être rejetée.
B. Le licenciement pour inaptitude.
1) La cause réelle et sérieuse du licenciement.
Le licenciement notifié à Monsieur [O] [L] a été libellé ainsi qu'il suit :
«A la suite de l'entretien avec [U] [A] le 31 mars 2015 au cours duquel vous étiez accompagné de [E] [J], nous avons pris la decision de vous licencier pour le motif suivant :
Le 18 avril 2014, le médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste de travail. ,Nous avons alors entrepris des deinarches pour parvenir à votre reclassement.
Une proposition de poste vous a été faite par courrier du I2 fevrier 2015 à laquelle nous avons d'ailleurs apporté des précisions suite à votre demande.
Vous avez cependant refusé ce poste par courrier RAR le 11mars 2015.
Nous sommes donc dans l'obligation de vous noti'er par la présente lettre la rupture de votre contrat de travail pour inaptitude médicalement constatée.
Votre préavis ne pouvant être exécuté compte tenu de votre inaptitude, votre contrat prendra 'n par conséquent des la première présentation de ce courrier, date à laquelle nous cesserons de vous rémunérer.
A l 'expiration de votre contrat de travail, nous vous remettrons votre certi'cat de travail, votre solde de tout compte et les différents documents liés à la rupture de votre contrat de travail.»
Monsieur [O] [L] conclut à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :
'd'une part, car la société Travaux publics de Provence n'a pas respecté le délai d'un mois prévu par l'article 2. 2 de la convention collective à titre de délai de réflexion en cas de proposition de modification du contrat de travail,
'd'autre part, car la recherche de reclassement n'a pas été pas loyale.
Sur le non-respect de la procédure de licenciement, Monsieur [O] [L] se prévaut des dispositions de l'article 2.2 de la convention collective du 12 juillet 2006, lesquelles édictent que «la proposition de modification du contrat devra être notifiée par écrit. L'ETAM bénéficiera d'un délai de réflexion de 1 mois à défaut d'autre délai plus long fixé par des dispositions législatives ou réglementaires. En cas de refus de l'ETAM, et si l'employeur décide de procéder à son licenciement, il devra en justifier le motif réel et sérieux ».
L'employeur ne peut être admis à se prévaloir du respect de ce délai pour avoir adressé la proposition le 12 février 2015 avec un délai donné jusqu'au 12 mars 2015, alors que la proposition initiale du 12 février ne mentionnait pas les horaires de travail et que la proposition complète a été adressée le 5 mars 2015. En revanche, la cour relève que Monsieur [O] [L] a répondu avant le 12 mars 2015, et ne prétend pas que le délai réduit a eu une quelconque conséquence sur la nature ou le sens de sa décision. Il ne saurait être retenu une irrégularité de fond de nature à rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'obligation de reclassement, Monsieur [O] [L] soutient que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche d'un poste de travail adapté en l'état d'une proposition unique, que la société appartient au groupe Eiffage, que les lettres et réponses produites sont circulaires et ne permettent pas de contrôler la réalité de l'emploi au sein des différentes entités, que ses compétences lui permettaient notamment d'occuper un poste de dessinateur.
Selon l'intimée, elle a proposé à Monsieur [O] [L] un emploi approprié et adapté à ses capacités ; elle a en tenant compte des conclusions restrictives de la médecine du travail (mpossibilité d'un poste à temps complet, interdiction des métiers de chantier, nécessitant des efforts physiques et de la manutention), recherché de manière loyale et sérieuse une solution de reclassement tant dans l'entreprise qu'au sein du groupe (les recherches ayant été faites auprès des services ressources humaines des directions régionales) ; elle a demandé à Monsieur [O] [L] un curriculum vitae le 24 avril 2014, mis en 'uvre et financé un bilan de compétences, tenu compte des souhaits de l'intéressé d'exercer en externe un poste de conducteur de transport en commun, et en interne un poste de dessinateur TP, souhaits impossibles à satisfaire :
' en interne, l'état des mouvements d'entrée (conducteur de travaux, assistant chef de chantier en apprentissage, opérateur de poste travaillant dans un environnement bruyant) et de sortie (conducteur de travaux, assistant chef de chantier en apprentissage) entre le 18 avril 2014 et le 3 avril 2015 mentionne des postes incompatibles avec l'état de santé du salarié;
' au sein de la région Méditerranée, des courriers accompagnés d'une fiche d'information ont été adressés à toutes les sociétés de cette région (Bouches-du-Rhône, Alpes du Sud, Côte d'Azur-[Localité 7], Gard Vaucluse, Herault et Aude-Roussillon) ; le poste d'assistant dispatcheur identifié dans l'agence de [Localité 5], compatible avec l'état de santé de Monsieur [O] [L], a été transmise à ce dernier le 12 février 2015 avec un délai de réflexion jusqu'au 12 mars 2015, puis refusé par ce dernier alors qu'il souhaitait un poste à temps partiel, ce qui entraînait une baisse de rémunérationpièces 4, 5, 6, 78 ; pendant cette période, aucun des postes proposer à l'embauche ne pouvait convenir en raison de l'incompatibilité avec l'état de santé de Monsieur [O] [L], la nécessité d'une formation supérieure poussée ou d'une qualification spécifique, la connaissance de normes réglementaires,
' au sein des sociétés du groupe Eiffage infrastructure : une note interne a été adressée le 22 avril 2014 aux services ressource humaines des directions régionales Effaige travaux publics Ouest, Sud Ouest, Nord, Est et Rail, qui a été suivi de courriers négatifs,
' au sein des sociétés extérieures au groupe Eiffage infrastructure : la note interne du 22 avril 2014 a été adressée à Eiffage construction métallique, Eiffage industrie, Eiffage construction Côte d'Azur et Provence, Eiffage énergie et Clemessy (avec diffusion à l'ensemble des directions régionales) et APRR et Area ; ces sociétés on répondu par la négative.
