T R I B U N A L
JUDICIAIRE
D’EVRY
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Cabinet du juge des libertés et de la détention
Le 16 JUILLET 2024
N° RG 24/02035 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-QIWI
MINUTE N°
NAC : 14K
ORDONNANCE STATUANT SUR LA POURSUITE D’UNE MESURE D’HOSPITALISATION COMPLÈTE
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DÉLAI DE 12 JOURS
ADMISSION AU TITRE DU PÉRIL IMMINENT
Article L. 3211-12-1 du code de la santé publique
Rendue le 16 JUILLET 2024
Nadia OTMANI, Vice présidente placée, juge des libertés et de la détention au Tribunal judiciaire d’ÉVRY, assistée lors du débat et du prononcé du délibéré de Madame Karine BOSCO-CARDOT, greffier.
PERSONNE FAISANT L’OBJET DES SOINS
Madame [Z] [H]
née le 26 Août 1951 à [Localité 2]
comparante et assistée de Me Yvan MARTIN, avocat au barreau de l’ESSONNE
SAISINE PAR : Le directeur de l’Etablissement de santé [1] par requête enregistrée au greffe du juge des libertés et de la détention le 11 Juillet 2024;
Non comparant,
MINISTÈRE PUBLIC : Absent à l’audience mais ayant déposé des réquisitions le 15 JUILLET 2024 ;
A l’audience du 16 Juillet 2024, le débat a eu lieu en chambre du conseil car il résulterait de la publicité des débats une atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne faisant l’objet de soins.
EXPOSE DU LITIGE
Le requérant expose que Madame [Z] [H] a été admise en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète au Centre hospitalier [1] le 09 JUILLET 2024, sur le fondement de l’article L.3212-1 du code de la santé publique, au titre du péril imminent.
Le directeur de l’Etablissement de santé a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [Z] [H], en indiquant que ses troubles mentaux caractérisent une maladie psychiatrique qui rend impossible son consentement et que son état mental impose des soins assortis d’une surveillance médicale constante sous la forme d’une hospitalisation complète.
Dans ses réquisitions, le Ministère public requiert le maintien de la mesure d’hospitalisation en cours.
Madame [Z] [H] a été entendue à l’audience. Elle a lu une lettre au juge reprenant les termes suivants : “J’avais peur car l’ambulance a mis une heure à venir puis deux hommes barbus m’ont emmené de force, je me suis débattue puis ils m’ont mise dans une voiture”. Elle a ensuite indiqué : “Je suis atteinte d’endométriose. J’ai fait trois fausses couches. On m’a dit que j’étais bipolaire et dépressive pour finalement me dire que j’étais hypersensible dans un monde de dingue. J’étais sous Litium. Je suis tombée enceinte, mon mari a appelé mon père et il a voulu que j’avorte. J’ai voulu me suicider il y a 50 ans. J’ai adopté 2 enfants, j’étais satisfaite. Mon traitement, au lieu d’être un calmant, est devenu l’inverse : je suis devenue déprimée et je passais du coq à l’âne. J’ai vu le médecin qui a changé le traitement. Celui-ci ne me fait pas grossir. Non, je n’ai pas arrêté mon traitement. Je deviens un peu aveugle, c’est héréditaire. Je me mets des gouttes 5 fois par jour dans les yeux, je mange beaucoup de poisson car c’est excellent pour les yeux. Ce matin, j’avais 15.5 de tension. Oui, mon mari est venu me voir hier et aussi 3 fois avec mon fils. Je souhaite quitter l’hôpital car ici la nourriture est à base de riz. Ce matin, j’ai été victime de racisme anti-blanc avec les aides-soignantes qui m’ont mise à la porte méchamment. Quand je prends le train pour [Localité 2], on est trois blancs dedans. Elles ont été très méchantes. J’ai écrit à ma fille qui n’a pas reçu ma lettre et je l’ai signalé gentiment. On m’a répondu que si je n’étais pas contente, je pouvais quitter la France. Oui, je souhaite sortir et mon mari est au courant, il peut venir me chercher. Je suis venue à la place de mari. Il y a des malades très dangereux. Celui qui ressemble à Louis XVI, je lui ai dit d’enlever sa perruque en lui expliquant qu’il était plus beau comme ça et il m’a répondu que je devais brûler sur le bucher. Quand je rentre à la maison, je me soigne moi-même”.
L’avocat de Madame [Z] [H] a été entendu à l’audience. Sur le fond, il a soulevé la nullité de la procédure au motif que le péril imminent ne serait pas suffisamment caractérisé. Sur le fond, il n’a formulé aucune observation.
L’affaire a été mise en délibéré au 16 JUILLET 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la forme :
Le conseil de l’intéressé soulève la nullité de la procédure au motif que le péril imminent ne serait pas suffisamment caractérisé.
Pourtant, le certificat médical d’admission en date du 9 juillet 2024 décrit les motifs pour lesquels Madame [Z] [H] a été admise en soins psychiatriques au titre du péril imminent, à savoir qu’elle était en rupture de traitement, logorrhéique avec une tachypsychie, très délirante et désorganisée avec des passages du coq à l’âne ; que ces éléments laissaient craindre un danger pour elle-même et pour les autres ; que dès lors, la motivation était suffisante et permettait de justifier une hospitalisation en soins psychiatriques au titre du péril imminent, étant rappelé qu’au cas d’espèce le juge du fond apprécie souverainement que la motivation existe en la forme et que de surcroît qu’elle comporte des éléments étayés de nature à justifier l’hospitalisation de l’intéressée.
En conséquence, il convient de rejeter le moyen de nullité soulevé.
Sur le fond :
Il ressort des pièces du dossier que Madame [Z] [H] a été admise en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète au centre hospitalier [1] le 09 JUILLET 2024 car les troubles mentaux nécessitaient des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante.
Il résulte des pièces du dossier et notamment de l’avis médical motivé du docteur [T] en date du 12 JUILLET 2024, que Madame [Z] [H] est une patiente qui a été admise en soins psychiatriques sans consentement pour des propos incohérents, désorganisation et délires dans un contexte de rupture de traitement ; qu’au jour de l’avis médical motivé, si la patiente était calme et de bon contact, elle présentait toujours un discours éparpillé avec des passages du coq à l’âne, une logorrhée et une tachypsychie ; qu’elle refusait son hospitalisation et n’adhérait pas aux soins ; que l’audition de Madame [Z] [H] ce jour n’a pas permis de faire une évaluation différente de la situation puisque l’intéressée a de nouveau tenu un discours éparpillé avec des passages du coq à l’âne et n’a reconnu ni l’utilité de son hospitalisation ni l’utilité de son traitement, estimant pouvoir se soigner seule ; que dès lors, compte tenu de l’état de santé encore fragile de l’intéressée et de sa réticence thérapeutique, la poursuite de la mesure de contrainte apparait nécessaire.
En conséquence, il convient d’ordonner la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète.
PAR CES MOTIFS
Nous, Nadia OTMANI, Vice présidente placée, juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d’Evry,
Statuant par mise à disposition au greffe après débats en chambre du conseil, par ordonnance prise en premier ressort ;
Déclarons la requête recevable ;
Rejetons le moyen de nullité soulevé ;
Ordonnons la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète de Madame [Z] [H] ;
Laissons les dépens de la présente à la charge de l’Etat ;
Ainsi fait et jugé à Evry le 16 JUILLET 2024 ;
Et nous avons signé avec le greffier nous assistant.
Le greffier
Le juge des libertés et de la détention