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10/05/2007 | FRANCE | N°05/06484

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0044, 10 mai 2007, 05/06484


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 MAI 2007

No 2007/ 246

Rôle No 05/06484

S.A. GROUPAMA TRANSPORT

C/

S.A. DIMOTRANS - EUROPE SUD EST

S.A. TRANSCOAZUR

S.A. HELVETIA ASSURANCES

Grosse délivrée

le :

à :TOUBOUL

BOTTAI

BLANC

SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 2 mars 2005 enregistré au répertoire général sous le no 2003F00904

APPELANTE

S.A. GROUPAMA TRANSPORT
>dont le siège social est sis 1 quai Georges V - B.P. 1403 - 76067 LE HAVRE CEDEX

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par la SCP PELLIER - ARNAUD e...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 MAI 2007

No 2007/ 246

Rôle No 05/06484

S.A. GROUPAMA TRANSPORT

C/

S.A. DIMOTRANS - EUROPE SUD EST

S.A. TRANSCOAZUR

S.A. HELVETIA ASSURANCES

Grosse délivrée

le :

à :TOUBOUL

BOTTAI

BLANC

SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 2 mars 2005 enregistré au répertoire général sous le no 2003F00904

APPELANTE

S.A. GROUPAMA TRANSPORT

dont le siège social est sis 1 quai Georges V - B.P. 1403 - 76067 LE HAVRE CEDEX

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par la SCP PELLIER - ARNAUD et MOUREN "VIDAPARM", avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

S.A. DIMOTRANS - EUROPE SUD EST

dont le siège social est sis 10 rue de Luzais - SAINT QUENTIN FALLAVIER - 38290 LA VERPILLIERE

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, plaidant par Me Jérôme NOVEL substitué par Me Jérôme BERTHET, avocats au barreau de LYON

S.A. TRANSCOAZUR

dont le siège social est sis MIN Saint Augustin - Local 374 - Bâtiment H - B.P. 3006 - 06296 NICE CEDEX 3

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués

S.A. HELVETIA ASSURANCES

dont le siège social est sis 14 rue du Garet - 69282 LYON CEDEX 01

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,

plaidant par Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 avril 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 mai 2007.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 mai 2007,

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Société BREUER a confié à la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est l'acheminement de 58 colis de vêtements (cravates) de la région de MILAN aux entrepôts de la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est situés à CARROS (06). La S.A. Dimotrans Europe Sud-Est, commissionnaire de transport, s'est substituée la S.A. TRANSCOAZUR pour l'exécution de ce contrat de transport, effectué sous lettre de voiture émise, le 2 octobre 2002, et régie par la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (C.M.R.). La disparition de 26 colis de marchandises est intervenue dans des circonstances de lieu et de temps aujourd'hui controversées. La Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport, assureur ad valorem des marchandises a indemnisé l'expéditeur qui lui a délivré, le 14 février 2003, une quittance subrogative à hauteur de 70.365,84 . La S.A. HELVETIA ASSURANCES était l'assureur du transporteur substitué, la S.A. TRANSCOAZUR.

Par jugement contradictoire en date du 2 mars 2005, le Tribunal de Commerce de NICE a débouté la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport de toutes ses prétentions dirigées contre la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est et la S.A. TRANSCOAZUR et visant à l'admission de la faute lourde du transporteur.

La Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et moyens de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport dans ses conclusions en date du 12 mai 2005 tendant à faire juger :

- que la S.A. TRANSCOAZUR a commis une faute lourde dont le commissionnaire de transport devra répondre, en laissant sur un parking en Italie, la semi-remorque, sans surveillance alors qu'aucun arrêt ne s'imposait et qu'en toute hypothèse, le MIN de NICE où le vol a pu avoir lieu éventuellement n'est pas sûr et y abandonner une semi-remorque chargée et non cadenassée constitue une faute lourde,

- qu'en toute hypothèse, les premiers juges ne pouvaient pas écarter la responsabilité de plein droit des intervenants au transport et allouer l'indemnisation plafonnée selon le nombre de kilogrammes de marchandises détournées ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est dans ses conclusions en date du 15 juillet 2005 tendant à faire juger :

- que la S.A. TRANSCOAZUR, le voiturier, n'a commis aucune faute lourde, quel que soit le lieu de commission du vol en Italie ou à CARROS (06) et que partant la limitation légale devra s'appliquer selon l'article 23 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (C.M.R.),

- subsidiairement, que la S.A. HELVETIA ASSURANCES devra sa garantie, quel que soit le lieu de commission du vol, sauf à la limiter l'indemnisation à 80 % s'il est jugé que le vol a eu lieu en Italie ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. TRANSCOAZUR dans ses conclusions complémentaires et récapitulatives en date du 19 octobre 2005 tendant à faire juger :

- qu'elle n'a commis aucune faute lourde dans l'exécution du contrat de transport, quelles que soient les circonstances de lieu de sa commission,

- que subsidiairement, la S.A. HELVETIA ASSURANCES doit sa garantie à défaut de démontrer que les conditions spéciales prévues à l'annexe 9203 de la police pour l'ouverture de la garantie n'ont pas été remplies ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. HELVETIA ASSURANCES dans ses conclusions en date du 10 octobre 2005 tendant à faire juger :

- que les circonstances du vol ne révèlent pas l'existence d'une faute lourde imputable à la S.A. TRANSCOAZUR si bien que le commissionnaire de transport et le voiturier doivent bénéficier de la limitation d'indemnisation prévue par la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route dite (C.M.R.),

- que les conditions de sa garantie ne sont pas remplies, faute pour le voiturier d'avoir appliqué toutes les mesures de prévention qui lui étaient imposées par la police d'assurance et notamment d'avoir satisfait à l'obligation de verrouillage des portes de la semi-remorque ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 12 mars 2007.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que selon l'article 29 alinéa 1 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (C.M.R.), le transporteur (et le commissionnaire de transport qui répond de lui) n'ont pas le droit de se prévaloir des dispositions de la Convention qui excluent ou limitent la responsabilité du transporteur, si le dommage provient du dol de ce dernier ou d'une faute qui lui est imputable et qui d'après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalent au dol ; qu'en droit français, est considérée comme une faute lourde équivalente au dol quant à ses effets, celle que le transporteur commet lorsque son comportement révèle une négligence d'une extrême gravité confiant au dol et dénotant de sa part une inaptitude à accomplir le contrat de transport qui lui avait été confié ; qu'en l'espèce, il ressort d'un « rapport d'enquête amiable», de l'examen commenté du disque chrono tachygraphe du camion en cause et des pièces du dossier que -1 le chauffeur de la S.A. TRANSCOAZUR qui a assuré l'acheminement litigieux n'a pas sincèrement indiqué le lieu exact d'un arrêt de 40 minutes qu'il a effectué en Italie, le situant sur « un Autogrill » de l'autoroute « vers » Le Turchino alors que le temps écoulé (55 minutes) depuis son départ de MILAN à 19 heures 10 ne lui permettait pas d'atteindre le lieu qu'il a indiqué et qui est situé à 170 kilomètres de son point de départ, 2- que le vol n'a été déclaré aux service de Police Nationale qu'avec retard, le 4 octobre 2002, à 14 heures 15 alors qu'il aurait été découvert selon les déclarations de la S.A. TRANSCOAZUR et selon l'attestation du chauffeur, le 3 octobre 2002, à 6 heures 30, par le chauffeur à son réveil sur le parking du marché d'intérêt national (M I N) à Nice, 3- que, surtout, le vol n'a pas été signalé au gestionnaire du MIN qui donne en location à la S.A. TRANSCOAZUR des emplacements sur un parking gardienné (rondiers avec chiens) et qui devrait répondre des vols qui y seraient commis ; qu'il s'ensuit que le lieu de commission du vol ne peut être fixé au MIN de Nice en l'état de ces éléments et de l'intérêt qu'il y avait pour la S.A. TRANSCOAZUR pour échapper aux clauses restrictives d'une police d'assurance du risque vol réalisé en Italie, de déclarer que le vol a été commis en France ;

Attendu que le fait pour le chauffeur de la S.A. TRANSCOAZUR, -société qui assurait de manière régulière (2 à 5 fois par semaine depuis février 2000) des transports de marchandises à la nature sensible (pièces d'habillement de « marque »)-, après avoir pris en charge à 19 heures 10, à MILAN, 58 colis de marchandises et après avoir circulé moins d'une heure et alors qu'il pouvait effectuer, sans s'arrêter, la totalité du trajet sur le territoire italien pour se rendre à NICE où il est arrivé à 23 heures, 1- de faire sans nécessité réelle une pause de 40 minutes dans un lieu qu'il situe en Italie de manière insincère et qui n'est donc pas connu par le fait même du chauffeur quant aux conditions de sécurité y régnant et 2 - d'y laisser sans surveillance un tracteur tirant une semi-remorque Tautliner, bâchée, non plombée, ni cadenassée, vers 20 heures 05, le 2 octobre 2002, constitue une faute lourde ; que le chauffeur n'a pas pris les précautions élémentaires de stationner sa semi-remorque dans un lieu gardienné pour parer au risque de vol et alors que la réglementation des transports n'imposait pas une « coupure » dans la conduite et que l'organisation du déplacement pouvait se faire sans recourir à une pause autre que de convenance ; que tant la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est, le commissionnaire de transport que la S.A. TRANSCOAZUR , le transporteur, ne peuvent donc se prévaloir des limitations d'indemnisation instituées par la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (C.M.R.) ;

Attendu que la clause No 9203 B du contrat d'assurance souscrit par la S.A. TRANSCOAZUR auprès de la S.A. HELVETIA ASSURANCES, dite « clause syndicale » afférente à la garantie des risques de vol sur le territoire italien dont la validité n'est pas contestée est une clause qui, posant en préalable à l'existence de la garantie du risque vol certaines conditions à la charge de l'assuré, telle « la mise en uvre de règles de prévention » particulières, constitue une condition de la garantie ; que l'assurée, la S.A. TRANSCOAZUR, a donc la charge de prouver que les conditions pour bénéficier de la garantie de l'assureur pour le risque considéré sont réunies ; que « la clause syndicale vol » doit s'appliquer même si l'inobservation des mesures de préventions qu'elle impose à l'assuré, au titre de condition de la garantie, n'a pas eu de rôle causal dans la survenance du sinistre ;

Attendu que l'article 3 1. de la clause No 9203 B stipule pour les stationnements inférieurs à 90 minutes réalisés sur le territoire italien que la garantie est acquise à 80 % du montant quand l'assuré apporte la preuve que les règles générales de prévention fixées aux articles 2.1 et 2.2 ont été simultanément respectées ; qu'à défaut du respect d'une des règles fixées auxdits articles, la garantie n'est pas acquise au transporteur ; que l'article 2.2 prévoit notamment au titre des conditions de la garantie pour vol que « les portes et portières du véhicule routier sont fermées à clé » et « tous autres accès (du véhicule routier) étant verrouillés » ; qu'en l'espèce, les portes de la semi-remorque ne comportaient aucun dispositif de fermeture/verrouillage, ni cadenas et l'accès à la semi-remorque pouvait se faire en actionnant simplement les portes ; que la S.A. TRANSCOAZUR ne peut bénéficier de la garantie de son assureur ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile au seul profit de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport qui a interjeté appel à raison ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport comme régulier en la forme.

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, condamne « in solidum » la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est et la S.A. TRANSCOAZUR à porter et payer à la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport la somme de 70.365,84 avec intérêts au taux légal (seuls demandés) à compter du 12 septembre 2003 et celle de 2.500 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dit que la S.A. TRANSCOAZUR devra relever et garantir la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est de l'intégralité des condamnations prononcées contre cette dernière au profit de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport.

Déboute la S.A. TRANSCOAZUR de sa demande en garantie dirigée contre son assureur, la S.A. HELVETIA ASSURANCES.

Condamne « in solidum » la S.A. Dimotrans Europe Sud-Est et la S.A. TRANSCOAZUR aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Marie-José de SAINT FERREOL et Colette TOUBOUL et de la S.C.P. d'Avoués Associés Pierre SIDER * Jean-Michel SIDER * Sébastien SIDER , sur leur affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 05/06484
Date de la décision : 10/05/2007

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

Constitue une faute lourde pour le chauffeur de la société de transport qui assure de manière régulière des transports de marchandises à la nature sensible (pièces d'habillement de « marque »), de faire, sans nécessité réelle, une pause de 40 minutes dans un lieu non sécurisé, et d'y avoir laisser sans surveillance le tracteur tirant une semi-remorque bâchée contenant la marchandise, non plombée, ni cadenassée. En effet, le chauffeur, qui n'a pas pris les précautions élémentaires de stationner sa semi-remorque dans un lieu gardienné pour parer au risque de vol et alors que la réglementation des transports n'imposait pas une « coupure » dans la conduite et que l'organisation du déplacement pouvait se faire sans recourir à une pause autre que de convenance, a donc commis une faute lourde qui fait obstacle aux limitations d'indemnisation instituées par la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nice, 02 mars 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2007-05-10;05.06484 ?
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