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16/07/2015 | FRANCE | N°14/17125

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 16 juillet 2015, 14/17125


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 16 JUILLET 2015



N°2015/244













Rôle N° 14/17125







[T] [L]

SARL SOCIETE FRANCAISE TP TERRESTREMARITIMES FLUVIAUX





C/



[Y] [L]

[V] [Q] (MINEUR)





































Grosse délivrée

le :

à :

- Me LEVAIQUE
r>

- Me MAGNAN



- Me JURIENS









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce de NICE en date du 06 Août 2014 enregistrée au répertoire général sous le n° 2014R00096.





APPELANTS



Monsieur [N] [L],

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 8]

représenté par Me...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUILLET 2015

N°2015/244

Rôle N° 14/17125

[T] [L]

SARL SOCIETE FRANCAISE TP TERRESTREMARITIMES FLUVIAUX

C/

[Y] [L]

[V] [Q] (MINEUR)

Grosse délivrée

le :

à :

- Me LEVAIQUE

- Me MAGNAN

- Me JURIENS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de NICE en date du 06 Août 2014 enregistrée au répertoire général sous le n° 2014R00096.

APPELANTS

Monsieur [N] [L],

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 8]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de NICE.

SARL SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX (FRABELTRA),

demeurant [Adresse 7]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de NICE.

INTIMES

Monsieur [Y] [L],

demeurant [Adresse 5]

[Adresse 6]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Jérôme CASEY, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [V] [Q] pris en sa qualité d'administrateur provisoire de la société SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX suivant ordonnance de référé du 30 juillet 2014 rendue par le Tribunal de commerce de Nice

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 1]

représenté par Me Audrey JURIENS de la SCP JURIENS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Greffière lors des débats : Madame Charlotte COMBARET assistée de Madame [I] [M].

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2015. Puis les avocats des parties ont été avisé le 04 juin 2015, que la décision serait prorogée au 16 juillet 2015 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2015.

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX - FRABELTRA est une société familiale qui a été créée initialement par monsieur [E] [L] et son épouse Madame [D] [P], et qui est immatriculée au registre du commerce de Nice.

La société FRABELTRA a pour activité l'acquisition, l'exploitation, la location, et la gestion de tous biens mobiliers et immobiliers, est propriétaire de divers biens immobiliers situés pour l'un à Saint Jean Cap Ferrat et pour les autres en Seine Maritime et à Courbevoie, dont elle retire des revenus locatifs.

Le capital social de la société FRABELTRA comprend 5 000 parts sociale dont madame [D] [P] veuve [L] détenait 966 parts en pleine propriété et 4 000 parts en usufruit (donation partage du 17 décembre 1999 portant sur 4 000 parts sociales), monsieur [N] [L] détenait 22 parts en pleine propriété et 2 000 parts en nue propriété, monsieur [Y] [L] détenait 7 parts en pleine propriété et 2 000 parts en nue propriété, monsieur [A] [B] détenait 2 parts en pleine propriété, monsieur [O] [K] détenait 1 part en pleine propriété, monsieur [S] [L] détenait 1 part en pleine propriété et monsieur [J] [L] détenait 1 part en pleine propriété.

Madame [D] [P] veuve [L] qui était gérante de la SOCIETE FRABELTRA, a donné sa démission aux associés par courrier du 22 avril 2004, et l'assemblée générale de la société du 24 mai 2004 a nommé monsieur [N] [L] en qualité de gérant pour une durée illimitée.

Madame [D] [L] est décédée le [Date décès 1] 2011, laissant pour lui succéder ses deux fils messieurs [Y] et [N] [L].

Selon le testament olographe de madame [D] [P] veuve [L] du 7 janvier 1999 et l'acte de notoriété dressé le 18 décembre 2012 par Maître [H] notaire associé à [Localité 1], monsieur [N] [L] recueille en pleine propriété les deux tiers de la succession et monsieur [Y] [L] recueille en pleine propriété le tiers de la succession.

A compter du décès de madame [D] [L] le [Date décès 1] 2011, l'usufruit des 4.000 parts sociales qu'elle détenait dans la SOCIETE FRABELTRA s'est éteint, messieurs [Y] et [N] [L] devenant chacun pleinement propriétaire de 2 000 parts sociales outre les parts sociales dont ils étaient précédemment pleinement propriétaires.

Les 966 parts détenues en pleine propriété par madame [D] [P] veuve [L] sont en indivision par suite de son décès, en l'absence de partage amiable ou judiciaire.

Par ordonnance sur requête du 26 avril 2012, le Président du Tribunal de commerce de Nice a accordé un délai à monsieur [N] [L] en sa qualité de gérant de la société FRABELTRA pour convoquer l'assemblée générale afin de statuer sur les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2011.

Monsieur [N] [L] a convoqué l'assemblée générale de la société FRABELTRA pour le 19 décembre 2012.

Par courrier du 25 septembre 2012, l'expert comptable de la société FRABELTRA a demandé à monsieur [Y] [L] de donner son accord à la nomination de monsieur [N] [L] en qualité de mandataire des copropriétaires indivis des 966 parts sociales pour l'assemblée générale à venir ou de l'informer de sa volonté d'être désigné en tant que tel.

Par courrier du 25 octobre 2012, monsieur [Y] [L] a demandé à être désigné en qualité de mandataire pour la seule assemblée générale de la société FRABELTRA, et a demandé la communication d'un certain nombre de documents.

Par ordonnance sur requête du 5 octobre 2012, le Président du Tribunal de commerce de Nice a prorogé jusqu'au 31 mars 2013 le délai pour réunir l'assemblée générale de la société FRABELTRA.

Monsieur [N] [L] en sa qualité de gérant de la SARL FRABELTRA a sollicité dans son rapport de gestion en vue de l'assemblée générale initialement fixée au 19 décembre 2012, l'autorisation de céder avec faculté de négociation jusqu'à 30%, l'actif immobilier de la société situé en Seine Maritime en raison de sa faible rentabilité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2012, monsieur [Y] [L] a adressé à monsieur [N] [L] une série de questions écrites afférentes au bilan, aux charges d'exploitation, et à divers autres documents dont le rapport de gestion.

L'assemblée générale prévue le 19 décembre 2012 a été annulée, faute de mandataire unique des copropriétaires indivis des 966 parts sociales.

Par acte du 13 mars 2013, monsieur [Y] [L] a fait assigner monsieur [N] [L] et la SOCIETE FRABELTRA devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Nice aux fins de voir prononcer sa désignation en qualité de mandataire commun de l'indivision au titre des 966 parts sociales de la SARL FRABELTRA et de voir dire qu'il représentera l'indivision lors de la prochaine assemblée générale des associés, ce à quoi s'est opposé monsieur [N] [L].

Par ordonnance de référé définitive du 17 décembre 2013, le juge des référés a débouté monsieur [Y] [L] de sa demande.

Par ordonnance du 30 juillet 2014, le juge des référés du Tribunal de commerce de Nice saisi par monsieur [Y] [L], a désigné Maître [Q] en qualité d'administrateur provisoire de la société FRABELTRA.

Par arrêt du 16 juillet 2015, cette Cour a infirmé en toutes ses dispositions cette décision.

Par acte du 15 janvier 2015, monsieur [N] [L] a fait assigner monsieur [Y] [L] en partage judiciaire devant le Tribunal de Grande Instance de Nice.

Par acte du 2 avril 2014, monsieur [Y] [L] a fait assigner la SARL FRABELTRA et monsieur [N] [L] en la forme des référés devant le Président du Tribunal de Commerce de Nice aux fins de voir désigner un ou plusieurs experts de gestion aux frais avancés de la SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX - FRABELTRA.

Par ordonnance du 6 août 2014, le juge des référés a fait droit à la demande, a ordonné une expertise de gestion, a désigné en qualité d'expert monsieur [Y] [F], et lui a donné pour mission, de :

- 1 - Contrôler l'opportunité de la vente projetée de la quasi intégralité de l'actif immobilier de la société FRABELTRA, la faculté de la société de faire face à ses charges d'exploitation et l'adéquation du prix de vente projeté par rapport aux prix de vente constatés dans l'état actuel du marché ;

- 2 - Déterminer les flux de trésorerie entre la société FRABELTRA et les autres sociétés gérées par monsieur [N] [L], et notamment déterminer la cause et l'origine des créances consenties par la société FRABELTRA aux sociétés gérées par monsieur [N] [L], en ce compris mais non exclusivement la SCI LA TOURTERELLE, la SARL LES TOURTERELLES, la SCI PRABER, la SCI FRABELTRA, la SOCIETE CIVILE LE PALMIER ;

- 3 - *Déterminer la justification de l'inscription à l'actif de la société FRABELTRA de créances 'groupes et associés' en l'absence d'un tel groupe de sociétés entre la société FRABELTRA et les autres sociétés gérées par monsieur [N] [L],

*Solliciter la liasse fiscale pour les exercices clos de 2007 à 2010 pour permettre à l'expert de déterminer l'étendue des créances et dettes consenties par monsieur [N] [L] aux autres sociétés qu'il gère,

*Solliciter les formulaires n° 2059-F et 2059-G annexés à la liasse fiscale pour l'exercice clos le 30 septembre 2011, qui n'a pas été transmise par la société FRABELTRA ;

- 4 - Contrôler les frais liés à la gérance de la société FRABELTRA depuis la clôture de l'exercice suivant la date de la nomination de monsieur [N] [L] à la gérance de la société FRABELTRA le 24 mai 2004, soit depuis l'exercice clos le 30 septembre 2004, et contrôler notamment les avantages indirects que monsieur [N] [L] s'est consenti sans approbation préalable de l'assemblée générale de la société FRABELTRA ;

- 5 - *Contrôler l'affectation des bénéfices de la société FRABELTRA depuis l'exercice clos le 30 septembre 2001 et notamment l'opportunité d'une mise en réserve systématique des bénéfices de la société FRABELTRA dans la réserve légale, les autres réserves et le compte report à nouveau,

*Vérifier le cas échéant si cette mise en réserve a permis à la société en contrepartie, de réaliser des investissements qu'elle n'aurait pas pu réaliser sans cette mise en réserve des bénéfices ;

- 6 - *Contrôler la régularité de la vente survenue le 17 juillet 1999 entre la société FRABELTRA et la SCI LA TOURTERELLE dont le gérant est monsieur [N] [L],

*Contrôler notamment le respect de la procédure imposée lors de la conclusion des conventions réglementées, en ce compris la réalité de la convocation de l'ensemble de la collectivité des associés à l'assemblée générale du 17 juillet 1999, les conditions de vente à la valeur des terrains et biens immobiliers construits au mètre carré dans la commune de Saint [N] Cap Ferrat, à la date la plus proche de la vente litigieuse survenue le 21 juillet 1999, ainsi que la conformité de cette vente à l'intérêt social de la société FRABELTRA.

Par déclaration au greffe de la Cour du 5 septembre 2014, monsieur [N] [L] et la SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX - FRABELTRA ont interjeté appel de la décision à l'encontre de monsieur [Y] [L] et de Maître [V] [Q] en sa qualité d'administrateur provisoire désigné à cette fonction par ordonnance de référé du 30 juillet 2014.

