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11/06/2024 | FRANCE | N°24/00012

France | France, Tribunal judiciaire d'Évry, Chambre des référés, 11 juin 2024, 24/00012


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français



Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 11 juin 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00012 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-PZ2H

PRONONCÉE PAR

Elisa VALDOR, Juge,
Assistée de Alexandre EVESQUE, greffier, lors des débats à l’audience du 26 avril 2024 et lors du prononcé

ENTRE :

COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART
dont le siège social est sis [Adresse 2]

comparante en la personne de Mons

ieur [S] [Z], chef du service juridique, régulièrement pourvu d’un pouvoir, agissant en tant que représentant du Président de la communauté d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 11 juin 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00012 - N° Portalis DB3Q-W-B7I-PZ2H

PRONONCÉE PAR

Elisa VALDOR, Juge,
Assistée de Alexandre EVESQUE, greffier, lors des débats à l’audience du 26 avril 2024 et lors du prononcé

ENTRE :

COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART
dont le siège social est sis [Adresse 2]

comparante en la personne de Monsieur [S] [Z], chef du service juridique, régulièrement pourvu d’un pouvoir, agissant en tant que représentant du Président de la communauté d’agglomération GRAND PARIS SUD SEINE-ESSONNE-SÉNART

DEMANDERESSE

D'UNE PART

ET :

S.A.S. SOCIETE INFO INDUSTRIES
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Pierre BONFILS, demeurant [Adresse 1] PUISSERGUIER, avocat au barreau de BEZIERS

DÉFENDERESSE
D'AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort.

**************
EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte de commissaire de justice du 6 janvier 2024, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART a assigné la SAS INFO INDUSTRIES devant le président du tribunal judiciaire d'Évry, statuant en référé, au visa des articles L.116-1 du code de la voirie routière, L.1321-1, L.1321-2, 5211-17 du code général des collectivités territoriales, 700, 761, 835, 846 du code de procédure civile, 544 du code civil et L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, aux fins de voir :

ordonner l'expulsion sans délai, à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, de la société INFO INDUSTRIES et de tous occupants de son chef, occupante sans droit ni titre des voies d'intérêts communautaire des parcs et zones d'activité suivantes :
[Localité 21] - Parc d'activité « 44 Arpents » : [Adresse 13] angle rond-point RD26,[Localité 21] - Parc d'activité « centre commercial A6 » : [Adresse 11] angle [Adresse 13], [Adresse 4] - station essence, [Adresse 4] angle [Adresse 11], rond-point [Adresse 4],[Localité 21] - Zone d'activité « Clos aux poix » : [Adresse 15] angle RD 26,[Localité 5] - Zone d'activité « La Marinière » : [Adresse 12] angle [Adresse 17], [Adresse 16] angle [Adresse 17], [Adresse 18] angle [Adresse 12], bretelle RD31 - angle [Adresse 18],[Localité 5] - Zone d'activité « Les Bordes » : [Adresse 19] angle [Adresse 20], [Adresse 14] angle [Adresse 19], [Adresse 20] angle rond-point des Bordes,
assortir cette injonction d'une astreinte de 600 euros par jour de retard si l'occupant sans droit ni titre n'y défère pas dans le délai prescrit ;juger que pour l'exécution de l'ordonnance à intervenir, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART pourra ainsi requérir le concours de la force publique ;condamner la société la SAS INFO INDUSTRIES à lui verser une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance du 26 mars 2024, le juge des référés a :

ordonné la réouverture des débats afin de permettre à la SAS INFO INDUSTRIES de soutenir ses écritures ;fixé au 26 avril 2024 à 9h30, la date de l'audience au cours de laquelle les débats seront repris ;dit que la présente ordonnance sera notifiée à chacune des parties et tiendra lieu de convocation à la prochaine audience.
A l'audience du 26 avril 2024, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, représentée par le chef du service juridique, régulièrement pourvu d'un pouvoir, a soutenu son acte introductif d'instance et déposé ses pièces telles que visées dans l'assignation.

A l'appui de ses prétentions, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART fait valoir que :

L'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'[Localité 7], aux droits duquel elle vient, a signé deux conventions de signalisation avec la SAS INFO INDUSTRIES, le 16 septembre 1987 pour les zones d'activité « La Marinière » et « Les Bordes » à [Localité 5], et le 12 décembre 1994 pour la zone d'activité « Le Clos aux Pois » et les deux parcs d'activité « 44 Arpents » et « centre commercial A6 » à [Localité 21] ;ces deux conventions ont pris fin, à sa demande, respectivement les 15 septembre 2021 et le 11 décembre 2020, sans que la SAS INFO INDUSTRIES ne remplisse ses obligations contractuelles de démonter le matériel posé sur la voirie dont elle était restée propriétaire, et ce à ses frais, ce qui inclut la réfection des trottoirs et espaces verts concernés, malgré de multiples mises en demeure ;le juge judiciaire est compétent pour prononcer l'expulsion des occupations sans titre du domaine public routier, en application de l'article L.116-1 du code de la voirie routière ;toutes ces zones ou voiries occupées illicitement ont été déclarées d'intérêt communautaire et appartiennent au domaine public routier de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD, en vertu du transfert de compétence prévu à l'article L 5211-17 du code générale des collectivités territoriales et des statuts de l'EPCI, et se situent sur les communes de [Localité 21] et [Localité 5] de sorte que le Président du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes, statuant en référé, est compétent territorialement pour connaitre de sa demande ;conformément aux articles 7 et 8 des statuts de l'EPCI et aux articles L 1321-1 et 2 du code général des collectivités territoriales, les communes de [Localité 21] et [Localité 5] ont été dessaisies de leurs compétences en la matière à son profit et elle est donc compétente pour les exercer en leur lieu et place, les conventions lui ayant été transférées ;la société INFO INDUSTRIES maintient, sans droit ni titre, son mobilier de signalisation à [Localité 21], sur le domaine public routier non cadastré de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD, ainsi que son matériel de signalisation à [Localité 5], sur le domaine public routier cadastré avec parcelles identifiées de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD ;au visa de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article 544 du code civil, l'occupation sans droit ni titre de la société INFO INDUSTRIES du domaine public routier, en ce qu'elle ne dispose plus d'aucune autorisation pour occuper les voiries concernées, constitue un trouble manifestement illicite, portant atteinte à son droit de propriété et lui cause un préjudice, qu'il convient de faire cesser en ordonnant l'expulsion sous astreinte de la société INFO INDUSTRIES, avec la faculté de solliciter le concours de la force publique.
En défense, la SAS INFO INDUSTRIES, représentée par son avocat, a repris les termes de ses conclusions déposées à l'audience, sollicitant du juge des référés de :

constater qu'il a été saisi à tort des demandes de GRAND PARIS SUD ;rejeter les demandes d'expulsion de GRAND PARIS SUD comme présentées devant une juridiction incompétente ;rejeter les demandes de concours de la force publique comme présentées devant une juridiction incompétente ;rejeter les demandes d'astreinte et de frais irrépétibles ;condamner GRAND PARIS SUD à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;condamner GRAND PARIS SUD en tous les dépens de l'instance.

La société INFO INDUSTRIES soulève l'incompétence du juge judiciaire, faisant valoir que :

la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART n'a pas diligenté contre elle une procédure de contravention de voirie ou de grande voirie mais une simple demande d'expulsion du domaine public, laquelle relève de la juridiction administrative conformément à l'article L 2331-1 Code général de la propriété des personnes publiques ;contrairement à ce que soutient la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, il ne s'agit pas de l'occupation du domaine public routier de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART mais du domaine public communal de [Localité 5] et de [Localité 21] ;la demande d'expulsion dirigée contre elle ne peut dès lors que relever de la juridiction administrative de sorte que le juge des référés se déclarera incompétent et renverra la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART à mieux se pourvoir.
En outre, elle soulève le défaut de qualité et d'intérêt à agir de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART aux motifs que :

les articles 7 et 8 des statuts de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART dont se prévaut celle-ci pour soutenir que les communes de [Localité 5] et [Localité 21] font partie de GRAND PARIS SUD ne traitent pas de la signalisation des entreprises présentes sur les zones d'activité ;la zone "Le Clos aux Pois" sur la commune de [Localité 21] n'est pas citée dans les zones transférées à GRAND PARIS SUD et il n'est pas établi que la commune de [Localité 21] ait été dessaisie de ses compétences sur cette zone au profit de GRAND PARIS SUD de sorte qu'il existe une difficulté sérieuse sur la qualité et l'intérêt à agir du GRAND PARIS SUD concernant la zone susvisée ;la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART justifie de la présence et du maintien en place des portiques de signalisation d'entreprises sur les parcs d'activités "La Marinière" et "Les Bordes" à [Localité 5] et sur les parcs d'activités "Le Clos aux Pois", « 44 Arpents » et le « Centre commercial A6 » à [Localité 21] au moyen de photographies non datées et quasiment illisibles.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d'instance et aux écritures déposées et développées oralement à l'audience ainsi qu'à la note d'audience.

La décision a été mise en délibéré au 24 mai 2024 par mise à disposition au greffe, lequel a été prorogé au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la note en délibéré de la société INFO INDUSTRIES

Aux termes de l'article 445 du code de procédure civile « Après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ».

En l'espèce, la société INFO INDUSTRIES a entendu communiquer, par correspondance du 13 mai 2024, une note en délibéré.

Outre qu'il n'est pas justifié de la transmission de ces éléments à la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD, dans le respect du principe du contradictoire, le juge des référés n'a pas autorisé une telle note en délibéré, qui sera donc rejetée.

II.Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société INFO INDUSTRIES

L'article 75 du code de procédure civile dispose que « S'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée ».
Aux termes de l'article 81 du même code « Lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi ».

L'article L.116-1 du code de la voirie routière dispose que la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative.

L'article L.116-6 du même code prévoit en outre l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier, notamment celle tendant à l'enlèvement des ouvrages faits, est imprescriptible.
Les personnes condamnées supportent les frais et dépens de l'instance, ainsi que les frais des mesures provisoires et urgentes que l'administration a pu être amenée à prendre.

Il est constant aux termes de l'article L 116-1 du code de la voirie routière et au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat (Conseil d'Etat, 6 / 2 SSR, du 28 décembre 1992, 124709) et du Tribunal des Conflits (Tribunal des conflits, du 17 octobre 1988, 02544, publié au recueil Lebon), que le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public routier, les dispositions de cet article visant tout à la fois la répression des occupations et empiétements sur le domaine public routier qui relèvent des juridictions répressives et les mesures d'expulsion du domaine public routier dès lors qu'une contravention à la police de la conservation de ce domaine public est constituée, même si cette contravention n'a pas été poursuivie.

L'article L. 111-1 du code de la voirie routière dispose que le domaine public routier comprend l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées.

Cette définition a été complétée par la doctrine administrative qui a défini l'emprise de la route comme correspondant à la surface du terrain appartenant à la personne publique et affectée à la route ainsi qu'à ses dépendances.

L'emprise recouvre donc les accotements et l'assiette de la route, à savoir la chaussée mais également la plate-forme qui est la surface de la route comprenant la chaussée.

L'article L.141 1 du code de la voirie routière dispose que : « les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales ».

L'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques définit les dépendances comme des biens qui font également partie du domaine public et qui en constituent un accessoire indissociable. Dès lors, les biens implantés sur le domaine public qui présentent un lien de dépendance fonctionnelle avec la voie, ou en sont l'accessoire, suivent le sort de cette voie et font également partie du domaine public routier, à défaut de preuve contraire. Ils font l'objet de la même protection au titre de la police de conservation du domaine public routier.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que deux conventions renouvelables de signalisation ont été signées entre l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'[Localité 7] et la société INFO INDUSTRIES, la première signée le 16 septembre 1987 qui confiait à la société INFO INDUSTRIES le soin d'implanter du matériel de signalisation pour les entreprises dans les zones d'activité « La Marinière » et « Les Bordes » à [Localité 5], et la seconde signée le 12 décembre 1994 qui confiait à la société INFO INDUSTRIES le soin d'implanter du matériel de signalisation pour les entreprises dans la zone d'activité « Le Clos aux Pois » ainsi que les deux parcs d'activités « 44 ARPENTS » et « centre commercial A6 » à [Localité 21].

La Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, par lettre recommandée du 9 février 2021, a informé la société INFO INDUSTRIES que la convention de signalisation du 16 septembre 1987 ne serait pas reconduite à l'issue de sa période d'exécution, l'échéance de la convention étant fixée au 16 septembre 2021, et l'a invitée à déposer intégralement à cette date son mobilier et à procéder à la réfection des trottoirs et espaces verts.

En outre, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, par lettre recommandée du 9 janvier 2020, a informé la société INFO INDUSTRIES que la convention de signalisation du 12 décembre 1994 ne serait pas reconduite à l'issue de sa période d'exécution, l'échéance de la convention étant fixée au 11 décembre 2020, et l'a invitée à déposer intégralement à cette date son mobilier et à procéder à la réfection des trottoirs et espaces verts.

L'action engagée par la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART a pour objet d'obtenir l'expulsion de la société INFO INDUSTRIES des zones précitées au motif que cette dernière serait désormais occupante sans droit ni titre.

La société INFO INDUSTRIES invoque l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif au motif qu'aucun procès-verbal de constatation ou de contravention à la police de la conservation du domaine public routier n'a été établi et qu'il est question d'une occupation du domaine public et non du domaine public routier.

Or, il ressort des conventions de signalisation et fiches techniques précisant les implantations et photographies jointes auxdites conventions, que les dispositifs de signalisation sont implantés sur les trottoirs, lesquels sont établis en bordure des voies publiques et présentent, dans leur ensemble, le caractère de dépendances de ces voies et font donc partie du domaine public routier des communes susvisées.

La Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART reproche à la société INFO INDUSTRIES d'occuper le domaine public routier sans aucune autorisation, ce qui constitue une contravention au code la voirie routière et elle a d'ailleurs déposé plainte, le 3 janvier 2024 pour occupation illégale du domaine public, la question de savoir si cette plainte a entrainé des poursuites pénales étant indifférente à ce stade.

Par conséquent, l'action engagée par la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART pour obtenir la libération par un occupant sans droit ni titre d'un emplacement qui constitue une dépendance du domaine public routier, nonobstant le fait qu'une contravention à la police de la conservation de ce domaine public n'ait pas été poursuivie, relève de la compétence du juge judiciaire, conformément aux dispositions sus énoncées de l'article L.116-1 du code de la voirie routière.

L'exception d'incompétence soulevée par la société INFO INDUSTRIES sera donc rejetée.

III.Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L'article L1321-1 alinéa 1er du code général des collectivités territoriales dispose que « Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence ».

Aux termes de l'article L 1321-2 du même code « Lorsque la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion. Elle assure le renouvellement des biens mobiliers. Elle peut autoriser l'occupation des biens remis. Elle en perçoit les fruits et produits. Elle agit en justice au lieu et place du propriétaire.
La collectivité bénéficiaire peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d'addition de constructions propres à assurer le maintien de l'affectation des biens.
La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition est substituée à la collectivité propriétaire dans ses droits et obligations découlant des contrats portant notamment sur des emprunts affectés, et des marchés publics que cette dernière a pu conclure pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens remis ainsi que pour le fonctionnement des services. La collectivité propriétaire constate la substitution et la notifie à ses cocontractants.
La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition est également substituée à la collectivité antérieurement compétente dans les droits et obligations découlant pour celle-ci à l'égard de tiers de l'octroi de concessions ou d'autorisations de toute nature sur tout ou partie des biens remis ou de l'attribution de ceux-ci en dotation ».

Il ressort des pièces versées aux débats par la demanderesse que :

en application de l'article 6 de la loi n°83-636 du 13 juillet 1993, il a été créé par arrêté préfectoral n°84-5269 en date du 31 décembre 1984, entre les communes de [Localité 5], [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 9], le Syndicat d'Agglomération Nouvelle [Localité 7], lequel s'est substitué au Syndicat Communautaire d'Aménagement de l'Agglomération Nouvelle d'[Localité 7], dans ses droits et obligations à compter du 1er février 1985 ;par arrêté préfectoral n°2000/0609 du 13 décembre 2000, le Syndicat d'Agglomération Nouvelle d'[Localité 7] a été transformé en Communauté d'Agglomération au 31 décembre 2000 ;la communauté d'Agglomération [Localité 7] Centre Essonne, issue de la transformation du Syndicat d'Agglomération Nouvelle d'[Localité 7], est un établissement public de coopération intercommunale, dont l'objet est d'associer les communes membres au sein d'un espace de solidarité, afin d'élaborer et de conduire un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire, exerçant ses compétences sur les territoires des communes d'[Localité 7], [Localité 10], [Localité 6], [Localité 5], [Localité 9] et [Localité 21] ;l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre Grand Paris Sud Seine-Essonne, créé par arrêté inter-préfectoral n°2015-PRE-DRCL/955 du 15 décembre 2015, est issu de la fusion de la communauté d'agglomération [Localité 7] Centre Essonne, de la Communauté d'agglomération Seine Essonne, de la communauté d'agglomération de Sénart et de la communauté d'agglomération de Sénart en Essonne avec extension à la commune de [Localité 8].
Il ressort de l'article 1er « Création et périmètres » des statuts de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart, adoptés par arrêté interdépartemental n°2017-PREF-DRCL/576 du 11 aout 2017, que les communes de [Localité 21] et [Localité 5] font partie des 24 communes composant ladite communauté d'agglomération. (pièce n°7)

Concernant les compétences de la Communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart, l'article 7 « compétences obligatoires » de ses statuts prévoit que « La Communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes :
1° En matière de développement économique : actions de développement économiques dans les conditions prévues à l'article L 4251-17 ; création, aménagement, entretien et gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ; politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d'intérêt communautaire ; promotion du tourisme, dont la création d'offices de tourisme ».

En outre, l'article 8 « compétences optionnelles » desdits statuts stipule que « La Communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes :
1- Création ou aménagement et entretien de voirie d'intérêt communautaire ; création ou aménagement de parcs de stationnement d'intérêt communautaire (…) »

Il est annexé aux statuts la liste des voiries d'intérêt communautaire de la Communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart parmi lesquelles figurent notamment (pièce 7) :

- A [Localité 5] :
[Adresse 12] -Zone d'activité La Marinière ; [Adresse 16] - Zone d'activité La Marinière ;[Adresse 18] - Zone d'activité La Marinière ;[Adresse 17] - Zone d'activité La Marinière ;[Adresse 19] - Zone d'activité Les Bordes ;[Adresse 14] - Zone d'activité Les Bordes ;[Adresse 20] - Zone d'activité Les Bordes ;
- A [Localité 21] :
[Adresse 13] ;[Adresse 11] ;[Adresse 4] ;[Adresse 15]
Or, il s'agit des voiries d'intérêt communautaire des parcs et zones d'activités dont l'occupation par la société INFO INDUSTRIES sans droit ni titre est alléguée par la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, qui demande son expulsion.

Il résulte ainsi des éléments précités que les communes de [Localité 5] et [Localité 21] ont été dessaisies des compétences susvisées au profit de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, notamment concernant les voiries d'intérêt communautaire des parcs et zones d'activités visées en annexe des statuts, cette dernière étant donc compétente pour les exercer en leur lieu et place, les conventions lui ayant été transférés.

Par conséquent, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART justifie de son intérêt et de sa qualité à agir, de sorte que la société INFO INDUSTRIES sera déboutée de sa fin de non-recevoir.

IV. Sur la demande d'expulsion

L'article 835 du Code de procédure civile prévoit que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite résulte, quant à lui, de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'occupation en question ne concerne pas un logement mais la pose de matériel de signalisation sur la voie publique, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de procéder à un examen de la proportionnalité de l'ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile conforme aux exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ceci étant précisé, il sera rappelé que deux conventions renouvelables de signalisation ont été signées entre l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'[Localité 7] et la société INFO INDUSTRIES, la première signée le 16 septembre 1987 confiait à la société INFO INDUSTRIES le soin d'implanter du matériel de signalisation pour les entreprises dans les zones d'activité «La Marinière» et «Les Bordes» à [Localité 5], et la seconde signée le 12 décembre 1994 confiait la société INFO INDUSTRIES le soin d'implanter du matériel de signalisation pour les entreprises dans la zone d'activité «Le Clos aux Pois» ainsi que les deux parcs d'activités «44 ARPENTS» et «centre commercial A6» à [Localité 21].

Lesdites conventions ont été agrées par les communes concernées.

La convention de signalisation du 16 septembre 1987 stipule en son article 7 « durée » que « la présente convention est conclu pour une durée de 10 (dix) années entières et consécutives à compter de la date de signature des présentes. Elle se renouvellera par période de trois années entières et consécutives, par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 6 mois à l'avance, par l'une ou l'autre des parties. A l'expiration de la convention, si celle-ci n'est pas renouvelée, le matériel devra être démonté aux frais de la Sté INFO-INDUSTRIES qui en demeurera propriétaire ».

La convention de signalisation du 12 décembre 1994 stipule quant à elle, en son article 7 « durée » que « La présente convention est consentie et acceptée pour une durée de dix (10) années entières et consécutives à compter de la date de signature des présentes. Elle se renouvellera par période de quatre (4) années entières et consécutives, par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception au moins six (6) mois à l'avance, par l'une ou l'autre des parties.
A l'expiration de la convention, si celle-ci n'est pas renouvelée, le matériel devra être démonté aux frais de la société qui en demeure propriétaire ».

La Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, par lettre recommandée du 9 février 2021, a informé la société INFO INDUSTRIES que la convention de signalisation du 16 septembre 1987 ne serait pas reconduite à l'issue de sa période d'exécution, l'échéance de la convention étant fixée au 16 septembre 2021, et l'a invitée à déposer intégralement à cette date son mobilier et à procéder à la réfection des trottoirs et espaces verts.

En outre, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART, par lettre recommandée du 9 janvier 2020, a informé la société INFO INDUSTRIES que la convention de signalisation du 12 décembre 1994 ne serait pas reconduite à l'issue de sa période d'exécution, l'échéance de la convention étant fixée au 11 décembre 2020, et l'a invitée à déposer intégralement à cette date son mobilier et à procéder à la réfection des trottoirs et espaces verts.

Force est de constater que les conventions de signalisation ont été dénoncées par la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART dans le respect des stipulations contractuelles, ce qui n'est pas discuté par la société INFO INDUSTRIES, dans la présente instance.

Il sera noté que le tribunal administratif de Versailles, saisi par la société INFO INDUSTRIES d'une demande d'annulation de la décision de non renouvellement de la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART de la convention de signalisation du 12 décembre 1994, a, par décision du 26 janvier 2023, rejeté cette demande, au motif qu'elle était irrecevable, le juge du contrat ne pouvant être saisi que d'une demande d'indemnitaire concernant les modalités d'exécution d'un contrat et non d'une demande d'annulation, qui ne peut porter que sur une décision de résiliation du contrat et non une décision de non-renouvellement.

Les photographies issues de Google Maps produites par la demanderesse démontrent que le matériel de signalisation n'a pas été retiré par la société INFO INDUSTRIES, qui ne le conteste pas et ne produit, au-delà, aucun élément contredisant les éléments adverses.

Dès lors, la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART démontre que la SAS INFO INDUSTRIES est devenue, par le maintien de son matériel de signalisation, occupante sans droit ni titre du domaine public routier et qu'il convient de faire cesser ce trouble manifestement illicite.

En conséquence, il est justifié d'ordonner l'expulsion de la SAS INFO INDUSTRIES, ainsi que de l'ensemble des occupants de son chef présents sur le site, laquelle n'apparaît pas disproportionnée au regard du cas d'espèce, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance.

Concernant les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place, ils donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Dès lors que le recours à la force publique est autorisé, il n'y a pas lieu à référé sur la demande d'astreinte formulée par la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART.

V. Sur les frais et dépens

Sur les dépens

La SAS INFO INDUSTRIES, partie perdante, sera condamné aux dépens de la présente procédure de référé.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, la SAS INFO INDUSTRIES sera condamnée à payer à la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART une indemnité de procédure qu'il est équitable de fixer à la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire rendue par voie de mise à disposition au greffe et en premier ressort,

REJETTE la note en délibéré non autorisée transmise le 13 mai 2024 par la société INFO INDUSTRIES ;

REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par la société INFO INDUSTRIES ;

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir soulevée par la société INFO INDUSTRIES ;

ORDONNE l'expulsion de la SAS INFO INDUSTRIES, ainsi que de tous occupants de son chef avec leurs biens mobiliers incluant le matériel de signalisation, du domaine public routier sur les voies et zones d'activités suivantes :

[Localité 21] - Parc d'activité « 44 Arpents » : [Adresse 13] angle rond-point RD26,
[Localité 21] - Parc d'activité « centre commercial A6 » : [Adresse 11] angle [Adresse 13], [Adresse 4] - station essence, [Adresse 4] angle [Adresse 11], rond-point [Adresse 4] ;
[Localité 21] - Zone d'activité « Clos aux poix » : [Adresse 15] angle RD 26 ;
[Localité 5] - Zone d'activité « La Marinière » : [Adresse 12] angle [Adresse 17], [Adresse 16] angle [Adresse 17], [Adresse 18] angle [Adresse 12], bretelle RD31 - angle [Adresse 18] ;
[Localité 5] - Zone d'activité « Les Bordes » : [Adresse 19] angle [Adresse 20], [Adresse 14] angle [Adresse 19], [Adresse 20] angle rond-point des Bordes ;
et ce dans un délai de quinze (15) jours à compter de la signification de la présente décision, avec le concours de la force publique en tant que de besoin ;

DIT que le sort des meubles et objets mobiliers (en ce compris les panneaux de signalisation) garnissant les lieux sera régi par les dispositions de l'article L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande d'astreinte formulée par la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART ;

CONDAMNE la SAS INFO INDUSTRIES à payer la somme de 500 euros à la Communauté d'agglomération GRAND PARIS SUD SEINE ESSONNE SENART en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS INFO INDUSTRIES aux dépens de la présente instance.

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier,Le Juge des Référés,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire d'Évry
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 24/00012
Date de la décision : 11/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-11;24.00012 ?
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