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16/01/2018 | FRANCE | N°15/08468

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 16 janvier 2018, 15/08468


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2018

A.V

N° 2018/













Rôle N° 15/08468







[O] [T]

[U] [T]





C/



[Z] [Z]





















Grosse délivrée

le :

à :Me Alligier

Me Levaique

















Décision déférée à la Cour :



Ju

gement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02763.





APPELANTS



Monsieur [O] [T]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Pasca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2018

A.V

N° 2018/

Rôle N° 15/08468

[O] [T]

[U] [T]

C/

[Z] [Z]

Grosse délivrée

le :

à :Me Alligier

Me Levaique

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02763.

APPELANTS

Monsieur [O] [T]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Caroline GUNSETT, avocat au barreau de NICE,plaidant

Monsieur [U] [T]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Caroline GUNSETT, avocat au barreau de NICE,plaidant

INTIME

Monsieur [Z] [Z], demeurant [Adresse 3]R (SUISSE)

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Jean-Marie LESTRADE, avocat au barreau de GRASSE,plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2018,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant actes d'huissier en date des 12 avril et 15 mai 2013, M. [Z] [Z] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nice M. [O] [T] et M. [U] [T] en paiement d'une somme de 500 000 euros qu'il disait leur avoir prêtée suivant contrat du 21 janvier 2003 avec une date de remboursement au 21 janvier 2007, et ce avec des intérêts au taux de 22,5% à compter du 21 janvier 2003 et subsidiairement avec intérêts au taux légal à compter de cette date, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Par jugement du 11 mai 2015, le tribunal de grande instance de Nice a :

- dit que l'action de M. [Z] [Z] n'est pas prescrite,

- débouté M. [O] [T] de sa demande d'expertise graphologique,

- condamné solidairement M. [O] [T] et M. [U] [T] à payer à M. [Z] [Z] une somme de 500 000 euros au titre du principal, avec intérêts au taux de 22,5% à compter du 21 janvier 2003, capitalisés en application de l'article 1154,

- débouté M. [Z] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné in solidum M. [O] [T] et M. [U] [T] à payer à M. [Z] [Z] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Il a dit que les articles L 313-1 du code monétaire et financier sur le monopole des opérations de crédit, L 137-2 du code de la consommation sur la prescription et L 341-2 et 3 du code de la consommation sur la nullité des engagements des cautions ne sont pas applicables, à défaut pour les défendeurs d'établir que M. [Z] [Z] consentirait des prêts de manière habituelle et qu'il aurait agi de manière professionnelle.

Il a retenu que le prêt avait été consenti à M. [O] [T] et M. [U] [T], désignés comme 'l'emprunteur' et ayant signé comme tels, la société YAK et YETI ne figurant dans l'acte que comme donneur de garantie.

Il a procédé à la vérification de la signature de M. [O] [T] et ajouté que celui-ci ne contestait pas avoir eu un rôle dans le cadre de la société YAK et YETI qui a perçu directement la somme de 100 000 euros de M. [Z] [Z] et que son nom apparaissait sur une publicité pour l'achat de terrain.

Il a enfin considéré que rien ne permettait de supposer que le contrat de prêt serait en réalité un contrat de commandite et a appliqué le taux d'intérêt contractuel.

M. [O] [T] et M. [U] [T] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 15 mai 2015.

Par ordonnance du 25 avril 2017, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de production de l'original du contrat de crédit et donné acte à M. [Z] [Z] de ce qu'il laissait l'original des conventions conclues avec M. [O] [T] et M. [U] [T] pour être à la disposition exclusive des parties au litige et de leur conseil.