Dans leurs dernières conclusions en date du 4 décembre 2014, monsieur [N] [L] et la SARL FRABELTRA demandent à la Cour au visa de l' article 455 du Code de procédure civile, de l'article L 223-37 du Code de commerce de :

-Constater que l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Nice du 6 août 2014 est dépourvue de motivation,

-Annuler l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Nice du 6 août 2014,

-Réformer l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Nice du 6 août 2014,

-Débouter monsieur [Y] [L] de sa demande tendant à voir désigner un ou plusieurs experts de gestion,

-Dire que le rapport de la gérance du 19 novembre 2012 ne relève aucune présomption d'irrégularités affectant une opération de gestion,

-Constater que l'article 15 des statuts de la SARL FRABELTRA donne compétence à l'assemblée générale des associés pour décider notamment de la vente d'établissements commerciaux ou d'immeubles,

-Constater que la décision de vendre l'immeuble les Tourterelles qui a donné lieu à l'acte de vente notarié du 21 juillet 1999 ne constitue pas une décision de gestion prise par les organes de gestion mais une décision relevant de la seule compétence de l'assemblée générale de la SARL FRABELTRA,

-Constater que le prix de vente de l'immeuble Les Tourterelles a été fixé sur la base de trois évaluations analogues,

-Dire que la vente de l'immeuble Les Tourterelles le 21 juillet 1999 ne relève aucune présomption d'irrégularité affectant une opération de gestion,

-Dire que la SARL FRABELTRA n'ayant jamais acquis de parts sociales de la SCI LE PALMIER, il n'existe pas de présomption d'irrégularité affectant une opération de gestion,

-Dire que les charges d'exploitation figurant dans l'exercice clos le 30 septembre 2011 ne revèlent pas de présomption d'irrégularité affectant une opération de gestion,

-Dire que les décisions des assemblées générales successives de la SARL FRABELTRA de ne pas distribuer de dividendes ne constituent pas des mesures de gestion susceptibles de donner lieu à une expertise de gestion mais des décisions relevant de la seule compétence de l'assemblée générale de la SARL FRABELTRA,

-Dire que l'absence de distribution de dividendes ne révèle pas de présomption d'irrégularités affectant une opération de gestion.

A titre infiniment subsidiaire :

-Dire que les honoraires de l'expert seront à la charge du demandeur monsieur [Y] [L]

-Condamner en toute hypothèse monsieur [Y] [L] à verser à monsieur [N] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

-Condamner monsieur [Y] [L] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 mars 2015, monsieur [Y] [L] au visa des articles L 223-1 du Code de commerce, R 223-30 du Code de commerce, 225-38 et L 241-3, L 241- 9 du même Code, demande à la Cour de :

-Déclarer monsieur [Y] [L] recevable et bien fondé en ses demandes ;

-Débouter monsieur [N] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

-Confirmer purement et simplement l'ordonnance du 6 août 2014 désignant monsieur [Y] [F] en qualité d'expert de gestion avec mission fixée au dispositif de la décision ;

-Condamner les appelants aux dépens.

Par conclusions du 24 mars 2015, Maître [Q] es qualités d'administrateur provisoire de la SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX-FRABELTRA s'en rapporte.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance déférée formée par la société FRABELTRA et monsieur [N] [L] :

Monsieur [N] [L] soutient que l'ordonnance déférée doit être annulée pour défaut de motivation effective, conformément aux dispositions des articles 455 alinéa 1 et 458 alinéa 1 du code de procédure civile.

Monsieur [Y] [L] conclut au rejet de cette demande, en faisant valoir que l'ordonnance est motivée et qu'en tout état de cause la demande est vaine dès lors que la Cour dispose du pouvoir de juger le bien fondé de la demande en raison de l'effet dévolutif de l'appel.

****

L'ordonnance déférée est motivée quoique de manière succincte, et la critique de cette motivation jugée inadéquate par l'appelant ne justifie pas l'annulation de la décision déférée.

Monsieur [N] [L] sera en conséquence débouté de sa demande d'annulation de l'ordonnance entreprise.

Sur les conditions légales de la désignation d'un expert de gestion :

La société FRABELTRA et monsieur [N] [L] concluent à l'infirmation de l'ordonnance entreprise en soutenant :

-Que sont applicables à l'expertise de gestion les dispositions de l'article L 223-37 du code de commerce et non les dispositions de l'article 872 visé par le juge des référés ;

-Que selon jurisprudence de la Cour de cassation, une expertise de gestion ne peut être ordonnée que si elle porte sur des actes de gestion, et s'il existe des présomptions d'irrégularité affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ;

-Que selon jurisprudence de la Cour de cassation, les décisions prises par les associés en assemblée générale ne constituent pas des actes de gestion au sens de l'article L 223-37 du code de commerce.

Monsieur [Y] [L] conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée en faisant valoir :

-Que l'expertise de gestion prévue par l'article L 223-37 du code de commerce relève de la compétence du Président du Tribunal de commerce statuant en la forme des référés par application de l'article R 223-30 ;

-Que la demande d'expertise de gestion ne peut concerner que des opérations de gestion, à l'exclusion des décisions prises en assemblée générale, et est fondée sur deux éléments : l'absence d'informations suffisantes des associés minoritaires et la présomption d'irrégularités concernant la gestion de la société ;

-Que selon jurisprudence de la Cour de cassation, la juridiction saisie d'une demande de d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner, dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularité affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.

****

Aux termes de l'article L 223-37 du code de commerce :

'Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport dur une ou plusieurs opérations de gestion.

S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société'.

La demande doit présenter un caractère sérieux qui résulte de l'existence de présomptions d'irrégularités ou d'un risque d'atteinte à l'intérêt social (cass.com. 5 mai 2009 n°08-15313).

Sur le premier chef de mission relatif au projet de cession d'une partie des actifs immobiliers de la société Frabelta :

La société FRABELTRA et monsieur [N] [L] soutiennent :

-Que le rapport de gestion de la gérance établi en vue de l'assemblée générale du 19 décembre 2012 ne constitue pas un acte de gestion,

-Que selon l'article 15 des statuts de la société FRABELTRA, les achats, échanges et vente d'établissements commerciaux ou d'immeubles ne peuvent être réalisés ou consentis qu'avec l'autorisation des associés en assemblée générale,

-Que monsieur [N] [L] en sa qualité de gérant de la société est tenu conformément à l'article L 223-6 du code civil de répondre aux questions écrites au cours de l'assemblée générale qui a été annulée,

-Qu'il n'était pas tenu de répondre aux questions posées par monsieur [Y] [L] dans sa correspondance du 7 décembre 2012,

-Qu'il n'existe aucune présomption d'irrégularité à cet égard,

-Que le risque de détournement d'actifs de la société constitue une imputation diffamatoire.

Monsieur [Y] [L] fait valoir :

-Qu'aucune assemblée générale ne s'est tenue depuis 2011, que le rapport de gestion établi en vue de l'assemblée générale du 19 décembre 2012 a annoncé le projet de cession globale des actifs de la société, que monsieur [N] [L] a demandé à pouvoir céder les biens immobiliers de la société avec une faculté de négociation de 30% sans explication et qu'en absence de vote des associés, la décision de céder les biens immobiliers a été prise par la gérance de la société,

-Que monsieur [N] [L] ne démontre pas en quoi la cession des actifs immobiliers est conforme à l'intérêt social alors qu'elle risque de mettre en cause la pérennité de la société et de faire disparaître l'objet social ,

-Qu'il est à craindre que le produit de la vente soit détourné vers les autres sociétés détenues par monsieur [N] [L] par le biais des supposées créances détenues par la société FRABELTRA,

-Que l'opacité de cette opération justifie le contrôle de l'opportunité de cette opération dans le cadre d'une expertise de gestion.

****

Le rapport de gestion établi par le gérant de la société en vue de l'assemblée générale du 19 décembre 2012 est un acte de gestion.

Le gérant de la société FRABELTRA propose dans ce rapport de céder les biens immobiliers situés en Seine Maritime en l'état de sa faible rentabilité avec faculté de négociation de 30% à la baisse, sans fournir aucune information sur le réemploi du produit de la vente et son impact sur le résultat d'exploitation ainsi que sur l'incidence de la cession sur la valorisation des parts sociales.

Cette cession proposée par le gérant est en conséquence susceptible de porter atteinte à l'intérêt social de la société FRABELTRA.

Sur les deuxième, troisième et sixième chefs de mission relatifs à la vente de l'ensemble immobilier La Tourterelle, aux prêts consentis par la société FRABELTRA aux sociétés gérées par monsieur [N] [L] et à l'inscription à l'actif de la société FRABELTRA de créances qualifiées 'groupes et associés' :

La société FRABELTRA et monsieur [N] [L] soutiennent :

-Qu'il n'existe aucune présomption d'irrégularité concernant les conventions réglementées, que la vente de l'immeuble ' les tourterelles' le 21 juillet 1999 ne constitue pas un acte de gestion au regard des dispositions de l'article 15 des statuts, que monsieur [Y] [L] en a été informé ainsi qu'il résulte d'un courrier qu'il avait adressé à madame [D] [P] veuve [L] qui était alors la gérante de la société, que les biens concernés ont fait l'objet de trois évaluations des murs et du fonds, que le fonds a été vendu à la valeur retenue par l'expert comptable des deux sociétés voisine de celle des agences immobilières consultées,

-Que la société FRABELTRA n'a pas acquis les parts sociales de monsieur [N] [L] dans la SCI LE PALMIER, qu'elle n'a jamais été propriétaire de ces parts, que le rapport de gestion établi en vue de l'assemblée générale du 27 mars 2008 par le conseil est erroné sur ce point, que la SCI LE PALMIER a vendu à un tiers le bien immobilier dont elle était propriétaire constitué d'un appartement situé à Saint Jean Cap Ferrat, et qu'il n'existe pas de convention réglementée qui aurait dû être soumise à l'assemblée générale, - qu'il n'existe aucune irrégularité afférente à un prétendu 'groupe de sociétés', que la société FRABELTRA n'a pas de filiales, que la société FRABELTRA a procédé à des avances au profit de la SARL LES TOURTERELLES dont monsieur [Y] [L] est actionnaire minoritaire, que ces sommes sont productives d'intérêts et seront remboursées par le produit de la vente de l'actif de la société constitué notamment par un entrepôt situé à [Adresse 9],

-Que les sociétés débitrices sont propriétaires de biens immobiliers et sont parfaitement solvables, que la trésorerie d ela société FRABELTRA qui possède d'importantes réserves n'est pas affectée par ces créances,

-Qu'il n'existe aucune présomption d'irrégularité concernant les charges d'exploitation qui sont en rapport avec l'importance de l'actif immobilier.

Monsieur [Y] [L] fait valoir :

-Que la gérance de la société a conclu des conventions réglementées dans des conditions désavantageuses pour la société FRABELTRA sans avoir obtenu l'approbation préalable du conseil d'administration lorsque la société avait la forme d'une société anonyme puis de l'assemblée générale des associés lorsqu'elle est devenue une SARL, le 3 août 1999,

-Que le 21 juillet 1999, la société FRABELTRA dont la dirigeante était alors madame [D] [P] veuve [L] a vendu au prix de 533 571,56 euros l'ensemble immobilier 'Les Tourterelles' à la SCI LES TOURTERELLES représentée par monsieur [N] [L] qui à la date de la vente était à la fois administrateur de la société FRABELTRA et associé gérant de la SCI LA TOURTERELLE,

-Que la cession de l'actif de la société FRABELTRA au profit de la SCI LA TOURTERELLE a été faite en violation des dispositions tant légales que réglementaire,

-Que les livres comptables de la société FRABELTRA révèlent l'existence de créances importantes de la société FRABELTRA dans diverses sociétés dont monsieur [N] [L] est le gérant,

-Que le montant de ces créances, s'élevait à la somme totale de 259 973 euros à la date de l'exercice clos le 30 septembre 2011, à la somme de 387 791 euros à la date de l'exercice clos le 30 septembre 2012, et à la somme de 394 594 euros à la date de l'exercice clos le 30 septembre 2013,

-La créance de la société FRABELTRA d'un montant de 90 000 euros sur la succession de madame [D] [P] veuve [L] n'est justifiée par aucune pièce,

-Que les bilans de la société FRABELTRA font apparaître des créances qualifiées 'groupe et associés' qui sont en augmentation, alors qu'il n'existe aucun groupe de société entre la société FRABELTRA et les SCI détenues et/ou gérées par monsieur [N] [L],

-Que les créances figurant au détail du compte 'actif' de la société FRABELTRA ne correspondent pas à des créances justifiés par l'existence d'un groupe de société,

-Que l'article L 233-15 du code de commerce impose au gérant de toute société ayant des filiales ou des participations de faire figurer en annexe du bilan un tableau faisant apparaître les dites filiales ou participations.

****

La demande d'expertise de gestion sur les faits qu'exposés par monsieur [Y] [L] présente un caractère sérieux au regard des pièces justificatives produites afférentes à la vente de l'ensemble immobilier La Tourterelle et des bilans de la société FRABELTRA, les faits rapportés étant susceptibles de porter atteinte à l'intérêt social de la société.

Par ailleurs, la circonstance qu'une convention réglementée ait reçu l'approbation de la collectivité des associés n'est pas de nature à faire obstacle à cette convention fasse l'objet d'une mesure d'expertise par application de l'article L 223-37 du code de commerce .

De même, le remboursement le 26 novembre 2014 de tout ou partie des créances figurant au bilan de la société FRABELTRA n'est pas de nature à faire obstacle à l'expertise de gestion sollicitée.

Sur le quatrième chef de mission relatif aux charges d'exploitation :

La société FRABELTRA et monsieur [N] [L] font valoir :

-Que les charges d'exploitation sont générées par les dépenses nécessaires à l'entretien d'un actif immobilier dont la valeur est de l'ordre de quatre millions d'euros,

-Que la valeur du seul appartement situé à Saint [N] Cap Ferrat est de l'ordre de deux à trois millions d'euros,

-Que cet appartement a subi un très important dégât des eaux qui a nécessité des travaux de réparation qui n'ont pas été intégralement pris en charge par l'assureur, que les frais de déplacement et de carburant en sont en rapport avec la dispersion des biens,

-Que le frais incluent les honoraires de l'expert comptable et les frais d'avocat concernant le litige avec l'assureur de la société FRABELTRA concernant le dégât des eaux de l'appartement de Saint [N] Cap Ferrat,

-Que les honoraires de gestion sont ceux de l'administrateur de biens qui encaisse les loyers pour le compte de la société,

-Que les assertions de l'épouse de monsieur [N] [L] dans le cadre de l'instance en divorce ne constituent pas une présomption d'irrégularité.

Monsieur [Y] [L] soutient :

-Qu'il est à craindre que monsieur [N] [L] fasse financer ses dépenses de vie courante par la société FRABELTA en contrariété évidente avec l'intérêt social de la société et les droits des associés minoritaires,

-Que les dépenses dont fait état monsieur [N] [L] n'ont pas lieu d'être au regard de l'objet social de la société FRABELTA,

-Que l'épouse de monsieur [N] [L] a fait assigner celui-ci pour obtenir la dissolution de la société LA TOURTERELLE en faisant état d'abus de biens sociaux au préjudice de la dite société,

-Que de fortes présomptions d'abus de biens sociaux pèsent sur monsieur [N] [L].

****

L'augmentation considérable des charges d'exploitation passées de 47 989 euros au cours de l'exercice 2011 à 61 500 euros au cours de l'exercice 2013 après une forte diminution en 2012 justifient le caractère sérieux de la demande.

