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29/06/2011 | FRANCE | N°09/22099

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 29 juin 2011, 09/22099


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2011



N° 2011/ 306













Rôle N° 09/22099







[P] [F]



C/



S.A.S. [Adresse 7]



S.A.R.L. BCC



S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP



























Grosse délivrée

le :

à : MAYNARD

COHEN

PRIMOUT

GIACOMETTI



r>
























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 octobre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008 016020







APPELANT



Monsieur [P] [F]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 9]

représenté par la SCP MAYNARD SIMON...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2011

N° 2011/ 306

Rôle N° 09/22099

[P] [F]

C/

S.A.S. [Adresse 7]

S.A.R.L. BCC

S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP

Grosse délivrée

le :

à : MAYNARD

COHEN

PRIMOUT

GIACOMETTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 octobre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008 016020

APPELANT

Monsieur [P] [F]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 9]

représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour,

plaidant par Me Géraldine DUPAYS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

S.A.S. [Adresse 7]

dont le siège social est sis[Adresse 3]T

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,

plaidant par Me Bénédicte PEIGNE POUR la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & Associés, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. BCC

dont le siège social est sis [Adresse 10]

représentée par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour,

plaidant par Me Sophie DEBAISIEUX LATOUR substituée par Me Martin DANEL, avocats au barreau de DUNKERQUE

S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par la SCP GIACOMETTI DESOMBRE, avoués à la Cour,

plaidant par Me Serge MIMRAN VALENSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 juin 2011.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 juin 2011

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Monsieur [P] [F] demeurant à [Localité 5] a commandé le 3 février 2006 à la S.A.S. [Adresse 7], pour l'exploi-tation de sa rôtisserie ambulante à l'enseigne ROTISSERIES PROVENCALES, un véhi-cule d'un prix H.T. de 20 177,20 euros soit 24 161,93 euros T.T.C. payable comptant et sur lequel il a versé un acompte de 2 416,00 euros, la livraison étant fixée au 30 mars.

Le 8 mars Monsieur [F] a commandé à la S.A.R.L. BCC, située dans le département du Nord, un aménagé d'un P.T.A.C. de 3 500 kg avec installation d'une cellule de 4 m 25 de long; le prix de cette prestation, fixé à 19 314,00 euros H.T. soit 23 099,54 euros T.T.C. avec acompte de 4 829,00 euros, a été totalement financé par un crédit-bail d'une durée de 48 mois consenti par la S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP, et le délai de livraison fixé à '6/7 semaines à réception de l'accord de financement', lequel est intervenu le 14 mars. Le 2 juin la société BCC a établi un devis d'un montant de 3 299,20 euros H.T. c'est-à-dire 3 945,84 euros T.T.C. pour travaux complémentaires, précisant que le véhicule serait disponible le 12 du même mois.

Le véhicule a été réceptionné ce 12 juin par les Mines qui ont mentionné un poids à vide de 2 940 kg dans leur procès-verbal de réception du 7 septembre suivant.

Un contrat de crédit-bail a été conclu les 7 et 11 août 2006 entre la société BNP PARIBAS et Monsieur [F] pour une somme de 47 007,59 euros H.T. c'est-à-dire 56 221,08 euros T.T.C. et pour une durée de 61 mois.

Le véhicule a été facturé le 10 août par la société [Adresse 7] à la société BCC, après avoir été :

- réceptionné le 7 'sans aucune réserve' par Monsieur [F] sur un document établi par la société BNP PARIBAS et signé également par la société BCC;

- livré le 8 par cette dernière à Monsieur [F] qui a inscrit comme observations sur le procès-verbal : 'Bâche avant non fournie et sans fixation, support de broche à venir'.

Depuis le 3 octobre 2006 ce véhicule est bloqué dans les ateliers de la société [Adresse 7] à la demande du constructeur pour un problème d'homo-logation.

