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27/05/2024 | FRANCE | N°21/06639

France | France, Tribunal judiciaire d'Évry, 3ème chambre, 27 mai 2024, 21/06639


TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

3ème Chambre

MINUTE N°

DU : 27 Mai 2024

AFFAIRE N° RG 21/06639 - N° Portalis DB3Q-W-B7F-OFKI

NAC : 60A

CCCRFE et CCC délivrées le :________
à :
Me Dominique DUFAU,
Me Marie PERINI MIRSKI

Jugement Rendu le 27 Mai 2024



ENTRE :

Monsieur [R] [N],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Madame [E] [N],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau d

e PARIS plaidant

Monsieur [F] [N],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [Z] [N], ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

3ème Chambre

MINUTE N°

DU : 27 Mai 2024

AFFAIRE N° RG 21/06639 - N° Portalis DB3Q-W-B7F-OFKI

NAC : 60A

CCCRFE et CCC délivrées le :________
à :
Me Dominique DUFAU,
Me Marie PERINI MIRSKI

Jugement Rendu le 27 Mai 2024

ENTRE :

Monsieur [R] [N],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Madame [E] [N],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [F] [N],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [Z] [N],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Madame [L] [N],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [A] [N],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat au barreau de PARIS plaidant

DEMANDEURS

ET :

La Mutuelle MAIF,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Dominique DUFAU, avocat au barreau de PARIS plaidant

La CPAM [Localité 6],
dont le siège social est sis [Adresse 3]

défaillante

DEFENDERESSES

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrats ayant délibéré :

Président : Sandrine LABROT, Vice-Présidente
Assesseur : Laure BOUCHARD, Juge
Assesseur : Béatrice MARTIN DE MEREUIL, Juge
Greffier : Tiphaine MONTAUBAN, Greffière lors des débats.

Assistées de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière lors des débats à l’audience du 26 Février 2024 et lors de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 Octobre 2023 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 26 Février 2024 date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 27 Mai 2024.

JUGEMENT : Rendu par mise à disposition au greffe,
Réputé contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 23 septembre 2015, Monsieur [R] [N] a été victime d’un accident de la circulation, causé par le véhicule de marque BMW conduit par Monsieur [O] [C], assuré auprès de la société d’assurance mutuelle MAIF.

À la suite de l’accident, Monsieur [N] a présenté :
- un traumatisme cranio-facial avec amnésie du choc,
- une plaie de la face externe de la cuisse gauche,
- des débris de verre dans l’œil gauche,
- une ulcération de la cornée de l’œil gauche,
- une fracture de la 1ère phalange du 3ème doigt de la main droite et du 4ème métacarpe de la main gauche,
- un hématome du 4ème doigt de la main gauche,
- un hémothorax apicale gauche,
- une lame d’hémothorax apicale gauche,
- une contusion parenchymateuse du lobe inférieur gauche,
- un volet costal gauche de K7 à K11 avec fractures costales,
- une fracture de la rate grade IV,
- une fracture du rein gauche grade III,
- un hématome rétro-péritonéale latéralise gauche,
- une hypoacousie bilatérale globale.

Monsieur [R] [N] a été pris en charge à l’Hôpital [5] à [Localité 4] le 23 septembre 2015, jour de l’accident, dans l’unité de réanimation chirurgicale, puis en chirurgie digestive et enfin en chirurgie cardio-thoracique, jusqu’au 20 octobre 2015.

Par jugement du 29 avril 2019, Monsieur [O] [C] a été condamné pour blessures volontaires avec ITT n’excédant pas trois mois et violation d’une obligation de sécurité ou de prudence.

Sur le plan psychiatrique, un rapport d’expertise amiable contradictoire a été établi le 5 août 2017 par les docteurs [T] et [D].

Sur le plan ORL, un second rapport d’expertise amiable contradictoire a été rendu par les docteurs [X] et [U] le 20 novembre 2017.

Un rapport médico-légal contradictoire de synthèse a ensuite été établi par les docteurs [S] et [B], le 22 août 2018, ayant notamment conclu à la consolidation de l’état de Monsieur [R] [N] le 23 mars 2017.

Les parties se sont trouvées en désaccord sur le montant du préjudice corporel subi par Monsieur [R] [N] à la suite des faits.

C’est dans ce contexte que par actes d’huissier de justice des 25 et 26 novembre 2021, Messieurs [R], [F], [Z], et [A] [N], Madame [L] [N] et Madame [E] [H] épouse [N] (ci-après désignés ensemble « les consorts [N] ») ont fait assigner la société d’assurance mutuelle MAIF et la CPAM des [Localité 6] devant le tribunal judiciaire d'Evry.

Aux termes de leurs dernières conclusions régularisées par voie électronique le 6 février 2023, les consorts [N] demandent au tribunal de :

En ce qui concerne Monsieur [R] [N], victime directe :
À titre principal :
- Evaluer le préjudice global de Monsieur [R] [N], pour les postes de préjudices patrimoniaux à la somme de 895.764,56 € sauf mémoire et sauf à parfaire,

- Dire et juger qu’après déduction, poste par poste, des sommes revenant aux organismes sociaux, il revient sur ces postes de préjudice à Monsieur [R] [N] la somme de 824.489,86 € sauf mémoire et sauf à parfaire,
- Fixer les postes de préjudice extra patrimoniaux à la somme de 126.296,20 €,
- Constater qu’il n’y a lieu de déduire aucune somme pour les tiers payeurs sur les postes de préjudice extra patrimoniaux,
En conséquence,
- Condamner la société MAIF à payer à Monsieur [R] [N] une somme totale de 950.786,06 € sauf mémoire et sauf à parfaire.

À titre subsidiaire :
- Evaluer le préjudice global de Monsieur [R] [N], pour les postes de préjudices patrimoniaux, tels que décrits dans le corps des présentes, à la somme de 894.063,84 € sauf mémoire et sauf à parfaire,
- Dire et juger qu’après déduction, poste par poste, des sommes revenant aux organismes sociaux, il revient sur ces postes de préjudice à Monsieur [R] [N] la somme de 822.789,14 € sauf mémoire et sauf à parfaire,
- Fixer les postes de préjudice extra patrimoniaux à la somme de 126.296,20 €,
- Constater qu’il n’y a lieu de déduire aucune somme pour les tiers payeurs sur les postes de préjudice extra patrimoniaux,
En conséquence,
- Condamner la société MAIF à payer à Monsieur [R] [N] une somme totale de 949.085,34 € sauf mémoire et sauf à parfaire.

Et dans tous les cas :
- Dire que les indemnités allouées à Monsieur [R] [N] porteront, avant déduction des provisions versées et avant imputation de la créance des tiers payeurs intérêts au double du taux légal du 23 mai 2016 jusqu’à la date à laquelle le jugement à intervenir sera définitif, et, ensuite, intérêts au taux légal et ce, avec anatocisme conformément à l’article 1343-2 du Code civil.

En ce qui concerne Madame [E] [H] épouse de Monsieur [R] [N], victime par ricochet :
- Condamner la MAIF à payer à Madame [E] [N] :
- une indemnité de 10.000 € au titre de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence,
- une indemnité de 15.000 € au titre de son préjudice sexuel,

En ce qui concerne chacun des quatre enfants des époux [N], victimes par ricochet :
- Condamner la MAIF à payer à Monsieur [F] [N], Monsieur [Z] [N], Madame [L] [N] et Monsieur [A] [N] une indemnité de 4.000 € au titre de leur préjudice moral, et ce pour chacun d’eux.

- Condamner la MAIF à payer aux consorts [N] une somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM des [Localité 6] ;
- DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir qui sera donc exécutoire à titre provisoire en son entier.
- Mettre les entiers dépens à la charge de la MAIF dont distraction au profit de Maître Marie PERINI MIRSKI, avocat aux offres de droit dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures régularisées par voie électronique le 12 mai 2023, la MAIF demande au tribunal de :

Sur l’indemnisation des préjudices de [R] [N], en qualité de victime directe, fixer comme suit l’indemnisation :

PREJUDICES PATRIMONIAUX

Préjudices patrimoniaux temporaires :

DSA
▪ Monsieur [N] : 2.051,90 Euros
▪ CPAM : 68.324,47 € (déjà acquittée)

Frais divers : Total : 5.036,86 Euros
▪ Médecin conseil :3.000 Euros
▪ Frais de déplacement : 1.886,86 Euros
▪ Préjudice vestimentaire : 100 Euros
▪ Préjudice matériel : 50 Euros
▪ Frais d’affranchissement : Rejet
▪ Frais d’avenant véhicule : Rejet

Tierce personne temporaire : 5.805 Euros

PGPA : Total 1.997,63 Euros
▪ Pertes de gains arrêts de travail 1.513,15 Euros
▪ Perte intéressement : 311,73 Euros
▪ Perte participation : 172,75 Euros
▪ Perte absence d’augmentation : rejet
▪ Perte de rémunération variable : rejet
▪ Créance CPAM IJ : 1.336,72 (déjà acquittée)

Préjudices patrimoniaux permanents :

DSF
À titre principal : Rejet
À titre subsidiaire : 4.412,58 Euros pour M. [N]

PGPF : Rejet

IP : 20.000 Euros

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

DFT : 5.92,50 Euros
SE : 20.000 Euros
PET : 1.500 Euros

Préjudices extra-patrimoniaux permanents
DFP : 33.000 Euros
PEP : 4.500 Euros
Préjudice d’agrément : Rejet en l’état
Préjudice sexuel : 5.000 Euros

DECLARER que les provisions versées par la MAIF à hauteur de 15.000 € Monsieur [N] devront être déduites des sommes allouées.

Sur la demande de doublement des intérêts & l’anatocisme :

À titre principal,
DEBOUTER Monsieur [R] [N] de sa demande à ce titre
À titre subsidiaire,
FIXER la période du 6 avril 2019 au 18 avril 2019
À titre infiniment subsidiaire,
FIXER la période du 6 avril 2019 au 25 février 2022
STATUER ce que de droit sur l’anatocisme

Sur l’indemnisation des victimes par ricochet, fixer comme suit :
• Au profit de Madame [E] [H] épouse [N]
o Au titre de son préjudice moral : 5.000 Euros
o Au titre de son préjudice sexuel : Rejet

• Au profit des enfants du couple :
o Monsieur [F] [N] : 1.500 Euros
o Monsieur [Z] [N] : 1.500 Euros
o Madame [M] [N] : 1.500 Euros
o Monsieur [A] [N] : 1.500 Euros

En tout état de cause,
RAMENER à plus juste proportion le versement d’une indemnité au titre de l’article 700 du CPC qui ne saurait être supérieure à 2.000 €.

STATUER ce que de droit sur les dépens

LIMITER l’exécution provisoire de la décision à intervenir à 50% des sommes qui seront allouées à Monsieur [R] [N], déduction faite des provisions d’ores et déjà versées.

La MAIF ne conteste pas le droit intégral à indemnisation de Monsieur [R] [N] mais conteste l’évaluation du préjudice de ce dernier.

La CPAM, régulièrement assignée à étude, n’a pas constitué avocat, de sorte que la présente décision sera réputée contradictoire.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l’exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.

La clôture est intervenue le 10 octobre 2023 et l'affaire fixée pour être plaidée le 4 décembre 2023. Le conseil de la MAIF a sollicité la fixation de l’affaire en collégiale. L’affaire a été renvoyée devant le tribunal statuant en formation collégiale le 26 février 2024.

Les parties présentes ont été avisées lors de la clôture des débats de la date à laquelle la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

I – SUR LE DROIT A INDEMNISATION DE [R] [N]

Il résulte des dispositions de la Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite « Loi Badinter », que le droit à indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation est subordonné à quatre conditions cumulatives : l’existence d’un véhicule terrestre à moteur (VTAM), un accident de la circulation, l’implication de ce VTAM dans l’accident, ainsi qu’un dommage causé par l’accident.

Selon l’article 4 de la « Loi Badinter », la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis.

La faute du conducteur victime doit s’apprécier en faisant abstraction du comportement de l’autre conducteur impliqué dans l’accident et doit avoir joué un rôle causal dans la survenance de l’accident pour limiter ou exclure le droit à réparation.

Il résulte de l’article 1245-8 du code civil que c’est à celui qui invoque l’existence d’une faute d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [R] [N] a été victime d’un accident de la circulation, dans lequel le véhicule conduit par Monsieur [C], assuré auprès de la MAIF, est impliqué.

Aucune faute de la victime n’est alléguée par la MAIF, qui ne conteste pas que le droit à indemnisation de [R] [N] au titre du préjudice corporel subi du fait de l’accident, est entier.

La MAIF est par conséquent tenue d’indemniser le préjudice subi par Monsieur [R] [N] et ses proches, en lien avec l’accident dont ce dernier a été victime.

II – SUR LE PREJUDICE CORPOREL SUBI PAR [R] [N], VICTIME DIRECTE

Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime. Ce poste inclut les frais éventuels d'orthèse, de prothèses, para-médicaux ou d'optique.

- Sur les demandes de Monsieur [N]

Monsieur [N] indique que sont restées à sa charge plusieurs dépenses, pour une somme totale de 2.671,15 Euros, décomposée comme suit :
- Appareil auditif : 996,04 Euros,
- Frais d’entretien annuel de l’appareil auditif avant consolidation : 87,67 Euros,
- Franchises CPAM : 770,25 Euros,
- Bas de contention le 21 octobre 2015 : 20 Euros,
- Collyre : 41,60 Euros,
- Facture de pharmacie (attelle doigt) : 14,60 Euros,
- Consultations du docteur [G] (chirurgien de la main : 175,80 Euros),
- Examen EFR du 16 juin 2016 : 28,32 Euros,
- Trois séances de kinésithérapie du 23 octobre 2015 au 19 avril 2016 : 430,91 Euros,
- Bas de contention le 29 janvier 2016 et 11 janvier 2017 : 20,87 Euros,
- Iode pour IRM : 23,49 Euros.

Aux termes de ses dernières conclusions, la MAIF ne conteste plus ces montants, à l’exception d’une partie des franchises médicales.

Le demandeur produit aux débats les relevés adressés par l’assurance maladie entre le 21 octobre 2015 et le 30 novembre 2016, faisant apparaître le montant des franchises appliqués sur l’ensemble des dépenses effectuées sur cette période.

Le relevé du mois de novembre 2015 fait bien apparaître un remboursement partiel de verres et montures de lunettes.

À ce titre, le demandeur indique que ses lunettes ont été brisées lors de l’accident.

Toutefois, Monsieur [N] ne produit pas de justificatif de cet achat. Il convient donc de retrancher la demande correspondant à cette dépense, pour un montant de 503,11 Euros.

Il convient donc d’allouer à Monsieur [N] au titre des dépenses de santé actuelles la somme de (2.671,15 – 503,11) = 2.168,04 Euros.

- Sur la créance de la CPAM

Selon notification des débours à la date du 29 octobre 2018, la CPAM a servi des prestations à hauteur de 68.324,47 Euros, hors indemnités journalières.

La créance de la CPAM au titre des dépenses sa santé actuelles s’élève donc à 68.324,47 Euros.

Les frais divers

Les frais divers comprennent tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Il s’agit notamment des frais liés à l’hospitalisation : location de TV et chambre individuelle notamment et il convient d’accorder à la victime le confort dont elle aurait bénéficié si l’accident ne s’était pas produit.

Il s’agit ensuite des dépenses liées à la réduction d’autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation comme les dépenses liées à l’intervention d’une tierce personne devenue nécessaire pour l’assister dans les actes et démarches de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie. Ce poste de préjudice vise à indemniser la situation de dépendance créée par la perte d'autonomie fonctionnelle de la victime, notamment lorsqu'elle a besoin, du fait de ses blessures, d'être assistée de manière temporaire par une tierce personne. L'indemnisation est effectuée en fonction des besoins de la victime et non de la dépense exposée, si bien que l'indemnité ne saurait être réduite en cas d'assistance par un proche.

- Honoraires de médecin conseil 

Monsieur [N] sollicite à ce titre la somme de 6.140 Euros, correspondant aux honoraires des médecin conseil dans le cadre des opérations d’expertise, que ce soit pour les examens unilatéraux ou les examens contradictoires.

La MAIF propose d’indemniser les honoraires des médecins conseils lors des expertises médicales contradictoires, mais pas pour les rendez-vous unilatéraux.

Les examens unilatéraux participent à part entière à la réalisation des opérations d’expertise nécessaires à l’évaluation du préjudice corporel subi par la victime.

Ils doivent donc être pris en charge, au même titre que les examens contradictoires.

La demande sera par conséquent accueillie, puisqu’intégralement justifiée par des factures correspondantes, à hauteur de 6.140 Euros.

- Frais de déplacement

Monsieur [N] forme une demande sur la base de 1.773 km parcourus, comprenant les km parcourus par lui-même pour se rendre à ses différents rendez-vous médicaux, et par sa femme pour lui rendre visite à l’hôpital (1.998 km).

Il sollicite une somme de 1.886,86 Euros, sur la base d’un coût de 0,595 du Km.

La MAIF ne s’opposant pas à cette demande, il y a lieu d’octroyer la somme de 1.886,86 Euros au titre des frais de déplacement.

- Frais vestimentaires

Monsieur [N] forme une demande à hauteur de 300 Euros correspondant au coût des vêtements qu’il portait sur lui le jour de l’accident, qui ont été découpés.

Il ne produit pas de justificatif corroborant le coût des vêtements.

La MAIF propose la somme de 100 Euros à ce titre.

En l’absence de justificatif, il y a lieu d’octroyer la somme de 150 Euros à ce titre.

- Matériel : équipements qui se trouvaient dans sa voiture
Monsieur [N] indique avoir perdu l’intégralité des équipements qui se trouvaient dans sa voiture, à savoir :
- une petite boîte à outils de secours,
- un coffret d’ampoules de recharge,
- une clé en croix 4 pans,
- un triangle de signalisation.

Il ne produit pas de justificatif concernant ce matériel, qu’il évalue forfaitairement à la somme de 180 Euros.

La MAIF propose une somme de 50 Euros.

En l’absence de justificatif, il y a lieu d’indemniser ce poste de préjudice à hauteur de ce qui est proposé par la MAIF, à savoir 50 Euros.

- Frais d’affranchissement

Monsieur [N] sollicite le remboursement d’un affranchissement effectué le 13 octobre 2015 à la Poste, pour un montant de 5,20 Euros.

La MAIF s’oppose à la demande, faisant valoir que le lien entre cet affranchissement et l’accident n’est pas établi.

Aucun élément ne permet de confirmer que cet envoi serait lié à Monsieur [N], et encore moins à l’accident.

La demande sera rejetée.

- Frais d’avenant d’assurance du véhicule de remplacement

Monsieur [N] a souscrit un nouveau contrat d’assurance pour assurer son véhicule de remplacement, le précédent ayant été détruit à l’occasion de l’accident.

Toutefois, comme le relève la MAIF, aucun justificatif ne vient confirmer l’existence de frais d’avenant, ni leur montant à hauteur de 9,31 Euros.

La demande sera ainsi rejetée.

- Tierce personne temporaire

Le rapport d’expertise relève les besoins suivants en aide humaine :
- 3 heures par jour du 21 octobre au 20 novembre 2015 (31 jours, soit 93 heures),
- 2 heures par jour du 21 novembre 2015 au 20 février 2016 (92 jours, soit 184 heures),
- 1 heure par jour du 21 février 2016 au 20 mai 2016 (90 jours, soit 90 heures),
- 2 heures par semaine du 21 mai 2016 au 21 août 2016 (93 jours, soit 26 heures et 30 minutes)

Le calcul du nombre de jour effectué par Monsieur [N] est exact. Il ajoute cependant qu’il doit être tenu du compte d’un besoin en aide humaine le jour de sa sortie de l’hôpital, le 20 octobre 2015, jour qui n’a pas été retenu par l’expert, ce qui porte le nombre d’heures total à 396H30.

Il y a lieu de retenir le nombre d’heures tel que calculé par Monsieur [N].

Monsieur [N] sollicite une indemnisation sur la base d’un taux horaire de 20 Euros, tandis que la MAIF propose de retenir un taux de 15 Euros, s’agissant d’une personne non spécialisée.

Au vu des besoins de Monsieur [N], il y a lieu de retenir un taux de 18 Euros par heure.

L’assistance par une tierce personne à titre temporaire sera par conséquent indemnisée à hauteur de (396h30 X 18) = 7.137 Euros.

Les frais divers seront donc indemnisés comme suit :
- Honoraires de médecin conseil : 6.140 Euros,
- Frais de déplacement : 1.886,86 Euros,
- Préjudice vestimentaire : 150 Euros,
- Préjudice matériel : 50 Euros,
- Frais d’affranchissement : Rejet,
- Frais d’avenant d’assurance : Rejet,
- Frais d’assistance tierce personne : 7.137 Euros.

Soit un total de 15.363,86 Euros.

La perte de gains professionnels actuels

Les pertes de gains professionnels actuels ont pour objet de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation. L’indemnisation est en principe égale au coût économique du dommage pour la victime : cette perte de revenus se calcule en « net » (et non en « brut »), et hors incidence fiscale.

En l’espèce, Monsieur [N] a été en arrêt de travail du 23 septembre 2015 au 23 novembre 2015, soit deux mois.

Il exerce la profession d’ingénieur au sein de la société AIRBUS.

Il sollicite une indemnisation à plusieurs titres sur le plan professionnel, avant consolidation.

- Perte de gains pendant son arrêt de travail

Le salaire moyen est calculé par les parties sur la période de janvier à octobre 2015.

Les parties s’opposent sur la prise en compte du 13ème mois, versé en avril 2015.

Il y a lieu de retenir, comme le fait Monsieur [N], une proratisation du 13ème mois sur 10 mois, dès lors qu’il s’agit d’une somme garantie qui fait partie intégrante de la rémunération de base, ce qui aboutit à un salaire net moyen de référence de 5.269,73 Euros.

Sur les mois d’octobre et novembre 2015, Monsieur [N] aurait donc dû percevoir une somme de 10.539,46 Euros net.

Il convient de revaloriser cette somme sur la base de l’Indice des Prix à la consommation, afin de tenir compte de la dépréciation monétaire, sur la base de l’indice de novembre 2022 proposé par le demandeur. Le salaire revalorisé qu’aurait dû percevoir Monsieur [N] s’élève donc à 11.988,22 Euros.

Sur cette période, il n’est pas contesté que Monsieur [N] a perçu des indemnités journalières à hauteur de 1.247,13 Euros et que ses salaires se sont élevés à 7.651,16 Euros, soit un total perçu de 8.898, 29 Euros.

La perte de gains professionnels actuels s’élève donc à (11.988,22 – 8.898,29) = 3.089,93 Euros.

- Perte de gains sur l’intéressement et la participation

Les parties s’accordent sur le fait que Monsieur [N] a manqué une somme de 311,76 Euros Net au titre de la perte de gains sur l’intéressement.

Sur la perte de participation, la MAIF ne s’oppose pas sur le principe mais relève une erreur de calcul dans le montant. Les parties s’accordent sur le fait que Monsieur [N] a perçu une participation pour l’année 2015 de 1.913,61 Euros net.

En revanche, Monsieur [N] soutient qu’il aurait dû percevoir la somme de 2.126,57 Euros net tandis que la MAIF soutient qu’il aurait dû percevoir la somme de 2.086,36 Euros net.

Le courrier produit aux débats indique que pour un temps complet, Monsieur [N] aurait dû percevoir une participation de 1.156,08 Euros, somme à laquelle il convient d’ajouter un montant correspondant à un pourcentage du salaire annuel de référence plafonné, soit 1.111,69 Euros, outre des intérêts de retard de 2,70 Euros, soit un total de 2.270,47 Euros. Après déduction de la CSG/CRDS, le montant net qu’il aurait dû percevoir s’élève à 2.088,84 Euros.

Sa perte s’élève donc à (2.088,84 – 1.913,61) = 175,23 Euros.

Les pertes s’élèvent par conséquent à :
- 311,76 Euros au titre de la perte de gains sur l’intéressement,
- 175,23 Euros au titre de la perte de gains sur participation,
Soit un total de 486,99 Euros.

Les sommes en cause ont été versés en mai 2016. L’évaluation de l’inflation sera donc établie entre juin 2016 et novembre 2022, dernier indice retenu par Monsieur [N].

Il convient de revaloriser ces sommes sur la base de l’indice de novembre [V] [P] -2017099776Est-ce que je dois prendre l’indice le plus proche de la décision ? même si ça aboutit à un montant plus élevé ? La demanderesse évoque l’indice de novembre 2022, mais dans son dispositif, elle met « à parfaire »... ?
2022, soit :
(486,99 x 113,53/100,64) = 549,36 Euros.

- Perte liée à l’absence d’augmentation de salaire en 2016

Monsieur [N] indique que lorsqu’il a repris son activité, il a été contraint d’aménager son temps de travail en raison de sa grande fatigabilité et pour se rendre à ses différents rendez-vous médicaux. Il soutient que de ce fait, il n’a pas pu bénéficier d’une augmentation de salaire en 2016, alors qu’il en avait bénéficié en 2015, et qu’il en a à nouveau bénéficié en 2017 et 2018.

La MAIF relève que Monsieur [N] ne verse pas d’historique antérieur à 2015 de sorte qu’il est impossible de savoir si ces augmentations avaient un caractère automatique et souligne que ces augmentations ne semblent pas liées à des objectifs précis atteints par le salarié, mais résultent de négociations annuelles. La MAIF souligne également qu’il ressort de la comparaison des bulletins de paie des années 2013 et 2014 que Monsieur [N] n’avait pas perçu d’augmentation sur ces deux années, ce que Monsieur [N] ne conteste pas.

Il ressort de ce qui précède que n’est pas fourni aux débats d’historique ancien des augmentations annuelles, qui aurait pu permettre de démontrer le caractère automatique de cette augmentation annuelle.

Le caractère automatique d’une telle augmentation n’étant pas avéré, il n’apparaît pas certain que Monsieur [N] aurait été augmenté en 2016, et encore moins qu’une telle absence d’augmentation serait liée à l’accident.

La demande sera rejetée.

- Perte sur rémunération variable annuelle

Monsieur [N] fait valoir que chaque année il perçoit une rémunération variable au mois d’avril, en fonction de ses résultats.

Il indique qu’en 2016, il n’a atteint que 80% de ses objectifs. Il calcule ainsi la perte de rémunération sur la base de la somme qu’il aurait dû percevoir en atteignant 100% de ses objectifs.

La MAIF s’oppose à cette demande, soutenant qu’il n’est pas démontré que la perte sur la rémunération variable pour l’année 2016 a pour origine de manière certaine et directe l’accident survenu en 2015. Il indique également que le taux de rémunération variable n’était pas de 11% en 2014.

Il n’est pas contesté que Monsieur [N] avait atteint 100% de ses objectifs en 2015, puis à nouveau en 2017 et 2018.

Il n’est pas non plus sérieusement contestable que l’année 2016 a été difficile pour Monsieur [N] qui subissait de plein fouet les suites de son accident.

Il y a lieu de considérer par conséquent qu’il aurait atteint, en l’absence de survenance de l’accident, 100% de ses objectifs.

Il aurait donc dû percevoir une prime variable en conséquence, calculée à 1.366,18 Euros net, puisqu’il aurait dû percevoir 8.811 Euros alors qu’il a perçu 7.050 Euros au titre de cette prime, qui s’élève à 11% sur cette année.

Il y a lieu de revaloriser cette somme sur la base de l’évolution de l’Indice des prix à la consommation, ce qui aboutit, en prenant l’indice d’avril 2017 et de novembre 2022, à une somme de 1.532,17 Euros.

Les pertes de gains professionnels actuels seront donc indemnisées sur la base suivante :
- Arrêts de travail : 3.089,93 Euros,
- Perte participation et intéressement : 548,36 Euros,
- Perte rémunération variable annuelle : 1.532,17 Euros,
Soit un total de 5.170,46 Euros.

La MAIF sera condamnée à verser la somme de 5.170,46 Euros à Monsieur [N] à ce titre.

La créance de la CPAM au titre des indemnités journalières versées s’élève à 1.336,72 Euros.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents

Sur les dépenses de santé futures

Elles correspondent aux frais médicaux exposés après la consolidation.

Dans le rapport de synthèse du 22 août 2018, l'expert a retenu au titre des dépenses de santé futures :
- le renouvellement des bas de contention,
- prise en charge de l’appareil auditif et son renouvellement.

Monsieur [N] sollicite au titre des dépenses de santé futures une somme de 6.469,95 Euros et indique que certains frais futurs sont réservés, pouvant advenir s’agissant de symptômes à l’œil gauche, au pied gauche, et à la jambe gauche.

La MAIF conclut à titre principal au rejet des demandes au titre des dépenses de santé futures, soulignant que la CPAM n’a évoqué aucune dépense post-consolidation dans son état des débours.

Cela ne saurait pour autant faire échec à toute demande de Monsieur [N] sur ce point, dans la mesure où les besoins ont été reconnus par les experts, et ne sont pas contestés.

- Demande au titre des bas de contention

Monsieur [N] indique qu’il renouvelle ses bas de contention tous les 1,5 mois pour un montant de 43,78 Euros, avec un reste à charge de 11,91 Euros.

La MAIF répond que la notice des bas précise qu’ils ont une durée de vie de 3 à 6 mois, et il convient donc de prendre en charge trois paires par an. Elle ne conteste pas le montant du reste à charge énoncé.

Aucun élément n’est produit sur ce point par le demandeur. Au vu de la notice précitée, il y a lieu d’indemniser à raison de cinq paires par an, pour un montant annuel de (5 x 11,91) = 59,55 Euros par an.

Au titre des arrérages échus entre la date de consolidation (23 mars 2017) et la date du présent jugement (27 mai 2024), la somme s’élève ainsi à 427,94 Euros.

Capitalisation viagère à compter du 27 mai 2024 :

Monsieur [N] demande la capitalisation sur le barème de la Gazette du Palais 2020 pour un homme de 59 ans.

Sur cette base, les arrérages à échoir s’élèvent à : 59,55 X 23,346 = 1.390,25 Euros.

Soit une somme totale pour les bas de contention de 427,94 + 1.390,25 = 1.818,19 Euros.

- Demande au titre des appareils auditifs

Monsieur [N] indique d’abord avoir acquis un appareil auditif en 2021, avec un reste à charge de 150 Euros.

Il indique que malgré la préconisation de l’expert portant sur un renouvellement tous les cinq ans, il convient de retenir un renouvellement tous les 4 ans en raison d’un changement de règlement.

Sur la base d’un renouvellement de l’appareil tous les quatre ans, il fait valoir que le coût de renouvellement annuel s’élève à 37,50 Euros par ans (150/4).

La MAIF soutient que le docteur [X] a préconisé un renouvellement tous les cinq ans.

Monsieur [N] ne précisant pas la pièce qui fonde sa demande de renouvellement tous les quatre ans, il y a lieu de retenir une indemnisation sur la base d’un renouvellement tous les cinq ans, soit 30 Euros par an (150/5).

Le prochain renouvellement intervenant en 2026, il convient d’appliquer la capitalisation applicable pour un homme de 61 ans, soit 21,785.

Les frais s’élèvent donc à 30 x 21,785 = 653,55 Euros.

L’indemnisation au titre du coût d’acquisition de l’appareil auditif et du renouvellement de l’appareil est donc de 150 + 653,55 = 803,55 Euros.

Monsieur [N] forme ensuite une demande relative à l’achat de piles du matériel, indiquant que sur une année, les piles représentent 140 Euros, avec un reste à charge annuel de 70 Euros, ce que la MAIF ne conteste pas.

Au titre des arrérages échus au jour du jugement, l’indemnisation s’élève donc à 503,04 Euros.

Au titre des arrérages à échoir, à compter du 27 mai 2024, Monsieur [N] étant aujourd’hui âgé de 59 Ans, la capitalisation doit être faite sur la base de 23,346, soit une indemnisation de 70 X 23,346 = 1.634,22 Euros.

La somme totale au titre des piles s’élève donc à 503,04 + 1.634,22 = 2.137,26 Euros.

Monsieur [N] sollicite également une indemnisation au titre de l’entretien du matériel auditif, correspondant à l’achat de produit dessicant représentant 14 Euros par an, ce que la MAIF ne conteste pas.

Les arrérages échus au jour du jugement s’élèvent à 14 x 7 ans = 98 Euros.

Les arrérages à échoir s’élèvent, pour un homme âgé de 59 ans, à 14 x 23,346 = 326,84 Euros.

La somme totale au titre du nettoyage du matériel s’élève donc à 98 + 326,84 = 424,84 Euros.

La MAIF sera par conséquent condamnée à verser à Monsieur [N] la somme totale de :
1.818,19 + 803,55 + 2.137,26 + 424,84 = 5.183,84 Euros.

Sur la perte de gains professionnels

Les pertes de gains professionnels futurs correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à compter de la
date de consolidation.

En l’espèce, Monsieur [N] allègue à ce titre que son absence d’augmentation de salaire en 2016 se répercutera sur toute sa carrière et sollicite une indemnisation à ce titre.

Toutefois, le tribunal a rejeté la demande de Monsieur [N] au titre de l’absence d’augmentation en 2016, ce qui entraîne le rejet de la demande fondée sur l’impact de cette absence d’augmentation sur le reste de la carrière du demandeur.

Sur l’incidence professionnelle

L'incidence professionnelle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible.

Elle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe, imputable au dommage, ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap, aussi bien rémunéré mais de moindre intérêt.

L'incidence professionnelle inclut également toute perte de chance tant dans le cadre de la formation qu'au titre de l'activité professionnelle : une perte de chance de promotion, une perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire, universitaire ou professionnelle, ou encore certaines catégories d'emplois fermées en raison du handicap séquellaire.

En l’espèce, Monsieur [N] allègue à ce titre une perte de chance de promotion professionnelle, ainsi qu’une dévalorisation et une pénibilité au travail.

- Sur la perte de chance de promotion professionnelle

Monsieur [N] fait valoir qu’il exerçait en qualité d’adjoint au chef de projet, que son chef de projet est parti en octobre 2016, de sorte que son poste était vacant, mais que Monsieur [N] n’a pas pu accéder à ce poste.

Il soutient que c’est en raison des séquelles qu’il présentait et du suivi médical qui s’en est suivi qu’il a perdu une chance d’être nommé à ce poste.

La MAIF s’oppose à cette demande, faisant valoir que rien ne permet de considérer que Monsieur [N] aurait pu accéder à ce poste en l’absence d’accident, Monsieur [N] ne justifiant pas qu’il était en lice pour le poste, ni qu’il y ait postulé.

Si Monsieur [N] établit que de nouvelles personnes ont été nommées chef de projet à la place de l’ancien chef de projet auprès de qui Monsieur [N] travaillait, aucun document versé aux débats ne vient confirmer le fait que Monsieur [N] souhaitait devenir chef de projet, avait une chance de le devenir, et n’a pu le devenir du fait de son accident.

Faute d’élément à l’appui de sa demande, celle-ci sera rejetée.

- Sur la dévalorisation et la pénibilité au travail

Monsieur [N] indique qu’il présente une grande fatigabilité au travail et indique se sentir frustré de ne pas pouvoir évoluer professionnellement.

Le rapport d’expertise du 22 août 2018 indique que « L’intéressé avait repris rapidement son activité professionnelle et s’était beaucoup investi. Il persistait de multiples troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire accompagnés d’éléments anxio-dépressifs. Le bilan neuropsychologique avait confirmé le ressenti du blessé. ».

L’expertise rappelle que le psychiatre ayant examiné Monsieur [N] en 2017 avait relevé que ce dernier avait développé des troubles de l’attention, de la concentration, de la mémoire, des éléments d’un état de stress post-traumatique qui se sont atténués et des troubles anxieux.

La fatigabilité et la pénibilité sont donc établies.

La dévalorisation alléguée n’est quant à elle pas explicitée par des documents, étant rappelé que Monsieur [N] est resté dans l’entreprise, qu’il a réintégrée deux mois après son accident, et y est demeuré jusqu’à ce jour, sans déclassement.

Il n’est cependant pas pertinent d’établir une corrélation dans le mode de calcul entre le salaire de Monsieur [N] et le montant de l’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle liée à la pénibilité et la fatigabilité accrue, dont l’importance n’est pas liée au niveau de rémunération.

Compte tenu des éléments qui précèdent, de l’âge de Monsieur [N] à la date de la consolidation (52 ans), et de la durée prévisible pendant laquelle il subira l’incidence professionnelle décrite, il convient d’évaluer ce poste de préjudice à 35.000 Euros.

Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux

Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Il inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation, les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Les parties sont uniquement en désaccord sur le taux journalier, Monsieur [N] sollicitant une indemnisation sur la base de 26 Euros par jour, tandis que la MAIF propose 25 Euros par jour.

Il y a lieu de fixer l’indemnisation sur une base de 26 Euros par jour, de sorte que l’indemnisation sera calculée de la façon suivante :
- DFTT du 23 septembre 2015 au 20 octobre 2015 : 28 jours x 26 Euros = 728 Euros,
- DFTP du 21 octobre 2015 au 20 novembre 2015 de 75% : 31 jours X 26 X 75% = 604,50 Euros,
- DFTP du 21 novembre 2015 au 20 février 2016 de 50% : 92 jours X 25 X 50% = 1.196 Euros,
- DFTP du 21 février 2016 au 20 mai 2016 de 33% : 90 jours X 26 X 33% = 772,20 Euros,
- DFTP du 21 mai 2016 au 23 mars 2017 de 25% : 307 jours X 26 X 25% = 1.995,50 Euros.

Il sera fait droit à la demande d’indemnisation à hauteur de la somme demandée par Monsieur [N], soit 5.296,20 Euros.

Souffrances endurées

Ces souffrances recouvrent toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que des troubles associés que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour des faits à celui de sa consolidation. À compter de la consolidation, les souffrances endurées relèvent du déficit fonctionnel permanent et sont donc indemnisées à ce titre.

Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l’origine desdites souffrances de sorte qu'il ne peut faire l'objet d'une indemnisation distincte.

Monsieur [N] sollicite une somme de 35.000 Euros à ce titre, rappelant :
- ses blessures initiales,
- ses 28 jours d’hospitalisation,
- la pose d’un drain pleural,
- la survenue d’une péricardite post-traumatique,
- l’immobilisation de la main pendant 6 semaines,
- la réalisation d’une embolisation des faux anévrismes,
- les séances de rééducation fonctionnelle de la main droite,
- les séances de kinésithérapie respiratoire,
- le port de bas de contention,
- la nécessité de porter un appareil auditif bilatéral,
- l’apprition de la maladie de Dupruytren au niveau de la main droite,
- une dermite ocre dans la région sous-malloéolaire interne gauche,
- un important retentissement psychologique.

La MAIF propose une indemnisation de 20.000 Euros.

L’expert a côté les souffrances endurées à 4,5/7, compte tenu des lésions initiales et de leurs conséquences évolutives.

Dès lors, compte tenu de ces éléments, le poste de préjudice relatif aux souffrances endurées sera évalué à la somme de 25.000 Euros.

Le préjudice esthétique temporaire

Il s'agit du préjudice lié aux altérations de l'apparence physiques subies par la victime jusqu'à la consolidation.

En l'espèce, Monsieur [N] sollicite l'allocation de la somme de 4.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

Il rappelle à ce titre que son apparence physique a été altérée de façon importante, en raison :
- des soins réalisés dans les suites immédiates de l’accident (pose d’un drain pleural, d’une perfusion, de pansements)
- du port d’une attelle de la main droite pendant 6 semaines,
- des différents hématomes, ayant mis plusieurs semaines à s’atténuer sur le visage, la cuisse gauche, la main droite.

La MAIF propose une indemnisation de 1.500 Euros.

L’expert a côté le préjudice esthétique temporaire jusqu’au 20 novembre 2015 à 4/7.

Monsieur [N] a produit aux débats des photographies de ses jambes et de sa main qui témoignent de l’ampleur des hématomes et blessures.

Il convient d'évaluer ce préjudice esthétique temporaire à la somme de 3.000 Euros.

Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux permanents

Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie, les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence et de manière générale la perte d'autonomie dans les activités personnelles et la privation définitive des agréments normaux de l'existence, du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Monsieur [N] considère que le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 45.000 euros, sur une base de 2.250 euros le point.

La MAIF suggère une indemnisation de 33.000 Euros.

En l'espèce, l'expert judiciaire a évalué le déficit fonctionnel permanent à 20 % rendant compte de séquelles psychiques et neurocognitives, ORL et somatiques.

Dès lors, compte tenu de l'âge de Monsieur [N] à la date de la consolidation de son état, soit 52 ans, de sa situation personnelle et de la nature des séquelles subies, le déficit fonctionnel permanent sera évalué à la somme de 40.000 Euros.

Le préjudice esthétique définitif

Il s'agit du préjudice lié à l'existence de cicatrices ou de mutilations mais également de tous les éléments de nature à altérer l'apparence ou l'expression.

Monsieur [N] sollicite l'allocation de la somme de 12.000 euros au titre du préjudice esthétique définitif et allègue des séquelles suivantes :
- au niveau du membre inférieur gauche : cicatrice au tiers moyen de la face externe de la cuisse gauche de 4,5 cm x 2,5 cm, perte de substance sous-cutanée, stigmate un peu rosé à l’extrémité inférieure de la cuisse gauche, cicatrice au niveau du tiers moyen de la jambe d’1 cm x 3 mm et discrète dermite ocre au niveau rétro-malléolaire interne du côté gauche,
- au niveau du thorax : petit enfoncement latéro-thoracique antérieur du côté gauche dans la région située en dessous de la cicatrice du drain, cicatrice du drain mesurant 18 mm dans l’axe horizontal et 7 mm dans l’axe vertical, encore rougeâtre et inflammatoire, et en dessous de la cicatrice de drain, petite cicatrice de 1 cm x 2 mm,
- au niveau de la main droite : rétraction à la face palmaire en regard du 4ème rayon, deux stigmates de 1,5 cm un peu hyperchromiques et plusieurs stigmates proches de l’interligne du poignet de 0,5 cm,
- appareillage auditif bilatéral.

La MAIF propose une indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 4.500 Euros, soulignant que les cicatrices sont toutes cachées et que les stigmates au niveau de la main droite sont petits.

Il ressort du rapport d'expertise que, à la suite des faits, Monsieur [N] présente des séquelles constituant un préjudice esthétique permanent évalué à 3/7.

Compte tenu de la localisation des séquelles esthétiques (membre inférieur, main et thorax), et de leur nature (cicatrices moyennes et petits stigmates), il convient de lui allouer la somme de 6.000 Euros en réparation du préjudice esthétique définitif.

Préjudice sexuel

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel et la fertilité.

En l’espèce, Monsieur [N] sollicite l'allocation d'une somme de 15.000 euros au titre de ce chef de préjudice, soulignant qu’il n’a plus aucune libido et qu’il présente une abstinence totale, ce qui provoque des frictions dans son couple.

La MAIF propose à ce titre une somme de 5.000 Euros.

En l’espèce, l’expert a retenu un préjudice sexuel spécifique avec une perte de libido.

En l’absence d’atteinte aux organes sexuels, à l’acte sexuel ou à la fertilité, il y a lieu d’indemniser le préjudice à hauteur de 6.000 Euros.

Sur le préjudice d'agrément

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive et de loisirs spécifique, ainsi que les limitations ou les difficultés à poursuivre cette activité. Il appartient aux juges du fond de caractériser un poste de préjudice d’agrément distinct des autres postes de préjudice et notamment du déficit fonctionnel permanent, lequel inclut tous les troubles perçus dans les conditions d'existence.

Il appartient la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives, d’adhésion à des associations ou des attestations. L'appréciation s’effectue in concreto en fonction des justificatifs et de l'âge.

Monsieur [N] sollicite à ce titre une indemnisation de 10.000 Euros et la MAIF s’oppose à la demande.

En l’espèce, Monsieur [N] indique qu’il avait pour habitude de faire du jogging et des sorties à vélo en famille, ce que confirment ses proches.

Il produit aux débats une attestation du docteur [B] datée du 1er décembre 2022 établie en complément de l’expertise qui ne s’était pas prononcée sur un éventuel préjudice d’agrément. Elle précise que les experts avaient considéré que Monsieur [B] était dans l’impossibilité de reprendre le jogging et le VTT, mais qu’ils avaient omis de le préciser dans le rapport.

L’abandon de ces pratiques de loisir est donc établi et en lien avec l’accident.

S’agissant de pratiques dans un cadre familial, le préjudice d’agrément sera indemnisé à hauteur de 3.000 Euros.

Le préjudice total de Monsieur [N] s’élève donc à :

- Préjudices patrimoniaux : 2.168,04 + 15.363,86 + 5.171,46 + 5.183,84 + 35.000 = 62.887,20 Euros
- Préjudices extra-patrimoniaux : 5.296,20 + 25.000 + 3.000 + 40.000 + 6.000 + 6.000 + 3.000 = 88.296,20 Euros.

Soit un total de 151.183,40, dont il convient de déduire les provisions déjà reçues par Monsieur [N].

Sur la demande au titre du doublement du taux d’intérêt

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité doit être faite à la victime dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L’article précise également que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime, et que dans ce cas, l’offre définitive d’indemnisation doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

L'article L 211-13 du code des assurances indique que lorsqu'aucune offre amiable n'a été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai.

Il en ressort que lorsque l’assureur n’a pas été informé de la consolidation de la victime dans les trois mois de l’accident, il a l’obligation de faire une offre provisionnelle dans les 8 mois à compter de l’accident. Dès qu’il est informé de la consolidation, il dispose d’un délai de cinq mois pour faire une offre définitive.

Le dernier alinéa de l’article L 211-9 du code des assurances prévoit enfin que : « En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres ».

Monsieur [N] fait valoir que l’assureur n’a formulé aucune offre, fusse provisionnelle, dans le délai de huit mois à compter de l’accident.

- Sur le point de départ du délai

La MAIF ne peut valablement se prévaloir d’un report du point de départ du délai à la date de consolidation, la consolidation faisant courir le délai pour la présentation d’une offre définitive, mais ne dispensant pas l’assureur de présenter une offre provisionnelle dans le délai initial de huit mois à compter de l’accident.

La MAIF soutient qu’en raison des conventions entre assureurs, c’est la GMF qui avait initialement le mandat d’indemnisation et que ce mandat n’a été transféré à la MAIF que le 24 mai 2017.

Toutefois, les conventions d’indemnisation entre assureurs ne sont opposables qu’entre assureurs, de sorte que la victime peut toujours se prévaloir des dispositions légales imposant à l’assureur de responsabilité du véhicule impliqué de faire une offre d’indemnisation, et réclamer à son encontre la sanction prévue par l’article L 211-3 précité, même s’il n’est pas celui désigné selon les critères de la convention IRCA.

Le point de départ du délai de présentation d’offre a donc bien commencé à courir à compter de l’accident.

Or, en l’espèce, il n’est pas contesté qu’aucune offre – même provisionnelle- n’a été faite à la victime dans le délai de huit mois à compter de l’accident, de sorte que la sanction du doublement des intérêts a commencé à courir à l’expiration du délai de huit mois, soit le 23 mai 2016.

- Sur le point d’arrivée des intérêts au double du taux légal

S’agissant du point d’arrivée des intérêts au double du taux légal, il ressort de la combinaison des articles L 211-9 et L 211-13 précités que, d’une part une offre d’indemnisation définitive doit être formulée dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation de la victime, d’autre part qu’une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d’offre et enfin, qu’une offre incomplète, qui ne comprend pas tous les éléments indemnisables du préjudice, équivaut à une absence d’offre.

En l’espèce, une première offre a été présentée le 18 avril 2019, sur la base des conclusions des docteurs [Y] [S] et [W] [B] – dont la MAIF ne démontre pas qu’elle aurait eu connaissance tardivement.

Il y a lieu de constater que cette offre n’est pas complète dès lors qu’elle ne contient aucune proposition au titre notamment de la perte de gains professionnels, et aucune mention de la créance de la CPAM, alors même qu’il est démontré que la MAIF était en possession du montant de cette créance qu’elle avait réglée en 2018.

La MAIF ne se prévaut pas des offres ultérieures évoquées par le demandeur comme ayant constitué le point d’arrivée des intérêts, mais soutient à titre subsidiaire que les présentes conclusions doivent être retenues comme terme le plus lointain.

Il n’est pas contestable que la proposition faite par la MAIF dans le cadre des présentes conclusions présente un caractère complet et n’est pas manifestement insuffisante, au regard des montants retenus par le tribunal.

La date des dernières conclusions de la MAIF, régularisées le 12 mai 2023, sera prise en compte comme terme du doublement d’intérêts.

L’assiette des intérêts sera constituée par l’ensemble des sommes allouées par le tribunal, provisions non déduites, mais hors créances des tiers payeurs.

L’anatocisme des intérêts sera ordonné.

III – SUR LE PREJUDICE SUBI PAR LES VICTIMES INDIRECTES

Demandes de Madame [E] [N]

Sur le préjudice d'affection

Le préjudice d'affection se définit comme le préjudice moral subi par certains proches à la vue de la douleur, de la déchéance et de la souffrance de la victime directe. Il convient d'inclure à ce titre le retentissement pathologique avéré que la perception du handicap de la victime survivante a pu entraîner chez certains proches.

En l’espèce, Madame [N], l’épouse de la victime, sollicite à ce titre une somme de 10.000 Euros. Elle indique avoir été présente quotidiennement auprès de son mari pendante toute la période d’hospitalisation et après le retour à domicile pour le soutenir. Elle soutient que l’état de stress post-traumatique et état anxiodépressif réactionnel présenté par son mari suite aux faits a impacté leur vie quotidienne, des troubles persistant à ce jour.

La MAIF propose à ce titre une indemnisation de 5.000 Euros.

Au vu de l’impact d’écrit par Madame [N], le préjudice d’affection sera justement indemnisé à la somme de 5.000 Euros.

Sur le préjudice sexuel

Madame [N] sollicite à ce titre une indemnisation, dans les mêmes proportions que la demande effectuée par son mari, à savoir 15.000 Euros.

La MAIF s’oppose à la demande, faisant valoir que cette demande fait doublon avec celle présentée par Monsieur [N], ayant le même objet.

Si la demande a pour origine le même fait, il ne peut être considéré qu’elle ferait doublon, dans la mesure où Madame [N] subit à titre personnel également les effets de la perte de libido de son mari.

Toutefois, si elle en subit les effets par ricochet, elle n’éprouve pas personnellement cette perte de libido, de sorte que son préjudice est nécessairement moindre.

Elle sera ainsi indemnisée à hauteur de 3.000 Euros.

Demandes des quatre enfants du couple

Les enfants sollicitent une indemnisation au titre des troubles dans leurs conditions d’existence, à hauteur de 4.000 Euros chacun.

Ils indiquent avoir été très angoissés de voir leur père grièvement blessé avec un pronostic vital engagé et qu’après le retour de ce dernier à domicile, ses séquelles neurocognitives ont impacté de façon négative la vie familiale.

La MAIF propose à ce titre une somme de 1.500 Euros par enfant.

Compte tenu des circonstances décrites, le préjudice par ricochet subi par les enfants de Monsieur [N] sera justement indemnisé à raison de 2.000 Euros par enfant.

Sur les autres demandes

Par application de l’article 696 du code de procédure civile la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, LA MAIF, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La MAIF sera condamné à payer aux consorts [N] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la cause, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par décision rendue publiquement par mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,

- CONDAMNE la société d’assurance mutuelle MAIF à verser à Monsieur [R] [N] la somme globale, hors provision, de 151.183,40 Euros, décomposée comme suit :
- Dépenses de santé actuelles : 2.168,04 Euros,
- Frais divers, incluant l’assistance tierce personne : 15.363,86 Euros,
- Perte de gains professionnels actuels : 5.171,46 Euros,
- Dépenses de santé futures : 5.183,84 Euros,
- Incidence professionnelle : 35.000 Euros,
- Déficit fonctionnel temporaire : 5.296,20 Euros,
- Souffrances endurées : 25.000 Euros,
- Préjudice esthétique temporaire : 3.000 Euros,
- Déficit fonctionnel permanent : 40.000 Euros,
- Préjudice esthétique définitif : 6.000 Euros,
- Préjudice sexuel : 6.000 Euros,
- Préjudice d’agrément : 3.000 Euros.

Somme dont il convient de déduire les provisions déjà versées à Monsieur [R] [N],

- DEBOUTE Monsieur [R] [N] du surplus de ses demandes,

- DIT que cette somme portera intérêts, avant déduction des provisions versées mais hors créance des tiers payeurs, au double du taux légal du 23 mai 2016 au 12 mai 2023, et ensuite au taux légal,

- ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, à compter du présent jugement en application de l’article 1343-2 du code civil,

- CONSTATE que la créance de la CPAM s’élève à 68.324,47 Euros au titre des dépenses de santé et 1.336,72 Euros au titre des indemnités journalières,

- CONDAMNE la société d’assurance mutuelle MAIF à verser à Madame [E] [H] épouse [N] la somme totale de 8.000 Euros,

- CONDAMNE la société d’assurance mutuelle MAIF à verser à Monsieur [F] [N], Monsieur [Z] [N], Madame [M] [N] et Monsieur [A] [N] la somme de 2.000 Euros chacun,

- DEBOUTE Madame [E] [N], Monsieur [F] [N], Monsieur [Z] [N], Madame [M] [N] et Monsieur [A] [N] du surplus de leurs demandes,

- CONDAMNE la société d’assurance mutuelle MAIF à verser à Messieurs [R], [F], [Z], et [A] [N] et à Mesdames [E] et [M] [N] la somme globale de 3.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la société d’assurance mutuelle MAIF aux dépens, dont distraction au profit de Me PERINI MIRSKI,

- DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Ainsi fait et rendu le VINGT SEPT MAI DEUX MIL VINGT QUATRE, par Sandrine LABROT, Vice-Présidente, assistée de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire d'Évry
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/06639
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;21.06639 ?
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