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03/09/2019 | FRANCE | N°17/08049

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 03 septembre 2019, 17/08049


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 SEPTEMBRE 2019

A.D

N° 2019/













N° RG 17/08049 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAN36







SCI FREJUS FL





C/



[A] [T]

[G] [B]

[W] [I]

SNC [R]

SA CICOBAIL

SA SOCIETE GENERALE POUR LE DEVELOPPEMENT DES OPERATI ONS DE CREDIT-BAIL IMMOBILIER - SOGEBAIL



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Court Menigoz

Me GUEDJ

Me Musacchia

Me Payen





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/07490.
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 SEPTEMBRE 2019

A.D

N° 2019/

N° RG 17/08049 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAN36

SCI FREJUS FL

C/

[A] [T]

[G] [B]

[W] [I]

SNC [R]

SA CICOBAIL

SA SOCIETE GENERALE POUR LE DEVELOPPEMENT DES OPERATI ONS DE CREDIT-BAIL IMMOBILIER - SOGEBAIL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Court Menigoz

Me GUEDJ

Me Musacchia

Me Payen

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/07490.

APPELANTE

SCI FREJUS FL

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 1]

représentée par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Emilie VERGERIO, de l'ASSOCIATION MACHETTI - CREPEAUX - VERGERIO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIMES

Monsieur [A] [T],

notaire associé de la SOCIETE [F] [N] et [A] [T], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Véronique CHIARINI, avocat au barreau de NIMES, plaidant

Maître [G] [B], demeurant [Adresse 3]

défaillant

Maître [W] [I],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Michel RONZEAU, avocat au barreau de VAL D'OISE, substitué par Me Christiane ROBERTO, avocat au barreau du Val d'OISE, plaidant

SNC [R] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assiste par Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION E. W. D ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant

SA CICOBAIL prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social,30 [Adresse 6]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

SA SOCIETE GENERALE POUR LE DEVELOPPEMENT DES OPERATI ONS DE CREDIT-BAIL IMMOBILIER - SOGEBAIL prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 7]

représentée et assistée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2019.

ARRÊT

Par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2019

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Marcy FEDJAKH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé :

Par jugement, réputé contradictoire, le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté les demandes de la société civile immobilière Fréjus FL, a rejeté la demande indemnitaire de la société [R] et a condamné la société Fréjus FL à payer à la société [R], à Me [I], et à Me [T] la somme de 3000 € chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Sogebail et à la société Cicobail ensemble la somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, rejetant la demande d'exécution provisoire.

Le tribunal retient, sur le fondement du dol, que celui-ci n'est pas constitué car la société [R], vendeur de l'immeuble aux sociétés Sogebail et Cicobail, certes connaissait la difficulté tenant à la non régularisation du droit de passage qu'elle avait sollicitée auprès de la société civile immobilière Méditerranéenne, mais qu'il n'était pas suffisamment démontré que cette information n'avait pas été donnée dans le but de nuire aux sociétés acquéreurs et au crédit preneur, ni qu'elle constituait un élément déterminant de la vente ; qu'en ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information et de loyauté, celui-ci était caractérisé dans la mesure où le vendeur n'avait pas donné l'information sur le désaccord qui l'avait opposé à la société civile immobilière Méditerranéenne quant à l'utilisation des voies alors que les documents produits à la vente, notamment la note de présentation du permis de construire et la demande d'autorisation d'exploitation à la CDEC du Var, qui mentionnaient une utilisation commune des voies et parkings, laissaient supposer cet accord; que si l'acte notarié ne comportait pas la mention d'une servitude de passage, cela ne dispensait pas le vendeur d'attirer l'attention de l'acheteur sur la difficulté relative à l'utilisation commune de la voie ; qu'en ce qui concerne la responsabilité des notaires, Me [T] a dressé l'acte de vente; que le crédit-bail immobilier a été régularisé par Me [B], substituant Me [I] ; qu'il ressort d'un courrier du 19 mars 2009 de la société Méditerranéenne au notaire que Me [T] était informé de son absence d'accord sur l'utilisation des voies ; qu'il était donc conscient de la difficulté et n'a pas attiré l'attention des parties à l'acte ; que son devoir de conseil lui imposait d'attirer l'attention de l'acheteur sur les conséquences de l'absence d'accord et de l'absence de servitude quant à l'accessibilité des locaux du niveau inférieur ; qu'il en est de même de la responsabilité de Me [I] ; qu'enfin, la société Fréjus FL qui est une professionnelle, et qui a examiné les documents produits par la société [R] doit être tenue responsable pour moitié du préjudice ; que le préjudice résultant d'un manquement au devoir de conseil et d'information est une perte de chance de ne pas contracter, mais que la société Fréjus FL ne démontre pas que l'utilisation des voies communes était un élément essentiel de son consentement dès lors qu'au jour de la signature des actes authentiques, elle était déjà liée par un compromis pour une société Patrimoine FL et qu'elle était très avancée dans son projet ; qu'il n'est pas démontré que la résiliation du crédit-bail qui est intervenue par ordonnance du 17 septembre 2015 est la conséquence de la faute, mais qu'elle est bien plutôt la conséquence du défaut de respect par le crédit preneur de son obligation de remboursement, la résiliation du bail de la société Socodef étant certes motivée par la pose de la clôture mais non celle de la société Bricorama qui avait été victime d'un incendie le 2 janvier 2013, alors en outre que les difficultés de paiement des loyers du crédit-bail ont commencé en raison de difficultés de trésorerie de la société civile immobilière Fréjus FL en 2011.

La société civile immobilière Frejus FL a relevé appel de cette décision.

Au terme de ses dernières conclusions en date du 24 octobre 2017, elle demande de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société [R] avait manqué à ses obligations pré-contractuelles d'information et de loyauté et que les notaires avaient manqué à leur devoir de conseil,

- le réformer pour le surplus,

- dire que la société [R] s'est rendue coupable de dol et de réticences dolosives à son préjudice, qu'elle a manqué à son obligation de délivrance conforme, que les manquements respectifs de la société [R] ainsi que des deux notaires sont à l'origine du déséquilibre financier du contrat de crédit-bail et de sa résiliation, qu'elle n'a en revanche commis aucune faute de nature à justifier un partage de responsabilité,

- condamner in solidum Me [T] et Me [I], ainsi que la société [R] à lui payer la somme de 231'873 €correspondant à la perte de ses apports,

- les condamner in solidum au paiement de toutes sommes qu'elle serait jugée devoir aux sociétés Sogebail et Cicobail en vertu du contrat de crédit-bail, qu'il s'agisse de redevances comme de l'indemnité d'occupation et plus généralement de l'ensemble des indemnités notamment l'indemnité forfaitaire de résiliation prévue au contrat,

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 1'500'000 € au titre de la perte de chance de devenir propriétaire du bien,

- dire que la décision sera opposable aux sociétés Sogebail et Cicobail,

- rejeter toute demande reconventionnelle comme mal fondée,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 10'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 14 septembre 2017, la société en nom collectif [R] demande de :

- confirmer le jugement par substitution de motifs en ce qui concerne la faute reprochée à la société [R] et rejeter toutes les demandes de la société Fréjus FL,

- donner acte aux sociétés Sogebail et Cicobail de leurs demandes de mise hors de cause,

- condamner la société Fréjus FL à lui payer la somme de 5000 € hors taxes par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Me [I], par conclusions du 21 septembre 2017, demande de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa faute et statuant à nouveau

- dire qu'aucune faute ne peut lui être reprochée,

- rejeter les demandes de la société appelante,

- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Fréjus FL ne justifiait pas d'un préjudice indemnisable par le notaire, en ce qu'il a rejeté ses demandes à son encontre et l'a condamné à lui verser la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant :

- condamner la société appelante à lui verser la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 30 août 2017, les sociétés Sogebail et Cicobail demandent de :

- constater l'absence de demande formée à leur encontre par la société appelante et les mettre hors de cause,

- condamner la société appelante à leur payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Me [T] a conclu, le 29 août 2017, en demandant de :

- dire qu'il n'a commis aucune faute ni aucun manquement à son devoir d'information et de conseil,

- rejeter toutes les demandes de la société appelante à son encontre,

- subsidiairement, retenant l'absence de préjudice imputable, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société appelante et l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant au niveau de la cour, condamner la société appelante à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour accusation diffamatoire, la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Me [B] est défaillant.

Il a été assigné par exploit du 25 juillet 2017 à une personne présente à son domicile.

L'arrêt sera rendu par défaut.

L'ordonnance de clôture a été prise le 4 décembre 2018.

Motifs

Selon promesse de vente du 13 novembre 2008 avec un avenant du 11 mars 2009 et selon acte de vente du 24 juillet 2009, reçu par Me [T], la société en nom collectif [R], filiale immobilière du groupe Intermarché, qui avait alors pour projet sur un terrain acheté en 1999 cadastré AY [Cadastre 1] et voisin d'une parcelle AY [Cadastre 1] appartenant à la société civile immobilière Méditerranéenne sur laquelle est exploité un magasin [Établissement 1], de réaliser un immeuble pour y créer un magasin à l'enseigne [Établissement 2], ce projet prévoyant une mise en commun des voies de circulation et du parking par les magasins [Établissement 1] et [Établissement 2], a vendu le bien immobilier aux sociétés Sogebail et Cicobail représentées par Me [I] pour un prix de 2'550'000 € hors taxes.

La désignation du bien vendu est ainsi rédigée :

Un ensemble immobilier achevé de construire en 2006, composé initialement d'un bâtiment d'une superficie hors oeuvre nette de 1789 m² et d'une superficie commerciale intérieure de 1216 m² avec réserve de 262 m², bureau 227 m² et surface annexe 284 m², surface de vente extérieure de 574 m², parking de 100 places dont 73 en sous-sol étant précisé qu'un permis de construire modificatif du 2 mars 2006 porte la surface hors oeuvre brute à 3420 m² et la surface hors oeuvre nette à 1804 m².

Le même jour, Me [B] dressait, avec l'intervention de Me [I], un acte aux termes duquel les sociétés Sogebail et Cicobail consentaient à la société Fréjus FL un contrat de crédit bail portant sur ledit bien immobilier.

La société Fréjus FL a loué l'immeuble à Bricorama entre 2009 et 2012 ; courant 2012, elle a divisé le bâtiment en louant la partie supérieure à l'enseigne DIA et la partie inférieure à un magasin exploité sous l'enseigne La Foir' fouille, le magasin Bricorama étant maintenu dans cette même partie inférieure.

La parcelle sur laquelle la société exploite le commerce à l'enseigne [Établissement 1] a alors été clôturée et la société Fréjus FL n'a plus respecté ses obligations de paiement des loyers du crédit-bail, ce qui a amené la résiliation du contrat.

La société Fréjus FL a, dans ces circonsatnces, fait le reproche aux notaires et à ses cocontractants de ne pas l'avoir informée de la situation concernant les démarches réalisées par la SNC [R] à l'égard de la société civile immobilière Méditerranéenne, 3 mois avant la vente, relativement à la mise en commun des voies d'accès, et a introduit la présente action, soulignant l'intervention de Me [T] dans le cadre de ce litige, faisant valoir que le bien a été vendu avec les autorisations d'urbanisme de construire et également les autorisations d'exploitation commerciale, et soulignant qu'il en résultait que l'immeuble n'était pas conforme à cette autorisation commerciale délivrée le 5 octobre 2000 laquelle prévoyait un accès par la parcelle AY [Cadastre 1].

Elle ajoutait qu'il appartenait au notaire de vérifier si les parkings et voies d'accès du bâtiment inférieur entraient dans l'emprise de la vente, à défaut, de vérifier si un accord avait été régularisé pour la mise en commun avec le propriétaire du fonds voisin, et à défaut d'accord, d'attirer l'attention des acquéreurs sur les conséquences qui en résultaient, affirmant qu'elle ne se serait pas lancée dans l'opération immobilière si elle avait été mieux informée, son préjudice consistant dans la perte de ses apports personnels, dans les condamnations prononcées dans le litige avec le crédit bailleur et dans la perte de chance de devenir propriétaire.

Il lui est opposé, notamment par la société [R], que la société Fréjus FL avait reconnu que le bien vendu est conforme à l'autorisation d'urbanisme de construire et également qu'elle avait reçu toutes les informations avant de s'engager ; qu'il n'est pas démontré que la résiliation du crédit-bail provient du fait que la société Fréjus n'a pas pu louer la partie inférieure du bâtiment en raison de la clôture posée, que ses problèmes financiers sont imputables à son comportement en ce que notamment elle a créé de nouvelles surfaces commerciales, ce qui a provoqué des problèmes avec son voisin.

Il résulte de l'examen des courriers échangés aux mois de mars et avril 2009 entre la société [R], le notaire, Me [T], et la société civile immobilière Méditerranéenne que le vendeur a été en négociation avec son voisin pour se voir accorder un droit de passage, prétendant d'ailleurs à ce titre vouloir régulariser une 'servitude préexistante' d'utilisation des voies de circulation du parking [Établissement 1] (pièce 25 de la société appelante) ou encore souhaitant régulariser la servitude d'utilisation des voies de circulation de l'[Établissement 1] et prévoir une servitude réciproque de parking (pièces 27).

Ces échanges démontrent donc que le vendeur a tenté, quelque trois mois avant la vente, de négocier les conditions de desserte et d'utilisation des parkings avec son voisin, souhaitant mettre en forme une pratique jusque là sans problème entre eux; il n'a, certes, pas été donné satisfaction à cette demande, sans pour autant que la SCI voisine ne s'y oppose, aucun des courriers de ce chef produits ne mentionnant, en effet, de refus formel ou de désaccord de sa part sur l'octroi de cette servitude et celle-ci se contentant plutôt d'adopter une position d'attente, réservant sa décision en fonction de ce qu'il adviendrait, au préalable, des griefs qu'elle-même faisait relativement à un empiètement de parkings de la société [R] sur sa propre parcelle.

Il n'est au demeurant pas contesté que jusqu'alors et également pendant les 3 années qui ont suivi la vente en litige, soit entre 2009 et 2012, les exploitants de la parcelle AY [Cadastre 1] ne se sont jamais heurtés à une quelconque opposition de la part du propriétaire de la parcelle AY [Cadastre 1] en ce qui concerne l'usage des voies et parkings.

Il sera par ailleursrelevé que les acquéreurs ont acheté un bien pour lequel un permis de construire et une autorisation commerciale d'exploitation avaient été délivrés au visa d'un projet qui évoquait la mise en commun des parkings et des voies de circulation ; que ces documents n'évoquaient, en effet, clairement qu'un projet d'utilisation partagée des voies et parkings; qu'ils ne traduisaient ainsi qu'une intention, laquelle n'était matérialisée par aucun acte ou titre et qu'ils ne sauraient, par suite, être qualifiés, ainsi que le fait l'appelante, de documents 'anesthésiants'; que les acquéreurs, comme la société Fréjus FL qui est intervenue à la vente, sont des professionnels habitués à ce type de projets d'investissements ; qu'ils ont été mis en mesure d'examiner minutieusement les actes ( ayant ainsi pu exiger que soit versé, avant la réitération, le certificat, manquant, de conformité de la construction) et qu'il est reconnu par la société Fréjus FL, dans ses propres écritures, que pendant les discussions pré-contractuelles la note de présentation jointe au permis de construire du magasin Bricomarché prévoyant précisément le fonctionnement en commun du parking leur avait été remise.

Or, malgré les éléments ainsi connus, aucun n'a pris quelque précaution que ce soit, notamment au travers de la rédaction d'une condition suspensive soumettant la vente à l'établissement d'une servitude de ce chef.

Le fait que les lieux se présentaient avec cette libre circulation sur l'ensemble de l'espace et avec un usage commun des parkings ne saurait, dans ces circonstances, être invoqué comme suceptible d'accréditer autre chose qu'une situation de fait relevant d'une tolérance réciproque des propriétaires concernés.

La situation était d'autant plus claire au jour de l'acte que celui-ci stipulait qu'aucune servitude n'existait, de sorte que l'acquéreur et le crédit preneur, qui étaient conscients que les voies de circulation et parkings tels que mentionnés aux actes n'existaient que par suite d'une simple tolérance, qui se voyaient à nouveau avertis au jour de l'acte qu'il n'existait pas de servitude de nature à leur conférer un droit, ne sauraient prétendre que leur vendeur et les notaires devaient leur délivrer de plus amples informations au titre de leur obligation pré-contractuelle d'information et de loyauté pour le premier et au titre de leur devoir de conseil pour les seconds, sauf à se voir redire qu'il n'y avait pas de servitude de passage, ni de titre pour une occupation partagée des voies et du parking sis sur le terrain de la parcelle voisine.

La demande fondée sur le dol ne pourra être retenue.

Si le vendeur a certes gardé le silence sur ses démarches relatives à un élément important de la commercialité du bien, il demeure toutefois que :

-d'une part, rien ne vient démontrer, ni qu'il se soit heurté à un refus de son voisin sur l'instauration de cette servitude, ni qu'auparavant il ait entretenu des relations conflictuelles à ce sujet ; d'ailleurs le temps d'exploitation qui a eu lieu jusqu'à ces tractations s'est déroulé sans incident et le temps qui a suivi s'est également écoulé sans qu'il n'y ait d'obstruction particulière de la part de la SCI Méditerranéenne au moins pendant 3 années;

- d'autre part, le notaire a clairement mentionné à l'acte la déclaration du vendeur selon laquelle il n'y avait pas de servitude concédée,

- en troisième lieu, non seulement les documents d'urbanisme ( la note de présentation jointe au permis de construire) qui ont pu être consultés, lus et analysés dès la phase pré-contractuelle, et qui ont été également précisément visés à l'acte, ne constituaient d'évidence pas un titre, mais en outre, il est avéré qu'au jour du compromis passé sous seing privé, les accords étaient d'ores et déjà scellés et que l'acquéreur, alors renseigné, n'a pas pris la peine de se protéger, ni de sécuriser la situation sur ce point en érigeant la question de l'usage commun des voies et parkings en condition suspensive,

-enfin, Me [T], qui ne disposait que des plans, qui n'a pas l'obligation de se rendre sur les lieux et qui a exactement consigné l'absence de toute servitude, ne pouvait, même s'il a été impliqué dans la négociation avec le voisin sur la constitution d'une servitude, imaginer la difficulté soulevée quant aux accès et aux parkings vu l'emplacement de la parcelle et sa desserte directe sur deux voies publiques et vu les parkings tels que prévus à la désignation.

Il en résulte que la demande de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle tant de la SNC [R] que des notaires sera jugée mal fondée.

La lecture des dispositions de l'acte de vente permet par ailleurs de retenir qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation de délivrance compte tenu à la fois des termes relatifs à la désignation du bien et également des éléments fournis relativement à l'usage commun des voies de circulation et parkings tels qu'ils ressortent clairement des documents d'urbanisme mis précédemment à disposition ainsi que de la mention de l'absence de toute servitude active et passive.

Me [T], qui ne prouve pas le caractère malicieux ou malveillant des développements de la société Fréjus tendant à lui reprocher d'avoir participé au dol invoqué contre la société [R], sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée en application de l'article 1240 du Code civil.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à préciser qu'aucune faute, ni dol , ni manquement à l'obligation de délivrance ne peuvent être retenus contre le vendeur, et qu'aucune faute ne peut être retenue contre les notaires,

Y ajoutant :

Met hors de cause les sociétés Sogebail et Cicobail,

Condamne en cause l'appel, par application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Fréjus FL à payer à Me [T] la somme de 1500 €, à Me [I] la somme de 1500 €, aux sociétés Sogebail et Cicobail ensemble la somme de 1500 €, à la société [R] la somme de 2000 €,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne la société Fréjus Fl aux dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 17/08049
Date de la décision : 03/09/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/08049 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-03;17.08049 ?
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