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12/08/2024 | FRANCE | N°22/02370

France | France, Tribunal judiciaire d'Évry, 3ème chambre, 12 août 2024, 22/02370


TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

3ème Chambre

MINUTE N°

DU : 12 Août 2024

AFFAIRE N° RG 22/02370 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-OREW

NAC : 50G

CCCRFE et CCC délivrées le :________
à :
la SELAS AVOCATS ASSOCIES MIORINI,
Me Emmanuelle LESUEUR,
Me Laure MOZZICONACCI

Jugement Rendu le 12 Août 2024



ENTRE :

Monsieur [W] [A] [V],
né le 05 Novembre 1959 à [Localité 7] (MARTINIQUE),
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Priscillia MIORINI de la SELAS AVOCATS ASSOCIES MIORINI, avocats au barre

au d’ESSONNE plaidant



DEMANDEUR


ET :


Madame [F], [D] [G], née le 21 Mai 1992 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Laur...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

3ème Chambre

MINUTE N°

DU : 12 Août 2024

AFFAIRE N° RG 22/02370 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-OREW

NAC : 50G

CCCRFE et CCC délivrées le :________
à :
la SELAS AVOCATS ASSOCIES MIORINI,
Me Emmanuelle LESUEUR,
Me Laure MOZZICONACCI

Jugement Rendu le 12 Août 2024

ENTRE :

Monsieur [W] [A] [V],
né le 05 Novembre 1959 à [Localité 7] (MARTINIQUE),
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Priscillia MIORINI de la SELAS AVOCATS ASSOCIES MIORINI, avocats au barreau d’ESSONNE plaidant

DEMANDEUR

ET :

Madame [F], [D] [G], née le 21 Mai 1992 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Laure MOZZICONACCI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE plaidant

Monsieur [B] [Z], né le 06 Novembre 1978 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Laure MOZZICONACCI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE plaidant

Madame [E], [M] [U] [O], née le 04 Mars 1961 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Emmanuelle LESUEUR, avocat au barreau d’ESSONNE plaidant

DEFENDEURS

Monsieur [W] [V],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Laure MOZZICONACCI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Béatrice MARTIN DE MEREUIL, Juge, siégeant à Juge Rapporteur avec l’accord des avocats ;

Magistrats ayant délibéré :
Président : Sandrine LABROT, Vice-Présidente,
Assesseur : Laure BOUCHARD, Juge,
Assesseur : Béatrice MARTIN DE MEREUIL, Juge,

Assisté de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière lors des débats à l’audience du 11 Mars 2024 et lors de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Septembre 2024 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 11 Mars 2024 date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 12 Août 2024.

JUGEMENT : Rendu par mise à disposition au greffe,
Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 avril 2021 a été signé un compromis de vente immobilière entre d’une part Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O], et d’autre part Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G], portant sur une maison d’habitation située [Adresse 2] à [Localité 8], au prix de 399.900 euros, par l’intermédiaire de l’agence immobilière l’adresse Investem [Localité 8].

La réitération par acte authentique de la vente a été fixée au plus tard le 30 septembre 2021, une offre de prêt devant être présentée par les acquéreurs aux vendeurs au plus tard le 14 juin 2021. Dans l’attente, une somme de 10.000 euros a été déposée pour séquestre à Maître [J], notaire.

Le 11 juin 2021, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ont obtenu une offre de crédit pour financer l’achat d’un logement situé [Adresse 2] à [Localité 8] par la caisse d’épargne.

Le 16 juillet 2021, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ont procédé à une nouvelle visite du bien, à l’issue de laquelle ils ont adressé le 19 juillet 2021 un courriel à maître [T] [H], notaire, intitulé « demande d’annulation suite à anomalies constatées ».

Le 5 octobre 2021 et par lettre recommandée avec accusé de réception signée le 8 octobre 2021, le conseil de Monsieur [W] [V] a adressé à Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] une mise en demeure d’avoir à verser au profit de ses clients la somme de 10.000 euros versée au notaire à titre d’indemnité d’immobilisation.

Le 14 octobre 2021, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ont confirmé leur refus de réitérer la vente.

La 16 octobre 2021, une réunion de médiation a été organisée entre les contractants, en l’absence de Monsieur [V] et en la présence de Madame [O], qui signait seule, avec Monsieur [Z] et Madame [G], l’acte de résolution amiable.

C’est dans ce contexte que, par actes d’huissier de justice en date des 21 et 22 avril 2022, Monsieur [W] [V] a assigné Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G], ainsi que Madame [E] [O] en sa qualité de propriétaire, devant le tribunal d’EVRY, aux fins de les voir condamnés au paiement de la clause pénale prévue au contrat.

Par conclusions notifiées le 30 mars 2023, Madame [E] [O] ayant constitué avocat, s’est joint aux demandes de Monsieur [W] [V]. 

Dans ses dernières écritures notifiées le 9 mai 2023, Monsieur [W] [V] demande au tribunal de :

- Condamner solidairement Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] à lui payer la somme de 39.900 euros à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale pour le retard dans l’exécution,
- Condamner solidairement Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamner solidairement Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] au paiement des entiers dépens.

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 39.900 euros à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale pour le retard dans l’exécution, Monsieur [W] [V] se prévaut du compromis de vente signé entre les parties le 16 avril 2021. Celui-ci prévoit en sa page 13 la possibilité en cas de non-réitération de la vente par acte authentique au 30 septembre 2021, d’invoquer la résolution de plein droit du compromis de vente et le versement d’une indemnité forfaitaire et de clause pénale de 39.900 euros.

Il indique que Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] n’ont pas été diligents, en dépit d’un courrier recommandé avec accusé de réception qu’il leur a envoyé le 5 octobre 2021. Il indique par ailleurs être resté vivre dans le bien, toujours en indivision avec Madame [O] dont il est séparé, et à qui il reverse une indemnité d’occupation, dans l’attente de la réitération de la vente, et avoir dû louer un box pour son matériel en vue du déménagement que cette vente allait occasionner. Il a ainsi dû payer ces frais sur une période plus longue qu’initialement prévue.

En réponse à l’allégation de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] selon laquelle Monsieur [W] [V] leur aurait dissimulé des informations déterminantes sur l’état du bien, il indique qu’ayant visité 4 fois le bien, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] avaient été mis en mesure de pouvoir en apprécier l’état général. Il relève par ailleurs qu’ils ne peuvent prétendre à des vices cachés, puisqu’ils produisent plusieurs pièces permettant de prouver qu’ils avaient en réalité connaissance de désordres affectant le bien, et dont certains pouvaient être déduits des documents annexés au compromis de vente signé le 16 avril 2021.

En réponse à la demande de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] de le condamner à des dommages et intérêts pour procédure abusive, Monsieur [W] [V] fait valoir qu’il ne fait qu’exercer un droit qui lui est conféré notamment en vertu de la clause pénale prévue au contrat signé avec Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G].

En réponse à leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, il oppose que Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ne présentent aucune preuve de celui-ci.

En réponse à la demande de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] de le condamner à des dommages et intérêts pour préjudice subi et au remboursement des frais de devis de travaux et de consultation en sophrologie, il indique qu’aucune information déterminante ne leur ayant été dissimulée et ces derniers ayant unilatéralement décidé de ne plus poursuivre la vente, cette demande n’a pas lieu d’être. Il relève par ailleurs qu’ils auraient pu se diriger vers des solutions moins onéreuses pour concevoir leurs plans d’aménagement, et que les séances de sophrologie sont sans lien avec les préjudices qu’aurait pu causer cette procédure.

En réponse à la demande de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] de réduction du montant de la clause pénale à un euro symbolique, Monsieur [W] [V] rappelle que le bien immobilier a été immobilisé pendant plus de 5 mois, et que la clause pénale prévue au contrat correspond à 10 % du prix de vente, ce qui correspond au pourcentage retenu par la jurisprudence dans plusieurs affaires similaires.

Dans ses dernières écritures notifiées le 30 avril 2023, Madame [E] [O] demande au tribunal de :

- Débouter Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- Les condamner solidairement à lui payer ainsi qu’à Monsieur [W] [V] la somme de 39.900 euros, qui sera répartie entre eux à proportion de leurs droits dans le bien,
- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 39.900 euros, Madame [G] se prévaut du compromis de vente signé le 16 avril 2021.

En réponse à l’allégation de dissimulation de désordres affectant la maison, elle présente les mêmes arguments que Monsieur [V] et ajoute que Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ne démontrent pas que les anomalies constatées sont structurelles, et qu’à défaut elles étaient donc bien visibles lors des visites.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 15 mai 2023, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] demandent au tribunal de :

A titre principal :
- Rejeter toutes les demandes de Monsieur [W] [V] et de Madame [E] [O],
- Ordonner à l’étude de maître [N]-[J] et [C], notaire à [Localité 5] (91) d’avoir à se libérer de la somme de 10.000 euros séquestrée en son étude à leur profit,
- Condamner Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] à leur verser la somme de 39.900 euros au titre de la clause pénale insérée dans le compromis de vente,
- Les condamner à leur rembourser les sommes de 700 euros et de 532 euros correspondant aux frais engagés dans le cadre d’une expertise FENG SHUI et de consultations de sophrologie,
- Condamner Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] à payer une amende civile de 10.000 euros pour procédure abusive,
- Les condamner solidairement à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

A titre subsidiaire, ramener le montant de la clause pénale à un euro symbolique,

En tout état de cause :
- Condamner solidairement Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] à leur verser la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur demande de voir rejeter les demandes de Monsieur [W] [V] et de Madame [E] [O], Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] indiquent tout d’abord, en se fondant sur l’article 1112-1 du code civil que ceux-ci ont manqué à leur obligation d’information pré contractuelle en leur dissimulant la nature exacte et l’ampleur des désordres affectant la maison. Selon eux, Monsieur [V] étant professionnel du bâtiment, il ne pouvait pas ignorer ces désordres. Ils affirment que leur refus de réitérer la vente est donc légitime du fait des coûts supplémentaires qu’aurait occasionné la résolution de ces désordres, en plus du prix de vente de la maison, ce qu’ils ignoraient au moment de la signature du compromis.

Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] se fondent ensuite sur l’article 1641 du code civil pour démontrer l’existence de vices cachés affectant le bien objet du compromis, ils prétendent que s’ils avaient eu connaissance de certains désordres visibles à l’œil nu, ils n’avaient jamais été mis en mesure de constater les désordres structurels révélés par Monsieur [V] postérieurement à la signature du compromis de vente.

C’est par ailleurs postérieurement à la signature du compromis de vente que Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ont pu mesurer, suite à un important dégât des eaux survenu dans une chambre, l’état de délabrement de la toiture du bâtiment. Ils indiquent que Monsieur [V] quant à lui ne pouvait ignorer l’existence de ces désordres en sa qualité de professionnel du bâtiment, contrairement à eux, profanes et primo-accédants. Ainsi, le fait que la vente n’ait pas abouti dans les délais prévus ne serait pas le fait de leur négligence, mais bien la négligence des vendeurs.

Au soutien de leur demande en réparation des préjudices subis, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] indiquent qu’ils se sont projetés dans ce bien qu’ils avaient l’intention d’acquérir. Ce faisant ils ont dépensé 700 euros pour un devis d’aménagement et commencé à organiser leur vie dans cette localité. Ils indiquent également que la situation ayant engendré un stress important, Madame [G] a dû consulter une sophrologue pour gérer ses angoisses, pour un coût de 530 euros.

Au soutien de leur demande en condamnation de Monsieur [V] à leur verser des dommages et intérêts pour procédure abusive, ils soutiennent au visa de l’article 32-1 du code civil que c’est avec mauvaise foi que celui-ci a demandé le paiement de la clause pénale prévue au compromis de vente, dans le but de financer la prestation compensatoire due à son ex-épouse dans le cadre de leur divorce. Ils estiment de ce fait subir un préjudice moral.

Au soutien de leur demande subsidiaire en abaissement du montant prévu dans la clause pénale ils se prévalent de l’article 1231-5 du code civil, et font valoir que le retard pris par la vente ne leur est pas imputable, et que ce sont bien Monsieur [V] et Madame [O] qui dans un premier temps leur ont imposé un délai de plus de 5 mois entre la signature du compromis et la vente définitive du bien. Ils indiquent également que la lettre de mise en demeure que leur a adressé Monsieur [V] concerne la somme de 10.000 euros placée sous séquestre et non les 39.900 euros de la clause pénale prévue au compromis. Ils relèvent par ailleurs que Madame [O] avait dans un premier temps accepté de signer un accord de résolution du compromis acceptant de renoncer à toute poursuite à l’encontre de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G], avant de changer d’avis et d’intervenir au présent litige suite à l’assignation de Monsieur [V].

La clôture a été prononcée le 5 septembre 2023, par ordonnance du même jour.

MOTIFS

Sur la demande en paiement de l’indemnité au titre de la clause pénale

Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
 
En application de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.  Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, le compromis de vente signé entre les parties stipule que la date fixée pour la réitération de la vente par acte authentique « n’est pas extinctive, mais constitutive du point de départ à partir duquel l’une des parties pourra, si toutes les conditions suspensives sont réalisées, obliger l’autre à s’exécuter en lui adressant une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. À défaut de s’être exécutée dans un délai de dix jours suivant la date de première présentation de cette lettre, la partie non défaillante aura le choix entre :
- Invoquer la résolution de plein droit des présentes sans qu’il soit besoin de la faire constater judiciairement. La partie défaillante lui versera, à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale, la somme de trente-neuf mille neuf cents euros (39.900€)
- Ou poursuivre en justice la réalisation de la vente, la partie défaillante supportant tous les frais de poursuites ou de justice, augmentés du montant de l’indemnité forfaitaire prévue à l’alinéa ci-dessus ».

Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] avaient obtenu un prêt de 433.279,23 euros pour l’acquisition de la maison, ce qui est attesté par le document de la caisse d’épargne qu’ils produisent. Ils ont accepté ce prêt le 28 juin 2021 concernant Monsieur [Z], et le 30 juin 2021 concernant Madame [G].

Or, le 19 juillet 2021, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] ont adressé à leur notaire un courriel l’informant se désister de leur projet d’achat suite à la constatation ce même jour de désordres affectant la maison.

Aucun accord amiable n’a été trouvé entre les parties leur permettant d’exclure la clause pénale sur laquelle ils s’étaient accordés au moment de la signature du compromis.

La lettre recommandée avec accusé de réception adressée par Monsieur [V] par l’intermédiaire de son conseil à Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] leur indiquant que la vente ne pouvait plus avoir lieu de leur fait et leur demandant d’indiquer au notaire de verser les 10.000 euros séquestrés sur son compte est datée du 5 octobre 2021, et a été signée par Monsieur [B] [Z] le 8 octobre 2021. Elle est donc intervenue après la date prévue pour la réitération.

Pour s’opposer au paiement de la clause pénale, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] font valoir plusieurs moyens :

Sur le manquement de Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] à leur devoir d’information

Par application de l’article 1112-1 du code civil, « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».

En l’espèce, Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] indiquent avoir pris connaissance des désordres suivants, soulignés par Monsieur [W] [V] au moment de leur dernière visite du bien le 16 juillet 2021 :

- Un affaissement du sol au niveau du pourtour de la maison, certaines zones s’étant effondrées de près de 40 centimètres,
- Un risque consécutif de chute des murs périphériques,
- Un des murs risque de tomber chez le voisin,
- Un balcon ne tient pas dans une chambre à l’étage,
- Des fissures sur les murs extérieurs et sur l’escalier extérieur,
- Des canalisations qui ne sont plus exploitables à cause de l’écrasement dû à l’affaissement du sol,
- Le mauvais état de la toiture ayant occasionné un dégât des eaux dans une chambre à l’étage.

Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] doivent démontrer qu’ils ignoraient ces informations au moment de la signature du compromis.

Au paragraphe intitulé « risques de retrait et gonflement des sols argileux, en page 6 du même compromis, figure la mention suivante : « l’acquéreur est informé que le bien vendu est situé dans une zone d’exposition forte au risque [ces derniers mots figurant en caractère gras] de retrait et gonflement des sols argileux qui aux, termes des dispositions de l’article R.112-5 du code de la construction et de l’habitation, correspond à des formations essentiellement argileuses, épaisses et continues, où les minéraux argileux gonflants sont largement majoritaires et dont le comportement géotechnique indique un matériau très sensible au phénomène ».

Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] affirment que Monsieur [V] aurait tu les informations qu’il connaissait pour ne les révéler qu’à la visite du 16 juillet 2021, soit trois mois après la signature du compromis de vente et après 3 premières visites du bien.

Or, s’ils énoncent des fissures, un affaissement de 40 centimètres d’une terrasse ou encore un balcon qui ne tient pas, ils ne rapportent pas la preuve que ces éléments aient pu être dissimulés lors des visites du bien.

De plus, ils avaient été mis en mesure, par la mention indiquée en page 6 du compromis de vente, de se questionner sur les conséquences de la situation du bien sur un sol argileux, et ils ont effectué, avant celle du 16 juillet 2021, 3 visites du bien.

Il ressort de ces constats, et de la nature même des désordres mentionnés, que ces éléments pouvaient tout à fait être décelés à l’œil nu.

Dans ces conditions, la question de la conséquence de ces désordres sur la structure du bâtiment, notamment sur l’état des canalisations, n’avait pas à être spécifiquement mise en évidence par les vendeurs.

En conséquence, il sera considéré que Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] n’ont pas manqué à leur devoir d’information.

Sur l’existence de vices cachés

Selon l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

En application de l’article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, le vendeur professionnel étant présumé connaître les vices de la chose vendue.

Conformément à l’article 1644 du code civil, dans le cas des articles précédents, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Aux termes du compromis de vente, « l’acquéreur prendra les biens objet des présentes dans leur état actuel, sans garantie du vendeur et sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni réduction du prix pour leur mauvais état, vices de toute nature, apparents ou cachés, à l’exception de la mise en œuvre de la garantie décennale prévue aux articles 1792 et suivants du code civil et des assurances associés, déficit dans la contenance indiquée, toute différence faisant son profit ou sa perte, étant rappelé que l’exonération de la garantie des vices cachés ne s’applique pas lorsque le vendeur est un professionnel de l’immobilier ».

Il résulte des éléments ci-dessus repris que Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] étaient informées dès le compromis de vente de la situation du bien sur un sol argileux. Les fissures, qui existaient lors de la signature du compromis, étaient visibles.

Partant, les défendeurs ont pu constater par eux même l’état du bien.

Au demeurant, aucun élément au dossier ne prouve que ces désordres a priori visibles rendent le bien impropre à l’habitation.

Dans ces conditions, le refus de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] de réitérer la vente ne peut être justifié par l’existence de vices cachés.

***

Il résulte des développements précédents que si la réitération de la vente n’a pas eu lieu, cela n’est pas du fait de Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O].

Aucun défaut d’information ni aucun vice caché ne pouvant être reprochés aux demandeurs, l’indemnité prévue au compromis de vente au titre de la clause pénale est due par les défendeurs.

Sur la demande de réduction de la clause pénale

Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Concernant la disproportion manifeste, celle-ci s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi.

En l’espèce, il a été démontré que l’absence de réitération de la vente par acte authentique avant le 30 septembre 2021 tel que prévu au compromis de vente résulte du seul fait de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G].

Le montant demandé a été fixé à 39.900 euros, pour un immeuble au prix de 395.000 net vendeur soit environ 10 % de cette somme. Ce montant n’apparaît pas manifestement excessif.

Il apparaît que Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] ont par la suite vendu leur bien le 17 janvier 2023 pour un montant de 419.500 euros frais d’agence inclus, alors que le coût total envisagé dans le compromis de vente signé le 16 avril 2021 par les parties était estimé à 432.346 euros. La vente a donc eu lieu pour un prix plus bas que le prix prévu au compromis, et plus d’un an après la date de réitération fixée au 30 septembre 2021 par le compromis.

En conclusion, la demande de réduction du prix fixé par la clause pénale sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement de la procédure abusive

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, l’issue de la procédure démontre que Monsieur [W] [V] n’a pas agi de manière abusive en justice.

En conséquence, la demande en dommages et intérêts formée par Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] sur ce fondement sera rejetée.

Sur les demandes de remboursement des frais d’expertise feng shui et des consultations de sophrologie

Selon l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l’espèce, compte tenu de l’issue de la procédure, cette demande sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [W] [V]

Il est de jurisprudence constante qu’il est toujours possible de demander au débiteur, en plus de l’exécution de la clause pénale, des dommages et intérêts relatifs à des pertes subies et à des gains manqués indépendants du préjudice que la clause pénale est destinée à réparer, à condition d’apporter la preuve de leur existence

Selon la jurisprudence découlant de l’article 32-1 du code de procédure civile, la résistance abusive au paiement d’une somme due qui a causé un préjudice ouvre droit à l'octroi de dommages-intérêts. La résistance de mauvaise foi du contractant qui refuse d'exécuter des engagements non équivoques caractérise la faute et justifie une condamnation prononcée pour résistance abusive.

En l’espèce, le caractère abusif de la résistance au paiement de Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G], qui ne peut résulter du seul défaut de paiement, n’est pas démontré. De plus, les demandeurs n’établissent pas avoir subi un préjudice distinct du retard apporté au paiement.

Aussi la demande formée sur ce fondement doit être rejetée.

Sur les autres demandes

- Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G], parties perdantes au procès, seront condamnées aux dépens de l’instance.

- Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer 1° à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce Monsieur [V] et Madame [O], qui agissent séparément, demandent chacun 3.000 euros.

Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G], condamnés aux dépens, devront verser à Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] une somme qu’il paraît équitable de fixer à 1.500 euros chacun.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, compte tenu de l’absence de motif dérogatoire, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Ainsi, il est rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE solidairement Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] à payer à Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] la somme de 39.900 euros au titre de la clause pénale,

DIT que cette somme comprend les 10.000 euros séquestrés à l’étude de Maître [N]-[J], que ce dernier devra donc libérer au profit de Monsieur [W] [V] et Madame [E] [O] ;

DÉBOUTE Monsieur [W] [V] de sa demande en dommages et intérêts ;

CONDAMNE Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] aux dépens qui pourront être recouvrés directement par chacun des avocats des demandeurs qui en font la demande ;

CONDAMNE Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] à payer à Monsieur [W] [V] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [B] [Z] et Madame [F] [G] à payer à Madame [E] [O] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Ainsi fait et rendu le DOUZE AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE, par Sandrine LABROT, Vice-Présidente, assistée de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire d'Évry
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/02370
Date de la décision : 12/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-12;22.02370 ?
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