----------------

M. [O] [T] et M. [U] [T], suivant leurs conclusions récapitulatives n 1 signifiées par RPVA le 9 octobre 2017, demandent à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [Z] de ses demandes de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, de :

Au visa de l'article L 313-1 du code monétaire et financier,

- constater que la mise à disposition par M. [Z] [Z] de la somme de 500 000 euros constitue une opération de crédit immobilier relevant du monopole bancaire,

- constater et dire prescrite l'action de M. [Z] [Z] au visa des dispositions de l'article L 137-2 du code de la consommation,

Subsidiairement,

Au visa des articles L 341-2 et 3 du code de la consommation , des articles 1351 et 2313 du code civil et des articles L 622-24 et 26 du code de commerce,

- dire que l'opération litigieuse s'inscrit dans le cadre d'un contrat de crédit consenti par M. [Z] [Z] à la société YAK et YETI Services, garantie par le cautionnement solidaire de M. [O] [T] et M. [U] [T],

- constater que l'engagement de caution revendiqué ne comporte pas les mentions obligatoires prévues à peine de nullité par les articles L 341-2 et 3 du code de la consommation,

- dire nul et de nul effet les engagements de caution de M. [O] [T] et M. [U] [T],

En tout état de cause,

- constater qu'une procédure de sauvegarde judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société YAK et YETI Services et qu'un plan de sauvegarde est en cours d'exécution,

- constater que M. [Z] [Z] n'a pas déclaré sa créance au passif de la procédure collective de cette société, débiteur principal,

- déclarer M. [Z] [Z] irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Au visa de l'article 232 du code de procédure civile,

- constater que M. [O] [T] n'est pas l'auteur de la signature apposée sur l'acte litigieux sous son nom,

- dire l'acte litigieux inopposable à M. [O] [T],

- désigner par arrêt avant dire droit un expert pour vérifier la signature,

Infiniment subsidiairement,

- dire que le taux de 22,5% l'an mentionné constitue une rémunération sous forme de participation aux bénéfices,

- dire que l'accord formalisé par cette convention est une commandite dans le cadre de laquelle M. [Z] [Z] a le statut de commanditaire le rendant irrecevable à revendiquer le remboursement de son apport par suite de l'échec de l'opération,

- débouter M. [Z] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner M. [Z] [Z] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils font valoir pour l'essentiel les moyens et arguments suivants :

la convention a pour objet la remise d'une somme de 500 000 euros à la société YAK et YETI Services pour la réalisation d'opérations immobilières en Russie et constitue une opération de crédit immobilier relevant du monopole bancaire ; seul un professionnel du crédit peut prévoir des clauses aussi techniques ; on peut donc douter du caractère ponctuel de l'opération ; il en résulte que la prescription applicable est celle de l'article L 137-2 du code de la consommation, c'est à dire deux ans ; or le crédit est arrivé à échéance le 21 janvier 2007 et l'assignation a été délivrée en mai 2013 ;

l'action en paiement est mal dirigée car M. [O] [T] et M. [U] [T] ne sont désignés que comme cautions solidaires de la société YAK et YETI Services ; cet engagement de caution est nul à défaut de comporter les mentions obligatoires des articles L 341-2 et 3 du code de la consommation, sans qu'il puisse leur être opposé que le prêt ne serait pas l'acte d'un professionnel ;

la société YAK et YETI Services a été placée, par jugement du tribunal de commerce d'Annecy du 13 août 2012, en procédure de sauvegarde ; or, M. [Z] [Z] ne justifie pas avoir déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement au BODAC ;

en tout état de cause, M. [O] [T] n'est pas signataire de l'acte litigieux et cette contestation aurait dû amener le premier juge à ordonner une expertise ;

enfin, la commune intention des parties, en fixant un taux de 22,50%, était de prévoir une véritable participation de M. [Z] [Z] aux bénéfices envisagés sur l'opération en Russie ; il ne s'agit donc pas d'un contrat de prêt mais d'une commandite.

M. [Z] [Z], en l'état de ses écritures en réponse signifiées par RPVA le 28 septembre 2015, demande à la cour de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions et de :

- débouter les appelants de leurs entières demandes, fins et conclusions,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et appel abusif,

- les condamner solidairement à lui verser une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient les moyens suivants :

M. [O] [T] et M. [U] [T] apparaissent comme emprunteurs pour l'acquisition de biens au Caucase et ils se sont reconnus débiteurs solidaires en s'engageant à rembourser les fonds à M. [Z] [Z], la société YAK et YETI Services étant désignée comme caution solidaire ;

l'article L 137-2 du code de la consommation n'a pas à s'appliquer ; en effet, cet article a été créé par la loi du 17 juin 2008, soit postérieurement à la signature du contrat contesté ; au demeurant, l'utilisation des fonds ( dont MM. [O] et [U] [T] ne justifient d'ailleurs pas) ne concerne par M. [Z] [Z] qui est seulement prêteur et n'a pas la qualité de professionnel, n'étant pas un prêteur habituel ; c'est donc le délai de prescription de droit commun de l'ancien article 2262 du code civil (soit trente ans) et les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 qui s'appliquent ;

MM. [O] et [U] [T] ne sont pas cautions mais emprunteurs, de sorte que la question de la nullité de l'engagement de caution est vaine ; il n'est pas nécessaire de rechercher 'la commune intention des parties', il suffit de lire le contrat ;

il n'existe aucun début de démonstration de la fausseté prétendue de la signature de M. [O] [T] ; celui-ci apparaît en tout état de cause à toutes les étapes de l'affaire ; les juges ne sont pas tenus de recourir à une expertise, pouvant eux-mêmes vérifier l'écrit contesté et trouver dans la cause les éléments de conviction suffisants ; en tout état de cause, si la signature de M. [O] [T] était fausse, il n'aurait pas le même avocat que M. [U] [T] qui ne nie pas avoir signé l'acte ;

la qualification de contrat de commandite est incongrue, n'ayant aucun rapport avec la présente opération de prêt ; si une critique était formulée sur le taux retenu de 22,50%, il pourrait seulement être remplacé par le taux légal.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 31 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'à l'audience des plaidoiries du 20 novembre 2017, M. [Z] [Z] a remis à la cour son exemplaire original de l'acte de prêt sur lequel il fonde ses demandes ;

Attendu que l'acte en question est un acte sous seing privé daté du 21 janvier 2003 qui est dénommé « contrat de crédit » et qui a pour objet la remise par M. [Z] [Z] à l'emprunteur d'une somme de 500 000 euros dont il est prévu qu'elle sera utilisée uniquement pour l'achat de terrains ou de biens immobiliers en Russie et plus particulièrement dans la vallée de Krasnaya au Caucase ; qu'il est convenu que les fonds seront restitués à la fin de la quatrième année et que les intérêts seront payables à chaque fin d'année au taux de 22,50% l'an, sauf la possibilité pour l'emprunteur de cumuler les intérêts jusqu'à l'échéance du crédit ;

Attendu que les appelants soulèvent la prescription de l'action en remboursement en soutenant que sont applicables les dispositions de l'article L 313-1 du code monétaire et financier sur le monopole bancaire et de l'article L 137-2 du code de la consommation qui fixe le délai de prescription à deux ans ;

Que, pour établir l'exercice illégal d'opérations de crédit au sens des articles L 313-1 et L 511-5 du code monétaire et financier, il convient de démontrer le caractère habituel des dites opérations, caractérisé par la recherche d'une clientèle et la régularité des prêts effectués par la même personne ; que la technicité des termes employés dans la rédaction du contrat de crédit ne suffit pas à établir l'exercice de la part de M. [Z] [Z] d'opérations de crédit à caractère habituel, le tribunal ayant au surplus justement relevé que la rédaction de cet acte était imprécise et maladroite à certains égards, ainsi qu'il sera vu plus loin, ce qui ne pourrait être le fait d'un professionnel du crédit ou d'un opérateur habituel de contrats de crédit ;

Que par ailleurs, l'article L 137-2 du code de la consommation prévoit que l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; que toutefois, il n'est pas établi que M. [Z] [Z], en consentant le prêt de 500 000 euros, a agi en qualité de professionnel et que M. [O] [T] et M. [U] [T] auraient la qualité de consommateurs ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a écarté l'argumentation des consorts [T] sur la prescription et retenu qu'étaient applicables les dispositions de droit commun en matière de prescription ;

Que le contrat prévoyait une échéance de remboursement en janvier 2007, de sorte que le délai de prescription, alors fixé à 30 ans par l'article 2262 ancien du code civil, a couru à compter de cette date et qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, le délai de cinq ans de la prescription raccourcie de l'article 2224, qui avait commencé de courir à compter de la date de publication de la loi, n'était pas expiré à la date des assignations, les 12 avril et 15 mai 2013 ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'action en remboursement non prescrite ;

Attendu que c'est en vain que les consorts [T] prétendent qu'ils ne seraient intervenus à l'acte qu'en qualité de cautions solidaires de la société YAK et YETI Services et non en qualité d'emprunteurs ;

Qu'en effet, il est clairement indiqué en tête du contrat de crédit qu'il est conclu :

« entre

[O] [T] et [U] [T],

s'engageant solidairement (')

(ci-après dénommé 'l'emprunteur')

et

Verelst [Z]

(')

(ci-après dénommé 'le prêteur') »,

et que les signatures sont données, en pied d'acte, au titre de l'emprunteur avec la mention « [O] [T] » et « [U] [T] », la société YAK et YETI Services signant en qualité de donneur de garantie ;

Que l'article « Garanties » prévoit que le donneur de garantie est la société YAK et YETI ; que certes, sa rédaction maladroite porte à confusion en ce qu'après avoir expressément désigné, dans son premier alinéa, la société YAK et YETI Services comme le donneur de garantie de toutes les dettes, intérêts inclus, que l'emprunteur aura vis-à-vis du prêteur, il indique dans le second alinéa : « Cautionnement solidaire de [O] et [U] [T] (..) d'un montant de 500 000 euros, plus les intérêts à 22,5% par an » ; mais que la lecture de cet alinéa doit s'opérer, en considération des autres mentions de l'acte, comme prévoyant que la société YAK et YETI Services apporte un cautionnement solidaire à M. [O] [T] et de M. [U] [T], et non l'inverse ;

Que dès lors, l'argumentation développée par les consorts [T] sur la nullité de leur engagement de caution et sur l'irrecevabilité de l'action de M. [Z] [Z] à défaut de déclaration de créance au passif de la société YAK et YETI Services est totalement inopérante ;

Attendu que M. [O] [T] conteste sa signature sur l'acte litigieux, tant à titre personnel qu'au nom de la société YAK et YETI Services, et demande à la cour de procéder à la vérification de sa signature en recourant à une mesure d'expertise ; qu'il fait état d'un courrier de Mme [Y] [S], expert en écritures, en date du 23 novembre 2016, indiquant que les deux signatures figurant sur le contrat comportent des divergences avec les signatures effectuées par M. [O] [T] ;

Mais qu'il doit être constaté que cet expert n'a pas eu en mains l'original de l'acte de prêt et surtout qu'il n'a opéré sa vérification d'écritures qu'à partir d'éléments de comparaison constitués par la signature donnée par M. [O] [T] dans des conditions totalement inconnues ; que l'expert indique de manière très claire au demeurant qu'il n'est pas en mesure d'effectuer son expertise, son avis étant donc dépourvu de tout caractère probant ;

Qu'aux termes des articles 287 et suivants du code de procédure civile, si l'une des parties dénie sa signature sur un acte sous seing privé, le juge vérifie l'écrit contesté et procède à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose ; qu'il n'est pas tenu de recourir à une mesure d'expertise s'il trouve dans la cause des éléments de conviction suffisants lui permettant de retenir que le contestant est bien l'auteur de la signature en cause ;

Qu'il est observé en l'espèce que M. [Z] [Z] produit les photocopies du passeport de M. [O] [T] et de M. [U] [T] qui, si elles n'ont pas été expressément annexées à l'acte, lui ont été manifestement remises par les signataires lors de la conclusion du contrat puisqu'il s'agit des passeports des signataires établis en 1999 et expirant en 2004, soit donc des passeports en cours de validité à la date de signature du contrat, pièces que M. [Z] [Z] ne pouvait obtenir dans d'autres conditions que celles qu'il indique ;

Que la comparaison entre la signature du passeport de M. [O] [T] délivré le 5 mars 1999 et celles figurant sur l'acte de prêt sous le nom de [O] [T] ne fait pas ressortir de divergences notables et que le trait des deux signatures apposées sur l'acte contesté est ferme et spontané, ce qui permet d'exclure une imitation ;

Que M. [O] [T] ne verse aux débats aucune pièce de comparaison permettant de vérifier sa signature autre que la photocopie de son propre passeport déjà produite par M. [Z] [Z] ; que surtout, il ne fournit aucune explication sur le fait que cet acte a pu être signé par son fils [U], à la même date à laquelle sont apposées ses signatures à titre personnel et pour le compte de la société YAK et YETI Services, sans que celui-ci n'émette alors la moindre observation et sans qu'il ne fasse non plus la moindre remarque dans la présente instance sur les circonstances de cette signature, alors même que tous deux ont le même conseil et présentent une défense commune ;

Qu'enfin, si l'extrait Kbis de la société YAK et YETI Services produit aux débats fait ressortir que son gérant est M. [U] [T] et non M. [O] [T], cette pièce n'est pas probante dès lors qu'il s'agit de l'extrait concernant une société dénommée YAK et YETI Services, mais immatriculée le 16 avril 2012 et ayant un début d'activité le 23 décembre 2011, ne s'appliquant donc pas à la société YAK et YETI Services intervenante à l'acte de crédit du 21 janvier 2003 ;

Qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments qui permettent à la cour de forger sa conviction, il sera retenu que c'est bien M. [O] [T] qui a signé l'acte litigieux, tant à titre personnel que pour le compte et au nom de la société YAK et YETI Services ;

Attendu que les consorts [T] soutiennent enfin que le contrat de crédit devrait être requalifié en contrat de commandite ; qu'ils veulent pour preuve de cette qualification, d'une part le taux d'intérêt de 22,5% l'an qui y est prévu, considéré comme une forme de participation à la réussite de l'opération projetée, d'autre part le fait qu'il est convenu, en fin d'acte, que l'emprunteur remettrait au prêteur chaque 31 décembre, le compte de gestion ou la valorisation des terrains et/ou des biens immobiliers acquis ;

Mais que ces mentions ne sont pas suffisantes pour caractériser l'intention de M. [Z] [Z] et des consorts [T] de constituer, sur le projet d'investissement en Russie, une société en commandite, le contrat prévoyant le remboursement du crédit, sans aucune référence à la réussite du projet et sans que soit envisagée la perte par M. [Z] [Z] de ses fonds en cas d'échec ; que l'information donnée par l'emprunteur au prêteur sur la réalité des placements réalisés avec ses fonds n'est pas la démonstration de l'existence d'un apport en société mais une mesure de précaution permettant au prêteur de vérifier l'utilisation des fonds conformément aux prévisions du contrat ;

Qu'aucune critique n'est formulée par les appelants sur le montant du taux conventionnel ;

Que dès lors, le jugement qui a constaté, sans être critiqué sur ce point, que les consorts [T] n'avaient effectué aucun remboursement, sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [O] [T] et M. [U] [T] solidairement à rembourser à M. [Z] [Z] la somme de 500 000 euros, assortie des intérêts au taux conventionnel à compter du 21 janvier 2003, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Attendu que M. [Z] [Z] a été justement débouté par le tribunal de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive des consorts [T], à défaut d'un préjudice financier particulier, le retard dans le versement des fonds étant suffisamment indemnisé par les intérêts conventionnels ;

Qu'il n'est pas établi par ailleurs que l'appel interjeté par M. [O] [T] et M. [U] [T] contre le jugement les condamnant aurait été exercé de manière abusive, s'agissant d'une voie de recours ordinaire contre une décision qu'ils contestent ;

Que la demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif sera donc rejetée ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [Z] [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour appel abusif ;

Condamne M. [O] [T] et M. [U] [T] in solidum à payer à M. [Z] [Z] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 15/08468
Date de la décision : 16/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/08468 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-16;15.08468 ?
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