TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY
3ème Chambre
MINUTE N°
DU : 12 Août 2024
AFFAIRE N° RG 22/03864 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-OVSM
NAC : 58A
CCCRFE et CCC délivrées le :________
à :
la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - HAYOUN,
la SELARL BREMARD-BARADEZ & ASSOCIÉS
Jugement Rendu le 12 Août 2024
ENTRE :
La MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L’INDUSTRIE (MACIF)
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - HAYOUN, avocats au barreau de FONTAINEBLEAU plaidant
DEMANDERESSE
ET :
Monsieur [X] [H], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Rémy BARADEZ de la SELARL BREMARD-BARADEZ & ASSOCIÉS, avocats au barreau d’ESSONNE plaidant
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Laure BOUCHARD, Juge, siégeant à Juge Rapporteur avec l’accord des avocats ;
Magistrats ayant délibéré :
Président : Sandrine LABROT, Vice-Présidente,
Assesseur : Laure BOUCHARD, Juge,
Assesseur : Béatrice MARTIN DE MEREUIL, Juge,
Assistées de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière lors des débats à l’audience du 03 Juin 2024 etlors de la mise à disposition au greffe.
DÉBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 19 Décembre 2023 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 03 Juin 2024 date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 12 Août 2024.
JUGEMENT : Rendu par mise à disposition au greffe,
Contradictoire et en premier ressort.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 23 septembre 2015, Monsieur [H] [X] a souscrit auprès de la société d’assurance mutuelle Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et Salariés de l’Industrie et du Commerce (MACIF) une assurance pour son véhicule Mercedes immatriculé 721RHQ75.
Le 20 octobre 2017, Monsieur [H] a déposé plainte pour vol de son véhicule au commissariat de [Localité 5].
Le 23 décembre 2017, Monsieur [H] a régularisé sa déclaration pour vol de son véhicule auprès de la MACIF, en remplissant un questionnaire destiné à cet effet.
La MACIF a indemnisé, le 27 février 2018, Monsieur [H] de la somme de 18.680 €.
Le 4 mars 2021, le commissariat de Police de [Localité 4] a informé la MACIF que la Mercedes était à la fourrière depuis le 17 octobre 2017, pour stationnement gênant.
Par courrier du 4 mars 2021, la MACIF a mis en demeure Monsieur [H] de lui restituer l’indemnité versée et les frais de gardiennage et de remorquage, pour un total de 23.680 Euros.
Par courrier du 4 avril 2021, Monsieur [H] a contesté les allégations de la MACIF, faisant valoir qu’il ignorait totalement où était son véhicule et qu’il avait été mis en fourrière.
C’est dans ces conditions que la MACIF a assigné Monsieur [H] par exploit d’huissier du 1er juillet 2022 devant le Tribunal Judiciaire d’Evry.
Dans ses dernières écritures du 12 juin 2023, la MACIF sollicite du Tribunal sous le bénéfice de l’exécution provisoire et au visa des anciens articles 1134, 1235 et 1376 du code civil :
-De condamner Monsieur [H] [X] à lui verser la somme de 23.680 €ce avec intérêt au taux légal à compter du 4 mars 2021.
-Lui donner acte de ce qu’elle tient à la disposition de Monsieur [H] le véhicule, dans l’état où il a été récupéré à la fourrière.
- De le condamner au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-De le condamner aux dépens dont distraction est requise au profit de la SCP BOUAZIZ- SERRA- AYALA-BONLIEU- LE -MEN -HAYOUN.
La MACIF soutient que la garantie vol n’est pas acquise car Monsieur [H] ne rapporte pas la preuve que les conditions de sa mise en jeu sont réunies, le véhicule n’ayant pas été volé mais mis en fourrière pour stationnement gênant.
Elle indique que Monsieur [H] a régularisé le 13 décembre 2017 sa déclaration de vol auprès d’elle en remplissant le formulaire demandé, tout en sachant qu’il n’avait pas été volé mais mis en fourrière depuis le 17 octobre 2017. La MACIF se prévaut d’un courrier recommandé en date du 13 novembre 2017 envoyé au défendeur par la police municipale lui notifiant la mise en fourrière de son véhicule.
La MACIF se fondant sur la page 61 des conditions générales d’assurance fait valoir que cette fausse déclaration concernant le sinistre prive Monsieur [H] de son droit à garantie pour vol.
La demanderesse soutient également que Monsieur [H] n’avait pas l’intention de récupérer le véhicule mais voulait plutôt être indemnisé.
Elle rajoute qu’à la date du règlement de l’indemnité, elle n’avait pas connaissance du fait que le véhicule n’avait pas été volé et a versé par erreur l’indemnité au défendeur, mais que cette erreur n’empêche pas la restitution de l’indemnité.
La demanderesse rajoute qu’elle n’est pas propriétaire du véhicule mais qu’elle l’a récupéré pour permettre sa restitution à ce dernier.
Dans ces dernières conclusions du 31 mars 2023, Monsieur [H] sollicite du Tribunal qu’il déboute la MACIF de toutes ses demandes et la condamne au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’appui de ses prétentions, le défendeur soutient avoir été de bonne foi en déclarant le vol de sa Mercédès, qu’il ne retrouvait plus à l’endroit où elle était garée et que la MACIF ne justifie pas qu’il ait été informé de la mise en fourrière du véhicule au moment de sa déclaration pour vol.
Il soutient également que la MACIF n’a pas commis d’erreur en l’indemnisant, puisque la garantie pour vol était due.
En outre, il rapporte que la MACIF est devenue propriétaire du véhicule et invoque l’absence de répétition de l’indu.
Monsieur [H] invoque l’article L325-7 du code de la route et soutient que la MACIF propriétaire du véhicule, ne l’ayant pas récupéré, la Mercedes aurait dû être déclarée abandonnée.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l’exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.
La clôture est intervenue le 19 décembre 2023 et l’affaire a été fixée pour être plaidée le 3 juin 2024. Le dépôt de dossier a été autorisé.
Les parties présentes ont été avisées lors de la clôture des débats de la date à laquelle la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur l’application de la garantie vol
Aux termes de l’ancien article 1134 du code civil, dans son ancienne version applicable à la cause, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
En l’espèce, le contrat comprend une garantie vol, couvrant l’assuré notamment en cas de soustraction frauduleuse de son véhicule. En l’espèce, Monsieur [H] a mentionné dans sa déclaration de vol que le véhicule était garé le 14 octobre 2017 [Adresse 7] (93), alors qu’il rendait visite à un collègue.
Il a indiqué dans cette même déclaration qu’il s’était écoulé un délai de cinq jours entre la date du dépôt de son véhicule et la date à laquelle il s’est aperçu de la disparition.
Le rapport de mise en fourrière fait état de ce que le véhicule en question a été emmené par les forces de police à la fourrière le 17 octobre 2017, pour stationnement gênant. Il est indiqué que le véhicule a été embarqué suite à un signalement d’une riveraine faisant remarquer que le véhicule n’avait pas changé de côté.
Il découle de la chronologie précédemment exposée que Monsieur [H] a déposé son véhicule dans la [Adresse 7] le 14 octobre 2017, que le véhicule a été emmené à la fourrière le 17 octobre 2017 et que Monsieur [H] s’est aperçu de la disparition de son véhicule le 19 ou le 20 octobre 2017.
Il est par conséquent établi que le véhicule n’a pas été volé, aucune trace d’effraction n’ayant par ailleurs été constatée.
En l’absence de soustraction frauduleuse du véhicule, les conditions de la garantie vol ne sont pas acquises.
-Sur le paiement de l’indu
En application de l’ancien article 1376 du code civil en vigueur lors de la signature du contrat d’assurance objet du litige, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indument perçu.
En l’espèce, il n’est pas sérieusement contestable que le paiement par l’assureur est intervenu de manière indue, les conditions de la garantie vol n’étant pas acquises.
Par ailleurs, quand bien même Monsieur [H] aurait été de bonne foi en croyant que son véhicule avait réellement été volé - ce qui peut se discuter au regard de la durée pendant laquelle il a laissé son véhicule garé sur la voie publique dans une rue dont il n’est manifestement pas coutumier, ainsi qu’au vu de la mention selon laquelle la mise en fourrière lui a été notifiée par courrier recommandé en novembre 2017 - cela ne prive pas la MACIF de solliciter remboursement du paiement indu.
Monsieur [H] sera par conséquent condamné à restituer l’indemnité d’assurance, pour un montant de 18.860 Euros.
Les frais de remorquage ne constituent pas, en revanche, un paiement indu dans la mesure où Monsieur [H] n’en a pas été le bénéficiaire.
À défaut de proposer un autre fondement juridique à cette restitution, la faute de Monsieur [H] n’étant pas démontrée par la demanderesse, cette dernière sera déboutée de sa demande au titre des frais de remorquage.
Si Monsieur [H] soutient que la MACIF est devenue propriétaire du véhicule en le récupérant de la fourrière, ce transfert de propriété n’est établi par aucun document et ce, d’autant plus que dès récupération du véhicule, la MACIF a indiqué à Monsieur [H] qu’elle tenait ce véhicule à sa disposition afin qu’il le récupère.
-Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
Monsieur [H], partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande également de faire droit à hauteur de 1 000 euros à la demande MACIF concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.
Par ailleurs, selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.
En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant après débats publics, par jugement contradictoire en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
- CONDAMNE Monsieur [X] [H] à verser à la MACIF la somme de 18.680 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2021,
- DONNE acte à la MACIF de ce qu’elle tient le véhicule Mercedes immatriculé 721RHQ75 à disposition de Monsieur [X] [H],
- DEBOUTE la MACIF du surplus de ses demandes,
- CONDAMNE Monsieur [X] [H] à verser à la MACIF la somme de 1000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE Monsieur [X] [H] aux entiers dépens de l’instance ;
- RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision.
Ainsi fait et rendu le DOUZE AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE, par Sandrine LABROT, Vice-Présidente, assistée de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,