ARRÊT DU 23 AVRIL 2013
BM./ SB
----------------------- R. G. 12/ 01357-----------------------
ARRÊT no 162
COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale
² Association DE SAUVEGARDE ET DE PROMOTION DE LA PERSONNE (ASPP) En la personne de son Président
Association SOLIDAR'HOM En la personne de son Président
C/
Jean-Marc X...
Leslie Y...
Céline Z...
Mélanie A...
Christelle B...
Céline C...
Joseline D... épouse E...
Catherine F...
Gaëlle G...
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Prononcé à l'audience publique du vingt-trois avril deux mille treize par Benoît MORNET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, assisté de Nicole CUESTA, Greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Association DE SAUVEGARDE ET DE PROMOTION DE LA PERSONNE (ASPP) En la personne de son Président 2, rue de Macayran 47550 BOE
Association SOLIDAR'HOM En la personne de son Président 2, rue de Macayran 47550 BOE
Rep/ assistant : la SELARL GUYOMARCH-SEYTE (avocats au barreau de TOULOUSE)
APPELANTES d'un jugement du Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'AGEN en date du 10 juillet 2012 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 11/ 00218
d'une part,
ET :
Jean-Marc X... né le 18 janvier 1973 à SAVIGNY-SUR-ORGE... 47310 ESTILLAC
Leslie Y... née le 1er juillet 1980 à PARIS... 47320 CLAIRAC
Céline Z... née le 25 novembre 1985 à AGEN (47000)... 47220 CAUDECOSTE
Mélanie A... née le 22 avril 1986 à COMPIÈGNE (60200)... 47240 BON-ENCONTRE
Christelle B... née le 17 juillet 1976 à VILLENEUVE-SUR-LOT (47300)... 47510 FOULAYRONNES
Céline C... née le 12 juin 1972 à CHATILLON-SUR-INDRE... 47450 SAINT-HILAIRE DE LUSIGNAN
Joseline D... épouse E... née le 1er août 1956 à CARCASSONNE (11000)... 47520 LE PASSAGE
Catherine F... née le 28 juin 1960 à ANTONY (92160)... 47000 AGEN
Gaëlle G... née le 21 août 1986 à BERGERAC (24100)...... 47000 AGEN
Rep/ assistant : la SCP DERISBOURG-COULEAU (avocats au barreau d'AGEN)
INTIMÉS
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 26 mars 2013, sur rapport de Benoît MORNET, devant Benoît MORNET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Annie CAUTRES et Aurélie PRACHE, Conseillères, assistés de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
* * *
- EXPOSÉ DU LITIGE :
Jean-Marc X..., Leslie Y..., Céline Z..., Mélanie A..., Christelle B..., Céline C..., Jocelyne E..., Catherine F... et Gaëlle G... (les salariés) sont salariés du service des tutelles, qui était un service de l'ASPP jusqu'au 31 décembre 2010, transféré à l'Association SOLIDAR'HOM depuis.
Avant le transfert, par courrier du 29 avril 2010, le Directeur Général de l'ASPP leur a adressé un courrier les informant que l'association entendait dénoncer l'usage relatif à l'attribution de jours de congés supplémentaires dits " congés trimestriels ", en appliquant un préavis de deux mois, la dénonciation ne prenant effet qu'au 1er juillet 2010.
Par jugement rendu le 10 juillet 2012, le Conseil de Prud'hommes d'AGEN a considéré que l'annexe 3 de la Convention Collective du 15 mars 1966 prévoyant six jours de congés supplémentaires consécutifs par trimestre au cours des trois trimestres qui ne comprennent pas de jours de congés annuels s'applique et a condamné l'employeur à verser différentes sommes aux salariés.
L'Association ASPP et l'Association SOLIDAR'HOM ont relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
L'employeur demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter les salariés de leurs demandes, et de les condamner chacun à lui payer une indemnité de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il soutient que l'octroi de " congés trimestriels " constituait un usage qui pouvait être dénoncé dans la mesure où aucun accord collectif prévoyant l'octroi de jour de congés supplémentaires dits " congés trimestriels " n'a fait l'objet d'un agrément ministériel imposé par l'article L. 314-6 du Code de l'Action Sociale et des Familles, de sorte que cette disposition de la Convention Collective du 15 mars 1966 ne peut s'appliquer aux délégués à la tutelles de l'association.
Il ajoute qu'il a dénoncé cet usage en procédant à l'information du comité d'entreprise et des salariés, et en respectant un délai de prévenance suffisant.
Les salariés demandent à la Cour de juger que l'employeur devait et doit encore leur accorder le droit à des congés trimestriels supplémentaires tels qu'ils sont prévus par les annexes no 2 et 3 de la Convention Collective nationale du 15 mars 1966, et de dire que l'employeur devra leur octroyer six jours de congés trimestriels pour les 1er, 2ème et 4ème trimestres de chaque année, à compter du 2ème trimestre 2013, et ceci sous astreinte de 200 € par jour de congé trimestriel supprimé.
Ils demandent en conséquence la condamnation de l'employeur à payer les sommes de 5. 900 € à Jean-Marc X..., 5. 600 € à Leslie Y..., 4. 900 € à Céline Z..., 4. 900 € à Mélanie A..., 6. 400 € à Christelle B..., 6. 500 € à Céline C..., 2. 800 € à Joseline E..., 7. 500 € à Catherine F... et 5. 000 € à Gaëlle G... à titre de dommages et intérêts pour les congés trimestriels perdus, outre une indemnité complémentaire de 600 € à chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils soutiennent que figurent à l'article 1er de la CCNT66 déterminant son champ d'application les activités codées 85. 3K, c'est à dire les " autres formes d'action sociale " dont font partie les services de tutelles qui sont expressément cités, que l'article 1er de l'annexe 3 précise les dispositions particulières applicables aux personnels chargés, dans les établissements et services du champ d'application professionnel fixé à l'article 1er de ladite convention, de la mise en oeuvre des techniques éducatives, pédagogiques et sociales, de sorte que l'annexe 3 s'applique aux services de tutelles ; ils précisent que l'article 6 de cette annexe 3 prévoit les congés trimestriels dont ils prétendent bénéficier.
Ils ajoutent enfin que pour le personnel d'administration et de gestion, c'est l'annexe 2 de la convention qui s'applique selon le même raisonnement.
- MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article L. 314-6 du Code de l'Action Sociale et des Familles, les Conventions Collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement applicables au personnel des établissements et services sociaux et médico sociaux privés à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont supportées en tout ou en partie, directement ou indirectement, par des personnes morales de droit public, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent.
L'ASPP et l'Association SOLIDAR'HOM sont des associations à but non lucratif dont le service des tutelles fait l'objet d'un financement par des personnes morales de droit public.
Il résulte de l'article 1er de l'avenant no 269 du 29 mars 2001que " l'article 1er du titre 1er de la Convention Collective Nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (champ d'application professionnel) est complété par : 85. 3 K : action sociale, activités relevant des associations et services tutélaires aux majeurs protégés et prestations sociales ".
Il est ainsi établi que cet avenant a pour objet d'intégrer les associations et services tutélaires aux majeurs protégés et aux prestations sociales dans le champ d'application de la convention collective.
Les autres articles de cet avenant ont pour objectif de définir le cadre conventionnel applicable aux personnels travaillant dans ces structures.
L'article 1er du titre 1er de la Convention Collective du 15 mars 1966 mentionne d'ailleurs au titre des activités entrant dans le champ d'application de la convention : " code 85. 3 K : autres formes d'action sociale, notamment service de tutelle : activités relevant des associations et services tutélaires aux majeurs protégés et aux prestations sociales ".
L'employeur produit cependant aux débats le courrier du ministre de l'emploi et de la solidarité du 16 janvier 2002 aux termes duquel le ministre écrit qu'il a " refusé cet avenant après avis de la Commission nationale d'agrément du 8 janvier 2002, en raison de l'absence de chiffrage des mesures proposées ".
Ce courrier précise que " cette notification vaut décision au sens de l'article 3 du décret susvisé ".
Il résulte de ce courrier que l'avenant du 29 mars 2001 tendant à permettre l'application de la Convention Collective aux activités relevant des associations et services tutélaires n'a pas reçu l'agrément du ministre et ne peut en conséquence produire effet.
Si la mention de la Convention Collective du 15 mars 1966 sur le bulletin de paye peut constituer une présomption, celle-ci est en l'espèce renversée et combattue par le refus d'agrément du ministre.
En l'absence d'agrément de l'avenant, les annexes de la Convention Collective et notamment les dispositions particulières aux " congés payés annuels supplémentaires " prévoyant " le bénéfice de six jours de congés consécutifs, non compris les jours fériés et le repos hebdomadaire, au cours de chacun des trois trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel ", ne peuvent produire d'effet dans les relations entre l'association employeur et les salariés intimés.
Il résulte de ces éléments que l'octroi de ces congés trimestriels par l'employeur ne relevait pas d'une obligation conventionnelle mais d'un usage.
L'employeur a souhaité dénoncer cet usage ; il justifie avoir informé et consulté le comité d'entreprise lors de la réunion mensuelle d'avril 2010, et avoir répondu par courrier du 30 avril 2010 aux questions écrites du comité d'entreprise ; il justifie également avoir informé chaque salarié individuellement par courrier du 29 avril 2010.
L'employeur a mis en place un délai de prévenance de deux mois qui n'est d'ailleurs pas critiqué par les salariés.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter les salariés de leurs demandes.
Les salariés succombant à l'instance, ils en supporteront les dépens. L'équité commande de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel formé contre le jugement rendu le 10 juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes d'AGEN ;
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Dit que l'octroi par l'Association ASPP et l'Association SOLIDAR'HOM de jours de congés annuels supplémentaires à prendre sur chacun des trimestres ne comportant pas de congés annuels constituait un usage susceptible d'être dénoncé ;
Dit que la dénonciation de cet usage par l'employeur le 29 avril 2010 est valable ;
Déboute en conséquence Jean-Marc X..., Leslie Y..., Céline Z..., Mélanie A..., Christelle B..., Céline C..., Jocelyne E..., Catherine F... et Gaëlle G... de leurs demandes ;
Les condamne in solidum aux dépens et dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Benoît MORNET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.