Sur le cinquième chef de mission relatif à l'affectation des bénéfices :

La société FRABELTRA et monsieur [N] [L] soutiennent :

-Que déjà du vivant de leurs parents, la société FRABELTRA ne distribuait pas de dividendes

-Que la décision de ne pas distribuer les dividendes est une décision prise en assemblée générale conformément à l'article 26 des statuts et non un acte de gestion,

-Que monsieur [Y] [L] ne peut sous couvert d'une expertise de gestion, contester indirectement les décisions de l'assemblée générale concernant l'affectation des dividendes.

Monsieur [Y] [L] fait valoir :

-Que les associés ne sont pas en mesure de se prononcer dès lors que le gérant n'en fait pas la proposition et qu'aucune assemblée générale ne s'est tenue depuis 2011,

-Que la gérance de la société FRABELTRA, d'abord en la personne de madame [D] [P] veuve [L] puis en la personne de monsieur [N] [L], refuse systématiquement de distribuer les dividendes aux associés de la société,

-Que madame [D] [P] veuve [L] avant son décès et monsieur [N] [L] étaient associés majoritaires et avaient tout loisir de refuser de distribuer les bénéfices aux associés, ces faits étant susceptibles de constituer un abus de majorité,

-Qu'à la date de la clôture de l'exercice 2011, la réserve de la société s'élevait à la somme de 1 859 685 euros,

-Que la constitution de réserves excessives sans intérêt pour la société est préjudiciable aux intérêts pécuniaires des associés minoritaires,

-Que l'affectation des résultats de la société aux réserves s'est faite en l'absence d'un quelconque investissement sur la période considérée, le dernier investissement remontant à l'année 2006.

****

A la date de l'exercice clos le 30 septembre 2011, la réserve de la société en réserves réglementées et report, à nouveau s'élevait à la somme de 1 859 685 euros.

Des réserves importantes permettent à la société d'assurer par autofinancement les investissements nécessaires à son développement et/ou de faire face à des dépenses exceptionnelles.

Au regard de l'importance des réserves, la demande d'expertise de gestion présente un caractère sérieux afin de déterminer quelle est la politique d'investissement de la société, quelle est l'incidence de l'importance de ces réserves sur la valorisation des parts sociales, et si cette situation est conforme à l'intérêt social.

****

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions sauf à dire que les frais d'expertise seront à la charge de la société FRABELTRA et que monsieur [N] [L] (et non monsieur [Y] [L] comme indiqué par l'ordonnance déférée) devra en sa qualité de gérant de la société procéder à la consignation dans les termes du dispositif.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La société FRABELTRA et monsieur [N] [L] qui succombent ne sont pas fondés en leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité de l'ordonnance dont appel,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée sauf à dire que la provision de 5 000 euros mise à la charge de la SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX - FRABELTRA par l'ordonnance déférée sera versée par monsieur [N] [L] en sa qualité de gérant de ladite société (et non par monsieur [Y] [L]), ce dans le délai de un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,

Dit que le présent arrêt dessaisit la Cour de l'instance,

Dit que la surveillance des opérations d'expertise relève du juge chargé des expertises au Tribunal de commerce de Nice auquel doit s'adresser l'expert pour toutes difficultés ou pour toutes demandes de complément de provision,

Dit que l'expert déposera son rapport auprès du greffe du Tribunal de commerce de Nice et fera taxer ses frais et honoraires par le juge en charge des expertises ou le Président du Tribunal de commerce,

Ajoutant,

Déboute la SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX-FRABELTRA et monsieur [N] [L] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SOCIETE FRANCAISE DE TRAVAUX PUBLICS TERRESTRES MARITIMES ET FLUVIAUX- FRABELTRA et monsieur [N] [L] aux dépens de l'instance d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 14/17125
Date de la décision : 16/07/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°14/17125 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-16;14.17125 ?
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