En juin 2007 Monsieur [F], mécontent de l'aménagement de son véhicule, a assigné la société [Adresse 7], la société BCC et la société BNP PARIBAS devant le Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE; un jugement du 19 octobre 2009 retenant que le véhicule a été livré avec 3 mois de retard, que l'aména-gement de ce dernier ne correspondait pas à celui prévu dans le bon de commande, que la société BCC a manqué à ses obligations, et que la société BNP PARIBAS ne donne aucune précision quant aux sommes dont elle pourrait être créancière, a :

* prononcé la résiliation aux torts et griefs des sociétés BCC et [Adresse 7] du contrat de vente du plancher cabine du véhicule appartenant à Monsieur [F];

* condamné la société BCC à rembourser à Monsieur [F] la somme totale de

38 033,00 euros que celui-ci a versée au titre des travaux que cette société a entrepris sur le véhicule litigieux;

* condamné la société [Adresse 7] et la société BCC à payer chacune à Monsieur [F] une somme de 1 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

* condamné la société BCC à supporter les dépens de l'instance;

* rejeté comme en l'état irrecevable les demandes de la société BNP PARIBAS et lui a donné l'acte par elle requis.

Monsieur [P] [F] a régulièrement interjeté appel le 8 décembre 2009. Par conclusions du 3 juin 2011 il soutient notamment que :

- le véhicule neuf qu'il a acheté était destiné à remplacer le vieux qu'il utilisait jusque-là, et son projet faisait suite à une longue période de maladie au cours de laquelle l'activité avait été maintenue par son épouse seule; sur l'insistance de la société [Adresse 6] il a fait appel à un carrossier agréé par le constructeur RENAULT, la société BCC;

- le camion devait être livré avec sa cellule le 8 mai compte tenu de la date de l'accord pour le financement; la livraison annoncée pour le 7 août n'a eu lieu que le 9, d'où 2 jours à rester avec son épouse dans le département du Nord; mais le véhicule était partiellement terminé, et sur le trajet du retour sont apparus des problèmes d'assiette et d'instabilité à la conduite ayant nécessité l'ajout de suspensions pneumatiques;

- à la suite d'une nouvelle panne la société [Adresse 7] a constaté une importante surcharge (plus de 3 800 kg à vide au lieu des 3 500 kg du P.T.A.C.) qui a conduit à l'immobilisation du véhicule; cette surcharge a de plus écarté l'assurance du véhicule et la garantie du constructeur;

- en sa qualité de professionnelle la société BCC était tenue à une obligation de résultat qu'elle n'a pas respectée : véhicule trop lourd, porte à faux arrière tordu, réservoir à gaz périmé, non respect des délais de livraison, non conformité de la chose; cette société a tenté de lui soutirer des fonds pour financer les travaux de reprise, ou pour lui vendre un camion plus cher et nécessitant un permis de conduire poids lourd;

- de son propre aveu cette société s'est chargée de revoir le financement du plancher cabine et de la cellule aménagée, alors que le premier a été livré à elle en temps et en heure et que cette révision n'a à aucun moment généré de retard; les retards intervenus sur les travaux ne sont pas le fait pour lui de s'être abstenu d'approuver les plans, car la société BCC n'a pu établir un calendrier et s'engager sur une date de livraison si elle ignorait l'étendue de sa tâche;

- à la date de son passage aux Mines le 12 juin 2006 le véhicule n'était pas achevé, ni la cabine magasin ou cellule, ce qui fait que le poids constaté de 2 940 kg n'est même pas celui définitif; à ce poids doivent se rajouter les passagers, les stocks, le gaz et le carburant qui ne peuvent entrer dans le P.T.A.C. de 3 500 kg; la bonbonne de gaz et les rôtissoires ont été préconisées par la société BCC;

- il n'a jamais signé le bon de livraison du 8 août 2006, d'autant que la livraison date du lendemain 9, et n'est pas empêché par ce document de contester le poids ni un défaut de conformité ni des vices, tous dissimulés;

- ses prétendus mensonges sur le questionnaire de santé ne peuvent être invoqués que par l'assureur lequel n'en a rien fait; il a réglé jusqu'au jugement le crédit-bail de la société BNP PARIBAS; le camion est toujours au sein de la société [Adresse 7]; les rôtissoires d'origine ont été remplacées par d'autres pour un éclat d'émail mais les premières se trouvent encore sur ce camion; pour pouvoir travailler il a effectivement acheté un autre camion magasin chez un concurrent de la société BCC qui lui a été livré en janvier 2008; son épouse, qui était sa salariée, est le 1er octobre 2007 devenue sa con-jointe collaboratrice pour limiter les charges de l'entreprise;

- la société [Adresse 7] l'a conseillé pour le choix de la société BCC, s'est engagée à gérer entièrement la commande, et s'est vue soumettre tous les plans, ce qui fait qu'elle a manqué aux obligations de résultat souscrites envers lui; la même lui a fait savoir que le véhicule ne bénéficiait plus de la garantie compte tenu des interventions de la société BCC ce qui engage sa responsabilité, et réclame des frais de gardiennage alors que ce véhicule ne peut circuler faute d'être homologuable et assurable;

- la résiliation de son achat pour non conformité prive d'objet le crédit-bail qui doit lui aussi être résilié;

- il n'aura travaillé dans des conditions normales avec le véhicule qu'un peu plus d'un mois.

L'appelant demande à la Cour, vu les articles 1134, 1603, 1604, 1648, 1792 et suivants du Code Civil, L. 313-7 du Code Monétaire et Financier, de :

- constater que la société BCC lui a livré un véhicule camion inexploitable, et a de ce fait manqué à ses obligations de conseil, de conformité et de bonne foi;

- constater que la société [Adresse 7] a non seulement manqué à son obligation de conseil en l'orientant vers la société BCC, mais également aux obligations contractuelles figurant dans la charte remise;

- condamner solidairement ces 2 sociétés au paiement des sommes de :

. 67 157,00 euros correspondant au remboursement des frais financiers et exceptionnels (dépenses pour le camion neuf, frais liés au litige, remboursement du crédit souscrit);

. 160 432,00 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au gain manqué au jour de l'assignation (perte de bénéfice selon son expert comptable, c'est-à-dire la chiffre d'affaires moins les charges d'exploitation);

. 30 000,00 euros de dommages et intérêts compensant la perte de la place sur le marché de [Localité 8];

. 10 000,00 euros destinés à compenser le préjudice moral subi par lui;

- ordonner la résiliation du contrat de vente du plancher cabine aux torts des sociétés [Adresse 7] et BCC, car celui-ci et ses aménagements sont désormais inutilisables;

- ordonner la résiliation du contrat de crédit-bail aux torts des mêmes;

- ordonner le remboursement des prestations facturées par la société BCC;

- dire la décision opposable à la société BNP PARIBAS;

- condamner les sociétés [Adresse 7] et BCC à supporter solidairement les conséquences de cette résiliation;

- condamner les requises à lui verser la somme de 2 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- à titre subsidiaire et concernant les demandes en paiement des frais de gardiennage formulées par la société [Adresse 7] : dire et juger que ceux-ci seront mis à la charge de la société BCC à l'origine du dommage, et condamner la même au besoin à le relever et garantir des condamnations ainsi prononcées.

Concluant le 10 juin 2010 la S.A.S. [Adresse 7] AUTOMO-BILES ET SERVICES répond notamment que :

- elle a été assignée alors que Monsieur [F] parle sans cesse du fabricant RENAULT qui n'a pas été mis en cause;

- même si la société BCC est un carrossier agréé RENAULT elle-même ne l'a en aucun cas imposé à Monsieur [F]; la double opération initiale (mécanique par elle-même et aménagement par la société BCC) a été remplacée par une seule avec cette société, ce qui a conduit elle-même à rembourser à Monsieur [F] l'acompte de 2 416,00 euros; pour les aménagements par la société BCC seul le fabricant RENAULT est intervenu;

- elle n'a eu aucune relation contractuelle avec Monsieur [F], lequel ne peut donc agir contre elle sur le fondement des vices de la chose vendue; le véhicule lui-même n'est pas atteint du moindre vice comme le reconnaît l'intéressé lui-même;

- à titre purement documentaire Monsieur [F] ne justifie pas son préjudice.

L'intimée demande à la Cour de :

- dire et juger Monsieur [F] mal fondé en son appel et l'en débouter;

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que la résiliation devait être prononcée aux torts d'elle-même;

- constater l'absence de relation contractuelle et l'absence de démonstration de quelque faute que ce soit en relation avec cette résiliation;

- la mettre purement et simplement hors de cause;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au profit de Monsieur [F];

- débouter ce dernier;

- à titre reconventionnel condamner :

. le même à lui payer la somme de 6 153,13 euros T.T.C. au titre des frais de gardiennage du 23 avril 2007 au 31 août 2009;

. Monsieur [F] ou tout succombant à lui payer une somme de 6 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 22 mars 2011 la S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP répond notamment que :

- l'article 10 du contrat de crédit-bail stipule expressément l'indépendance de celui-ci avec les prestations financées, tandis que l'article 5 interdit à Monsieur [F] d'agir contre elle-même en cas de défaillance du véhicule;

- la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du crédit-bail, et selon ce même article 5 impose au crédit-preneur d'indemniser le crédit-bailleur;

- le crédit-bail ne peut être résilié aux torts des sociétés [Adresse 7] et BCC car elles n'y sont pas parties, tandis qu'il a déjà été résilié depuis le jugement du 19 octobre 2009.

L'intimée demande à la Cour, vu les articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile, 1134 et suivants du Code Civil, de :

- sur la recevabilité de ses demandes;

. constater qu'elle a donné au Tribunal de Commerce toutes les précisions quant aux sommes dont elle pouvait être créancière;

. constater que les demandes formulées et les sommes présentées en première instance étaient et sont toujours parfaitement chiffrables;

. réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes;

- sur le litige opposant Monsieur [F] aux sociétés [Adresse 7] et BCC : constater qu'elle-même y est totalement étrangère, et qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour sur les mérites des demandes formulées par le premier;

- sur les demandes d'elle-même :

. constater que depuis le jugement Monsieur [F] a fait le choix de cesser de payer les loyers inhérents au contrat de crédit-bail, et ce malgré le caractère non définitif de la résiliation du contrat de vente;

. dire et juger qu'à compter du 19 octobre 2009 date du jugement et du premier impayé Monsieur [F] a de toute évidence contrevenu aux dispositions de ce contrat;

. dire et juger qu'à cette même date le contrat de crédit-bail est résilié de plein droit;

. rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [F] à ce titre;

. dire et juger que le même, en tant que seul co-contractant d'elle-même, est redevable de la somme de 22 754,48 euros envers elle;

. constater qu'elle s'en rapporte à Justice sur l'appel en garantie formulé par Monsieur [F] à l'encontre des sociétés [Adresse 7] et BCC concernant la prise en compte des conséquences de la résiliation du contrat de vente;

- en tout état de cause :

. condamner Monsieur [F] à lui payer la somme de 22 754,48 euros correspondant à l'indemnité de résiliation due au titre du contrat de crédit-bail, avec intérêts contractuels à compter du 19 octobre 2009 date du premier impayé;

. dire et juger que les intérêts échus des capitaux produiront des intérêts suivant les dispositions de l'article 1154 du Code Civil;

. condamner Monsieur [F] et tout succombant à lui payer la somme de

3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 9 mai 2011 la S.A.R.L. BCC répond notamment que :

- elle a reçu de Monsieur [F] une commande d'aménagements pour le camion, mais ne devait pas se charger de ceux-ci; l'abstention de l'intéressé à faire cette commande, malgré rappel du 8 juin 2006, explique qu'elle ait fait passer ce camion aux Mines le 12 suivant; les rôtissoires ont ensuite été commandées par Monsieur [F], livrées à elle par la société ROTISOL le 13 juillet, puis installées par elle-même à la demande de l'inté-ressé ce qui explique que la livraison soit intervenue les 7 et 8 août;

- le retard invoqué par Monsieur [F] s'explique aussi par la nécessité de monter un dossier global de crédit-bail, au lieu de celui partiel limité aux aménagements;

- lors de cette livraison elle a informé Monsieur [F] des risques d'une surcharge du véhicule en raison des aménagements, ce qui n'a pas empêché celui-ci d'accepter sans réserve; Monsieur [F] a seul choisi ceux-ci, qui ont entraîné cette surcharge;

- sa responsabilité d'entrepreneur ne peut être engagée lorsqu'elle n'a pas commis de faute, et lorsque son client est lui-même intervenu dans le dommage ou a commis une faute;

- les retards de livraison sont dûs au défaut d'approbation par Monsieur [F] des plans fournis par elle-même à plusieurs reprises en mars et avril 2006;l'intéressé n'a pas non plus répondu au devis du 2 juin;

- Monsieur [F] a dans sa demande de crédit-bail indiqué n'avoir jamais été malade ni hospitalisé, alors qu'il avait subi de nombreux arrêts de travail;

- le poids excessif du camion et les dommages en résultant sont de la seule responsabilité de l'intéressé, qui après le passage aux Mines a ajouté sur son initiative du matériel dont les bouteilles de gaz et les rôtissoires; Monsieur [F] a en effet lors de la livraison des 7 et 8 août accepté le véhicule sans réserve, même pour surcharge résultant de son fait;

- la non conformité retenue par le jugement ne résulte pas des pièces produites aux débats;

- Monsieur [F] ne justifie pas de son préjudice économique, et s'est fait livrer de nouvelles rôtissoires en juillet 2007 par la société ROTISOL, et un nouveau camion en 2008 par une autre entreprise; il a toujours refusé le véhicule de remplacement qu'elle-même lui a systématiquement proposé;

- le même exerce depuis 1993, et connaît donc parfaitement les règles administratives en matière d'homologation, notamment pour le poids autorisé;

- Monsieur [F] l'a choisie librement, et non contraint et forcé par la société [Adresse 7], tout comme le poids des broches de rôtissoires.

L'intimée demande à la Cour, vu les articles 1134, 1147 et 1787 du Code Civil, d'infirmer le jugement et de :

- débouter Monsieur [F];

- condamner le même au versement de la somme de 10 000,00 euros pour procédure manifestement abusive;

- fixer l'indemnité due en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile à

10 000,00 euros.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 3 juin 2011.

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M O T I F S D E L ' A R R E T :

Monsieur [F], après avoir en mars 2006 effectué 2 commandes dont 1 avec financement par un crédit-bail consenti par la société BNP PARIBAS, a les 7 et 11 août suivants souscrit un crédit-bail auprès de la même société mais pour l'ensemble de ces 2 commandes, et sans justifier de la date à laquelle cet ensemble a été passé; ce changement de commandes est imputable au seul Monsieur [F], qui l'a choisi sans rapporter la preuve de la responsabilité soit de la société [Adresse 7] soit de la société BCC; par ailleurs il prétend que le véhicule non encore aménagé a été livré en temps et heure à cette seconde société, mais sans pouvoir le démontrer d'autant que cette dernière en a été facturée le 10 août 2006.

Sur la responsabilité de la société BCC :

La commande passée à cette société par Monsieur [F] devait être livrée dans un délai de '6/7 semaines à réception de l'accord de financement', lequel est intervenu le 14 mars 2006, ce qui fixe la livraison à fin avril; cependant la Cour constate que :

- la société [Adresse 7] a écrit le 22 mars à Monsieur [F] pour lui demander à quel carrossier elle devait livrer le véhicule;

- des courriels avec plans du camion ont été échangés durant la période du 17 mars au 12 avril entre la société BCC et Monsieur [F], lequel n'a pas rappelé la date de livrai-son précitée;

- Monsieur [F] n'a pas retourné le devis estimatif de travaux complémentaires établi le 2 juin par la société BCC, malgré relance de celle-ci le 20;

- le contrat de crédit-bail avec la société BNP PARIBAS pour financer l'ensemble véhi-cule/magasin n'a été souscrit que les 7 et 11 août par Monsieur [F].

C'est donc à tort que le Tribunal de Commerce a imputé à la société BCC le retard de livraison dont se plaint Monsieur [F].

Ce dernier a signé le 7 août 2006 avec la société BCC un procès-verbal de livrai-son/réception du matériel$gt; mentionnant 'sans aucune réserve, ledit bien en bon état de marche, sans vice ni défaut apparent et conforme à la commande passée à cet effet'; cette phrase n'empêche cependant Monsieur [F] d'invoquer des vices, défauts et non-conformités de nature non apparente. D'autre part Monsieur [F] a également signé le lendemain 8 le de la société BCC précisant 'J'accepte le véhicule même en surcharge dû à l'installation du matériel livré par mes soins'.

La réception du véhicule par les Mines [à la demande de qui équivaut à la société BCC] a été faite le 12 juin 2006, et le procès-verbal daté du 7 septembre suivant indique un poids à vide de 2 940 kg; par suite il était théoriquement possible qu'avec les divers aménagements prévus le P.T.A.C. ne dépasse pas le plafond adminis-tratif (catégorie de permis de conduire) de 3 500 kg. Mais au cours du délai d'environ 2 mois entre cette réception et la livraison du véhicule à Monsieur [F] divers équi-pements (une rôtissoire 8 broches fournie par la société ROTISOL, et un groupe frigo-rifique fourni par la société EFR MEDITERRANEE), ont été installés à la demande de l'intéressé par la société BCC; cette nouveauté rendait nécessaire que le véhicule soit à la demande de celle-ci à nouveau présenté aux Mines, et a eu pour effet que le P.T.A.C. a dépassé le plafond ci-dessus pour atteindre le 17 octobre 2006 le chiffre de 3 600 kg, aux-quels doivent être rajoutés le gaz, les poulets et les 2 occupants.

Il existait ainsi une impossibilité pour le véhicule aménagé à la demande de Mon-sieur [F] de respecter le P.T.A.C. applicable au permis de conduire les véhicules légers, ce qu'a reconnu la société BCC elle-même; celle-ci en effet dans ses courriers des 5 et 8 décembre 2006 suggère soit de partir d'un véhicule plus petit et plus léger, soit de passer sur un véhicule léger transformé en poids lourd pour le prix H.T. de 10 828,00 euros avec prêt d'un véhicule ou d'une remorque pendant la durée des travaux. Par suite cette société, en sa qualité de professionnelle de l'aménagement de camions pour rôtisserie, aurait dû informer Monsieur [F] que les équipements demandés par lui avant la livraison étaient incompatibles avec le poids initial du véhicule choisi, l'acceptation de la surcharge faite par l'intéressé dans le bon de livraison du 8 août 2006 ne pouvant valoir que pour le matériel postérieurement installé par lui-même en sus des éléments indis-pensables (gaz et occupants) qui étaient nécessairement connus de la société BCC. Cette dernière est donc responsable pour avoir manqué à son devoir de conseil vis-à-vis de son acheteur, ce qui conduira la Cour à confirmer le jugement ayant résilié (en réalité résolu) le contrat aux torts et griefs de la société BCC.

Sur la responsabilité de la société [Adresse 7] :

Dans un premier temps en mars 2006 Monsieur [F] a effectué 2 commandes auprès de 2 personne distinctes : à la société [Adresse 7] le 3 février pour le véhicule, puis sur ce dernier à la société BCC le 8 mars pour le magasin aménagé, avec cette précision que la première opération a été financée comptant tandis que la seconde l'a été par un crédit-bail consenti par la société BNP PARIBAS.

Mais par la suite il n'y a plus eu qu'un seul cocontractant de Monsieur [F] qui a été la société BCC, à laquelle celui-là a commandé l'ensemble véhicule + aména-gement; en effet la Cour constate que :

- le 18 septembre 2006 la société [Adresse 7] a remboursé à Monsieur [F] l'acompte de 2 416,00 euros pour la commande du 3 février, laquelle n'a donc pas été suivie d'effet;

- le véhicule a été facturé le 10 août 2006 directement par la société [Adresse 6] à la société BCC, et non à Monsieur [F] comme prévu au départ;

- l'ensemble précité a été entièrement financé par la société BNP PARIBAS selon un crédit-bail n° 00049651 des 7 et 11 août 2006 pour le prix de 47 007,59 euros H.T. c'est-à-dire 56 221,08 euros T.T.C. et pour une durée de 61 mois, avec un seul fournisseur la société BCC;

- la réception du véhicule a été faite entre d'une part Monsieur [F], la société BNP PARIBAS et la société BCC le 7 août, et d'autre part le même et cette dernière le lendemain 8.

Des éléments précités ressort l'absence totale de lien contractuel entre Monsieur [F] et la société [Adresse 7] même si au départ celle-ci devait intervenir; par ailleurs le fait pour cette société d'avoir conseillé à celui-là comme carros-sier la société BCC, ce qui est logique puisque cette dernière est agréé par le constructeur RENAULT, ne suffit pas à constituer une faute de sa part pour le seul motif que la société BCC a mal exécuté ses obligations; pareillement le fait pour la société [Adresse 6] d'avoir reçu de la société BCC les plans d'aménagement du camion, et de Monsieur [F] des photographies de ce véhicule, ne suffit pas à créer une relation contractuelle entre Monsieur [F] et la société [Adresse 7].

C'est donc à tort que le Tribunal de Commerce a résilié aux torts de la société [Adresse 7] le contrat passé par Monsieur [F], et a condamné la première envers le second sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Pour autant les frais de gardiennage ne peuvent être réclamés par la société [Adresse 7] qu'au propriétaire du véhicule à l'époque de leur engagement, c'est-à-dire Monsieur [F]; mais la résiliation du contrat de vente aux seuls torts de la société BCC justifie que cette dernière soit condamnée à relever et garantir totalement l'intéressé desdits frais.

Enfin l'équité fait obstacle à la demande de la société [Adresse 7] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Sur les conséquences de la résolution :

Cette dernière entraîne évidemment la restitution à Monsieur [F] de toutes les sommes qu'il a versées à la société BCC, ainsi que l'a justement décidé le jugement.

Les dommages et intérêts auxquels a droit Monsieur [F] ne peuvent inclure les dépenses concernant soit la réhabilitation de l'ancien camion soit le financement d'un autre nouveau, puisque celles-ci sont indemnisées par la restitution précitée.

Les chiffres d'affaires et les résultats de l'entreprise de Monsieur [F] ont été respectivement les suivants :

- 111 871 euros et 26 704 euros pour 2004,

- 97 697 euros et 13 853 euros pour 2005,

- 167 192 euros et 22 592 euros pour 2006 date d'achat du camion aménagé,

- 156 649 euros et 22 028 euros pour 2007,

- 209 703 euros et 17 776 euros pour 2008,

- 244 583 euros et 14 229,00 euros pour 2009;

ce qui signifie que l'activité de ce commerçant n'a pas souffert des problèmes imputables à la société BCC.

Monsieur [F] a perdu son emplacement sur le marché de [Localité 5] certes en avril 2007, mais en raison de son absence non justifiée pour la période de décembre 2003 à décembre 2006, alors que la responsabilité de la société BCC ne concerne que la courte période d'août à décembre 2006; la réclamation pour cette perte n'est donc aucunement fondée.

Le préjudice moral allégué par Monsieur [F] n'est pas justifié, et ne peut de ce fait être indemnisé.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique de la société BCC, ne permettent de rejeter la demande faite par Monsieur [F] au titre des frais irrépétibles d'appel.

Sur les demandes de la société BNP PARIBAS :

Cette dernière avait devant le Tribunal de Commerce demandé la condamnation de la société BCC à lui payer 'l'intégralité des loyers restant dûs à la date de la résiliation du contrat ainsi que toutes les pénalités, indemnités et intérêts liés à [cette] résiliation judiciaire'; une telle demande, bien que non chiffrée, n'est pas pour autant irrecevable comme l'a décidé à tort le jugement.

La cessation du paiement des échéances dues à la société BNP PARIBAS par Monsieur [F] conduit en application du contrat à la résiliation du crédit-bail aux torts de l'intéressé, et non à ceux de la société BCC laquelle n'est pas aucunement partie audit contrat; de plus l'article 10 des conditions générales de ce dernier stipule l'indépen-dance du financement et de la prestation financée. Cette résiliation oblige le crédit-preneur à payer au crédit-bailleur, en vertu du contrat, une indemnité équivalente aux loyers restant à échoir + valeur de rachat + clause pénale de 10 %, soit au total la somme de 22 754,48 euros réclamée à bon droit par la société BNP PARIBAS.

D'autre part la responsabilité de la société BCC dans la résolution du contrat avec Monsieur [F], et par conséquent dans la résiliation du crédit-bail en découlant, conduira la Cour à faire droit à la demande en relevé et garantie formée par le second contre la première.

Enfin l'équité fait obstacle à la demande de la société BNP PARIBAS sur le fonde-ment de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme le jugement du 19 octobre 2009 :

* pour avoir prononcé la résiliation du contrat de vente aux torts et griefs de la S.A.S. [Adresse 7];

* pour avoir condamné cette société à payer à Monsieur [P] [F] une somme de 1 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

* pour avoir rejeté les demandes de la S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP.

Confirme tout le reste du jugement.

Condamne en outre Monsieur [P] [F] à payer à la S.A.S. [Adresse 7] la somme de 6 153,13 euros T.T.C. au titre des frais de gardiennage pour la période du 23 avril 2007 au 31 août 2009, avec relevé et garantie en totalité par la S.A.R.L. BCC.

Condamne en outre la S.A.R.L. BCC à payer à Monsieur [P] [F] la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne en outre Monsieur [P] [F] à payer à la S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 22 754,48 euros, avec relevé et garantie en totalité par la S.A.R.L. BCC.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la S.A.R.L. BCC aux dépens d'appel, avec droit pour les Avoués de la cause de recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 09/22099
Date de la décision : 29/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°09/22099 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-29;09.22099 ?
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