TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY
1ère Chambre A
N° RG 23/00973 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-PBAF
NAC : 54G
CCC délivrées le :
ORDONNANCE
Ordonnance rendue le cinq Juillet deux mil vingt quatre par Lucile GERNOT, Juge de la mise en état, assistée de Eloïse FIGUIGUI, Greffier dans l'instance N° RG 23/00973 - N° Portalis DB3Q-W-B7G-PBAF ;
ENTRE :
Monsieur [N] [S] [O], né le 21 Juin 1957 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Stéphanie ARFEUILLERE de la SELARL CREMER & ARFEUILLERE, avocats au barreau d’ESSONNE plaidant
Madame [Z] [Y] épouse [O], née le 19 Février 1970 à (94), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Stéphanie ARFEUILLERE de la SELARL CREMER & ARFEUILLERE, avocats au barreau d’ESSONNE plaidant
DEMANDEURS
ET :
S.A.S. SBG LUTECE,dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS plaidant
Monsieur [H] [K], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Pierre ELMALIH, avocat au barreau de PARIS plaidant
DEFENDEURS
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon devis du mois de mai 2011, Monsieur [N] [O] et Madame [Z] [Y] épouse [O] (ci-après les époux [O]) ont confié à la SAS SBG LUTECE des travaux de réorganisation intérieure et d’extension partielle de leur pavillon situé [Adresse 2], pour un montant de 192.607,49 € TTC.
Selon contrat du 22 octobre 2010, « mis à jour le 29 novembre 2010 », Monsieur [H] [K] est intervenu en qualité de maître d’œuvre.
Le 03 juin 2012, une partie du sous-sol du pavillon a été inondée lors de la réalisation d’un nouvel escalier.
Le 20 décembre 2012, les époux [O] ont fait le constat de nouvelles coulures d’eau ou de résurgences apparentes au sous-sol, sur le mur escalier et de la buanderie ainsi que devant le regard.
Le 12 février 2013, des infiltrations sont intervenues, inondant la buanderie et se propageant dans le sous-sol, constatées par voie d’huissier.
Le 19 juillet 2015, une nouvelle fuite est survenue sur le chéneau provoquant des désordres dans la salle de jeu.
Les époux [O] ont de nouveau fait constater les désordres par procès-verbal de constat d’huissier du 15 décembre 2015.
Par actes d’huissier des 10 et 17 mai 2017, les époux [O] ont assigné en référé la SAS SBG LUTECE et Monsieur [K] ainsi que leurs assureurs respectifs, aux fins de voir diligenter une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 28 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Evry a ordonné une expertise confiée à Monsieur [B], lequel a eu recours à Monsieur [I] en qualité de sapiteur.
Par ordonnance du 24 août 2018, les opérations d’expertise ont été rendues communes aux intervenants à la construction et leur assureur, à savoir la SARL CONCEPT ET CREATION 78, la SA AXA FRANCE IARD, la SARL GREEN GARDEN PAYSAGISTE 98 et la SARL BARROS TP.
Monsieur [I] et Monsieur [B] ont respectivement rendu leur rapport « en l’état » les 25 et 28 novembre 2019.
Par acte de commissaire de justice du 02 février 2023, les époux [O] ont fait assigner la SAS SBG LUTECE et Monsieur [K] devant le tribunal judiciaire de d’Evry-Courcouronnes aux fins d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, la SAS SBG LUTECE demande au juge de la mise en état de :
Concernant les désordres relatifs aux résurgences en sous-sol :
Déclarer prescrites les demandes des époux [O] à ce titre, comme relevant de la garantie de parfait achèvement.
A défaut, joindre l’incident au fond
Dire que les dépens seront joints au fond
Au soutien de ses demandes, la SAS SBG LUTECE expose que :
- les époux [O] ne sont pas recevables à agir sur le fondement contractuel alors même qu’ils invoquent une garantie obligatoire ;
- les époux [O], bénéficiant d’une garantie légale, pouvaient soit agir sur le fondement de la garantie de parfait achèvement soit sur celui de la garantie décennale, les délais courant à compter de la réception ;
- en l’absence de réception, les époux [O] ne sont pas recevables à agir sur le fondement des articles « 1792 et suivants CPC » ; ils pourraient l’être sur le fondement contractuel s’il n’y avait eu aucune réception depuis onze ans, ce qui est impossible ;
- les époux [O] ont pris possession des ouvrages dès 2012 et ont réglé les travaux réalisés, à l’exception de la retenue de 5%, de sorte que, sur le fondement de l’articles 1792-6 du code civil, une réception tacite est intervenue au plus tard le 03 juin 2012, éventuellement avec réserves relativement aux remontées d’eau en sous-sol ;
- sur le fondement de l’article 1792-6 du code civil, alors que les désordres étaient apparents et ont été signalés par le maître d’ouvrage en 2012, 2013 et 2015, il n’y toutefois pas agi dans le délai d’un an pour avoir assigné en référés le 10 mai 2017, de sorte que les demandes fondées sur la garantie de parfait achèvement sont prescrites.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 15 mai 2024, les époux [O] demandent au juge de la mise en état de :
Se déclarer incompétent pour apprécier la réception tacite concernant les désordres relatifs aux résurgences en sous-sol, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond
Rejeter la fin de non recevoir opposée par la SAS SBG LUTECE, concernant les désordres relatifs aux résurgences en sous-sol et renvoyer le tout devant le juge du fond.
A titre subsidiaire,
Rejeter la demande de la SAS SBG LUTECE de voir déclarer prescrites les demandes des époux [O] concernant les désordres relatifs aux résurgences en sous-sol, comme relevant à ce titre de la garantie de parfait achèvement.
Condamner la SAS SBG LUTECE au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Dire que les dépens seront joints au fond
Au soutient de leurs demandes, les époux [O] exposent que :
- leur action est fondée sur les articles 1217 et suivants du code civil, anciennement article 1147 du code civil ;
- l’article 1792-6 du code civil est visé uniquement concernant la question de la réception, la garantie de parfait achèvement n’est pas invoquée, ni l’article 1792 relatif à la responsabilité de plein du droit du constructeur ;
- le juge de la mise en état n’est pas compétent pour apprécier l’existence d’une réception tacite, question qui relève du juge du fond, de même que la question de l’appréciation des garanties et fondements juridiques en jeu ;
- subsidiairement, le fait que soit évoqué la présence d’objets qui s’abiment dans la cave et la lingerie n’avalise nullement une prise de possession des lieux ou encore une réception tacite, les meubles ne pouvant rester stockés dans le garage face à l’inertie du constructeur et de l’architecte.
Par message notifié par voie électronique le 15 mai 2025, Monsieur [K] a indiqué s’en remettre à l’appréciation du juge de la mise en état sur l’incident soulevé par la SAS SBG LUTECE.
Pour un exposé des moyens exposés par les parties, il est renvoyé à la lecture de leurs conclusions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
À l’audience d’incident du 16 mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2024, date de la présente décision.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer notamment sur les fins de non-recevoir.
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l’ancien article 1147 du code civil, il est jugé qu’avant la levée des réserves, la responsabilité contractuelle de droit commun de l’entrepreneur subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement due par celui-ci, même si la mise en œuvre de la responsabilité n’est pas intervenue dans le délai de la garantie. L’expiration du délai annal n’emporte pas en soi décharge de la responsabilité de droit commun avant la levée des réserves. Lorsque la mise en œuvre des responsabilités n’est pas intervenue dans le délai de garantie de parfait achèvement, seule la responsabilité contractuelle de droit commun est encourue.
En l’espèce, la SAS SBG LUTECE soulève la prescription de la demande des époux [O] fondée sur la garantie de parfait achèvement, concernant les désordres tenant aux résurgences en sous-sol.
Toutefois, en ce qu’aux termes de leur assignation, les époux [O] visent à titre liminaire l’article 1792-6 du code civil uniquement dans ses dispositions relatives à la définition de la réception de l’ouvrage sans mention de celles relatives à la garantie de parfait d’achèvement, il est en tout état de cause relevé que les époux [O] fondent leur démonstration sur les manquements par la SAS SBG LUTECE à son obligation de résultat dans le cadre de l’engagement de sa responsabilité contractuelle.
Dès lors, en ce que les époux [O] ne forment aucune demande sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande inexistante est sans objet.
Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par la SAS SBG LUTECE sera rejetée.
Il par ailleurs relevé que si la SAS SBG LUTECE indique aux termes du dispositif de ses conclusions sur incident qu’elle demande « à défaut [de faire droit à la fin de non-recevoir, de] joindre l’incident au fond », elle ne développe dans le corps de ses écritures aucun moyen de fait ou de droit à l’appui de sa demande subsidiaire, de sorte que le juge de la mise en état n’est valablement saisi d’aucune demande à ce titre, conformément aux dispositions de l’article 768 du code de procédure civile.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.
Les dépens suivront le sort de l’instance principale et seront donc réservés.
PAR CES MOTIFS,
Le juge de la mise en état, statuant par décision publique mise à disposition au greffe, susceptible de recours selon les conditions énoncées à l’article 795 du code de procédure civile,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SAS SBG LUTECE ;
RÉSERVE les dépens ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 17 octobre 2024 à 9h30 pour conclusions actualisées des parties.
Fait à EVRY, le 05 Juillet 2024
LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT