La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/08/2024 | FRANCE | N°22/03556

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 13 août 2024, 22/03556


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
13 AOÛT 2024


N° RG 22/03556 - N° Portalis DB22-W-B7G-QWE6
Code NAC : 71F



DEMANDEURS :

1/ Madame [Z] [G] veuve [H],
née le 25 Janvier 1955 à [Localité 6] (75),
demeurant [Adresse 3],

2/ Madame [L] [O] [H],
née le 05 Juin 1986 à [Localité 7] (78),
demeurant [Adresse 2],

3/ Madame [W] [R] [H],
né le 25 Juin 1993 à [Localité 7] (78),
demeurant [Adresse 5],

représentées par Maître Jérôme NALET de la SELARL LYVEAS

AVOCATS, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.



DÉFENDEURS :

1/ Le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier [Adresse 4] ...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
13 AOÛT 2024

N° RG 22/03556 - N° Portalis DB22-W-B7G-QWE6
Code NAC : 71F

DEMANDEURS :

1/ Madame [Z] [G] veuve [H],
née le 25 Janvier 1955 à [Localité 6] (75),
demeurant [Adresse 3],

2/ Madame [L] [O] [H],
née le 05 Juin 1986 à [Localité 7] (78),
demeurant [Adresse 2],

3/ Madame [W] [R] [H],
né le 25 Juin 1993 à [Localité 7] (78),
demeurant [Adresse 5],

représentées par Maître Jérôme NALET de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDEURS :

1/ Le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier [Adresse 4] représenté par son syndic en exercice, la société AFFAIRES A SUIVRE, société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro
511 450 058 dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représenté par Maître Edith COGNY de la SCP BERTHAULT - COGNY, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

2/ La société AFFAIRES A SUIVRE, société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 511 450 058 dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

* * * * * *

ACTE INITIAL du 15 Juin 2022 reçu au greffe le 27 Juin 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 16 Mai 2024 M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 13 Août 2024.

* * * * * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L'ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 7] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965.

L'ensemble est administré par la société AFFAIRES A SUIVRE, ès qualités de syndic. L'immeuble est composé de trois bâtiments (A, B et C), dont les bâtiments A et B en façade sur rue.

Mmes [Z] [G] veuve [H], [L] [H] et [W] [H] (ci-après, l'indivision [H]) sont propriétaires en indivision du lot n°2, situé au sein du bâtiment A de cet ensemble et consistant en un local commercial situé au rez-de-chaussée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, le syndic a adressé à l'indivision [H] la convocation à l'assemblée générale ordinaire du
6 avril 2022 faisant notamment état de deux projets de résolution, l'une proposant l'exécution de travaux de ravalement des façades côté rue des bâtiments A et B (projet de résolution n°20), la seconde proposant de délivrer autorisation à l'indivision [H] de procéder aux travaux de ravalement de la devanture du local commercial (projet de résolution n°27).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mars 2022, l'indivision [H] a contesté auprès du syndic la mise au vote du projet de résolution n°27, estimant qu'il ne lui appartenait pas de supporter seule les frais de ravalement de la façade du local commercial.

Lors de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 6 avril 2022, les résolutions n°20 et n°27 ont été adoptées à la majorité, l'indivision [H] ayant voté contre.

Par actes du 15 juin 2022, Mme [Z] [G] veuve [H], Mme [L] [H] et Mme [W] [H] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] (ci-après, le syndicat des copropriétaires) ainsi que la société AFFAIRES A SUIVRE devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins, principalement, d'annulation des résolutions n°20 et 27 de l'assemblée générale des copropriétaires du 6 avril 2022.

La clôture de l'instruction est intervenue le 26 mars 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par dernières écritures du 18 décembre 2023, l'indivision [H] demande au tribunal de :

- les juger recevables et bien fondées en leurs prétentions ;

A titre principal,
- ordonner l'annulation des résolutions n°20 et 27, adoptées lors de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] à [Localité 7] du 6 avril 2022 ;
- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, pris en la personne de son syndic en exercice, la société AFFAIRES A SUIVRE, et la société AFFAIRES A SUIVRE, à titre personnel, à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, pris en la personne de son syndic en exercice, la société AFFAIRES A SUIVRE, et la société AFFAIRES A SUIVRE, à titre personnel, aux dépens avec recouvrement
direct ;

A titre subsidiaire,
- condamner la société AFFAIRES A SUIVRE à leur payer la somme de
19 578,57 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner la société AFFAIRES A SUIVRE, à titre personnel, à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société AFFAIRES A SUIVRE, à titre personnel, aux dépens avec recouvrement direct.

Principalement, l'indivision [H] fait valoir, sur le fondement de l'abus de majorité ainsi que des articles 1240 du code civil et 9 de la loi du 10 juillet 1965, qu'en ce qu'elle implique l'exécution de travaux de ravalement sur l'ensemble de la façade de l'immeuble à l'exclusion de celle concernant son propre lot, la conduisant dès lors à participer financièrement à des travaux profitant à l'ensemble des lots à l'exception du sien, l'adoption de la résolution n°20 constitue un abus de majorité par rupture d'égalité, la partie de la façade concernant son lot étant aussi dégradée que le reste de l'ouvrage et aucune contrepartie ne lui ayant été accordée. Elle conteste avoir formé une demande d'autorisation à exécuter des travaux de ravalement, à ses frais exclusifs et souligne que la résolution n°27, votée à la majorité de l'article 25 b) ne pouvant concerner que des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, ne pouvait tendre à la réalisation de travaux d'ordre privatif.

Elle soutient que l'ensemble de la façade de l'immeuble, y compris la partie concernant son lot, constitue une partie commune, en application de l'article 7 du règlement de copropriété qui définit les façades comme des parties communes sans distinguer la façade du lot n°2 de celle du reste de l'immeuble, la façade de son lot n'étant soumis à aucun régime spécifique en l'absence de disposition en ce sens. Elle précise que le fait que l'indivision ait, par le passé, fait rénover la façade du lot commercial à ses frais n'est pas susceptible de modifier la répartition entre parties communes et parties privatives. Elle ajoute que si la devanture du local commercial constitue une partie privative en tant qu'attribut du bail commercial, celle-ci se distingue de la façade qui présente un caractère commun.

Subsidiairement, l'indivision [H] fait valoir, sur le fondement des articles 18 de la loi du 10 juillet 1965 et 1240 du code civil, qu'en soumettant au vote de l'assemblée générale l'exécution de travaux de ravalement pour une partie seulement de la façade (résolution n°20) et l'exécution de travaux pour partie de la façade concernant le lot dont elle est propriétaire (résolution n°27), sans demande de sa part, le syndic de copropriété a manqué à ses obligations découlant de l'article 18 de la loi précitée et consistant en l'administration et la conservation de l'immeuble, ainsi qu'à son devoir de conseil, de sorte que sa responsabilité est engagée à son égard. Elle soutient que son préjudice consiste dans le fait de devoir non seulement payer les appels de charge pour le ravalement de la façade de l'ensemble de l'immeuble à l'exception de celle concernant son propre lot, à hauteur de 19 578,57 euros, mais également, supporter seule les frais de ravalement de la façade de son propre lot.

Par dernières écritures du 15 mars 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- débouter les consorts [H] de leurs demandes ;
- les condamner à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux dépens.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut du caractère privatif de la devanture du local commercial appartenant à l'indivision [H], exposant que lors de l'aménagement des locaux commerciaux, la devanture du lot n°2 a été plaquée sur la façade, sans intervention sur le gros-œuvre, ladite devanture ne participant dès lors pas à la structure du bâtiment, et que, par la suite, en 1993, le locataire du local commercial constituant le lot n°2 a réalisé une devanture nouvelle, devenue propriété du bailleur par le jeu de la clause d'accession prévue au bail, ce caractère privatif n'ayant jamais été remis en cause le propriétaire du lot ayant fait procédé à deux reprises au ravalement de la devanture à ses frais exclusifs en 1999 et 2004. Il soutient que le règlement de copropriété ne définit pas les devantures comme des parties communes, de sorte que l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965 est applicable en ce qu'il répute parties privatives les parties réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire considéré.

Le syndicat des copropriétaires en déduit que les résolutions n°20 et 27 n'encourent pas l'annulation dès lors qu'il appartient à l'indivision [H] d'une part, en qualité de copropriétaire, de participer aux frais de ravalement de la façade de l'immeuble, partie commune, et, d'autre part, en qualité de propriétaire du fonds de commerce, d'assurer l'entretien à ses frais exclusifs de la devanture de la boutique, laquelle devanture constitue une partie privative.

Il soutient que l'indivision [H] est irrecevable en sa demande d'annulation de la résolution n°27 pour défaut d'intérêt à agir, cette résolution ne leur causant aucun préjudice dès lors que ladite résolution se limite à autoriser la réalisation de travaux sur la devanture concomitamment au ravalement de la façade de l'immeuble, dispensant ainsi l'indivision des frais relatifs à la prise en charge de l'organisation du chantier tout en lui laissant le choix de l'entreprise et des modalités d'exécution des travaux.

Par dernières écritures du 3 octobre 2023, la société AFFAIRES A SUIVRE demande au tribunal de :

- débouter Mmes [H] de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner in solidum Mmes [H] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum Mmes [H] aux dépens.

Sur la demande en nullité des résolutions, la société AFFAIRES A SUIVRE fait valoir, d'une part, le défaut de justification par les demanderesses de leur intérêt à agir et leur qualité pour agir en annulation des résolutions litigieuses, et d'autre part, l'absence de preuve d'une cause de nullité affectant celles-ci, preuve pourtant exigée par l'article 9 du code de procédure civile. Elle soutient qu'il n'appartient pas à la copropriété d'assurer l'entretien de la devanture du local commercial de l'indivision [H] dès lors qu'en application des articles 2 de la loi du 10 juillet 1965 et 6 du règlement de copropriété, la devanture des locaux commerciaux est nécessairement une partie privative en ce qu'elle constitue un élément essentiel d'identification du commerce et d'attraction de la clientèle, de sorte que son entretien et son ravalement relèvent du seul propriétaire du local commercial. Elle précise que les consorts [H] sont à l'origine de la modification de la façade des locaux commerciaux, par l'intermédiaire de leurs locataires, et en ont toujours assuré l'entretien.

Sur la demande subsidiaire d'indemnisation, elle fait valoir que les demanderesses ne rapportent la preuve ni d'un manquement à ses obligations légales et règlementaires ou à son devoir de conseil, ni d'un préjudice actuel et certain en lien avec la faute alléguée. Elle souligne que la résolution n°27 n'est pas de nature à leur causer un préjudice quelconque dès lors qu'en se limitant à délivrer une autorisation, son adoption ne les contraint pas à effectuer lesdits travaux et à engager des frais. Elle relève que ne saurait constituer un préjudice indemnisable le fait de participer au financement de travaux de ravalement de la façade de l'immeuble pour sa partie gros-œuvre, ces travaux étant relatifs à des parties communes, conformément à l'article 7 du règlement de copropriété, ni le fait de supporter les frais nécessaires à l'entretien de la devanture du local commercial, ces frais leur incombant compte tenu du caractère privatif de ladite devanture.

MOTIVATION

Sur la demande d'annulation des résolutions n°20 et 27 de l'assemblée générale ordinaire du 6 avril 2022

Sur la recevabilité de la demande

Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

Par ailleurs, aux termes de l'article 122 du code précité, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l'article 789 6° dudit code, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Si le syndicat des copropriétaires et la société AFFAIRES A SUIVRE se prévalent de l'absence d'intérêt et de qualité de la demanderesse, il sera relevé que les défenderesses n'énoncent au dispositif de leurs écritures aucune prétention tendant à voir déclarer l'indivision [H] irrecevable en sa demande, une telle fin de non-recevoir étant au surplus irrecevable devant le tribunal en ce qu'elle relevait de la seule compétence du juge de la mise en état.

En conséquence, la demande d'annulation des résolutions n°20 et 27 de l'assemblée générale ordinaire du 6 avril 2022 formée par l'indivision [H] est recevable.

Sur le bien-fondé de la demande

L'abus de majorité consiste à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, soit dans un intérêt personnel, soit dans l'intérêt exclusif du groupe majoritaire au détriment du groupe minoritaire soit rompant l'équilibre entre les copropriétaires soit avec une intention de nuire. Ainsi, une décision, bien qu'intervenue dans des formes régulières et dans la limite des pouvoirs d'une assemblée, reste susceptible d'un recours en annulation lorsqu'elle a été le résultat de manœuvres destinées à obtenir par surprise de certains copropriétaires, un vote contraire aux intérêts collectifs, ou qu'elle lèse un ou plusieurs copropriétaires sans être pour autant conforme à l'intérêt commun. L'abus de majorité se distingue de la simple opposition d'intérêts que révèle nécessairement tout système de vote majoritaire.

En l'espèce, la résolution n°20 intitulée " Décision à prendre concernant les travaux de ravalement des deux façades, de réfection du brisis et de rénovation du versant de la toiture du bâtiment A côté rue - Choix des entreprises DNT & GANGNEBIEN (article 24) " est libellée comme suit :

" Documents joints à la convocation.
- Devis n°22/0020 de l'entreprise DT en date du 23/01/2022 pour un montant de 146 368,40 euros TTC (compris traitement et mise en peinture des 7 poteaux de lucarnes)
- Devis n°21649 de l'entreprise GANGNEBIEN & CIE en date du 09/11/2021 pour un montant de 84 382,06 euros TTC (compris les deux options d'isolation).

L'Assemblée générale après avoir pris connaissance des conditions essentielles des devis notifiés et de l'avis du conseil syndical, décide d'effectuer les travaux de ravalement de façades côté rue des bâtiments A et B, de réfection de la couverture du bâtiment A, selon les conditions détaillées dans ces deux devis, et retient les propositions des entreprises DNT et GANGNEBIEN & CIE pour un montant total de 230 750, 46 euros TTC.
Votes dans le détail

Oui Non Abstentions
Copropriétaires : 6 1 0
Tantièmes 7517 806 0

La résolution est acceptée à la majorité de l'article 24

Se sont abstenus : Néant
Ont voté contre : [G]/[H] (806/10000) "

La résolution n°27 intitulée " Autorisation à délivrer à l'indivision [H] de procéder aux travaux de ravalement de la devanture privative de son local commercial (lot n°2) en même temps que les travaux de ravalement des façades sur rue de l'immeuble, à ses frais exclusifs (article 25) " est libellée ainsi que
suit :

" Documents joints à la convocation.
- Devis de l'entreprise TCR en date du 11/01/22 pour un montant de
17 189, 95 euros TTC (option reprise ponctuelle du soubassement en pierre) ;
- Devis de l'entreprise TCR en date du 11/01/22 pour un montant de
21 099,59 euros TTC (option démolition et réfection du soubassement en pierres sur 50 cm de hauteur)

- Devis de l'entreprise DNT en date du 19/01/22 pour un montant de
11 140, 79 euros TTC (ravalement de la devanture identique à l'existant en conservant et réparant ponctuellement le soubassement en pierre).

Pour répondre à la demande faite par la représentante de l'indivision [H] pour faire ravaler en même temps que les travaux de ravalement des façades sur rue de l'immeuble, la devanture privative de son local commercial (lot n°2) construite en 1993 à la place de la vitrine et de sa porte latérale puis ravalée en 1999 et 2044 par Monsieur [H], le syndic a fait établir à son intention les devis présentés en séance. L'AG après avoir pris connaissance des conditions essentielles des devis notifiés, sans exprimer la moindre réserve, autorise la représentante de l'indivision [H] à faire procéder aux travaux de ravalement de la devanture privative de son local commercial (lot n°2) et à ses frais exclusifs.
Votes dans le détail

Oui Non Abstentions
Copropriétaires : 6 1 0
Tantièmes 7517 806 0

La résolution est acceptée à la majorité de l'article 25
Se sont abstenus : Néant
Ont voté contre : [G]/[H] (806/10000) ".

Il résulte de la combinaison de ces deux résolutions que l'assemblée générale des copropriétaires a décidé de l'exécution de travaux de ravalement des façades sur rue des bâtiments A et B (résolution n°20), à l'exception de la partie qualifiée de " devanture privative [du] local commercial (lot n°2) ", pour laquelle une autorisation a été délivrée à l'indivision [H] afin qu'elle procède aux travaux de ravalement à ses frais exclusifs (résolution n°27).

Or, en application des articles 2 et 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 que
" sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé " et " sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux. Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes :
- le sol, les cours, les parcs et jardins, les voies d'accès ;
- le gros œuvre des bâtiments, les éléments d'équipement commun, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent des locaux privatifs ;
- les coffres, gaines et têtes de cheminées ;
- les locaux des services communs ;
- les passages et corridors ;
- tout élément incorporé dans les parties communes ".

Par ailleurs, il ressort du règlement de copropriété applicable à l'ensemble immobilier que :
- " les ''parties privatives'' sont celles qui sont réservées à l'usage exclusif de chaque co-propriétaires, c'est-à-dire: - les locaux compris dans son lot avec tous leurs accessoires, notamment : (…) les fenêtres et porte[s]-fenêtres, les persiennes et volets, les appuis des fenêtres, les balcons particuliers et les portes particulières ; les terrasses à l'exception du gros œuvres qui sera ''parties communes'' (…) " (article 6, page 12) ;

- " les ''parties communes'' à l'ensemble des propriétaires ou parties de l'immeuble mises sous le régime de l'indivision forcée, comprennent toutes les parties de l'immeuble qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif ou particulier d'un appartement et de ses dépendances ou celles qui sont déclarées telles par la loi et les usages. Elles comprennent notamment :
-la totalité du sol et des bâtiments et de la cour de l'immeuble,
-les fondations,
-les gros murs des façades, des pignons et de mitoyennetés, les murs de refend, l'ossature en pierre de taille et moellons,
-les ornements des façades non compris les balustrades, barres d'appui, balconnets, abat-jour, jalousies persiennes, volets et leurs accessoires qui sont propriété privées " (article 7, pages 12-13).

Ce même règlement de copropriété prévoit que le lot n°2 " comprend un dégagement, une boutique, une réserve, un laboratoire, un water-closet " (page 14).

Il apparaît ainsi que les murs des façades constituent des parties communes, sans qu'aucune stipulation du règlement de copropriété ne distingue selon les différentes parties de la façade du bâtiment A. S'il n'est pas contesté que les fenêtres et la porte du local commercial constituent des parties privatives, en ce qu'elles sont réservées à l'usage exclusif du propriétaire dudit local, à l'instar des fenêtres affectées aux autres lots, il n'est pas démontré que le mur donnant sur la rue comprendrait plusieurs parties, dont l'une se distinguerait du gros-œuvre et ne ferait pas corps avec lui.

Au demeurant, il n'est pas contesté que la porte d'entrée située au niveau du numéro 5 et la partie de la façade l'entourant constituent des parties communes, le syndicat des copropriétaires soulignant dans ses écritures que cette porte ne fait pas partie de ce qu'il qualifie de devanture du local commercial. Or, il apparaît sur les photographies produites par les parties qu'aucun élément ne permet ni de distinguer, ni de délimiter la partie de la façade entourant la porte d'entrée de l'immeuble de ce qui est qualifié de " devanture " du local commercial par les défendeurs, la porte d'entrée de l'immeuble étant encastrée dans un mur se prolongeant au niveau du local commercial sans aucune délimitation et étant d'aspect parfaitement identique sur l'ensemble de sa longueur.

Par ailleurs, si le syndicat des copropriétaires se prévaut de la réalisation de travaux par le locataire du lot n°2 en 1993, il ressort des pièces versées aux débats que les travaux autorisés par arrêté du 27 mai 1993 portaient sur les vitrines, l'enseigne et le logo du fonds de commerce, éléments privatifs, de sorte que ces travaux, s'ils affectent l'aspect extérieur de l'immeuble, n'emportaient pas modification du mur de la façade en lui-même et n'étaient pas susceptible de remettre en cause son caractère commun.

De même, le fait que la partie de la façade située au niveau du local commercial ait effectivement fait l'objet de travaux de ravalement en 1999 et 2004, aux frais exclusifs du précédent propriétaire du lot n°2 (la société " Photo [H] ", gérée par [U] [H]), est sans incidence sur la qualification de partie commune de ladite façade.

Au surplus, si le syndicat des copropriétaires se prévaut d'une demande de Mme [H] effectuée en 2011 aux fins d'autorisation à réaliser des travaux à ses frais exclusifs, il ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 30 juin 2011 qu'ont été adoptées deux résolutions autorisant Mme [H] à réaliser des travaux sur les vitrines, la porte d'entrée et l'enseigne du local commercial, éléments privatifs, sans lien avec le ravalement du mur de la façade, élément commun.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que l'intégralité du mur de la façade du bâtiment A constitue un élément commun, dont la conservation et l'entretien doivent être assurés par le syndicat des copropriétaires, conformément à l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Dès lors, en décidant de l'exécution de travaux de ravalement des façades sur rue des bâtiments A et B financés par l'ensemble des copropriétaires, à l'exception de la partie qualifiée de " devanture privative [du] local commercial (lot n°2) " dont les frais de ravalement devraient être pris en charge par un seul copropriétaire en dépit du caractère commun de l'ensemble de la façade, sans qu'il ne soit démontré qu'une telle distinction serait justifiée par un motif conforme à l'intérêt commun, les résolutions n°20 et n°27, en ce qu'elles traduisent le refus de prendre en charge les dépenses afférentes à des travaux de rénovation d'une partie d'un élément commun et la mise de ces dépenses à la charge exclusive d'un seul copropriétaire, les résolutions n°20 et n°27 compromettent indûment l'équilibre indispensable entre les droits concurrents des copropriétaires et caractérisent dès lors un abus de majorité. Les résolutions n°20 et 27 encourent donc la nullité à ce titre.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Mmes [Z] [G] veuve [H], [L] [H] et [W] [H] et d'annuler les résolutions n°20 et n°27 de l'assemblée générale ordinaire du 6 avril 2022.

Sur les frais du procès et l'exécution provisoire

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En vertu de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Succombant au litige, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] et la société AFFAIRES A SUIVRE seront condamnés in solidum aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL LYVEAS AVOCATS.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Conformément à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] et la société AFFAIRES A SUIVRE, condamnés aux dépens, seront condamnés in solidum à payer à Mmes [Z] [G] veuve [H], [L] [H] et [W] [H] la somme 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mmes [Z] [G] veuve [H], [L] [H] et [W] [H] seront dispensées de toute participation à la dépense commune des frais de procédure par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] et la société AFFAIRES A SUIVRE seront en conséquence débouté de leurs demandes respectives de paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution provisoire

L'exécution provisoire est de droit en vertu de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,

DECLARE recevable la demande d'annulation des résolutions n°20 et 27
de l'assemblée générale ordinaire du 6 avril 2022 formée par Mme [Z] [G] veuve [H], Mme [L] [H] et Mme [W]
[H] ;

ANNULE les résolutions n°20 et n°27 de l'assemblée générale ordinaire du
6 avril 2022 ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] (78) et la société AFFAIRES A SUIVRE aux dépens, qui seront recouvrés par la SELARL LYVEAS AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] (78) et la société AFFAIRES A SUIVRE à payer à Mme [Z] [G] veuve [H], Mme [L] [H] et Mme [W] [H] la somme 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 7] (78) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la société AFFAIRES A SUIVRE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISPENSE Mme [Z] [G] veuve [H], Mme [L] [H] et Mme [W] [H] de toute participation aux frais de procédure en application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 AOÛT 2024 par M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03556
Date de la décision : 13/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-13;22.03556 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award