En effet le 22 avril 2014, la société TPP justifie avoir demandé à Monsieur [O] [L] la communication d'un curriculum vitae, que celui-ci lui a adressé le 24 avril 2014. De même, elle a mis en 'uvre et financé un bilan de compétences devant se dérouler du 2 juin au 28 juillet 2014. Le bureau chargé de procéder à ce bilan a cependant indiqué le 8 août 2014 à la société TPP qu'elle ne pouvait envoyer la synthèse faute d'avoir reçu de réponse de la part de Monsieur [O] [L]. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 novembre 2014, elle demandait à ce dernier de lui communiquer un exemplaire de la synthèse du bilan de compétences afin de poursuivre ses recherches de reclassement dans les meilleures conditions.
La synthèse du bilan de compétences fait notamment ressortir que Monsieur [O] [L], reconnu comme travailleur handicapé, souhaitait rehercher des métiers porteurs d'emplois accessibles à un mi-temps ou à temps partiel, soit dans le cadre d'un reclassement interne un poste de dessinateur TP avec nécessité de formation aux logiciels de conception et de dessin assistés par ordinateur, de gestionnaire de stocks, de dispatcheur ou de technicien en études de prix, ou dans le cadre d'un reclassement externe, un emploi de conducteur de transport en commun avec formation pour obtenir le titre professionnel de conducteur de transports routiers interurbains de voyageurs.
Au sein de l'entreprise, le registre du personnel des salariés embauchés entre le 4 avril 2014 et le 3 avril 2015, figurent soit des postes de conducteur de travaux, assistant chef de chantier et opérateur de poste, tous incompatibles avec l'état de santé du salarié, soit un poste de directeur cadre, inadapté en raison du type de formation de l'intéressé.
Hors de l'entreprise mais dans le groupe, la société TPP produit par ailleurs les registres du personnel (salariés embauchés entre le 4 avril 2014 le 3 avril 2015) de la société Eiffage route Méditerranée, dans les établissements de [Localité 4] (mentionnant le recrutement d'un conducteur de travaux et d'un assistant chef de chantier), de [Localité 6] (poste d'apprenti statut poste d'ouvrier TP), de la [Localité 17] (mentionnant le recrutement d'un apprenti Etam TP), de [Localité 9] (mentionnant le recrutement d'un aide chef d'équipe, statut d'ouvrier), de [Localité 10] (mentionnant le recrutement d'un ingénieur cadre), de [Localité 11] (mentionnant le recrutement d'un apprenti ouvrier), de [Localité 12] (mentionnant le recrutement d'un aide chargé d'études), de [Localité 16] (mentionnant le recrutement d'un ingénieur cadre), de [Localité 14] (mentionnant le recrutement d'un assistant chef de chantier et d'un opérateur poste), de [Localité 15] (mentionnant le recrutement d'un assistant chef de chantier), de [Localité 18] (mentionnant le recrutement d'un ingénieur cadre, d'un ingénieur qualifié cadre, d'un cadre juridique cadre et d'un directeur ressources humaines cadre).
L'employeur a en outre adressé :
'le 22 avril 2014, aux établissements des Bouches-du-Rhône, des Alpes du Sud, de la Côte d'Azur, du Gard/Vaucluse, de l'Hérault et de l'Aude/Roussillon de la société Eiffage travaux publics Méditerranée, une note intitulée « reclassement Monsieur [O] [L] », communiquant la fiche médicale d'aptitude et une fiche de présentation du salarié et indiquant la recherche d'une possibilité de reclassement correspondant aux préconisations du médecin du travail, l'intéressé faisant l'objet d'une inaptitude au poste de chef de chantier, et précisant que les frais éventuels de formation et d'aménagement de poste seraient intégralement financés par la filiale TP Provence. L'ensemble des établissements lui ont répondu par la négative au mois de mars, avril, mai et juin 2014,
' le 28 avril 2014, aux établissements ouest, sud-ouest, nord, de la société Eiffage travaux publics une note sollicitant les possibilités de reclassement de Monsieur [O] [L] ; au mois d'avril et mai 2014, ceux-ci ont répondu avoir interrogé les filiales et agences dépendant de leur direction mais n'avoir aucun poste susceptible de correspondre aux aptitudes du salarié,
' le 25 avril 2014 des courriers à Eiffage Rail, Eiffage industrie, Eiffage construction métallique, Eiffage construction Provence et Côte d'Azur, Eiffage énergie Ouest, Val de Loire et centre Loire, Eiffage énergie Grand est, Nord, centre Normandie, Grand Sud, qui ont répondu au mois d'avril, mai et juin 2014 qu'après vérification, ils ne disposaient pas de poste disponible adapté aux qualifications actuelles de Monsieur [O] [L],
' le 22 avril 2014, un courrier à la société Clemessy, laquelle après avoir recherché dans les sociétés Secauto, Game travaux, fluides IT, Game ingénierie est, EIS et Clemessy Méditerranée, a répondu par la négative au mois de mai 2014, précisant que les seuls postes à pourvoir était des postes à temps plein sur des chantiers qui ne respectaient pas les contre-indications médicales du salarié,
' les 28 et 29 avril et 4 juin 2014, un courrier à Eiffage énergie gestion et développement, Eiffage énergie export et spécialités et Eiffage énergie thermie centre, lesquelles ont répondu par la négative au mois de juin 2014, après avoir consulté leurs collaborateurs dans les différentes filiales de leur direction,
'au mois d'avril 2014, un courrier à la société APRR Rhin, laquelle a répondu par la négative le 9 mai 2014, précisant ne pas disposer d'un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail.
L'appelant ne peut valablement soutenir que la recherche de reclassement effectuée par son employeur n'a pas été loyale et suffisante, en l'état des multiples diligences justifiées ci-dessus. Les courriers et réponses sont personnalisés et ne présentent pas le caractère « circulaire » prétendu par le salarié. Il ne ressort d'aucun élément qu'un poste de dessinateur TP, poste souhaité par Monsieur [O] [L], aurait été attribué à une autre personne. Il lui a été proposé un poste d'assistant dispatcheur à [Localité 5], qualification ETAM, avec un horaire de travail de 104 heures et une rémunération de 1913 euros, qu'il a refusé.
La cour considère que la société TPP a respecté son obligation de recherche de reclassement.
Aux termes de ces observations, il convient de déclarer le licenciement pour inaptitude prononcé à l'encontre de Monsieur [O] [L] comme fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur le rejet de la demande de dommages-intérêts.
2) Les demandes d'indemnité de préavis et d'indemnité légale de licenciement.
Monsieur [O] [L] sollicite l'application de l'article L. 1226-14 du code du travail en l'état du lien entre son activité professionnelle et l'affection de surdité inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles, sur la base d'un salaire mensuel de référence d'un montant de 4228,21 euros, primes d'ancienneté et avantages en nature inclus. La société TPP répond que la moyenne la plus favorable (celle des 12 derniers mois des salaires versés au cours des 12 derniers mois précédant son arrêt maladie), représente un montant de 3307,45 euros, mais que l'inaptitude de Monsieur [O] [L] n'étant pas d'origine professionnelle, la disposition visée n'est pas applicable, que ce dernier a perçu au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 23 847 euros et n'a pas droit à une indemnité compensatrice de préavis.
Sauf disposition contractuelle ou conventionnelle contraire, le salarié licencié, dont l'inaptitude physique médicalement constatée à son emploi a été provoquée par une maladie ou un accident d'origine non professionnelle le rendant inapte, pendant le préavis ou une
partie du préavis, à tenir l'emploi qu'il occupait antérieurement, ne peut prétendre à une indemnité de préavis ou à la totalité de l'indemnité de préavis. En revanche, en application des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, le salarié licencié pour inaptitude résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, sauf si le refus de reclassement qui lui est proposé est abusif, a droit au versement d'une indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis.
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l'espèce, l'avis d'inaptitude du médecin du travail indique que Monsieur [O] [L] ne peut travailler dans les atmosphères bruyantes. Le 9 octobre 2013, soit antérieurement au licenciement du 3 avril 2015, la CPAM a reconnu le caractère de maladie professionnelle de la surdité de Monsieur [O] [L] et lui a attribué une rente à compter du 11 novembre 2012, selon un taux d'incapacité permanente de 12 %.
La société TPP savait en conséquence que l'inaptitude constatée le 4 avril 2014 avait au moins partiellement pour origine la maladie professionnelle dont souffre le salarié. Elle ne peut opposer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale intervenu postérieurement au licenciement, car d'une part, celui-ci se limite à déclarer inopposable à l'employeur la reconnaissance de la maladie professionnelle du salarié, et d'autre part, la décision de la juridiction de la sécurité sociale ne s'impose pas à la juridiction prud'homale.
Par ailleurs, le fait pour la société TPP d'avoir réuni les délégués du personnel afin de les consulter sur le reclassement de Monsieur [O] [L] doit être analysé comme une mise en 'uvre des dispositions de l'article L. 1226-10 du travail, édictant la nécessité de recueillir l'avis des délégués du personnel en cas de proposition d'emploi au salarié suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. La procédure suivie par l'employeur confirme sa connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude.
Par suite, en application des articles L.1226-14 et L.1226-15 du code du travail, il convient de retenir la moyenne des 12 derniers mois de salaire brut versé à Monsieur [O] [L] avant son arrêt maladie, soit la somme de 3704,08 euros, et de condamner la société TPP à payer à Monsieur [O] [L] l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.1226-14 du code du travail d'un montant de 7408,16 euros, sans incidence congés payés car il ne s'agit pas d'une indemnité compensatrice de préavis.
Par ailleurs sur l'indemnité légale de licenciement, il convient de retenir une ancienneté de 26 ans et 3 mois et 4 jours. En application des articles R.1234-2 et L. 1226-14 du code du travail, l'indemnité spéciale de licenciement doit être ainsi calculée :
3704,08 x 1/5 x 26 = 19 161,21 euros
3704,08 x 1/5 x 5/12 =308,67 euros
3704,08 x 2/15 x 16= 7902,03 euros
3704,08 x 2/15 x 5/12 = 205,78 euros
total =27 577,69 euros.
La société TPP ayant versé à Monsieur [O] [L] la somme de 23 847 euros, elle doit être condamnée à lui payer un solde de 27 577,69 - 23 847 = 3730,69 euros.
Les intérêts au taux légal assortiront les sommes allouées à compter du jour du jugement. La capitalisation sera due selon les dispositions de l'article 1154 du code civil.
Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes payées par l'employeur au titre de la prime d'ancienneté, le présent arrêt valant titre sur ce point.
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La société TP Provence doit être condamnée à payer à Monsieur [O] [L] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure (première instance et appel). Elle sera également condamnée aux dépens.
La demande de la société TP Provence au titre de l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement en ce qu'il déclaré fondé le licenciement pour inaptitude prononcé à l'encontre de Monsieur [O] [L] et rejeté les demandes à ce titre, déclaré prescrite la demande de rappel des primes d'ancienneté antérieures au 4 avril 2012 et recevable la demande de rappel des primes d'ancienneté à compter du 4 avril 2012, rejeté la demande de dommages-intérêts pour inégalité de traitement ;
INFIRME le surplus ;
ET STATUANT A NOUVEAU,
REJETTE la demande de Monsieur [O] [L] au titre du rappel des primes d'ancienneté à compter du 4 avril 2012 ;
DIT que l'inaptitude a pour origine la maladie professionnelle de Monsieur [O] [L] (surdité bilatérale) ;
CONDAMNE la société TP Provence à payer à Monsieur [O] [L] la somme de :
- 800 euros (avant déduction de la provision allouée en référé) à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
- 7408,16 euros au titre de l'indemnité compensatrice (article L.1226-14 du code du travail), sans incidence congés payés ;
- 3730,69 euros au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement ;
- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (procédures de première instance et d'appel) ;
DIT que les intérêts au taux légal assortiront les sommes dues à compter du jugement, avec capitalisation selon les dispositions de l'article 1154 du code civil ;
REJETTE la demande de la société TP Provence au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que le présent arrêt constitue de droit un titre exécutoire permettant en cas d'infirmation, le recouvrement des sommes versées en vertu du jugement ;
CONDAMNE la société TP Provence aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT