TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ÉVRY-COURCOURONNES
MINUTE N° /2024
AUDIENCE DU 23 Juillet 2024
4EME CHAMBRE F
AFFAIRE N° RG 22/04851 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-OY3N
JUGEMENT
AFFAIRE :
[Z] [R]
C/
[X] [N] [V] [T] [A]
Pièces délivrées
CCCFE le
CCC le
Jugement rendu le VINGT TROIS JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE par Marie BERTHIER, Juge aux affaires familiales, assistée de Christelle MORETAIN, Greffier ;
ENTRE
PARTIE DEMANDERESSE :
Madame [Z] [R]
née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 18]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Natacha MAREST-CHAVENON, avocat au barreau de VERSAILLES
ET
PARTIE DÉFENDERESSE :
Monsieur [X] [N] [V] [T] [A]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 18]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]
représenté par Maître Isabelle RAMISSE de la SCP ISABELLE RAMISSE, avocats au barreau d’ESSONNE
* * *
*
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [Z] [R] et Monsieur [T] ont contracté mariage le [Date mariage 3] 1996 devant l’officier d’état civil de la commune d’[Localité 18] (45), sous le régime de la communauté légale, aucun contrat de mariage n'ayant été conclu.
De cette union sont issus trois enfants :
- [I] [T], née le [Date naissance 2] 1999 à [Localité 20] (95),
- [B] [T], né le [Date naissance 7] 2000 à [Localité 16] (78),
- [M] [T], né le [Date naissance 6] 2004 à [Localité 11] (92).
Durant le mariage, le couple a procédé à l'acquisition le 10 avril 2007, d'un bien immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 15] (91), pour un prix de 291 500 euros, outre 13 500 euros de frais d’agence et 14 837 euros de frais notariés, soit un coût total de 319 837 euros.
Les droits des parties sur ledit bien sont répartis à concurrence de moitié chacun.
Par jugement en date du 23 janvier 2020, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes a :
- prononcé le divorce des époux ;
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existants entre les parties.
Maître [E] [K], désigné par les parties aux fins de procéder aux opérations de liquidation partage de la communauté, a établi deux projets d’état liquidatif en date du 3 mars 2021 et en janvier 2022.
Par acte d’huissier de justice délivré le 29 août 2022, Madame [R] a fait assigner Monsieur [T] aux fins de liquidation et de partage de l’indivision post-communautaire.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 mars 2023, Madame [R] demande au juge aux affaires familiales de :
-DÉCLARER Madame [R] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
-ORDONNER l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux [T]-[R] ;
-DÉSIGNER pour y procéder Maître [E] [K], Notaire à [Localité 15], ou tout autre Notaire qu’il plaira au Tribunal de désigner ;
-DIRE qu’en cas d’empêchement du Notaire désigné, il pourra procéder à son remplacement par simple requête, conformément à l’article 969 du Code de procédure civile ;
Sur la valorisation du bien immobilier commun,
-A titre principal, FIXER la valeur vénale du bien sis [Adresse 9]
[Localité 15] à 407.555 € ;
-A titre subsidiaire, DIRE que le Notaire désigné pourra s’adjoindre les services d’un sapiteur de son choix pour procéder à la valorisation du bien sis [Adresse 9] –[Localité 15] ;
-A titre infiniment subsidiaire, DIRE que la provision sur frais de l’expert désigné pour procéder à l’évaluation de la valeur vénale et de la valeur locative du bien immobilier sis [Adresse 9] sera mise à la charge de Monsieur [T], demandeur à la mesure d’expertise ;
Sur les autres demandes,
-DIRE que Madame [R] est titulaire d’une récompense contre la communauté d’un montant de 4.876,10 € au titre de l’indemnisation de son préjudice personnel par la [17] ;
-DIRE que Madame [R] est redevable envers l’indivision post-
communautaire d’une indemnité d’occupation en raison de son occupation privative du bien commun sis [Adresse 9] pour la période allant du 15 mars 2020 au 10 juillet 2021 inclus ;
-FIXER l’indemnité d’occupation due par Madame [R] du fait de son occupation privative du bien sis [Adresse 9] à la somme mensuelle de 1.080 € sur la base d’une valeur locative de 1.350 € et d’un abattement de 20% ;
-DIRE que Madame [R] détient contre l’indivision post-communautaire, au titre de son compte d’administration, les créances suivantes :
o Au titre des taxes d’habitation : 1.558,42 € à parfaire,
o Au titre des cotisations d’assurance habitation : 1.340,03 € à parfaire,
o Au titre de la réparation de la porte de garage : 999,38 €,
o Au titre des factures d’eau et d’électricité : 537,08 € à parfaire ;
-DIRE que les parties communiqueront au Notaire désigné les justificatifs afférents à leur compte d’administration dont il sera tenu compte dans le cadre des opérations ;
-REJETER toutes les demandes plus amples ou contraires de Monsieur
[T] ;
-RAPPELER que l’exécution provisoire est de droit ;
-ORDONNER l’emploi des dépens en frais généraux de partage.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 juin 2023, Monsieur [T] demande au juge aux affaires familiales de :
-Voir constater que l’ensemble des demandes amiables ont été mises en place vainement.
En conséquence,
-Voir ordonner l’ouverture des opérations de compte-liquidation-partage du régime matrimonial de Monsieur [T] et Madame [R] et pour y parvenir :
-Voir Désigner Maître [E] [K], Notaire à [Localité 15], pour y procéder ;
-Voir ordonner la désignation de tel expert qu’il plaira afin de déterminer la valeur vénale et la valeur locative du bien immobilier sis [Adresse 9], cadastré section AN n° [Cadastre 10].
-Voir dire que Madame [R] est redevable envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation à compter du 15 mars 2020, et ce jusqu’au 30 mars 2022.
-Voir débouter Madame [R] de sa demande de créance due au titre des taxes d’habitation, assurance jusqu’au 15 mars 2020.
-Voir dire qu’il ne saurait être fait application de la règle du profit subsistant s’agissant de ces règlements, lesquels devront le cas échéant être pris en compte au nominal.
-Voir dire qu’il dire qu’il sera tenu compte par le Notaire des récompenses dues par la communauté.
-Voir débouter Madame [R] de ses plus amples demandes, fins et conclusions.
-Voir ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, dont distraction au profit de Maître Isabelle RAMISSE membre de la SCP RAMISSE – GUINCESTRE.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023, fixant la date des plaidoiries au 7 mai 2024.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au Tribunal de poursuivre les opérations de compte liquidation partage de l'indivision ou de la communauté ayant existé entre les parties, opérations entamées devant le notaire et devant lequel elles seront renvoyées, mais de trancher les questions de principe posées par ces liquidations.
Il sera précisé que, s'il appartient au tribunal de déterminer si des sommes doivent rester à la charge définitive de l'indivision ou de la communauté et ouvrir droit à récompense au profit de tel ou tel indivisaire ou réciproquement, il ne saurait, en revanche, y avoir lieu de fixer plus particulièrement le montant des sommes revenant à tel ou tel indivisaire.
Pour les motifs qui précèdent, il ne saurait donc y avoir lieu à statuer sur les demandes aux termes desquelles les parties entendent voir dire après avoir procédé de leur propre chef aux opérations de compte liquidation partage et ce, de surcroît, sur la base d'éléments de fait inégalement justifiés, qu'ils leur restent dues telle ou telle somme.
SUR LA DEMANDE DE LIQUIDATION ET DE PARTAGE DE L’INDIVISION :
Aux termes de l'article 815 du code civil, "nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention."
Aux termes de l'article 840 du code civil, « le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837."
Conformément aux dispositions de l'article 1360 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
Sur le descriptif du patrimoine :
En l'espèce, l'assignation contient un descriptif du patrimoine commun, constitué d'un bien immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 15] (91), pour un prix de 291 500 euros, outre 13 500 euros de frais d’agence et 14 837 euros de frais notariés.
Sur les diligences accomplies en vue du partage :
En l’espèce, Maître [E] [K], désigné par les parties aux fins de procéder aux opérations de liquidation partage de la communauté, a établi deux projets d’état liquidatif en date du 3 mars 2021 et en janvier 2022.
Il apparaît donc que des diligences ont bien été entreprises pour parvenir à un partage amiable sans parvenir à un accord entre les parties.
En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande d'ouverture de liquidation et partage de la communauté existant entre Madame [R] et Monsieur [T].
Sur la désignation du notaire :
Madame [R] et Monsieur [T] ne s’opposent pas sur le choix du notaire.
Il convient de rappeler qu’il est de droit de désigner nommément un notaire pour procéder aux opérations de liquidation.
Il sera fait droit à la demande de Madame [R] et Monsieur [T] et Maître [E] [K] sera désigné pour procéder aux opération de liquidation et partage.
Sur la désignation d’un expert :
Aux termes de l’article 144 du Code de procédure civile, les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l’espèce, Monsieur [T] sollicite la désignation d'un expert immobilier ayant pour mission de déterminer la valeur vénale et la valeur locative du bien immobilier sis [Adresse 9] à [Localité 15], cadastré section AN n°[Cadastre 10].
Madame [R] demande à titre principal de fixer la valeur vénale du bien à 407 555 euros. A titre subsidiaire, elle sollicite de dire que le notaire désigné pourra s’adjoindre les services d’un sapireur pour procéder à la valorisation du bien. Enfin, à titre infiniment subsidiaire, si un expert devait être désigné, elle demande que la provision sur frais de l’expert désigné pour procédure à l’évaluation de la valeur vénale et de la valeur locative du bien immobilier soit mise à la charge de Monsieur [T], demandeur à la mesure d’expertise.
Au soutien de sa demande, Monsieur [T] fait valoir qu’il existe un conflit entre les parties quant à la valeur actuelle dudit bien.
En effet, s’il admet que le prix des biens immobiliers a augmenté de façon importante en 2021, il fait le constat que ce n’est plus le cas aujourd’hui et qu’au contraire la réalité économique est celle d’une chute drastique de la valeur des biens.
À l’appui de ses dires, il produit trois estimations réalisées en 2022 selon lesquelles le bien serait estimé entre 370 000 euros et 400 000 euros.
Au soutien de sa demande, Madame [R] indique que la désignation d’un expert représenterait un coût substantiel pour les parties alors même que le tribunal a la faculté, au vu des éléments en sa possession, de fixer la valeur du bien, et que le notaire désigné peut également fixer cette valeur soit au moyen des outils à sa disposition, soit en se faisant assiter d’un sapiteur.
A l’appui de sa demande, elle produit quatre estimations réalisées en 2021 par des agences immobilières selon lesquelles le bien serait estimé entre 390 218 euros et 430 000 euros. Elle verse également aux débats la liste des ventes immobilières réalisées ces deux dernières années dans le même quartier.
Il résulte de la procédure que les parties produisent plusieurs estimations de la valeur vénale du bien immobilier, de sorte que l’expertise aux fins d’évaluation de la maison des parties n’est pas nécessaire.
Dans un tel contexte, une expertise n’aura pour seules conséquences que de retarder davantage l’issue de cette procédure, exposer les deux parties à des frais supplémentaires importants et ce sans aucun intérêt pour les parties elles-mêmes.
Par suite, Monsieur [T] sera débouté de sa demande de désignation d’un expert immobilier.
Sur la valeur vénale du bien immobilier :
Aux termes de l’article 829 du code civil, les biens sont estimés en vue de leur répartition à la valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant.
Cette date est la plus proche du partage.
Cependant, le juger peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité.
En l’espèce, Madame [R] sollicite de voir fixer la valeur vénale du bien immobilier à 407 555 euros.
Elle fournit à l’appui de ses prétentions plusieurs estimations :
- Par l’agence [22] le 19 janvier 2021 en moyenne à 395.000 €,
- Par l’agence [19] le 27 janvier 2021 en moyenne à 415.000 €,
- Par l’agence [14] le 12 mars 2021 en moyenne à 430.000 €,
- Par l’agence [13] le 15 mars 2021 en moyenne à 390.218 €.
Elle produit également la liste des ventes immobilières réalisées en 2021 et 2022 dans le même quartier issue de la base de données DVF (demande de valeur foncière) publiée par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :
-Le 18 janvier 2021, au n°41 de la même rue, une maison de 77 m² sur un terrain de 347 m² au prix de 320.000 €,
- Le 28 mai 2021, au n°16 de la même rue, une maison de 96 m² sur un terrain de 391 m² au prix de 449.000 €,
- Le 27 avril 2021, au n°25 de la même rue, une maison de 146 m² sur un terrain de 382 m² au prix de 462.200 €,
- Le 3 février 2022, dans la rue adjacente ([Adresse 21]), une maison de 88 m² sur un terrain de 300 m² au prix de 440.000 €.
Monsieur [T] soutient que les estimations réalisées font apparaître une moyenne de prix de 375 000 euros.
A l’appui de ses dires, il produit trois estimations :
- Par l’agence [14] le 25 juin 2022 en moyenne à 395.000 €,
- Par l’agence [22] le 28 août 2022 en moyenne à 380.000 €,
- Par l’agence [14] le 29 novembre 2022 en moyenne à 380.000 €.
Les évaluations spécifiques produites par les parties seront retenues. En effet, elles sont réalisées à partir d’une visite du bien concerné par un professionnel de l’immobilier, plus pertinentes que la liste des ventes immobilières réalisées en 2021 et 2022 dans le même quartier revendiquée par Madame [R], qui correspond à des biens supposés être similaires, aucun n’ayant été visité. Sera retenue plus particulièrement les évaluations datant de 2022, date la plus proche du partage. La valeur retenue se situe entre la fourchette haute des deux dernières estimations datant du 28 août 2022 et du 29 novembre 2022 et la fourchette basse de l’estimation datant du 25 juin 2022, soit 390 000 euros.
Les biens devant être estimés à la date la plus proche du partage, il convient de dire que le notaire pourra actualiser, le cas échéant, la valeur vénale du bien immobilier au jour du partage au vu notamment des estimations actualisées que produiront les parties et du fichier des données enregistrées sur la base BIEN ( base d’information économiques notariales des notaires d’Ile de France).
Sur l’indemnité d’occupation :
Aux termes de l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
En l’espèce, Madame [R] sollicite de dire qu’elle est redevable envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation en raison de son occupation privative du bien sis [Adresse 9] à [Localité 15] (91) pour la période allant du 15 mars 2020 au 10 juillet 2021 inclus. Elle demande que cette indemnité d’occupation soit fixée à la somme de 1080 euros par mois, sur la base d’une valeur locative de 1350 euros de laquelle il convient de déduire un abattement de 20%.
Au soutien de sa demande, elle affirme avoir quitté le domicile conjugal le 10 juillet 2021, comme en témoigne la facture de location du camion de déménagement pour cette même date ou encore la diminution substantielle de la consommation d’électricité à compter du mois de juillet 2021, le bien étant depuis inoccupé.
Madame [R] fait valoir que Monsieur [T] était parfaitement informé de son déménagement et avait à sa disposition les jeux de clés des enfants.
Monsieur [T] sollicite de dire que Madame [R] est redevable envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation à compter du 15 mars 2020 et ce jusqu’au 30 mars 2022.
Au soutien de sa demande, il fait valoir qu’il n’a pu accéder au bien qu’à compter du mois de mars 2022, date à laquelle Madame [R] lui a transmis le double des clés par l’intermédiaire de leur fils [B]. Il souligne que si les enfants disposaient des clés du domicile depuis la séparation du couple, il n’était pas pour autant autorisé à y pénétrer.
En ce sens, il produit un échange de SMS avec Madame [R] en date du 26 janvier 2022 duquel il ressort qu’il lui demande si elle peut aller vérifier si la maison est a minima en hors gel étant donné les températures annoncées et n’ayant pas les clefs, ce à quoi Madame [R] répond qu’elle ira vérifier dès que possible.
Il convient de rappeler que l’ordonnance de non-conciliation en date du 7 juillet 2016 a attribué la jouissance du domicile conjugal, bien commun, à Madame [R] et ce, à titre gratuit durant la procédure de divorce et que le jugement de divorce est devenu définitif le 15 mars 2020.
Au regard des pièces versées en procédure, il est établi que Madame [R] a déménagé le 10 juillet 2021. Or, un déménagement n’emporte pas automatiquement cessation de la jouissance privative d’un bien.
En effet, la jouissance privative d’un bien indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose. La conservation exclusive des clefs du bien indivis, même sans occupation effective du bien, suffit pour caractériser la jouissance privative dès lors que le conjoint indivisaire est privé de l’accès au bien de ce fait.
Or, Madame [R] ne démontre pas avoir remis les clés à Monsieur [T] le 10 juillet 2021 ou même à un tiers qui les tiendrait à sa disposition, lui permettant ainsi d’accéder au bien.
Par conséquent, Madame [R] sera redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 15 mars 2020 et jusqu’au 30 mars 2022.
S’agissant de la valeur locative du bien, Madame [R] indique que les parties s’étaient mises d’accord lors du rendez-vous notarié du 3 mars 2021 sur la somme de 1350 euros comme le démontre le premier projet d’état liquidatif.
Monsieur [T] demande que la valeur locative du bien soit déterminée par l’expert immobilier qu’il aurait souhaité voir désigner.
Il résulte du premier projet d’état liquidatif dressé par Maître [K] que Madame [R] devait la somme de 12 960 euros au titre de l’indemnité d’occupation, soit la somme de 1350 euros - 20% d’abattement mutliplié par le nombre de mois (à cette date : 12 mois). Au titre du second projet d’état liquidatif dressé en janvier 2022, il était prévu une indemnité d’occupation de 25 200 euros.
Ce second projet ayant été dressé 10 à 11 mois plus tard que le premier, l’on peut déduire que cette augmentation est due non pas à l’augmentation de la valeur locative du bien mais à l’augmentation du nombre de mois pendant lesquels l’indemnité d’occupation est due par Madame [R].
Ainsi, au regard de l’accord des parties devant le notaire s’agissant de la valeur locative du bien, il n’y a pas lieu de renvoyer sa détermination à un expert immobilier.
Compte tenu de l'ensemble des éléments fournis, la valeur locative mensuelle du bien sera fixée à la somme mensuelle de 1350 euros. L’abattement de 20% au titre de l'occupation précaire devant être retenu, le montant de l’indemnité s’élève à 1080 euros mensuels.
En conséquence, Madame [R] devra verser une indemnité mensuelle de 1080 euros pour son occupation du bien à compter du 15 mars 2020 jusqu'au 30 mars 2022.
Sur les récompenses :
En vertu de l’article 1433 du code civil, la communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres.
Il en est ainsi, notamment quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi.
Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tout moyen même par témoignage et présomption.
En vertu de l’article 1437 du code civil, l’époux doit récompense à la communauté toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.
En l’espèce, Madame [R] sollicite de dire qu’elle est titulaire d’une récompense contre la communauté d’un montant de 4876,10 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice personnel par la [17].
A l’appui de sa demande, elle produit un document adressé par la [17] le 6 août 2014, soit au cours de l’union, lui proposant la somme de 4876,10 euros au titre de son indemnisation.
Monsieur [T] ne s’y oppose pas.
Ainsi, il convient de constater que Madame [R] est titulaire d’une récompense contre la communauté d’un montant de 4876,10 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice personnel par la [17].
Par ailleurs, les parties s’accordent pour dire que Monsieur [T] est titulaire d’une récompense contre la communauté d’un montant de 7457,06 euros perçue lors de la succession de sa grand-mère.
Sur les créances :
En vertu de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des impenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorées.
En l’espèce, Madame [R] sollicite contre l’indivision post-communautaire les créances suivantes :
-Au titre des taxes d’habitation : 1558,42 € à parfaire,
-Au titre des cotisations d’assurance habitation : 1340,03 € à parfaire,
-Au titre de la réparation de la porte de garage : 999,38 €,
-Au titre des factures d’eau et d’électricité : 537,08 € à parfaire.
En l’espèce, elle justifie du règlement des taxes d’habitation suivantes :
- 2017 : 259 €,
- 2018 : 650 €,
- 2019 : 314 €.
Madame [R] soutient que s’agissant d’une dépense de conservation, sa créance contre l’indivision post-communautaire doit être réévaluée selon la règle du profit subsistant, soit 1223 mulitplié par 407 555 euros, divisé par 319 837 euros, soit la somme de 1558,42 euros.
En outre, elle indique avoir réglé les échéances de l’assurance habitation pour les années :
- 2017 : 415,90 €,
- 2021 : 462,60 +81,70 – 55,58 = 488,72 €,
- 2022 (17 janvier 2022 au 15 juin 2022) : 252,40 € / 12 mois x 7 mois = 147 €.
S’agissant d’une dépense de conservation, Madame [R] affirme que sa créance contre l’indivision post-communautaire doit être réévaluée selon la règle du profit subsistant, soit 1051,62 multiplié par 407 555 euros, divisé par 319 837 euros, soit la somme de 1340,03 euros.
Elle revendique également une créance d’un montant de 999,38 euros au titre de la réparation de la porte du garage du bien commun le 2 août 2019 laquelle était en panne. S’agissant d’une dépense d’entretien, elle demande qu’il en soit tenu compte à hauteur de la dépense faite.
Enfin, elle sollicite la créance d’un montant de 537,08 euros au titre des factures d’eau et d’électricité entre le 27 septembre 2021 et le 12 janvier 2023.
Monsieur [T] demande que Madame [R] soit déboutée de sa demande concernant les charges qu’elle revendique avant la date à laquelle le jugement est devenu définitif, soit le 15 mars 2020.
En effet, il rappelle qu’à la lecture de l’ordonnance de non-conciliation, le Juge aux affaires familiales avait attribué à Madame [R] la jouissance à titre gratuit du bien et pris soin de préciser que les échéances du crédit y afférent soient réglées par moitié par les époux, à charge de comptes à faire et qu’en conséquence l’épouse devra assumer seule les charges afférentes au logement familial à compter du départ effectif de l’époux (impositions, charges locatives, charge de copropriété, assurance, charges d’occupation).
En outre, il soutient qu’il ne saurait être fait droit à une revalorisation selon la règle du profit subsistant, aucune plus-value n’ayant été procurée à l’indivision, la créance doit être égale au nominal de la dépense.
Sur les taxes d’habitation :
Il résulte de l’ordonnance de non-conciliation du 7 juillet 2016 que Madame [R] s’est vue attribuer la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit durant la durée de la procédure de divorce. En contrepartie, le Juge aux affaires familiales a indiqué que l’épouse devra payer seule les charges afférentes au logement familial à compter du départ effectif de son époux. Il est précisé que ces charges correspondent aux impositions, charges locatives, charge de copropriété, assurance et charges d’occupation. Le Juge aux affaires familiales a par ailleurs dit que les parties devront assumer le règlement provisoire, pour moitié chacun des échéances du crédit immobilier afférent au domicile conjugal, sous réserve de faire les comptes entre les parties lors de la liquidation du régime matrimonial.
Ainsi, Madame [R] avait à sa charge définitive durant la durée de la procédure de divorce, soit jusqu’au 15 mars 2020, les taxes d’habitation, les cotisations au titre de l’assurance habitation et les frais d’électricité.
Par suite, elle sera déboutée de sa demande concernant sa prétendue créance au titre des taxes d’habitation, celles-ci étant toutes antérieures au 15 mars 2020.
Sur les cotisations d’assurance :
Il convient de rappeler que l’assurance habitation qui tend à la conservation de l’immeuble incombe à l’indivision, en dépit de l’occupation privative.
Dès lors, Madame [R] détient une créance à l’encontre de l’indivision. Toutefois, seules seront prises en compte les cotisations d’assurance postérieures au 15 mars 2020, soit le règlement des années 2021 et 2022 uniquement, qui représente la somme totale de 635,72 euros.
Lorsque la dépense a permis la conservation juridique du bien, la créance est égale à la plus forte des deux sommes que représentent respectivement la dépense faite et le profit subsistant.
Ainsi, la créance de Madame [R] contre l’indivision post-communautaire doit être réévaluée à 776,27 euros.
Sur la réparation de la porte de garage :
Il convient de rappeler que cette dépense s’analyse en une dépense d’entretien et qu’une telle dépense n’ouvre pas droit à créance au profit de l’occupant privatif.
Or, Madame [R] a engagé cette dépense le 2 août 2019 alors qu’elle disposait de la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit, étant précisé que le Juge aux affaires familiales avait mis à sa charge durant la durée de la procédure de divorce les charges d’occupation.
En conséquence, Madame [R] sera déboutée de sa demande.
Sur les factures d’eau et d’électricité :
Il convient de rappeler que cette dépense s’analyse en une dépense d’entretien et qu’une telle dépense est à la charge de l’occupant. En revanche, sans occupant, cette dépense s’analyse en une dépense nécessaire à la conservation du bien ayant pour objet d’éviter à la chose une perte, c’est-à-dire lui conserver sa valeur intacte.
Or, Madame [R] occupait le bien commun jusqu’au 30 mars 2022, de sorte que c’était à elle de supporter les factures d’eau et d’électricité.
En revanche, à compter du 1er avril 2022, Madame [R] n’étant plus occupante du bien, de sorte que le règlement des factures [12] à compter du 12 avril 2022 constitue une créance dont dispose Madame [R] à l’encontre de l’indivision post-communautaire, soit la somme totale de 291,66 euros.
Lorsque la dépense a permis la conservation matérielle du bien, la créance est égale à la plus forte des deux sommes que représentent respectivement la dépense faite et le profit subsistant.
Ainsi, la créance de Madame [R] contre l’indivision post-communautaire doit être réévaluée à 355,64 euros.
Par suite, Madame [R] dispose d’une créance contre l’indivision post-communautaire d’un montant total de 1131,91 euros.
SUR LES DÉPENS :
En vertu de l'article 696 du Code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à payer les dépens énoncés par l'article 695 du même code, à moins qu'il ne décide, par une décision motivée, d'en mettre une partie ou la totalité à la charge d'une autre partie au procès.
Madame [R] et Monsieur [T] prendront chacun enc charge les dépens par eux exposés.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE :
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Toutefois, l’article 514-1 du même code dispose que l’exécution provisoire de droit peut être écartée, en tout ou partie, par le juge, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
En l'espèce, eu égard à la nature de l'affaire et aux points tranchés, il n’y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Le juge aux affaires familiales, statuant par jugement contradictoire, susceptible d’appel, et par mise à disposition au greffe,
VU le jugement de divorce en date du 23 janvier 2020,
VU les projets d’état liquidatif en date du 3 mars 2021 et du mois de janvier 2022,
DECLARE la demande de liquidation de la communauté formée par Madame [Z] [R] recevable ;
ORDONNE qu’il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre Madame [Z] [R] et Monsieur [X] [T] ;
RENVOIE les parties devant Maître [E] [K], ainsi désigné pour y procéder dans le cadre des dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile, en considération de ce qui a été tranché par le présent jugement ;
DIT qu’il appartiendra aux parties et/ou au notaire commis de déterminer la date de jouissance divise conformément aux dispositions de l’article 829 du Code civil ;
RAPPELLE que le notaire désigné dispose d’un délai d’un an à compter de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établira les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir ;
RAPPELLE que ce délai sera suspendu dans les conditions de l’artcle 1369 du Code de procédure civile ;
COMMET le juge du cabinet F pour en surveiller le déroulement et dresser rapport en cas de difficulté ;
DIT qu’en cas d’empêchement, le notaire et le magistrat commis pourront être remplacés par simple ordonnance rendue sur requête ;
FIXE la valeur du bien sis [Adresse 9] à [Localité 15] à hauteur de la somme de 390 000 euros ;
FIXE la valeur locative du bien sis [Adresse 9] à [Localité 15] à hauteur de la somme de 1350 euros par mois ;
DIT que Madame [Z] [R] sera tenue de verser une indemnité d’occupation d’un montant de 1080 euros par mois pour la période à compter du 15 mars 2020 jusqu’au 30 mars 2022 ;
RENVOIE les parties devant le notaire liquidateur en ce qui concerne le montant de l’indemnité ;
DEBOUTE Monsieur [X] [T] de sa demande de désignation d’un expert immobilier aux fins d’évaluation de la valeur du bien appartenant à la communauté au jour du partage ;
DIT y avoir lieu à récompense à l’égard de Madame [Z] [R] à hauteur de 4876,10 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice personnel ;
DIT y avoir lieu à récompense à l’égard de Monsieur [X] [T] à hauteur de 7457,06 euros au titre des sommes perçues lors de la succession de sa grand-mère ;
DIT que Madame [Z] [R] bénéficie d’une créance pour une somme de 776,27 euros sur l’indivision au titre des cotisations d’assurance et des factures d’électricité ;
DIT que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés ;
ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
RAPPELLE qu’il appartient aux parties d’informer le juge en cas de partage amiable aux fins de constater la clôture de la procédure, étant rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable ;
DIT que la présente décision sera signifiée par commissaire de justice par la partie la plus diligente, faute de quoi elle ne sera pas susceptible d'exécution forcée ;
DIT que la présente décision sera susceptible d'appel dans le mois de la signification par voie d'Huissier, et ce, auprès du Greffe de la Cour d'Appel de Paris ;
Prononcé par mise à disposition au Greffe le 23 juillet 2024 par Marie BERTHIER, Juge aux Affaires Familiales, assistée de Christelle MORETAIN, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.
LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES