COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 11 DECEMBRE 2019
J-B.C.
N° 2019/354
Rôle N° 15/05041 - N° Portalis DBVB-V-B67-4QJH
[D] [B]
[J] [B] veuve [I]
C/
[S] [B] épouse [U]
[V] [B] épouse [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sandrine OTT-RAYNAUD
Me Arnaud LUCIEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 05 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04888.
APPELANTES
Madame [D] [B]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 18]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 20]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/004000 du 01/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentée par Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON
Madame [J] [B] veuve [I]
née le [Date naissance 10] 1967 à [Localité 18]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 6]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/005282 du 08/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentée par Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON
INTIMEES
Madame [S] [B] épouse [U]
née le [Date naissance 3] 1938 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Arnaud LUCIEN, avocat au barreau de TOULON, ayant pour avocat Me Marion MARTIN-FRANCESCHI, avocat au barreau de BASTIA
Madame [V] [B] épouse [G]
née le [Date naissance 7] 1951 à [Localité 18],
demeurant [Adresse 12]
représentée par Me Arnaud LUCIEN, avocat au barreau de TOULON, ayant pour avocat Me Marion MARTIN-FRANCESCHI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre
Mme Annie RENOU, Conseiller
Mme Annaick LE GOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2019,
Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [C] [W], née le [Date naissance 4] 1919, épouse de monsieur [A] [B] né le [Date naissance 9] 1918, avec qui elle était mariée sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts, est décédée le [Date décès 5] 2004 à [Localité 15] (Var).
La défunte a laissé pour lui succéder ;
- monsieur [A] [B] son conjoint survivant qui a déclaré opter pour la totalité en usufruit des biens dépendant de la succession de son épouse,
- Madame [S] [B] épouse [U]
- Madame [V] [C] [B]
Toutes 2 filles de la défunte, issues de son union avec le conjoint survivant.
- Mademoiselle [D] [B]
- Madame [J] [B] veuve [I],
toutes 2 petites filles de la défunte, venant à la succession par représentation de leur père, monsieur [Z] [B], autre enfant de la défunte issu de son union avec le conjoint survivant, et prédécédé le [Date décès 11] 1988.
L'actif de la communauté était composé du solde de divers comptes bancaires ouverts dans les livres de la BNP, ainsi que d'un véhicule de marque Renault, pour une valeur totale de 138.598,49 euros.
L'actif net de succession était de 71.264,21 euros.
Une convention de quasi usufruit au bénéfice du conjoint survivant a été signée suite au décès de madame [W] le [Date décès 8] 2005, portant sur la somme de 69.299,21 euros représentant l'usufruit sur la moitié de l'actif de la communauté.
Le [Date décès 13] 2009, monsieur [A] [B] est décédé.
Madame [D] [B] et madame [J] [B] veuve [I] ont été informées de ce que la succession de monsieur [X] [A] ne présentait plus qu'un actif de 1474.19 euros et un passif de 782 euros.
Selon actes d'huissier des 9 juillet et 1er octobre 2012 mesdames [D] [B] et [J] [B] veuve [I] ont fait assigner mesdames [V] [B] épouse [G] et [S] [B] épouse [U] devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins de:
- Dire que madame [U] devra se justifier du chèque de 20 800 euros émis à son profit,
- Dire que madame [U] devra produire les relevés bancaires de monsieur et madame [B] des comptes détenus par la BNP PARIBAS et justifier des prélèvements effectués à son profit ,
- Condamner madame [U] à rapporter la somme de 20 800 euros et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession,
- Condamner madame [U] à payer à mademoiselle [D] [B] et à madame [J] [B] veuve [I] la somme de 1000 euros au bénéfice de chacune d'elles à titre de dommages et intérêts et celle de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de leur conseil.
Par Jugement en date du 5 mars 2015, le Tribunal de Grande Instance de Toulon les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnées au paiement de 500 euros chacune à titre de dommages et intérêts outre la somme de 800 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mesdames [D] [B] et [J] [B] veuve [I] ont fait appel de cette décision.
Elles demandaient dans leurs dernières écritures en date du 19 juin 2015 de :
- infirmer le jugement,
- dire que mesdames [S] [U] et [V] [G] devront justifier de tous chèques émis à leur profit,
- condamner mesdames [S] [U] à rapporter la somme de 54.800 euros et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession,
- condamner madame [V] [G] à rapporter la somme de 56.000 euros et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession,
- ordonner la remise de toutes les copies des chèques émis depuis le décès de monsieur [A] [B], détenus par la BNP PARIBAS,
- condamner mesdames [S] [U] et [V] [G] à payer à mademoiselle [D] [B] et à madame [J] [B] la somme de 1.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de leur conseil.
Mesdames [S] [B] et [V] [B] épouse [G], intimées s'opposaient aux prétentions des appelantes et demandaient dans leurs dernières écritures en date du 19 août 2015 de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner chacune des appelantes à payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
- condamner solidairement les appelantes à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de leur conseil.
Par arrêt en date du 29 juin 2016 la présente juridiction a considéré qu'il existait des mouvements de fonds depuis la mort de Mme [W] épouse [B] et avant le décès de M. [B] au profit de Mmes [S] [B] et [V] [B] épouse [G] et qu'une expertise était nécessaire.
L'expert s'est principalement vu confier la mission de :
- établir la liste des comptes bancaires et d'Epargne détenus par monsieur [A] [B] entre le 17 décembre 2004 et le [Date décès 13] 2009
- rechercher si pendant cette période des chèques ont été émis par monsieur [A] [B] au profit de mesdames [U] et [G] ou au profit de la société que gèrent les époux [U],
- préciser le montant moyen des retraits et débits de chèques sur ses comptes par monsieur [A] [B] durant cette période,
- d'une façon générale rechercher si mesdames [U] et [G] ont été bénéficiaires des sommes prélevées sur ses différents comptes.
L'expert a déposé son rapport le 23 mars 2017.
Il indique en conclusion que dans la période comprise entre le 17 décembre 2004 et le [Date décès 13] 2009 :
Madame [U] a bénéficié :
- de dons manuels de la part de Monsieur [A] [B] pour un total de 34 000 € (en provenance du compte à vue BNP de Monsieur [A] [B]) ;
- .de deux chèques de banque émis par Monsieur [A] [B] pour un montant total de 34 800 € (en provenance du Livret A Caisse d'Epargne de [A] [B] pour 14 000 . et du Livret A Caisse d'Epargne de [C] [B] pour 20 800 €.) ;
- d'un chèque de 400 €. émis par Monsieur [A] [B] (en provenance du compte a vue BNP de Monsieur [A] [B]) ;
- d'un virement de 382,75€ . de [A] [B] (en provenance du Livret A Caisse d'Epargne de Monsieur [A] [B])
Soit un total de 69 582,75 € .
Madame [G] a bénéficié :
-.de dons manuels de la part de Monsieur [A] [B] pour un total de 45 000 euros (en provenance du compte a vue BNP de Monsieur [A] [B]) ;
-.d'un chèque de l000 €. émis par Monsieur [A] [B] (en provenance du compte a vue BNP de Monsieur [A] [B]) ;
Soit un total de 46 000,00€ .
- D'autres sommes dont l'affectation n'est pas établie ont été payées depuis les comptes objets de l'expertise : ( environ 60.000 euros)
- Plusieurs chèques pour un montant total de 38.969,76 € dont les bénéficiaires ne sont pas identifiés
- Un chèque de 11.000 € tiré à l'ordre d'Eureka dont l'identité des bénéficiaires est inconnue
- Plusieurs chèques au profit de tiers pour un montant total de 13.000 € correspondant probablement à des cadeaux de Noël pour les petits-enfants.
- Des retraits d'espèces pour un montant total de 64.480 € ont été effectués, avec un pic durant la période partant de décembre 2007 à mai 2009, durant laquelle 41.500 € sont retirés, soit en moyenne 2305,56 € par mois. Aucun élément ne permet de déterminer quelle a été l'affectation de ces sommes.
Par leurs conclusions du 17 janvier 2018, Mesdames [D] [B] et [J] [B] demandaient de :
- Infirmer le Jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Dire que Madame [S] [U] et Madame [V] [G] devront justifier de tous chèques émis à leur profit
- Leur enjoindre de justifier de tous prélèvements effectués à leur profit
- Condamner Madame [S] [U] à rapporter la somme de 69.582,75 € et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession
- Condamner Madame [V] [G] à rapporter la somme de 46.000 € et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession
- Ordonner la remise de toutes les copies des chèques émis depuis le décès de Monsieur [A] [B] détenus par la BNP Paribas
- Condamner Madame [S] [U] et Madame [V] [G] à payer à Mademoiselle [D] [B] et à Madame [J] [B] la somme de 1000€ au bénéfice de chacune d'elles à titre de dommages et intérêts. Outre à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits.
Elles soutiennent :
Sur le recel successoral,
- Concernant l'élément matériel, que celui-ci est constitué par la dissimulation de libéralités consenties par Monsieur [A] [B]. Elles soutiennent en effet principalement qu'au jour du décès ne figuraient plus que 1160 € sur les compte de la communauté alors que ces derniers étaient créditeurs de 138.558,49 € au mois de juillet 2015. Et que le rapport d'expertise démontre la réalité des flux financiers depuis ces comptes vers le patrimoine des intimées. Qu'un chèque de banque datant du [Date décès 5] 2004 (soit la veille du décès de [C] [B], date non comprise dans la période d'expertise) un chèque de banque de 20.800 à été tiré au profit de Madame [U]. Que ces mouvements financiers ne sont aucunement mentionnés dans la déclaration de succession et qu'ils sont par conséquent dissimulés.
- Concernant l'élément intentionnel, qu'il peut se déduire des circonstances de l'espèce. En effet, le père résidait chez les époux [U] et madame [U] entretenait de mauvaises relations avec les concluantes. Il est également avéré que les opérations litigieuses ont débuté au décès de Madame [B], qu'elles ont été réalisées sans raisons particulières dans la mesure où Monsieur [A] [B] était en capacité de subvenir à ses besoins grâce à sa pension de retraite. Que le silence des intimées lors de la tentative amiable de règlement des comptes de la succession démontre qu'elles avaient conscience des détournements réalisés. Que l'argument selon lequel le père, quasi-usufruitier pouvait disposer librement des sommes est inopérant dans la mesure où ce dernier est tenu à une obligation de restitution par la convention d'usufruit. Que Madame [U] avait procuration sur les comptes et ne pouvait ignorer les dépenses réalisées par Monsieur [B].
Sur la demande incidente de dommages et intérêts, qu'elle doit être rejetées les concluante n'ayant aucunement commis de faute dans l'exercice de leur droit d'agir en justice.
Mesdames [S] [B] épouse [U] et [V] [B] épouse [G] intimées, demandaient dans leurs écritures du 22 janvier 2018 de :
- Confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée,
- Débouter Mesdames [D] et [J] [B] de l'ensemble de leurs demandes,
- Les condamner au paiement de la somme de 1500€ chacune a titre de dommages et intérêts pour appel abusif et manifestement dilatoire
- Les condamner solidairement au paiement de la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Les condamner aux entiers dépens de l'instance, dont distraction
Elles soutiennent que :
- Le recel n'est pas qualifié en son élément matériel ce dernier devant se manifester par des actes positifs de dissimulation d'effets de la succession, ce que les appelantes échouent à démontrer en l'espèce. De plus, ces dernières affirment sans démontrer que les concluantes disposaient de procurations sur les comptes du défunt, élément qui n'est pas révélé par l'expertise. Il n'est dont aucunement prouvé que les dissimulations alléguées soient du fait des concluantes. Il n'appartenait pas non plus aux concluantes de déclarer les comptes de la succession lors de l'établissement de la déclaration de succession. Cette obligation incombe en effet au conjoint survivant. Que les prétentions liées au chèque tiré à l'ordre d'Eureka ainsi qu'aux retraits d'espèces ne sont pas sérieuses car il n'existe aucune preuve de l'affectation de ces sommes. Enfin, que les dons manuels doivent être qualifiés de présents d'usage
- Le recel n'est pas qualifié en son élément intentionnel les appelantes échouant à démontrer l'intention frauduleuse. Le silence invoqué par ces dernières ne suffit en effet pas à qualifier l'existence d'une manoeuvre frauduleuse cette prétention ne se fondant que sur une seule pièce.
L'ordonnance de clôture à été rendue le 19 septembre 2018.
Par arrêt en date du 19 décembre 2018 la présente juridiction a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de formuler toutes observations sur l'absence de demande expresse d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la ou des indivisions concernées et sur l'étendue éventuelle de ces opérations.
La cour a considéré qu'un héritier ne pouvait solliciter le rapport des libéralités et à fortiori de constatation d'un recel sans avoir au préalable sollicité l'ouverture d'opérations de compte liquidation et partage et qu'il n'était pas clairement déterminé à quelle indivision devraient être rapportées les libéralités reçues et qu'elle serait la nature du recel allégué: recel de communauté, recel successoral concernant la succession de Mme [C] [W] ou recel successoral concernant la succession de M. [A] [B]. Elle a invité également les demanderesses à se positionner sur les conséquences civiles des recels allégués.
Au terme de leurs dernières écritures du 13 mars 2019 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de leurs moyens et prétentions, les appelantes demandent à la cour de :
INFIRMER le Jugement du 5 mars 2015 rendu par le Tribunal de Grande Instance de TOULON en toutes ses dispositions ;
DECLARER la demande de Madame [D] [B] et de Madame [J] [B], recevable et bien fondée.
Y faisant droit,
ORDONNER la réouverture et le partage de l'indivision successorale de Madame [C] [W],
ORDONNER l'ouverture et le partage judiciaire de l'indivision successorale de Monsieur [A] [B] ;
DESIGNER Monsieur le Président de la Chambre des Notaires du Var pour procéder aux opérations de liquidation et partage en application des articles 1360 et suivants du code de procédure civile, et renvoyer les parties devant lui,
DIRE ET JUGER que Madame [S] [U] et Madame [V] [G] ont commis un recel successoral sur la succession de Madame [C] [W]
DIRE ET JUGER que Madame [S] [U] et Madame [V] [G] ont commis un recel successoral sur la succession de Monsieur [A] [B]
CONDAMNER Madame [S] [U] à rapporter la somme de 69 582,75 € et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession ;
CONDAMNER Madame [V] [G] à rapporter la somme de 46 000 euros et à rendre tous les fruits et revenus produits par le bien recelé dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession ;
DIRE ET JUGER qu'en l'état du recel successoral qu'ils ont commis, Madame [S] [U] et Madame [V] [G] seront exclus du partage des biens recelés. CONDAMNER Madame [S] [U] et Madame [V] [G] à payer à Mademoiselle [D] [B] et à Madame [J] [B] la somme de 1000 € au bénéfice de chacune d'elles à titre de dommages et intérêts ;
Outre à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître OTT RAYNAUD, Avocat, sur son offre de droits ;
SUR CE:
Concernant la succession de Madame [C] [W] :
A la suite du décès de Mme [W] les parties ont établi une déclaration de succession dont il résulte que l'actif de la communauté était composé de soldes de comptes bancaires et d'un véhicule de faible valeur . Elles ont également établi une convention de quasi-usufruit aux termes de laquelle M. [A] [B] pouvait disposer librement des fonds sur lesquels s'exerçait son usufruit à charge pour lui ou ses ayants droits d'en restituer la valeur à la fin de l'usufruit.
Il résulte de ces éléments que la communauté a été effectivement liquidée et que la succession elle-même semble l'avoir été.
Faute cependant de certitude à cet égard l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [W] sera ordonnée en tant que de besoin
Sur l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage judiciaire de la succession de Monsieur [A] [B] ;
Aux termes de l'article 815 du code civil, nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision. Les appelantes sont donc bien fondées à solliciter l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage judiciaire de la succession de Monsieur [A] [B].
Il appartiendra au notaire désigné de procéder à ces opérations en considérations des éléments ci après développés.
Sur l'existence de donations rapportables :
L'expert désigné a établi un rapport qui révèle l'existence de mouvements de fonds importants sur le compte de M. [B] postérieurement au décès de son épouse.
Certains de ces mouvements sont parfaitement identifiés comme étant des dons manuels puisque des déclaration de dons manuels ont été établies à destination des services fiscaux.
Ces dons manuels se sont élevés à 45.000 € en ce qui concerne Mme [G] et 34.000 € en ce qui concerne Mme [U]..
S'agissant de dons manuels ils constituent, comme leur non l'indique, des libéralités.
L'article 843 du code civil dispose «tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale».
Aucun élément ne permettant de considérer que le donateur a entendu dispenser les donataires du rapport les donations consenties sous forme de don manuel seront donc rapportées à la succession.
Le rapport d'expertise révèle qu'outre les dons manuels déclarés madame [G] ET madame [U] se sont vu remettre des chèques par M. [B].
C'est ainsi que Madame [U] a bénéficié de deux chèques de banque émis par Monsieur [A] [B] pour un montant total de 34 800 € (en provenance du Livret A Caisse d'Epargne de [A] [B] pour 14 000 . et du Livret A Caisse d'Epargne de [C] [B] pour 20 800 €.) ; d'un chèque de 400 €. émis par Monsieur [A] [B] (en provenance du compte a vue BNP de Monsieur [A] [B]) et d'un virement de 382,75€ . de [A] [B] (en provenance du Livret A Caisse d'Epargne de ce dernier ) soit un total de 35.582,75 Euros
La remise d'un chèque tiré sur un compte comportant une provision suffisante qui entraîne un dépouillement actuel et irrévocable de la part du donateur, constitue un don manuel, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait été déclaré comme tel aux services fiscaux.
Les chèques dont le total s'élève à 35.582,75 Euros que M. [B] a remis à Mme [U] doivent donc être considérés également comme des dons manuels soumis à rapport.
La somme totale que Mme [U] devra rapporter à la succession est donc de 69 582,75 Euros.
Madame [G] a pour sa part bénéficié outre les dons manuels déclarés, d'un chèque de l000 €. émis par Monsieur [A] [B] (en provenance du compte a vue BNP de Monsieur [A] [B]).
Pour les motifs sus évoqués ce chèque, dont il n'est pas prétendu qu'il s'agit d'un présent d'usage, doit être considéré comme un don manuel et à ce titre soumis à rapport.
Le montant total des donations rapportables par Mme [G] s'élève donc à 46 000 Euros.
Sur les autres mouvements de fonds :
L'expert a déterminé l'existence de mouvements de fonds importants sur les comptes de M. [B]; Il s'agit de chèques ayant bénéficié à des tiers et de retraits d'espèces d'un volume important puisqu'ils se sont élevés à 64.480 Euros.
Si ces mouvements qui ont abouti à vider les comptes de M. [B] et rendent d'ailleurs impossible la restitution des sommes sur lesquelles M. [B] bénéficiait d'un usufruit sont particulièrement importants et étonnants pour un homme de son âge il ne peut résulter de ce seul constat que les intimées en ont bénéficié. Il serait au demeurant nécessaire de déterminer précisément la somme reçue par chacune des deux filles du défunt, un rapport commun n'étant pas envisageable.
Il n'est pas non plus démontré que les filles de M. [B] bénéficiaient d'un mandat dont elles auraient à rendre compte à la succession.
La preuve de donations ou de détournements concernant ces sommes n'est donc pas rapportée
Le demande formée à ce titre par madame [D] [B] et madame [J] [B] veuve [I] sera donc rejetée.
Sur le recel:
Il résulte des pièces versées aux débats et en particulier des correspondances échangées par les appelantes avec le notaire chargé de la succession que Mme [G] et Mme [U] n'ont, au stade des discussions amiables concernant la succession de leur père, nullement indiqué qu'elles avaient bénéficié de dons manuels. Leurs écritures devant les premiers juges n'en font pas plus mention comme d'ailleurs leurs écritures d'appel antérieures à l'expertise.
Ce n'est qu'après que l'expertise a été ordonnée qu'elles ont fourni à l'expert les déclarations de dons manuels que celui-ci a évoquées dans son rapport et que les remises de chèques ont été révélées.
Aux termes de l'article 778 du code civil «Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.»
En l'espèce mesdames [G] et [U] en omettant de déclarer les donations dont elles avaient bénéficié ont non seulement réalisé l'acte matériel constitutif du recel mais ont également par cette dissimulation volontaire manifesté leur intention de rompre l'égalité entre les héritiers.
Les éléments matériels et intentionnels constitutifs du recel sont donc réunis.
Mesdames [G] et [U] devront en conséquence rapporter les donations dont elles ont bénéficié et ne pourront prétendre à aucune part dans les biens ou les droits recelés.
Elles devront en outre rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elles ont eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.
Sur la demande de dommages et intérêts:
Il n'est pas justifié par les appelantes d'un préjudice lié à l'attitude de mesdames [G] et [U] autre que l'obligation de plaider qui sera évoquée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
Sur les demandes annexes :
Mesdames [G] et [U] qui succombent en leurs prétentions seront condamnées aux dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont exposés; il convient à ce titre de condamner madame [S] [U] et madame [V] [G] à payer 1.500 Euros à chacune des appelantes.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Infirme la décision entreprise.
Et statuant à nouveau
Ordonne en tant que de besoin l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [W]
Ordonne l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de M. [A] [B].
Désigne pour y procéder Me [H] [P] notaire à [Localité 22].
Désigne M. [M] ou à défaut tout membre de la chambre 2-4 de la cour d'appel d'Aix en Provence pour surveiler ces opérations et faire rapport en cas de difficulté.
Dit que Mme [U] à bénéficié de donations rapportables à hauteur de 69 582,75 €.
Dit qu'elle devra rapporter ces sommes à la succession de M. [A] [B].
Dit qu'elle a commis un recel successoral à hauteur de ces sommes et qu'elle ne pourra prétendre à aucune part dans les biens ou les droits recelés .
Dit qu'elle devra en outre rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession ;
Dit que Mme [G] à bénéficié de donations rapportables à hauteur de 46.000 €.
Dit qu'elle devra rapporter ces sommes à la succession de M. [A] [B].
Dit qu'elle a commis un recel successoral à hauteur de ces sommes et qu'elle ne pourra prétendre à aucune part dans les biens ou les droits recelés
Dit qu'elle devra en outre rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession ;
Rejette toutes autres demandes.
Condamne madame [S] [U] et madame [V] [G] in solidum à payer à mademoiselle [D] [B] et à madame [J] [B] la somme de 1.500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne madame [S] [U] et madame [V] [G] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT