Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
08 AOUT 2024
N° RG 22/05094 - N° Portalis DB22-W-B7G-QYLZ
Code NAC : 64B
DEMANDEURS :
Monsieur [O] [A]
agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [Z] [A], né le [Date naissance 4] 2014 à [Localité 16] (92), de nationalité française, écolier,
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 14] (CAMEROUN)
[Adresse 10]
[Localité 17]
Madame [B] [K]
agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [Z] [A], né le [Date naissance 4] 2014 à [Localité 16] (92), de nationalité française, écolier,
née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 13]
[Adresse 10]
[Localité 17]
Monsieur [Z] [A] représenté par ses parents, Monsieur [O] [A], et Madame [B] [K]
né le [Date naissance 4] 2014 à [Localité 16]
[Adresse 10]
[Localité 17]
représentés par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Me Michel EL KAIM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Copie exécutoire à Maître Cécile FLECHEUX, Maître Marion CORDIER
Copie certifiée conforme à l’origninal à Maître Dan ZERHAT
délivrée le
DEFENDERESSES :
OGEC [18]
Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique de l’Ecole élémentaire privée [18], Association Loi 1901, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 9]
MUTUELLE SAINT CHRISTOPHE ASSURANCES
prise en sa qualité d’assureur de l’OGEC [18], Société d’Assurance Mutuelle, ayant pour numéro de SIREN 775 662 497, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentés par Maître Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats plaidant/postulant
Madame LA RECTRICE DE L’ACADÉMIE DE [Localité 21]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Maître Cécile FLECHEUX de la SCP BILLON & BUSSY-RENAULD & ASSOCIES, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats plaidant/postulant
La CPAM des Hauts de Seine
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, et prise en sa qualité d’organisme de sécurité sociale de l’enfant [Z] [A], affilié en qualité d’ayant droit de Madame [B] [K]
[Adresse 3]
[Localité 16]
défaillante
ACTE INITIAL du 21 Juillet 2022 reçu au greffe le 29 Septembre 2022.
DÉBATS : A l'audience publique tenue le 23 Mai 2024, Mme DUMENY, Vice Présidente, et M.BRIDIER, Vice Président, siégeant en qualité de double rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame GAVACHE, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 11 Juillet 2024 prorogée au 08 août 2024.
MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Mme DUMENY, Vice Présidente
Monsieur BRIDIER, Vice-Président
Madame BARONNET, Juge
EXPOSÉ DU LITIGE
Au cours de l'année scolaire 2020-2021, [Z] [A], né le [Date naissance 4] 2014, était scolarisé en classe de CP au sein de l’école élémentaire privée [18] à [Localité 19].
Fréquentant auparavant l’école maternelle publique [12], [Z] [A] avait débuté un suivi auprès d’une orthophoniste, d’une thérapeute comportementale et cognitive ainsi que d’une psychologue scolaire afin de mieux gérer ses émotions, les règles d’encadrement, l’autorité et les divers changements liés à la vie quotidienne.
Le 9 octobre 2020 une réunion était organisée en présence de Madame [R], enseignante de [Z], de Madame [M], directrice de l'école et de Madame [K], mère de [Z].
Un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) et un contrat « clés du comportement » ont été mis en place pour accompagner [Z].
Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] reprochaient à l'enseignante Madame [H] [X]-[D], ayant succédé à Madame [R] le 2 novembre 2020, son comportement à l'égard de leur enfant, en particulier des faits de violence et de maltraitance. Une réunion a eu lieu le 8 décembre 2020 en présence de Madame [M], directrice de l'école, de Madame [X]-[D], de [Z] et de son père ainsi que de Madame [V], enseignante dans l'établissement.
Une nouvelle réunion a eu lieu le 10 décembre 2020 en présence des mêmes outre Madame [K] au cours de laquelle était évoqué le départ de [Z] de l'école.
Monsieur [O] [A] a adressé deux courriers en LRAR à Madame [M] et a porté plainte au commissariat de [Localité 19] contre Madame [X]-[D] pour violence sans incapacité sur un mineur de 15 ans par personne ayant autorité.
Madame [M] a elle-même déposé une main-courante le 15 décembre 2020. Elle a contacté téléphoniquement les parents de [Z] en fin d'année 2020, ce dernier étant absent de l'école depuis la réunion du 10 décembre 2020, absence justifiée par un certificat médical. Elle leur a indiqué que [Z] était attendu à l'école à partir de janvier 2021 avec un changement de classe, intégrant la classe de Madame [J].
Une réunion éducative pluridisciplinaire a eu lieu le 15 janvier 2021 en présence de l’inspectrice de circonscription, Madame [U].
Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] ont reçu un compte-rendu de cette réunion avec lequel ils étaient en désaccord et ont alors écrit à l'inspectrice pour indiquer qu’ils refusaient de signer le document en l’état.
Une nouvelle réunion a eu lieu le 6 mai 2021, en présence de Madame [N] de la direction de l'enseignement catholique. La directrice d’école a annoncé lors de cette rencontre la non-réinscription de l’élève pour l’année scolaire suivante,
Le 11 mai 2021, la direction de l’école [18] a notifié aux parents de [Z] [A] la résiliation du contrat de scolarisation et sa non-reconduction pour l’année scolaire 2021/2022 en mentionnant comme motif la rupture de confiance entre la famille et l'établissement.
[Z] a été absent de l'école à compter du 31 mai 2021 jusqu’à la fin de l’année scolaire.
Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] ont saisi le défenseur des droits le 10 mai 2021 qui n'a pas relevé d'éléments caractérisant une rupture discriminatoire et a clôturé le dossier en octobre 2021.
La famille a finalement déménagé pour la rentrée scolaire 2021/2022 et [Z] a été scolarisé à l’école élémentaire [15] à [Localité 20], pour des raisons d’organisation de la famille, qui habite dans un quartier limitrophe de [Localité 17], outre le fait que les cousins de l’enfant fréquentent cet établissement.
S'agissant des suites de la plainte pénale, Madame [H] [X] épouse [D] a été entendue par les enquêteurs en audition libre le 15 avril 2021, Madame [M] directrice de l'école [18] a été entendue dans le cadre d'une prise de contact téléphonique le 9 avril 2021. L'affaire a fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République.
Les demandeurs ont alors assigné devant le présent tribunal l’organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC) de l'école [18] et la mutuelle Saint-Christophe les 21 et 22 juillet 2022, la CPAM des Hauts-de-Seine le 1er août 2022 et Madame la rectrice de l’académie de [Localité 21] le 31 août 2022 en vue de voir réparer le préjudice de leur fils [Z] suite aux comportements de l'enseignante, de la directrice et de l'école à son égard.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 22 mai 2023, Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] demandent au tribunal, au visa des articles L.911-4 du code de l’éducation et 1103, 1104, 1231-1 et 1242 du code civil, de
-Les recevoir en la présente action et les déclarer bien fondés ;
-Dire et juger que la responsabilité de l’État est engagée au titre des fautes personnelles qui ont été commises par Mesdames [X]-[D] et [M], respectivement enseignante et directrice de l’école élémentaire privée [18] ;
-Dire et juger que la responsabilité civile contractuelle de l’association O.G.E.C [18] est engagée au titre de ses manquements dans l’exécution de la convention de scolarisation, avec la garantie de son assureur la mutuelle Saint-Christophe ;
-Désigner tel expert qu’il plaira au tribunal, inscrit sur les listes de la cour d’appel de Versailles et spécialisé en pédopsychiatrie, avec la mission suivante :
Se faire remettre toutes les pièces médicales nécessaires à l’accomplissement de sa mission
Consigner les doléances du demandeur ;
A partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;
Décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ;
Procéder, dans le respect du contradictoire, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;
Analyser dans une discussion précise et synthétique l’imputabilité entre les faits, les lésions initiales et les séquelles invoquées ;
Déterminer compte tenu des lésions initiales et de leur évolution les périodes pendant lesquelles le demandeur a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité, d’une part d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d’autre part, de poursuivre ses activités personnelles habituelles, en cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;
Déterminer la ou les périodes pendant lesquelles la victime a été dans l’incapacité de faire face seule et de manière autonome aux actes de la vie courante, entraînant ainsi le recours à une tierce personne ;
Donner son avis sur la date de consolidation des lésions, au cas où la consolidation ne serait pas acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l’être en l’état ;
Chiffrer, par référence au Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;
Décrire les soins futurs et aides techniques compensatoires au nouvel état de la victime (prothèse) en précisant la fréquence de leur renouvellement, donner son avis sur la nature et le coût des travaux d’aménagement nécessaires à l’adaptation des lieux de vie de la victime, à son nouvel état et à l’amélioration de son nouveau mode de vie ;
Dire si une indemnisation au titre des souffrances endurées avant consolidation est justifiée (chiffrer ce chef de préjudice de un à sept) ;
Décrire et donner son avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique en distinguant éventuellement les préjudices temporaire et définitif, évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif sur une échelle de un à sept ;
Dire s’il existe un préjudice d’agrément et notamment si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs ;
Dire s’il existe un préjudice scolaire et de formation ;
Dire si l’état du demandeur demeure susceptible de modification, en aggravation ou en amélioration et sous quelles conditions de soins et traitements ;
-Dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport dans les six mois de sa saisine ;
-Dire que l’expert désigné pourra, en cas de besoin, s’adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir avisé les conseils des parties, ainsi que le coût estimé de son intervention ;
-Dire que l’expert déposera un pré-rapport, préalablement au dépôt de son rapport définitif, en laissant aux parties un délai minimal de quatre semaines pour présenter leurs observations
-Fixer la provision à consigner au greffe à titre d’avance sur les frais et honoraires de l’expert
-Condamner in solidum l’État pris en la personne de Madame la rectrice de l’académie de [Localité 21], l’association O.G.E.C [18] et la mutuelle Saint-Christophe à leur verser, ès qualité de représentants légaux de leur fils mineur [Z] [A], une provision de 2.000 € à valoir sur l’indemnisation définitive de l’enfant ;
-Surseoir à statuer sur l’indemnisation définitive du préjudice de [Z] [A] dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise et renvoyer l’affaire à une audience de mise en état ultérieure pour permettre l’échange des conclusions en ouverture de rapport,
-Condamner les mêmes à leur verser, en leur nom personnel, la somme de 1.500 € chacun en réparation de leur préjudice moral soit la somme globale de 3.000 €,
-Condamner in solidum l’État à leur verser, agissant tant en leur nom personnel qu’ès qualité de représentants légaux de leur fils mineur [Z] [A], la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maître Dan ZERHAT, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
-Déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM des Hauts-de-Seine,
-Rappeler l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.
La rectrice de l'académie de [Localité 21] sollicite quant à elle du tribunal dans ses conclusions notifiées le 20 mars 2023 de :
-Débouter Monsieur [A] et Madame [K] de l’intégralité de leurs demandes formées à son encontre, tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [Z] [A].
-Condamner solidairement les mêmes à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Les condamner solidairement aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Cécile FLECHEUX, membre de la SCP BILLON – BUSSY-RENAULD & Associés,
-Rappeler l’exécution provisoire de droit.
L'OGEC [18] et la mutuelle Saint-Christophe demandent enfin dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022 de :
-Rejeter purement et simplement l’intégralité des demandes fins et prétentions formées par Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K],
-Les condamner à leur verser la somme de 1.398 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Marion CORDIER.
La CPAM des Hauts-de-Seine n'ayant pas constitué avocat, la décision sera réputée contradictoire.
Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
L’instruction a été clôturée le 10 octobre 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience tenue le 23 mai 2024 par la formation collégiale qui a mis la décision en délibéré au 11 juillet 2024 prorogée ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-Sur la responsabilité de l’État au titre des fautes personnelles commises par Madame [H] [X]-[D] et par Madame [L] [M] respectivement enseignante et directrice de l’école élémentaire privée [18]
Les demandeurs se fondent sur l'article L.911-4 du code de l'éducation, l'article 1242 al 6 et 8 du code civil.
Sur les fautes personnelles de Madame [H] [X]-[D]
Les demandeurs reprochent à Madame [X]-[D] d'une part des violences à l’égard de leur enfant et d'autre part la prise de photographies sans autorisation.
Sur les violences
-Monsieur [A] et Madame [K] expliquent que l’intégration de [Z] dans l'école [18] a d’abord été satisfaisante, qu'il a été inscrit dans la classe de CP 1 de Madame [T] [R], enseignante formée dans la prise en charge des élèves à profil spécifique comme [Z], que son début de scolarité s'est déroulé sans difficulté de la rentrée de septembre 2020 jusqu’à fin octobre 2020 inclus, date du départ en congé maternité de Madame [R].
Ils contestent à cet égard les allégations de l’OGEC [18] et du rectorat, affirment que [Z] n’a pas posé de difficultés dès la rentrée scolaire et que Madame [R] ne s’est pas plainte d’un comportement prétendument ingérable et qu'il n’avait jamais été question de pointer des difficultés insurmontables dans la scolarité, même si une réunion était organisée le 9 octobre.
Ils expliquent qu'un PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) et un contrat « clés du comportement » ont été mis en place pour suivre de façon plus étroite l’évolution de [Z] au regard de son profil, que ces dispositifs ne lui étaient pas propres mais s’appliquaient à d’autres élèves de l’établissement et qu'ils ont porté leurs fruits avec la première enseignante. Ils relèvent que [Z] fournissait de nombreux efforts au niveau de son comportement comme en témoigne un courriel de Madame [R] en date du 6 octobre 2020, accompagné d’une photographie, précisant que [Z] avait obtenu l’ensemble des clés lui permettant d’ouvrir la « porte de la réussite » et que l’élève avait même été applaudi par ses camarades.
Selon eux, l'arrivée de Madame [X]-[D] a marqué une tournant dans les conditions de scolarisation de [Z] qui se sont alors fortement dégradées.
Ils reprochent à celle-ci d'avoir cru pouvoir diagnostiquer la présence d’un trouble et déficit de l’attention, alors qu'elle ne disposait pas des compétences techniques, et qu'elle aurait alors adopté un comportement de mise à l’écart de l’élève, se caractérisant notamment par un refus de l’interroger lorsqu’il levait la main, suscitant chez lui un sentiment de rejet.
Ils évoquent une scène s'étant déroulée le 20 novembre 2020 : [Z] se trouvait assis à sa place mais, n’arrivant pas à se canaliser, s’est emparé de son tube de colle pour jouer avec et notamment le lécher à l’instar d’autres camarades. Madame [X]-[D] a alors pris des photographies de [Z] et uniquement de lui, à son insu, sans leur en faire part immédiatement. Ils ajoutent qu'à plusieurs reprises et notamment le 26 novembre 2020, cette enseignante a attrapé leur enfant violemment par le cou, les vêtements ou les épaules en le traînant jusqu’à son siège pour le rasseoir de force lors de moments où il s’était levé pour des raisons diverses.
Ils relatent une autre scène : [Z] se trouvait debout dans la salle de classe pour les besoins d’un travail manuel, à l’instar d’autres camarades. Sur consigne de l’enseignante, les autres élèves se sont assis, à l’inverse de [Z] qui a souhaité rester debout pour terminer le travail. Madame [X]-[D] aurait alors d’emblée, sans tenter d’instaurer un dialogue, décidé d’agripper l’enfant par le col et le remettre, en employant la force, sur sa chaise.
Ils notent également que [Z], comme tout enfant de son âge, se rendait régulièrement aux toilettes durant les heures de classe sans pouvoir attendre les récréations, de même qu’il lui arrivait de se lever à la suite d’un trop-plein d’émotion sans avoir pour but de perturber la classe.
Lors de la réunion du 8 décembre 2020, l'enseignante de CP 1 aurait elle-même reconnu qu’elle avait usé de la force à plusieurs reprises contre [Z], ces épisodes ayant été qualifiés « d’anecdotes » par l’OGEC [18] dans ses conclusions.
Monsieur [A] explique que le 11 décembre 2020, soit le lendemain d’une réunion avec des personnels de l'école, il a accompagné son enfant au commissariat de police de [Localité 19] pour y déposer plainte contre Madame [X]-[D] pour violence sans incapacité sur un mineur de 15 ans par personne ayant autorité.
Les demandeurs rappellent avoir contesté les affirmations, contenues dans le compte-rendu établi par Madame [U] à l'issue de la réunion du 3 mars 2021, selon lesquelles ils seraient à l'origine d'une rupture du dialogue avec l'école. Ils ont également contesté l'affirmation selon laquelle l'enfant s'était « sauvé » de la classe alors qu’il était autorisé à sortir pour aller aux toilettes et qu’à cette occasion il s’était arrêté pour contempler les décorations de Noël. Cet élément, ajoutent-ils, a par la suite fait l'objet d'une précision par une mention manuscrite indiquant que « [Z] était passé voir le sapin après un tour aux toilettes », mais que pour autant leur demande du 5 mai 2021 de rectification du compte-rendu de réunion de l'équipe éducative n'a pas été suivie par l'équipe éducative.
Monsieur [A] et Madame [K] reprochent également au défenseur des droits d'avoir totalement éludé la portée des incidents et de ne pas s'être intéressé à la qualification fautive des faits de maltraitance reprochés au personnel d’éducation de l’école car cela est hors de sa compétence matérielle.
Ils évoquent le fait que lors de son audition téléphonique par les services de police le 9 avril 2021, Madame [M] a nié les accusations de violence pesant sur l’enseignante Madame [X]-[D] mais a reconnu que l’enseignante avait agrippé l’élève par le col.
Ils notent également que lors de son audition du 15 avril 2021 par les services de police, Madame [X]-[D] a reconnu avoir à plusieurs reprises agrippé violemment [Z] par le cou, le col de son vêtement ou par les épaules et l'avoir traîné sur plusieurs mètres pour l'asseoir sur sa chaise, qu'elle a expliqué à cette occasion que [Z] bénéficiait d’un suivi particulier et que sa prise en charge au quotidien générait des difficultés et pour justifier ses gestes, que [Z] avait tendance, à compter de fin novembre 2020, à quitter la classe pour contempler les décorations de Noël et qu’elle n’arrivait pas à l’en empêcher par ses injonctions verbales, qu'elle n’avait jamais filmé [Z] mais avait pris deux photographies de lui le 20 novembre 2020 après l’avoir surpris en train de sucer son tube de colle.
Ils considèrent que le fait pour une enseignante de CP d’en venir aux mains pour retenir un élève âgé d’à peine 6 ans ne peut qu’être fautif et affirment qu'en cas de comportement problématique d’un élève, l’enseignant se doit de prévenir immédiatement sa direction et/ou les surveillants pour que l’élève soit provisoirement mis à l’écart de la classe le temps qu’il se calme, qu'il incombe ensuite à la direction de rappeler à l’élève le règlement intérieur, voire d’appeler les parents sur le champ en fonction de la gravité des faits, qu'un mot doit le cas échéant être écrit dans le cahier de liaison pour que les parents soient informés et qu’ils prennent leurs dispositions pour éviter que le comportement en question ne se reproduise. Or dans le cas de [Z], l'enseignante a décidé d’en venir aux mains, quitte à risquer d’occasionner des blessures à l’élève, et s’est abstenue de prévenir la directrice d’école et les parents, ne leur révélant les faits qu’une quinzaine de jours plus tard lors d’une réunion. Ils contestent également la justification de l'usage de la force par le risque très élevé de laisser un élève en dehors de la classe alors que toute école élémentaire possède une grille ou un portail strictement fermé durant les heures de classe, avec un dispositif de visiophone pour filtrer les entrées compte tenu du plan Vigipirate renforcé et que de ce fait la fuite d’un élève de l’école est censée être impossible. Par ailleurs, ajoutent-ils, le fait qu’un élève se retrouve dans les couloirs durant la classe se produit régulièrement lors des allées et venues aux toilettes, et cela ne pose pas de problème au regard du fait que des surveillants ou gardiens sont présents dans l’école avec en appui la directrice censée être joignable à tout moment.
Ils reprochent ainsi à l’enseignante de n'avoir pris aucune mesure d’anticipation alors qu'elle a indiqué avoir commis les gestes violents plusieurs fois, signifiant par là qu'elle n’a pas tiré les conséquences du premier événement et qu’elle a reproduit la même réaction inappropriée.
Ils concluent qu'elle a agi en totale contrariété avec les règles habituelles, de façon totalement irréfléchie et avec un manque total d’anticipation alors que les caractéristiques et besoins spécifiques de [Z] [A] étaient connus d’elle.
S'agissant de l'absence de faute prouvée soutenue par le rectorat, ils répliquent qu'aucune enquête interne n’a été menée par le rectorat alors même que les faits avaient été portés à sa connaissance en temps utile, qu'il ne fait donc que reprendre les seules allégations de l’enseignante qui avait intérêt à minimiser les faits dans lesquels elle était impliquée, que le rectorat justifie les gestes violents de l'enseignante par le comportement supposé perturbateur de l'élève. Ils remarquent que le rectorat est gêné par l’impuissance de Madame [X]-[D] à gérer la situation, notamment lorsqu’il cite les arguments des demandeurs sur les moyens qui auraient dû être mis en œuvre et qu'il se livre au final à amplification volontaire des difficultés comportementales de [Z], afin de justifier le comportement de l’enseignante.
Ils font valoir que les professionnels qui ont suivi ou suivent [Z] n’ont pas diagnostiqué chez lui de trouble de l’attention ni d’hyperactivité mais uniquement un potentiel intellectuel qui l’amène à s’ennuyer et à s’agiter plus rapidement qu’un autre enfant du même âge et poursuivent en affirmant que [Z] a été scolarisé en école maternelle publique durant trois années scolaires avant son entrée à [18], qu’il a été scolarisé en classe de CP auprès de Madame [R] puis qu’il a terminé l’année scolaire de CP avec Madame [J] sans qu’à aucun moment il ne se soit produit un épisode de violence à son encontre.
Les parents remarquent que les attestations de Monsieur [C], professeur d'EPS et de Madame [F], animatrice, ne respectent pas les conditions posées par le code de procédure civile, que la seconde est étonnamment datée du
22 décembre 2020, soit pendant les vacances de Noël, que les faits n'y sont pas circonstanciés et que par ailleurs elle n'a jamais fait la moindre remarque à Monsieur [A], qu'elle croisait pourtant tous les jours, quant au fait qu'elle n'arrivait pas à gérer [Z].
-L'OGEC [18] et la mutuelle Saint-Christophe ne se prononcent pas sur les fautes reprochées à Madame [X]-[D].
-Le rectorat rappelle les déclarations de Madame [X]-[D] lors de son audition par les services de police le 15 avril 2021. Il observe que celle-ci a expliqué que [Z] sortait de la classe pour aller regarder les décorations de Noël installées dans l’école, sans son autorisation, et évidemment sans pouvoir être accompagné, puisqu’elle avait la responsabilité de rester dans la classe avec les autres enfants, que si elle avait laissé [Z] sortir intempestivement de la classe chaque fois qu’il en avait envie, et que celui-ci se soit blessé dans l’enceinte de l’école alors qu’il se serait trouvé sans surveillance, les parents n’auraient certainement pas manqué de lui en faire le reproche et de rechercher sa responsabilité, qu'enfin il n’y a aucun geste de violence de la part de Madame [X]-[D] à l’égard de [Z], qu'elle l’a simplement retenu par le col ou par les épaules et l’a ramené à sa table, qu'à aucun moment elle ne l’a violemment attrapé par le cou, ni traîné sur plusieurs mètres. Le rectorat argue que les affirmations des requérants à ce sujet ne sont corroborées par aucun élément, et notamment par aucune constatation médicale.
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Aux termes de l’article L.911-4 du code de l’éducation : « Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’État est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.
Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers. (...)
L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l’État, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l'autorité académique compétente (..).»
Il n'est pas contesté que les personnels de l'école privée [18] relève de ces dispositions.
Par ailleurs, l'article 1242 du code civil dispose que : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. (...)
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
Monsieur [A] et Madame [K] reprochent à Madame [X]-[D] des faits de violence à l'égard de leur enfant [Z].
Il ressort de l'audition de Madame [X]-[D] par les services de police qu’elle déclare que [Z] était dans la classe de Madame [R] jusqu’à son départ en congé maternité puisqu’il a été présent dans sa classe du début du mois de novembre au 11 décembre 2020, qu'il était un enfant qui posait de « gros problèmes », qu'un dossier de suivi pédagogique avait été mis en place le concernant dès septembre 2020, avec notamment un PPRE. Elle explique qu'il s'agit d'un enfant qui a besoin d'une attention particulière, qui ne peut pas travailler avec les autres élèves de la classe, qui n'accepte pas d'être un enfant parmi les autres et qui demande que l'on s'occupe de lui en permanence, qu'il fait « tout pour se mettre en avant », « se met debout », « fait du bruit », qu'il n'est « pas capable de rester assis sur sa chaise », qu'il avait d'ailleurs des droits supplémentaires par rapport aux autres enfants car il pouvait se lever plus librement qu'eux. Elle poursuit en indiquant que suite à l'installation des décorations de Noël, [Z] a tenté à plusieurs reprises de quitter la classe et qu'elle a été contrainte de le retenir par le col de son vêtement ou par les épaules pour le ramener parce qu'il n'obéissait pas à ses injonctions verbales et qu'elle ne pouvait pas le laisser quitter le cours sans surveillance. Elle conteste les déclarations de Monsieur [O] [A] dans son dépôt de plainte du 26 novembre 2020, selon lesquelles, elle aurait tiré [Z] « par le col en arrière et traîné en arrière sur quelques mètres » au point que son enfant se plaigne de douleurs au niveau de la gorge et du cou et que ces faits se seraient déroulés à trois reprises.
Les douleurs évoquées par le père dans cette plainte ne sont corroborées par aucun autre élément, notamment médical, ni aucune photographie.
Il ressort de la lecture du PPRE établi en septembre 2020 que celui-ci était destiné à « aider [Z] à canaliser sa frustration, respecter les règles de l'école, entrer en relation avec ses pairs et les adultes, gérer son attention et sa compréhension pour une mise au travail plus sereine. » Il y était notamment mentionné que « la gestion de la frustration est difficile », une « opposition face à la contrainte donnée par un adulte », une « relation conflictuelle avec les adultes de l'école (autres que la maîtresse, hors temps de classe) ». Il était également noté que l'enfant était suivi à l'extérieur en orthophonie et par un psychologue.
Par ailleurs, dans le compte-rendu de bilan psychologique réalisé le 12 mars 2020 alors que [Z] était scolarisé en grande section de maternelle à l'école [12] à [Localité 19], il est mentionné qu’il a déjà été signalé en moyenne section et qu'il était alors suivi par l'enseignante spécialisée en relationnel. La psychologue relevait qu'il est difficile pour [Z] de « gérer ses émotions et notamment la frustration », que « en classe il a du mal à respecter les tours de parole de chacun et se met beaucoup en avant », que dès que l'enseignant n'est pas là, « il transgresse les règles, se sert dans le matériel, refuse de sortir en récréation. »
Ces éléments révèlent que [Z] présentait déjà des difficultés d'intégration au milieu scolaire et d'obéissance aux règles avant que Madame [X]-[D] ne devienne sa maîtresse.
Monsieur [A] et Madame [K] eux-mêmes ne contestent pas que leur enfant ait pu à plusieurs reprises quitter la salle de classe ou à tout le moins tenter de le faire, ni qu'il avait du mal à canaliser son énergie.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas de démontrer une faute de Madame [X]-[D] dans la prise en charge de l'enfant [Z], ni encore mois des faits de violence à l'égard de ce dernier. En effet, aucun fait de violence n'est objectivé. Quant au comportement de Madame [X]-[D], il ressort des pièces produites et mentionnées ci-dessus que celle-ci a dû adapter son attitude au caractère particulier de l'enfant, à sa difficulté à gérer la frustration et à sa tendance à évoluer librement au sein de la classe mais également en dehors de celle-ci.
Il ne ressort ainsi des pièces produites aucun dénigrement, aucune humiliation ou stigmatisation de l'enfant.
Sur les photographies
Monsieur [A] et Madame [K] reprochent à Madame [X]-[D] d'avoir pris des photographies de leur enfant [Z] sans avoir obtenu au préalable leur autorisation et sans même les en aviser. Selon eux le contexte de cette prise de vue est particulièrement déroutant puisque l’enseignante aurait été interloquée par le fait que [Z] suce sa colle et elle aurait souhaité le photographier pour communiquer les clichés aux parents en vue du suivi psychologique de l’élève. Ils s'interrogent sur la véracité de ces propos dans la mesure où celle-ci aurait attendu 18 jours, entre la prise de vue le 20 novembre 2020 et la réunion du 8 décembre 2020, pour leur en parler alors qu’elle voit pourtant tous les jours.
Ils ajoutent qu'en tout état de cause l’enseignante ne disposait d’aucune autorisation parentale et n'avait pas pour mission de se substituer aux professionnels de santé qui suivent un élève, qu'elle avait donc uniquement la possibilité de demander à [Z] de cesser immédiatement son comportement pour faire régner la discipline dans sa classe ou encore de relater l’événement aux parents de vive voix ou par écrit sur le cahier de liaison, pour leur permettre éventuellement de juger de l’opportunité d’évoquer les faits avec les professionnels en charge du suivi de l’enfant.
Ils considèrent que Madame [X]-[D] a en fait voulu se pré-constituer des preuves du comportement soi-disant perturbateur de [Z].
-Le rectorat relève que les deux photographies de [Z] prises par Madame [X]-[D] ont été remises par celle-ci aux services de police, que le visage de celui-ci n'y est pas visible et que ces photographies étaient destinées aux parents et à la psychologue supposée suivre [Z].
-L'OGEC [18] et la mutuelle Saint-Christophe ne se prononcent pas sur les fautes reprochées à Madame [X]-[D].
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Monsieur [A] et Madame [K] se fondent sur les dispositions de l'article
9 du code civil qui dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée. »
Sur ce fondement il est habituel qu'une autorisation soit demandée aux parents par les membres d'un établissement scolaire pour pouvoir prendre des photographies des enfants dont ils ont la charge. Il est constant cependant que ce droit à l'image est également soumis au principe de proportionnalité.
En l'espèce, face au comportement de [Z] surpris sous sa table suçant son tube de colle, aux dires de Madame [X]-[D], et compte tenu de l'inefficacité de ses injonctions verbales, celle-ci a pris l'initiative de prendre deux photographies de l'enfant. Il est manifeste que cette démarche visait tout à la fois à établir la réalité du comportement et peut-être à se prémunir contre les reproches qui pourraient lui être faits si ce comportement avait entraîné des conséquences fâcheuses pour l'enfant. Au demeurant, le visage de [Z] n'apparaît pas sur ces clichés.
Ces photographies ne portent donc pas atteinte à la dignité de [Z] ni à sa vie privée et apparaissent proportionnées aux intérêts en jeu, tant celui de l'enfant que celui de l'enseignante. Elles ne constituent ainsi pas une faute de nature à engager la responsabilité de Madame [X]-[D].
Sur les fautes reprochées à Madame [L] [M]
-Dans leurs conclusions et plus spécifiquement au paragraphe intitulé « Sur le comportement fautif de Madame [M] », Monsieur [A] et Madame [K] lui reprochent d'avoir cautionné les faits commis pas Madame [X]-[D], d'avoir eu connaissance très tôt de ses comportements inappropriés mais de n'avoir pris aucune mesure, de n'avoir notamment pas prévenu les parents, avant le 8 décembre 2020, du fait que [Z] tentait prétendument de s’enfuir de la classe, de ne s'être pas non plus rendu dans la classe de CP 1 pour apporter son soutien à l’enseignante et emmener l’élève supposément perturbateur et le (faire) surveiller momentanément dans son bureau, de n'avoir pas non plus condamné la prise de photographies de [Z]. Ils relèvent que la directrice a tenté de justifier les faits graves commis par Madame [X]-[D] par une amplification de la gravité du comportement de l'enfant en affirmant qu’il essayait de s'enfuir de l'école avant de se corriger et de dire qu'il tentait de sortir de la classe. Ils affirment dans leurs conclusions que le père avait pour habitude d'attendre devant l'école que le portail se referme et que tous les enfants entrent en classe et qu'il n'a jamais vu son fils tenter de prendre la fuite.
-Selon le rectorat, dès le 1er jour de la rentrée, la maîtresse de CP, Madame [R], a signalé à la directrice des difficultés avec [Z] et rapidement également, les surveillants de cantine ont alerté sur son comportement, notamment en ce que [Z] ne supportait pas l’autorité, et qu'à la moindre frustration, il se mettait en colère et prenait la fuite. Il explique que la directrice et la maîtresse ont donc mis en place avec [Z] un contrat, avec des clés du comportement, portant surtout sur l’interdiction de re-rentrer dans la cantine après les repas et de partir dans tous les bâtiments de l’école. Il ajoute que Madame [R] a très vite pris rendez-vous avec la mère, pour lui exposer la situation et un PPRE a été établi dès le mois de septembre 2020 et transmis aux parents ; il précisait les difficultés rencontrées : la gestion de la frustration est difficile ; opposition face à la contrainte ordonnée par un adulte ; relation conflictuelle avec les adultes de l’école (autres que la maîtresse, hors temps de classe) ; mise au travail parfois difficile, différée par rapport au groupe classe ; concentration perturbée par l’humeur du moment.
Le rectorat rappelle que, le comportement de [Z] ne s’améliorant pas, un rendez-vous s’est tenu le 09 octobre 2020, en présence de Madame [K], Madame [M] et Madame [R], qu'à cette occasion, Madame [K] a indiqué que [Z] avait le même comportement à la maison, refus de l’autorité et gestion de la frustration difficile, qu'elle a signé le PPRE afin de pouvoir le présenter à la psychologue devant reprendre le suivi de [Z].
Le rectorat relève également que Madame [X]-[D] et Madame [R] se sont longuement rencontrées auparavant, afin qu’une continuité soit assurée, notamment en ce qui concerne [Z], que Madame [M] avait pris contact avec la directrice de l’école maternelle [12], où [Z] était précédemment scolarisé et que celle-ci lui avait décrit un enfant perturbé, ayant du mal à gérer la frustration et l’autorité.
Il ajoute que le 4 décembre 2020 Madame [M] a appelé Monsieur [A] pour l’aviser qu’il devenait difficile de gérer [Z], que celui-ci se mettait en danger, et qu’elle n’allait pas être en mesure de le garder si son comportement ne s’améliorait pas, que Monsieur [A] lui a alors proposé qu’elle l’appelle au premier manquement de discipline, indiquant qu’il connaissait son fils et qu’il fallait le cadrer. Le rectorat poursuit en rappelant que le lundi 07 décembre 2020, Monsieur [A] a accompagné [Z] en classe, jusqu’à sa table, qu'il l’a réprimandé et lui a dit qu’il n’avait plus le droit « de pisser et de sortir de classe » (sic), qu'il a également dit à la maîtresse que [Z] ne devait plus remplir sa gourde lorsqu’elle était vide, afin d’éviter qu’il n’aille trop souvent aux toilettes, que le 08 décembre 2020, Monsieur [A] a fait savoir à la directrice qu’il ne souhaitait plus qu’elle appelle la maman en cas de difficulté, mais qu’elle devait passer uniquement par lui, qu'un rendez-vous lui a alors été fixé le soir-même, en présence de Madame [X]-[D], et de Madame [V] (responsable de cycle) et que c'est à la demande de Monsieur [A], et non l’inverse, que [Z] a également assisté à ce rendez-vous.
Selon le rectorat, la faute reprochée à Madame [M] est d'avoir cautionné les faits commis par Madame [X]-[D]. Il considère qu'en l'absence de faute de la part de cette dernière et de dommage qui en serait la conséquence, aucune faute ne peut non plus être retenue contre la directrice.
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Monsieur [A] et Madame [K] admettent qu'une réunion a eu lieu le 9 octobre 2020 en présence de Madame [R], de Madame [M] et de Madame [K]. Ils reconnaissent qu'un PPRE et un contrat « clés du comportement » ont été mis en place pour suivre et accompagner [Z]. Il ressort de la pièce versée aux débats que le PPRE a été signé en septembre 2020 par l'enseignante de la classe responsable du PPRE, soit Madame [R], et du chef d'établissement, Madame [M]. Les parents de [Z] ne contestent par ailleurs pas formellement que Madame [M] ait pris contact avec l'école maternelle [12] où était précédemment scolarisé leur enfant, ni que Madame [M] a contacté le père de [Z] le 4 décembre 2020 par téléphone.
Par ailleurs il n'est pas contesté qu'une réunion a eu lieu le 8 décembre 2020 en présence de Madame [M], de Madame [X]-[D], de Monsieur [A] et de [Z] puis une nouvelle réunion deux jours plus tard en présence des mêmes outre la mère de [Z] ; qu'un courrier de Madame [M], daté du 16 décembre 2020, invitait les parents à une réunion fixée au 15 janvier 2020 pour « faire le point ensemble sur les progrès et les besoins particuliers de votre enfant, afin de l'accompagner au mieux. », que cette réunion s'est bien tenue le jour convenu et qu'un compte-rendu leur a été adressé ultérieurement.
Il ressort de ces éléments que les difficultés de [Z] ont été rapidement révélées, que Madame [M] a été présente de septembre à janvier auprès de l'enseignante et des parents, qu'elle a cherché également à obtenir des éléments sur la scolarisation antérieure de [Z], que dans ces conditions aucune faute relative à une quelconque passivité de sa part n'est démontrée.
En l'absence de faute imputable à Madame [X]-[D] et à Madame [M], la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1242 al.6. Les demandes formulées à l'encontre de ce dernier seront donc rejetées.
-Sur la responsabilité civile contractuelle de l'OGEC [18]
Sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, Monsieur [A] et Madame [K] relèvent des dysfonctionnements dans la prise en charge éducative de [Z]. Ainsi ce n'est que très tardivement et après avoir tenté d’éluder les problèmes en l’excluant purement et simplement que le changement de classe a été proposé à compter du mois de janvier 2021.
Les demandeurs soutiennent qu'au mépris des stipulations contractuelles, l'école [18] a décidé le 8 décembre 2020 de rompre la convention de scolarisation en cours d'année en notifiant l'exclusion immédiate et définitive de l'élève et en ne proposant aucune solution alternative de scolarisation. Cette décision a été maintenue lors de la réunion du 10 décembre 2020 sans justification. Les courriers adressés par Monsieur [A] au lendemain de la première réunion et le jour même de la seconde confirment cette annonce d'exclusion formulée par l'école, tout comme les déclarations de Madame [X]-[D] aux services de police lors de son audition.
Monsieur [A] et Madame [K] reprochent à l’établissement d'avoir décidé unilatéralement de résilier la convention de scolarisation, certes à l'échéance mais en évoquant un motif mensonger et donc en commettant un manquement au principe de bonne foi. Selon eux, l'établissement scolaire a excipé d’une rupture de confiance bilatérale alors que l’intégralité des difficultés lui était imputable, que l’école [18] a préféré « se débarrasser » de l’élève plutôt que d’assumer son impuissance et a échoué dans la prise en charge de [Z] dont ils rappellent qu’il avait été scolarisé en école maternelle publique sans difficultés.
Ils contestent l'amplification des difficultés comportementales de [Z] et notent que l'OGEC [18] et son assureur la mutuelle Saint-Christophe admettent dans leurs conclusions le souhait de l'OGEC de voir [Z] quitter l'établissement. Ils exposent que la nécessité pour leur fils de fréquenter un établissement adapté n'a jamais été retenue par les professionnels.
Ils font valoir que l'esprit de la convention de scolarisation est de permettre la continuité sur l'ensemble des classes élémentaires et que la résiliation du contrat au bout d'une seule année scolaire est censée n’être qu'exceptionnelle et pour des raisons légitimes telles qu'un déménagement de la famille ou un incident grave impliquant l'élève.
Ils considèrent que l’OGEC [18] a d’une part violé les stipulations contractuelles en s’abstenant d’offrir une scolarité sereine à [Z] et en lui notifiant une rupture anticipée du contrat en cours d’année scolaire, d’autre part les a détournées sciemment en invoquant un motif mensonger pour résilier le contrat à échéance alors qu’il devait normalement être renouvelé par tacite reconduction. L’OGEC n’a ainsi pas exécuté le contrat de bonne foi et engage sa responsabilité civile contractuelle à leur égard.
-Le rectorat ne se prononce pas sur la mise en cause de la responsabilité de l'OGEC.
-L'OGEC et son assureur répliquent qu'un contrat « clés du comportement » a été établi le 21 septembre 2020, qu'un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) a été également mis en œuvre de septembre à novembre, alors que les parents, auxquels il avait été adressé, n'ont jamais retourné ; que plusieurs réunions ont eu lieu les 8 et 10 décembre 2020 et à la demande de Monsieur [A], le 15 janvier 2021.
Les défendeurs expliquent que lors de la réunion du 8 décembre 2020, la directrice a fait part aux parents du constat partagé par l'équipe pédagogique d'une régression de [Z] et a évoqué l'idée d'envisager pour lui un établissement adapté. Ils exposent que lors de la seconde réunion organisée à la demande des parents, ceux-ci ont fait montre d’une particulière agressivité, soutenant que l’attitude de leur enfant était la conséquence des « violences » exercées à son encontre par sa maîtresse, que Monsieur [A] aurait proféré des menaces, indiquant à la directrice qu’il n’en « resterait pas là », qu’elle allait recevoir une lettre recommandée et une plainte. L'OGEC et son assureur relèvent que les parents souhaitaient, paradoxalement, voir leur enfant maintenu dans une école où seraient pratiquées des violences sur les élèves.
Ils soutiennent que l’impossibilité, en dépit des multiples initiative prises en ce sens par la direction de l’établissement, de créer un dialogue serein avec les parents, et l’attitude procédurière et pour le moins agressive, dont ils ont fait montre tout au long de l’année scolaire, a conduit l’OGEC [18] à prendre la décision de ne pas le réinscrire l’année suivante. Ils relèvent que le défenseur des droits, saisi par Monsieur [A], a conclu à une prise en charge adaptée de l’enfant [Z] et à l’absence d’une éventuelle rupture de contrat discriminatoire et fondée sur un motif autre que la rupture du lien de confiance entre les parents de [Z] et l’établissement scolaire. »
En tout état de cause, selon eux, le refus opposé par l’école [18] de reprendre le jeune [Z] à la rentrée 2021 n’est nullement constitutif d’une faute, la convention de scolarisation étant un contrat à durée déterminée dont le terme est la fin de l’année scolaire, que la possibilité d’une tacite reconduction ne modifie en rien ce principe, le contrat imposant simplement, pour y faire échec, le simple respect d’un préavis.
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Aux termes de l'article 1103 et 1104 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.
En l'espèce, il ressort des pièces et conclusions que l'école [18] a mis en place un suivi spécifique de l'enfant [Z] (contrat clés de la réussite, PPRE), que des échanges ont eu lieu régulièrement avec les parents soit téléphoniquement (4 décembre 2020), soit lors de réunions (9 octobre 2020, 8 et 10 décembre 2020, 15 janvier 2021), qu'un changement de classe de [Z] a été effectué à la reprise des cours en janvier 2021, que des attaches avaient été prises avec le précédent établissement de scolarisation de l'enfant. Ces éléments s'opposent à l'affirmation des parents selon laquelle l'école [18] aurait failli en agissant tardivement, en ne procurant pas une scolarisation sereine à [Z] ou encore en manquant de bonne foi dans l'exécution des dispositions contractuelles.
Ce moyen sera donc rejeté.
S'agissant de l'exclusion de [Z] en cours d'année scolaire, les parties procèdent à des déclarations opposées mais non corroborées par les pièces produites. Monsieur [A] et Madame [K] soutiennent que l'école les aurait informés le 8 décembre 2020 de sa décision d'exclure [Z] alors que l'école explique avoir informé les parents de ce qu'il convenait d'envisager de trouver un établissement adapté. Si Monsieur [A] s'émeut dans son courrier daté du 9 décembre, puis dans celui daté du 10 décembre 2020 de ce que l'exclusion de leur fils leur a été annoncée « sans préavis », sans motif réel et sérieux, et en « bafouant » la procédure normale d'exclusion, aucun élément ne permet de corroborer ses affirmations.
Il sera relevé que le tribunal ne dispose d'aucun élément relatif aux procédures disciplinaires susceptibles d'être mises en œuvre par l'établissement scolaire à l'égard des élèves. Le contrat de scolarisation versé aux débats ne comporte aucune disposition à ce sujet. En tout état de cause il convient de constater qu'aucune notification écrite d'une exclusion de [Z] décidée ni même envisagée n'a été adressée aux parents. A l'inverse, il ressort des pièces et conclusions que ceux-ci ont été informés de la prise en charge de [Z] dans une autre classe à compter du mois de janvier 2021 et ont été conviés à une réunion, en présence de l'inspectrice de l'éducation, fixée au 15 janvier 2021, afin de faire le point sur ses progrès et besoins particuliers.
Dès lors le moyen relatif à la violation des dispositions contractuelles en ce que l'OGEC aurait tenté d'exclure l'enfant de l'établissement en cours d'année scolaire sera rejeté.
S'agissant du non-renouvellement du contrat de scolarisation pour l'année scolaire 2021-2022, le tribunal relève que le contrat signé, tel que versé aux débats, l'est seulement pour une année scolaire et qu'il peut être résilié par chacune des parties en fin d'année scolaire, au plus tard le 1er juin, sans lister les causes de non renouvellement. Dès lors il ne peut être reproché à l'OGEC [18] une faute en ayant refusé de renouveler le contrat de scolarisation de [Z] au terme de sa première année scolaire dans l'école [18].
Le moyen sera rejeté.
Au final il convient de dire que Monsieur [A] et Madame [K] échouent à démontrer l'existence d'une faute de l'OGEC [18] dans l'exécution du contrat les liant et relatif à la scolarisation de leur enfant [Z].
En l'absence de faute, la responsabilité de l'OGEC à ce titre ne peut être engagée et toute demande sur ce fondement sera rejetée.
-Sur la demande d'expertise et la demande d'indemnisation du préjudice moral des parents
En l'absence de responsabilité des défendeurs retenue par le tribunal, la demande d'expertise de [Z] [A] devient sans objet et sera donc rejetée, tout comme la demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
La demande d'indemnisation du préjudice moral des parents sera également rejetée pour les mêmes motifs.
-Sur les demandes accessoires
Monsieur [A] et Madame [K] succombant seront condamnés aux dépens avec distraction au profit de Maîtres Marion Cordier et Cécile Flécheux, membre de la SCP BILLON-BUSSY-RENAULD et associés. Ils seront condamnés à payer au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1.398€ à l'OGEC [18] et à la mutuelle CHRISTOPHE ASSURANCES et de 2.500€ à la rectrice de l'académie de [Localité 21].
Ils seront corrélativement déboutés de leurs demandes à ce titre.
Le jugement sera déclaré commun à la CPAM des Hauts de Seine.
Enfin il n'y a par ailleurs par lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,
Déboute Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] aux dépens, avec distraction au profit de Maître Marion Cordier et de Maître Cécile Flécheux, membre de la SCP BILLON-BUSSY-RENAULD et associés ;
Condamne Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] à verser, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 1.398,00€ à l'OGEC [18] et à la mutuelle CHRISTOPHE ASSURANCES et de 2.500€ à la rectrice de l'académie de [Localité 21] ;
Déboute Monsieur [O] [A] et Madame [B] [K] de leur demande de ce chef ;
Déclare le jugement commun à la CPAM des Hauts de Seine ;
Dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 AOUT 2024 par M.BRIDIER, Vice Président substituant Mme DUMENY, Vice Présidente empêchée, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT