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20/08/2024 | FRANCE | N°24/00175

France | France, Tribunal judiciaire d'Évry, Chambre des référés, 20 août 2024, 24/00175


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français



Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 20 août 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00175 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-P4MU

PRONONCÉE PAR

Elisa VALDOR, Juge,
Assistée de Fabien DUPLOUY, greffier, lors des débats à l’audience du 28 juin 2024 et d’Alexandre EVESQUE, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

Madame [H], [A], [L] [O]
demeurant [Adresse 1] [Localité 3]

représentée par Maître Eléonore NEAU, avocate a

u barreau de PARIS, vestiaire : A 0726

DEMANDERESSE

D'UNE PART

ET :

Monsieur [I] [U]
demeurant [Adresse 1] [Localité 3]

représenté par Maît...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 20 août 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00175 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-P4MU

PRONONCÉE PAR

Elisa VALDOR, Juge,
Assistée de Fabien DUPLOUY, greffier, lors des débats à l’audience du 28 juin 2024 et d’Alexandre EVESQUE, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

Madame [H], [A], [L] [O]
demeurant [Adresse 1] [Localité 3]

représentée par Maître Eléonore NEAU, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : A 0726

DEMANDERESSE

D'UNE PART

ET :

Monsieur [I] [U]
demeurant [Adresse 1] [Localité 3]

représenté par Maître Richard ruben COHEN de la SELAS SELASU RICHARD R. COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1887

DÉFENDEUR
D'AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

Par actes de commissaire de justice en date du 16 février 2024, Madame [H] [O] a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire d'Évry-Courcouronnes, statuant en référé, Monsieur [I] [U], aux fins de voir :

la déclarer recevable en ses prétentions ;enjoindre à Monsieur [I] [U] de procéder à ses frais exclusifs au rétablissement de l'alimentation en eau potable du lot de copropriété n° 6 dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 3], propriété de Madame [H] [O], ce dans un délai n'excédant pas 10 jours à compter de la signification de l'ordonnance de référé à intervenir, et sous astreinte de 150 € par jour de retard suivant l'expiration dudit délai ;l'autoriser à substituer toute entreprise de son choix à Monsieur [I] [U] pour le cas où celui-ci refuserait de déférer dans le délai imparti à la susdite injonction afin qu'il soit procédé, aux entiers frais et risques de celui-ci, ainsi que le cas échéant avec le concours de la force publique, à la remise en état de l'installation de distribution d'eau potable ;condamner Monsieur [I] [U] à lui payer les sommes suivantes à titre de provisions à valoir sur la réparation de ses préjudices :244,89 euros au titre de l'interruption temporaire de l'approvisionnement en eau potable du logement du 15 au 23 mai 2023 ;27,21 euros par jour depuis à tout le moins le 18 septembre 2023, outre 23,33 € par jour depuis le 19 décembre 2023, au titre de l'interruption persistante de l'approvisionnement en eau potable du logement, et cela jusqu'au rétablissement de cet approvisionnement ;2.000 euros au titre du préjudice moral ;condamner Monsieur [I] [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;condamner Monsieur [I] [U] aux entiers dépens ;rejeter toutes autres prétentions qui pourraient être formées par Monsieur [I] [U].
Appelée à l'audience du 12 mars 2024, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 23 avril 2024 puis à l'audience du 28 juin 2024.

A cette audience, Madame [H] [O], représentée par son conseil, se référant à ses conclusions notifiées par RPVA, le 20 juin 2024, et déposées à l'audience, a sollicité du juge des référés de :

la déclarer recevable en ses prétentions ; enjoindre à Monsieur [I] [U] de ne plus porter atteinte à l'alimentation en eau potable du lot de copropriété n° 6 dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 3], propriété de Madame [H] [O], et ce sous astreinte de 3.000 € par atteinte constatée ; condamner Monsieur [I] [U] à lui payer les sommes suivantes à titre de provisions à valoir sur la réparation de ses préjudices : 244,89 euros au titre de l'interruption temporaire de l'approvisionnement en eau potable du logement du 15 au 23 mai 2023 ;
5.033,85 euros au titre du préjudice de jouissance résultant de l'interruption persistante de l'approvisionnement en eau potable du logement depuis à tout le moins le 29 août 2023 et jusqu'au 1 er mars 2024 ; 4.047,34 euros au titre du remboursement des frais exposés pour se reloger à titre onéreux à raison de cette seconde interruption de l'approvisionnement en eau potable du logement, se décomposant comme suit : 3.070 euros à titre de loyers (dont préavis),400 euros à titre de frais d'agence, 79 euros à titre de frais de déménagement,176,30 euros à titre de frais d'assurance habitation, 83,20 euros à titre de l'abonnement au service de l'eau, 183,50 euros à titre d'acompte sur l'abonnement au service de d'électricité et des consommations, 55,54 euros à titre de redevance d'ordures ménagères,
2.500 euros au titre du préjudice moral ;
condamner Monsieur [I] [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamner Monsieur [I] [U] aux entiers dépens ; rejeter toutes autres prétentions qui pourraient être formées par Monsieur [I] [U].
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir, au visa notamment de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, que :

elle a acquis, par acte authentique du 30 novembre 2022, une maison avec jardin et une place de parking correspondant aux lots 6 et 7 dans un ensemble immobilier en copropriété sis [Adresse 1] à [Localité 3] (91) ;après s'être rapprochée de la société VEOLIA pour la souscription d'un contrat d'approvisionnement en eau, elle a appris qu'elle ne disposait pas d'un point d'accès individuel au réseau public de distribution d'eau potable, et que l'approvisionnement en eau de son logement dépendait d'un contrat conclu par un des copropriétaires voisins, Monsieur [I] [U], lequel avait précédemment subdivisé son lot de copropriété en 8 lots, dont deux acquis en dernier lieu par elle ;elle a sollicité des explications à Monsieur [I] [U] sans succès puis constatant, le 15 mai 2023, que son logement n'était plus approvisionné en eau potable, elle s'est rendue chez Monsieur [I] [U] qui lui a indiqué avoir coupé l'eau car il s'agissait de son compteur et que le regard lui appartenait ;Monsieur [I] [U] s'est excusé et a rétabli l'approvisionnement en eau le 23 mai 2023 puis, alors qu'elle s'était acquittée auprès de lui de ses consommations en eau, il est devenu pressant concernant l'installation d'un compteur individuel et l'a menacée d'interrompre à nouveau l'approvisionnement en eau ;à son retour de congés, le 29 aout 2023, elle a constaté qu'elle n'avait de nouveau plus d'eau dans son logement et après l'intervention d'un agent de la société VEOLIA à la mi-septembre 2023, il a été constaté que Monsieur [I] [U] avait procédé à la dépose de la poignée de la vanne d'arrêt et de celle du compteur divisionnaire desservant son logement, la société VEOLIA refusant alors d'intervenir à sa seule demande sur une installation desservant plusieurs biens en copropriété ;par lettre recommandée du 17 octobre 2023, elle a mis en demeure Monsieur [I] [U] de rétablir immédiatement l'approvisionnement en eau de son logement, ce dernier, par lettre du 22 octobre 2023, soumettant ce rétablissement à plusieurs conditions ;elle a, dans ce contexte, dû quitter son logement et a été hébergée gracieusement du 29 aout au 20 décembre 2023 puis a loué un logement à compter du 20 décembre 2023 et suite au rétablissement le 1er mars 2024 de l'alimentation en eau dans son logement par Monsieur [I] [U], elle a donné son congé le 2 avril 2024 ;il est établi que Monsieur [I] [U] a procédé à deux reprises à une interruption de l'approvisionnement en eau dans son logement, en mai 2023, puis de la fin de l'été 2023 jusqu'au 1er mars 2024, ces faits constituant un trouble manifestement illicite à son droit de jouir paisiblement de son logement et afin de se prémunir contre toute nouvelle velléité de la part de Monsieur [I] [U], elle sollicite qu'il soit enjoint à celui-ci de ne plus porter atteinte à l'alimentation en eau de son lot, sous astreinte par atteinte constatée ;au regard de la valeur locative de son bien et des périodes d'interruption de l'approvisionnement en eau dans son logement, elle est fondée à solliciter la condamnation de Monsieur [I] [U] à lui payer à titre provisionnel la somme de 244,89 euros au titre de la première période d'interruption, et la somme de 5.033,85 euros au titre de la seconde, en réparation de son préjudice de jouissance ;elle est également fondée à solliciter la condamnation de Monsieur [I] [U] à lui payer la somme provisionnelle de 4.047,34 euros au titre des loyers acquittées, des frais d'agence, ainsi que des frais supplémentaires liés à l'assurance habitation, l'abonnement au service de l'eau et à l'électricité, la redevance d'ordures ménagères et au frais de location d'un véhicule pour son déménagement ;les menaces régulières de Monsieur [I] [U] d'interrompre l'approvisionnement en eau potable, outre l'envoi d'une sommation interpellative en cours de procédure, lui ont causé un préjudice d'anxiété ayant nécessité un suivi par un neuropsychologue, ce qui justifie l'allocation d'une somme provisionnelle à hauteur de 2.500 euros en réparation de son préjudice moral.
Monsieur [I] [U], représenté par son conseil, se référant à ses conclusions notifiées par RPVA, le 20 juin 2024, et déposées à l'audience, a sollicité du juge des référés de :

déclarer Madame [H] [O] irrecevable en sa demande d'injonction ;
En tout état de cause,

débouter Madame [H] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;condamner Madame [H] [O] à lui payer la somme provisionnelle de 5.000 euros en réparation du préjudice moral causé ,ordonner, le cas échéant, la compensation ;condamner Madame [H] [O] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;condamner Madame [H] [O] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il expose que :

il a acquis, par acte authentique du 11 avril 2016, le lot n°3 dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 3] (91) et a souscrit un abonnement au service de l'eau ;selon modificatif dressé le 25 février 2020, le lot n°3 a été supprimé et subdivisé en 8 lots, les lots 7 à 11 correspondant à des emplacements de stationnement, et il a cédé les lots 6 et 7 à Monsieur [P] [V], autorisant ce dernier à titre temporaire à bénéficier de son contrat de fourniture d'eau, outre son compteur et ses canalisations le temps que l'intéressé puisse faire les travaux nécessaires aux fins d'individualisation, l'installation étant accessible par le canal d'un regard situé dans le jardin dont il a la jouissance exclusive ;Monsieur [P] [V] a vendu les lots 6 et 7 à Madame [H] [O] et cette dernière lui a imposé de nombreuses interventions inopinées sur le compteur, soit dans son jardin, sans aucune information préalable, et suite à une de ces interventions, il a constaté une fuite au droit du compteur ;il a exigé de Madame [H] [O] qu'elle exécute ses engagements en faisant les travaux nécessaires aux fins d'individualisation de la distribution d'eau de son lot, sans succès, et désemparé face à cette attitude et pour la faire réagir, a fermé l'acheminement de l'eau jusqu'au logement de celle-ci, et ce du 21 mai au 22/23 mai 2023 ;Madame [H] [O] ne changeant pas son comportement, et multipliant les intrusions, il a procédé à la dépose de la poignée de la vanne et du sous compteur, le 20 septembre 2023, sans que celle-ci ne se plaigne de la situation, avant une mise en demeure du 17 octobre 2023.
A l'appui de l'irrecevabilité de la demande d'injonction formée par Madame [H] [O], il soutient, au visa de l'article 31 du code de procédure civile, que l'accès à l'eau a été rétabli le 1er mars 2024 de sorte que la demande n'a plus d'objet et la demanderesse n'a pas intérêt à demander une injonction pour une infraction inexistante, incertaine et éventuelle, outre qu'une telle demande apparait dangereuse pouvant conduire Madame [H] [O] à faire liquider l'astreinte dans tous types de cas, notamment en cas de dysfonctionnements non volontaires.

En réplique aux demandes de provisions, il fait valoir qu'elles se heurtent à des contestations sérieuses, dans la mesure où :

il est sollicité deux fois l'indemnisation du préjudice résultant de l'interruption de l'approvisionnement en eau pour la période du 29 aout 2023 au 1er mars 2024, étant sollicité à la fois la totalité de la valeur locative du bien en raison de la prétendue impossibilité de jouir du bien et la totalité des loyers, charges, dépenses prétendument réglés au titre du logement de substitution ;la valeur locative est basée sur une évaluation générique sur le site meilleursagents, sans visite du bien, et sans tenir compte de ses caractéristiques précises, et sur la base d'une superficie de 54,06 m2, alors qu'il est fait état d'une superficie de 42,83 dans une autre pièce ;il n'est pas justifié que le bien était inhabitable, et ce d'autant que Madame [H] [O] n'a pas dénoncé immédiatement la situation, de sorte que le préjudice de jouissance ne saurait être évalué à la totalité de la valeur locative ;
il n'est pas établi la durée précise des deux interruptions d'approvisionnement en eau ;il suspecte l'existence d'un bail de complaisance, compte tenu, d'une part, des liens unissant Monsieur [X] [J] de l'agence immobilière IMMO EVEN, rédacteur du bail, et la bailleur, Monsieur [S] [Y], d'autre part, du temps pris par Madame [H] [O] pour déférer à la sommation interpellative et communiquer les pièces relatives au bail conclu ;les pièces communiquées par Madame [H] [O] font apparaître des incohérences, notamment les factures d'eau, et elle ne justifie d'aucun paiement au titre des loyers et elle ne peut réclamer le remboursement de charges correspondant à ses besoins personnels qu'elle aurait dû régler au titre du bien dont elle est propriétaire ;le préjudice moral est justifié par une attestation de complaisance.
A l'appui de sa demande de provision au titre de son préjudice moral, il expose que Madame [H] [O] a utilisé ses parties privatives sans son accord, a refusé d'exécuter les travaux d'individualisation, a multiplié les intrusions dans son jardin privatif, et occupe illicitement ses places de stationnements, nuisant à sa tranquillité et son intimité.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l'acte introductive d'instance et aux écritures déposées et développées oralement à l'audience ainsi qu'à la note d'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 20 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la demande d'injonction sous astreinte formée par Madame [H] [O]

L'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ».

Le trouble consiste donc dans un acte ou une abstention s'inscrivant en méconnaissance de l'ordre juridique établi, qu'il faut faire cesser sans délai puisqu'il est inadmissible pour constituer une illicéité manifeste.

Le juge des référés peut également intervenir s'il se trouve saisi par le demandeur d'un risque imminent de dommage. Il consiste dans un dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

Doit être ainsi constaté un dommage, un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, qui soit imminent, donc sur le point de se réaliser, et dont la survenance et la réalité sont certaines.

En l'espèce, il n'est pas discuté que Monsieur [I] [U], copropriétaire au sein de l’ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 3], a procédé, à deux reprises, de façon intentionnelle, à une interruption de l'approvisionnement en eau potable du logement de Madame [H] [O], propriétaire des lots 6 et 7 au sein dudit ensemble immobilier, la première fois en fermant la vanne permettant l'acheminement en eau et la seconde fois en procédant à la dépose de la poignée de la vanne et du sous compteur, l'installation étant accessible depuis le jardin dont il a la jouissance, ces faits intervenant dans le cadre du conflit opposant les parties concernant les travaux d'individualisation de la distribution en eau du lot de Madame [H] [O].

Nonobstant la question de la détermination des périodes précises au cours desquelles ces interruptions ont eu lieu, sur lesquelles les parties s'opposent, ces coupures unilatérales de l'alimentation en eau du lot de Madame [H] [O], qui constitue son habitation principale, et dont Monsieur [I] [U] reconnait être l'auteur, constituaient indéniablement un trouble manifestement illicite.

Toutefois, il est constant que l'alimentation en eau du logement de Madame [H] [O] a été rétablie par Monsieur [I] [U], le 1er mars 2024, comme l'établit, en tout état de cause, le procès-verbal de commissaire de justice établi à cette date.

Dès lors, il convient de constater que le trouble manifestement illicite, qui avait justifié la saisine de la présente juridiction, a cessé.

Pour autant, Madame [H] [O] sollicite désormais du juge des référés d'enjoindre à Monsieur [I] [U] de ne plus porter atteinte à l'alimentation en eau potable du lot de copropriété n° 6 dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 3], dont elle est propriétaire, et ce sous astreinte de 3.000 euros par atteinte constatée ;

Or, une telle demande, faute pour Madame [H] [O] de caractériser un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent, existant à la date où le juge des référés statue, excédent les pouvoirs de ce dernier.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.

II. Sur les demandes de provision formées par Madame [H] [O]

Conformément à l'article 835 alinéa 2 du code procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'octroi d'une provision suppose le constat par le juge de ce que la demande repose sur une obligation non sérieusement contestable, et ne peut l'être qu'à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation qui peut d'ailleurs correspondre à la totalité de l'obligation.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision que pourrait éventuellement prendre les juges du fond s'ils étaient saisis de la demande.

S'il ne relève pas du pouvoir du juge des référés de prononcer des condamnations à des dommages-intérêts, il peut cependant accorder une provision sur dommages et intérêts dans la mesure où il n'y a pas de contestation sérieuse sur le droit à réparation.

Il appartient donc au demandeur de prouver l'existence de l'obligation (et son étendue), puis au défendeur de démontrer qu'il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande, en tout ou partie.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il n'est pas constant que Monsieur [I] [U], copropriétaire au sein de l’ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 3], a procédé, à deux reprises, de façon intentionnelle, à une interruption de l'approvisionnement en eau potable du logement de Madame [H] [O], propriétaire des lots 6 et 7 au sein dudit ensemble immobilier, la première fois en fermant la vanne permettant l'acheminement en eau et la seconde fois en procédant à la dépose de la poignée de la vanne et du sous compteur, l'installation étant accessible depuis le jardin dont il a la jouissance, ces faits intervenant dans le cadre du conflit opposant les parties concernant les travaux d'individualisation de la distribution en eau du lot de Madame [H] [O].

Cette faute intentionnelle commise par Monsieur [I] [U], dont l'existence par ce dernier n'est pas contestée et qui ne se heurte de ce fait à aucune contestation sérieuse, est de nature à engager sa responsabilité délictuelle, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Monsieur [I] [U] soutient au demeurant que l'existence et l'étendue des préjudices allégués par Madame [H] [O] se heurtent à des contestations sérieuses.

a) A titre liminaire, sur les périodes d'interruption de l'approvisionnement en eau

S'agissant de la première période d'interruption de l'approvisionnement en eau du logement de Madame [H] [O], les échanges de courriels de cette dernière avec la société VEOLIA faisant état de cette interruption, le message laissé par Monsieur [I] [U] sur la porte de Madame [H] [O] dont il reconnait être l'auteur et par lequel il s'excuse de la situation et annonce le rétablissement de l'eau le 22 mai 2023, et les échanges de SMS entre les parties à ce sujet aux termes desquels il est confirmé le rétablissement de l'eau le 23 mai 2023 , permettent d'établir, sans contestation sérieuse, que cette première période d'interruption a duré du 15 au 22 mai 2023 inclus.

S'agissant de la seconde période d'interruption de l'approvisionnement en eau, les éléments produits par la demanderesse, à savoir notamment une attestation de la personne qui l'aurait hébergée, à compter du 29 aout 2023, ne permettent pas d'établir avec l'évidence requise qu'elle aurait débuté le 29 aout 2023.

En revanche, le procès-verbal de constat établi à la requête de Madame [H] [O], par Maître [E] [D], le 20 septembre 2023, permet de démontrer qu'à cette date le logement de l'intéressée était dépourvu d'alimentation en eau, et les parties s'accordent sur le fait que l'eau a été rétablie le 1er mars 2024, ce que conforte, en tout état de cause, le procès-verbal de constat établi à la requête de Monsieur [I] [U], par Maître [G] [C], commissaire de justice, à cette date, de sorte qu'il est établi, sans contestation sérieuse, que la seconde interruption de l'approvisionnement en eau a débuté, à tous le moins, le 20 septembre 2023, pour finir, le 1er mars 2024.

b. Sur la demande de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance

Il ne peut sérieusement être contesté par Monsieur [I] [U] que le logement de Madame [H] [O] est devenu inhabitable, au cours des périodes susvisés, compte tenu de l'interruption de l'approvisionnement en eau, dont il est responsable ; ce que conforte le fait qu'elle ait dû être hébergée par des tiers puis louer un autre logement.

A cet égard, la circonstance que Madame [H] [O] n'est pas, notamment lors de la seconde interruption, immédiatement déposé plainte et/ou saisi la présente juridiction est parfaitement inopérante pour contester le caractère inhabitable du logement.

Toutefois, concernant l'étendue du préjudice de jouissance, et plus particulièrement la valeur locative du bien sur la base de laquelle Madame [H] [O] évalue ledit préjudice, cette dernière ne produit pas une estimation de la valeur locative du bien établi par une agence immobilière, après avoir visité le bien, mais une simple fourchette du loyer moyen des biens à [Localité 3] obtenue sur le site meilleursagents.

En outre, elle retient une superficie de 54,06 m2, incluant une véranda dont la superficie n'est pas justifiée, alors que l'attestation notariée de propriété mentionne une superficie de 42,83 m2.

Par ailleurs, il existe une contestation sérieuse portant sur l'indemnisation cumulée du préjudice de jouissance et des frais de relogement réclamée par Madame [H] [O] sur la période du 20 décembre 2023 au 1er mars 2024.

En considération de ces éléments, il y a lieu de considérer que le droit à réparation au titre du préjudice de jouissance n'est pas sérieusement contestable uniquement sur la période du 15 au 22 mai 2023 et du 20 septembre au 19 décembre 2023, et ce, sur la base de la fourchette basse de la valeur locative des appartements à [Localité 3], soit 9,8 euros par m2, et d'une superficie de 42,83 m2, soit une somme de 1386 euros, calculée comme suit :

Valeur locative par jour : (42,93 x 9,8) / 30 : 14 euros ;14 euros (valeur locative par jour) x (8 + 91)(nombre de jours) = 1386 euros.
Par conséquent, Monsieur [I] [U] sera condamné à payer à Madame [H] [O] une somme de 1386 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance.

c. Sur la demande de provision au titre des frais de relogement

Sur les loyers et frais d'agence
Madame [H] [O] justifie, qu'après avoir été hébergée par des tiers, elle a loué temporairement un autre logement, à compter du 20 décembre 2023, compte tenu du caractère inhabitable de son logement suite à la coupure de l'approvisionnement en eau par Monsieur [I] [U], produisant à l'appui notamment le contrat de bail signé le 19 décembre 2023 avec Monsieur [S] [Y], avec le concours de la société IMMO EVEN, pour un appartement situé à [Localité 2].

Monsieur [I] [U] ne peut sérieusement soutenir qu'il s'agirait d'un contrat de bail de complaisance, au regard de liens supposés entre le bailleur et l'agence immobilière, alors que Madame [H] [O] justifie, d'une part, du paiement du loyer, par la production des quittances de loyer et de ses relevés bancaires laissant apparaitre les règlements du loyer au bailleur, et d'autre part, notamment de la souscription d'une assurance habitation et de factures d'eau et d'électricité pour le logement loué.

Il ressort des éléments versés aux débats, notamment du contrat de bail, des relevés bancaires, des quittances de loyers, et de facture de l'agence immobilière au titre des frais d'agence, que Madame [H] [O] a réglé les sommes suivantes :

270 euros au titre du loyer du 20 au 31 décembre 2023 ;680,10 euros au titre du loyer de janvier 2024 (règlement du 28 décembre 2023) ; 669,32 euros au titre du loyer de février 2024 (règlement du 2 février 2024) ;700 euros au titre du loyer de mars 2024 (règlement du 27 février 2024) ;700 euros au titre du loyer d'avril 2024 (règlement du 31 mars 2024) ;400 euros au titre des honoraires de l'agence immobilière.
Toutefois, alors qu'il est établi que l'eau a été rétablie le 1er mars 2024, Madame [H] [O] n'a donné son congé du logement qu'elle louait que le 1er avril 2024, le préavis étant réduit de 3 à 1 mois par le bailleur.

Dans ces conditions, le droit à réparation au titre des loyers acquittés n'est pas sérieusement contestable sur la période du 20 décembre au 1er avril 2024, en tenant compte du préavis d'un mois qui aurait dû être donné à compter du 1er mars 2024, la période postérieure se heurtant à une contestation sérieuse.

Par conséquent, Monsieur [I] [U] sera condamné à payer à Madame [H] [O], à titre provisionnel, la somme de 2.319,42 euros au titre des loyers, et la somme de 400 euros au titre des honoraires de l'agence immobilière.

Sur les frais de déménagement et les autres frais liés au relogement
Concernant les frais de déménagement, Madame [H] [O] justifie avoir acquitté la somme de 79 euros pour la location d'un camion, par la production du contrat de location du 20 décembre 2023, et son droit à réparation à ce titre n'est pas sérieusement contestable, dans la mesure où elle n'aurait pas été contrainte d'engager ces frais si son logement n'était pas devenu inhabitable suite à l'interruption de l'approvisionnement en eau par Monsieur [I] [U].

Concernant les cotisations au titre de l'assurance habitation pour le logement loué, Madame [H] [O] réclame la somme provisionnelle de 176,30 euros correspondant à la cotisation annuelle et au frais de gestion, produisant les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès de la société BNP PARIBAS.

Toutefois, Madame [H] [O] ne justifie pas du montant des cotisations d'assurance finalement acquittées, au prorota de la période de location, de sorte que sa demande se heurte à une contestation sérieuse et qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.

Concernant les frais d'électricité, Madame [H] [O] produit le calendrier de paiement sur l'année 2024 adressé par EDF et les justificatifs des paiements mensuels de janvier à avril 2024.

Toutefois, outre qu'elle ne produit pas la facture de résiliation, permettant de justifier du montant resté à sa charge, suite à une éventuelle régularisation à son profit sur la base de ses consommations réelles, elle aurait supporté, même si elle n'avait pas dû se reloger, des frais d'électricité au titre de son logement à [Localité 3], de sorte que sa demande de chef se heurte à une contestation sérieuse.

Concernant l'abonnement au service de l'eau, Madame [H] [O] justifie, par la production des factures du 9 janvier et 1er février 2024 émanant de VEOLIA, avoir exposé la somme totale de 83,80 euros au titre de l'abonnement au service (et non des consommations), le droit à réparation de ce chef ne se heurtant à aucune contestation sérieuse dès lors qu'elle n'aurait pas supporté ces frais, si elle n'avait pas dû se reloger suite à l'interruption par Monsieur [I] [U] de l'approvisionnement en eau de son logement.

Enfin, Madame [H] [O] justifie avoir supporté la somme de 55,34 euros au titre de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères pour le logement de [Localité 2], le droit à réparation de ce chef ne se heurtant à aucune contestation sérieuse dès lors qu'elle n'aurait pas supporté ces frais, si elle n'avait pas dû se reloger suite à l'interruption par Monsieur [I] [U] de l'approvisionnement en eau de son logement.

En considération de ces éléments, il convient de condamner Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] les sommes suivantes, à titre provisionnel :

79 euros au titre des frais de relogement ;183,50 euros au titre de l'abonnement au service de l'eau ;55,34 euros au titre de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.

d. Sur la demande de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice moral

Madame [H] [O] soutient avoir subi un préjudice d'anxiété à raison de menaces régulières de Monsieur [I] [U] d'interrompre son approvisionnement en eau potable, sollicitant à ce titre la somme provisionnelle de 2.500 euros, et produisant à l'appui une attestation de prise en charge psychologique établie par Madame [W] [R], neuropsychologue, suite une consultation s'étant tenue le 30 octobre 2023.

Or, cette attestation n'est pas suffisante à établir, avec l'évidence requise devant le juge des référés, la réalité de ce préjudice et l'existence d'un lien de causalité avec le conflit l'opposant à Monsieur [I] [U], de sorte que le droit à réparation de ce chef se heurte à une contestation sérieuse.

Par conséquent, il n'y a pas lieu à référé sur cette demande.

III. Sur la demande de provision sur dommages intérêts au titre du préjudice moral formée à titre reconventionnel par Monsieur [I] [U]

Monsieur [I] [U] soutient subir un préjudice moral résultant du comportement de Madame [H] [O], qui a refusé d'exécuter les travaux d'individualisation de la distribution d'eau de son lot, a multiplié les intrusions dans son jardin privatif, et occupe illicitement ses places de stationnements, nuisant à sa tranquillité et son intimité, et produit à l'appui trois attestations émanant de copropriétaires et voisins, Monsieur [B] [K], Madame [T] [M] et Monsieur [F] [Z].

Or, ces attestations ne permettent pas d'établir avec l'évidence requise devant le juge des référés, les fautes imputées à Madame [H] [O] et l'existence et l'étendue du préjudice moral allégué par Monsieur [I] [U], de sorte que son droit à réparation se heurte à des contestations sérieuses et qu'il n'y a donc pas lieu à référé concernant cette demande.

IV. Sur les demandes accessoires

Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ».

En l'espèce, Monsieur [I] [U], qui succombe, sera condamné aux dépens de la présente instance.

Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; (...) Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations ».

II y a lieu de condamner Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe, en premier ressort,

DIT n'y avoir lieu à référé concernant la demande d'injonction à Monsieur [I] [U] de ne plus porter atteinte à l'alimentation en eau potable ;

DIT n'y avoir lieu à référé concernant les demandes de provisions au titre du préjudice de jouissance sur la période du 20 décembre 2023 au 1er mars 2024, au titre des frais d'assurance habitation, au titre des frais d'acompte sur l'abonnement au service d'électricité et les consommations, et au titre du préjudice moral, formées par Madame [H] [O] ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur dommages et intérêts au titre du préjudice moral formée par Monsieur [I] [U] ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme de 1.386 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance du 15 au 22 mai 2023 et du 20 septembre au 19 décembre 2023 ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme provisionnelle de 2.319,42 euros au titre des loyers ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme provisionnelle de 400 euros au titre des frais d'agence ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme provisionnelle de 79 euros au titre des frais de déménagement ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme provisionnelle de 83,20 euros au titre de l'abonnement au service de l'eau ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme provisionnelle de 55,54 euros au titre de la redevance d'ordure ménagère ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] aux dépens de la présente instance ;

CONDAMNE Monsieur [I] [U] à payer à Madame [H] [O] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire par provision ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 20 août 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire d'Évry
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 24/00175
Date de la décision : 20/08/2024
Sens de l'arrêt : Accorde une provision

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-20;24.00175 ?
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