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07/08/2024 | FRANCE | N°24/00126

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Procédure accélérée fond, 07 août 2024, 24/00126


Minute n° :






TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

JUGEMENT
PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND

07 AOÛT 2024




N° RG 24/00126 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYQP
Code NAC : 28D




DEMANDERESSE :

Madame [T] [Z] divorcée [W]
née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 8] (75),
demeurant [Adresse 1],

Non comparante, représentée par Maître Bénédicte FLECHELLES-DELAFOSSE, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.



DÉFENDEUR :

Monsieur [M] [P] [I] [W]
né le [Date nai

ssance 7] 1960 à [Localité 9] (CANADA),
demeurant [Adresse 2],

Comparant, représenté par Maître Leila VOLLE, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Lisa GR...

Minute n° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

JUGEMENT
PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND

07 AOÛT 2024

N° RG 24/00126 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYQP
Code NAC : 28D

DEMANDERESSE :

Madame [T] [Z] divorcée [W]
née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 8] (75),
demeurant [Adresse 1],

Non comparante, représentée par Maître Bénédicte FLECHELLES-DELAFOSSE, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDEUR :

Monsieur [M] [P] [I] [W]
né le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 9] (CANADA),
demeurant [Adresse 2],

Comparant, représenté par Maître Leila VOLLE, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Lisa GRAYER, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉBATS TENUS À L'AUDIENCE DU : 24 MAI 2024

Nous, Pauline DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Carla LOPES DOS SANTOS, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du
24 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 07 Août 2024, date à laquelle le jugement suivant a été rendu.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [Z] et Monsieur [M] [W] se sont mariés le
[Date mariage 4] 1989 par-devant l’Officier d’état civil de [Localité 10] (83), sans avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage préalable.

De cette union, sont issus deux enfants :
- [G], née le [Date naissance 3] 1994,
- [C], né le [Date naissance 5] 1996.

Par ordonnance de non conciliation rendue le 30 septembre 2021, le juge aux affaires familiales de Versailles, saisi par Madame [Z], a notamment :
- Débouté Monsieur [M] [W] de sa demande de jouissance à titre gratuit du domicile conjugal,
- Attribué à Monsieur [M] [W] la jouissance du logement du ménage à charge pour lui d’en assumer les frais et charges habituellement récupérables sur le locataire afférents à cette jouissance (en ce inclus la taxe d’habitation et les charges de copropriété habituellement récupérables sur le locataire) et ce, à titre onéreux,
- Accordé à Madame [T] [Z] un délai de trois mois pour quitter le domicile conjugal,
- Débouté Madame [T] [Z] de sa demande de dire que Monsieur [M] [W] supportera seul les charges de copropriété et les taxes foncières du couple,
- Dit que Monsieur [M] [W] supportera seul, à titre provisoire, à charge de récompense, les charges de copropriété non récupérables sur le locataire et les taxes foncières à compter du départ de Madame [T] [Z] du domicile conjugal et en tant que de besoin l’y a condamné,
- Fixé à 200 euros la pension alimentaire que Monsieur [M] [W] doit verser mensuellement à son épouse au titre du devoir de secours et l’a condamné au paiement de cette somme,
- Dit que les époux devront supporter pour moitié les frais de scolarité de [G] à compter de la requête, soit le 24 novembre 2020.

L’ordonnance de non conciliation a été signifiée à la requête de Madame [Z] le 4 novembre 2021.

Madame [Z] a assigné en divorce Monsieur [W], le 3 juin 2022 sur le fondement de l’article 233 du code civil.

Par jugement du Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles en date du 12 avril 2023, le juge aux affaires familiales a notamment :
- prononcé le divorce par acceptation du principe de la rupture des liens du mariage entre les époux [W] / [Z],
- invité les parties à procéder à l’amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le Juge aux affaires familiales pour qu’il soit statué sur le partage judiciaire et ce, conformément aux dispositions de l’article 1359 et suivants du code de procédure civile,
- fixé la date des effets du divorce au 30 septembre 2021,
- constaté la révocation de plein droit, du fait du prononcé du divorce, des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d’un époux et des dispositions à cause de mort, consentis entre époux par contrat de mariage ou pendant l’union,
- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
- partagé les dépens de l’instance par moitié entre les parties.

Le jugement de divorce a été signifié, à la requête de Madame [Z], à Monsieur [W] le 4 mai 2023.

Le divorce a été transcrit en marge de l’acte de mariage des époux le
10 juillet 2023.

Madame [Z] s’est rapprochée de Maître [H] [B], Notaire, afin de procéder à la liquidation du régime matrimonial.

Reprochant à Monsieur [M] [W] de ne pas avoir répondu, ni au mail du 4 septembre 2023 adressé par Maître [H] [B] proposant des dates de rendez-vous possibles, ni à la relance faite par mail et par courrier recommandé avec accusé de réception le 4 octobre 2023 d’une part, et de ne pas être allé chercher le recommandé à la Poste du courrier adressé par son Conseil, distribué le 28 novembre 2023, afin que l’indemnité d’occupation due depuis l’ordonnance de non conciliation soit réglée sans attendre l’issue des opérations de liquidation du régime matrimonial d’autre part, Madame [Z] a, par acte de commissaire de justice délivré le 27 décembre 2023, fait assigner Monsieur [W] devant le président du tribunal judiciaire de Versailles statuant selon la procédure accélérée au fond et demande notamment la condamnation à titre provisionnel de Monsieur [W] à lui verser la somme de 20.800,00 euros correspondant à l’indemnité d’occupation qui lui est due depuis le 1er mars 2022 arrêtée provisoirement au mois de mai 2024 ainsi que la somme de 800 euros mensuels au titre de l’indemnité d’occupation (1.600:2) à compter du mois de
juin 2024, avec indexation annuelle sur l’indice de révision des loyers.

Par dernières conclusions signifiées le 23 mai 2024 développées à l'audience, Madame [Z] demande de :

« Vu l’article 815-9 du Code Civil,
Vu l’article 815-11 du Code Civil,
Vu l’article 1380 du Code de Procédure Civile,

- Dire la présente demande recevable et bien fondée ;

- Condamner à titre provisionnel Monsieur [W] à verser à Madame [Z] [W] la somme de 20.800,00 € correspondant à l’indemnité d’occupation
qui lui est due depuis le 1er mars 2022 arrêtée provisoirement au mois de
mai 2024 ;

- Condamner Monsieur [W] à verser à Madame [Z] [W]
la somme de 800 € mensuels au titre de l’indemnité d’occupation (1600 / 2)
à compter du mois de juin 2024, avec indexation annuelle sur l’indice de
révision des loyers ;

- Condamner Monsieur [W] à verser à Madame [Z] [W] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner Monsieur [W] aux entiers dépens ;

- Rappeler l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Madame [Z] estime que sa demande est recevable sur le fondement de l’article 815-9 du code civil. Elle précise avoir quitté le domicile conjugal en
mars 2022. Elle indique que Monsieur [W] est redevable d’une indemnité d’occupation à l’égard de l’indivision à compter du 1er mars 2022.
Elle s’estime ainsi bien fondée à demander la condamnation de Monsieur [W] à lui payer 50% de cette indemnité d’occupation.
Elle expose que Monsieur [W] occupe de manière privative le bien indivis et conteste avoir laissé des affaires lui appartenant dans des placards.
Elle déclare que la valeur locative du bien litigieux se situe entre 1.950 euros et 2.050 euros au vu des estimations produites. Elle ajoute qu’une moyenne de ces montants peut être retenue au titre de la valeur locative soit une indemnité d’occupation à hauteur de 1.600 euros. Elle demande la condamnation de Monsieur [W] à lui payer la somme de 20.800 euros au titre de l’indemnité d’occupation arrêtée au mois de mai 2024.
Elle ajoute qu’au vu des dispositions de l’article 815-11 alinéa 1 et 3 du code civil, la répartition provisionnelle des bénéfices n’a pas d’incidence et ne se confond pas avec la demande d’avance en capital sur le fondement de l’article 815-11 alinéa 4 du code civil.

Par conclusions signifiées le 22 mai 2024 développées à l'audience, Monsieur [W] demande de :

« Vu l'article 815-9 du Code Civil,
Vu l'article 815-11 du Code Civil,
Vu l'article 1380 du Code de Procédure Civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces produites et la jurisprudence citée,

- DECLARER la demande de Madame [Z] irrecevable et mal fondée ;

- REJETER la demande de versement à titre provisionnel de 24.000 euros
par Monsieur [W] au titre de l’indemnité d’occupation due entre le
20 septembre 2021 et le mois de décembre 2023 ;

- REJETER la fixation de l’indemnité d’occupation à hauteur de 800 euros par mois à compter de la décision à venir ;

- REJETER la demande de condamnation de Monsieur [W] au versement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que des entiers dépens ;

- CONDAMNER Madame [Z] au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER Madame [Z] aux dépens. »

Monsieur [W] conclut au débouté des demandes de Madame [Z] exposant qu’en mars 2023, cette dernière a souhaité acquérir un bien immobilier à son nom propre et qu’elle lui a demandé d’accepter de signer l’acte de vente. Il déclare avoir accepté d’apposer sa signature sur l’acte de vente, Madame [Z] renonçant quant à elle au versement d’une indemnité d’occupation.
Par ailleurs, Monsieur [W] conteste toute jouissance privative du bien exposant que Madame [Z] dispose toujours des clefs du bien et ses affaires étant toujours dans des placards du logement.

En tout état de cause, il fait valoir que l’indemnité d’occupation est couverte par les frais de gestion du bien. Il indique que la valeur locative du bien doit être estimée entre 1.590 et 1.650 euros comme cela ressort de l’attestation de l’agence immobilière produite aux débats. Selon Monsieur [W], le montant mensuel de l’indemnité d’occupation est de 1.290 euros. Si une indemnité d’occupation est due, elle s’élève à la somme de 28.000 euros soit 14.000 euros au profit de Madame [Z]. Or, il fait valoir qu’il justifie avoir payé 23.000 euros au titre des charges de copropriété et 3.500 euros au titre des taxes foncières. Il ajoute que les dépenses relatives au bien qui doivent être déduites de l’indemnité d’occupation en application de l’ordonnance de non conciliation du 30 septembre 2021 s’élèvent à la somme de 28.000 euros, soit 14.000 euros revenant à Madame [Z]. Il ajoute que cette dernière ne tient pas compte des dépenses effectuées pour le bien indivis dans sa demande. Il estime qu’aucune provision n’est due à Madame [Z] au titre de l’indemnité d’occupation.

L’affaire, appelée à l'audience du 24 mai 2024, a été mise en délibéré au
7 août 2024.

MOTIFS

Sur la demande de fixation d'indemnité provisionnelle

L'article 815-9 du code civil dispose : «Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la clause indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.»

L’article 815-11 du même code dispose : «Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserves d'un compte à établir lors de la liquidation.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.»

L'article 1380 du code de procédure civile dispose que les demandes formées en application de l'article 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.

Il est de principe que l'indemnité d'occupation privative devant être assimilée à un revenu accroissant l'indivision, chaque indivisaire peut solliciter sa part annuelle dans les bénéfices résultant pour celle-ci et ce même s'il n'est pas établi que le bien aurait été productif de revenus sans occupation.

Il est par ailleurs de principe que la répartition provisionnelle des bénéfices est une faculté laissée à l'appréciation des juges du fond.

En sa qualité d’indivisaire, Madame [Z] peut demander, sur le fondement de l’article 815-11 du code civil, sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.

Il est de principe que le partage sollicité par Madame [Z] sur l'article 815-11 alinéa 3 du code civil ne nécessite pas la présence de fonds disponibles pour l'indivision, cette condition concernant les demandes d'avance sur capital.

Il est constant que :

- par ordonnance de non conciliation en date du 30 septembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles, saisi par Madame [Z], a notamment :
* attribué à Monsieur [W] la jouissance du logement du ménage à charge pour lui d’en assumer les frais et charges habituellement récupérables sur le locataire afférents à cette jouissance (en ce inclus la taxe d’habitation et les charges de copropriété habituellement récupérables sur le locataire) et ce, à titre onéreux,
* accordé à Madame [Z] un délai de trois mois pour quitter le domicile conjugal,
* dit que Monsieur [W] supportera seul, à titre provisoire, à charge de récompense, les charges de copropriété non récupérables sur le locataire et les taxes foncières à compter du départ de Madame [Z] du domicile conjugal et en tant que de besoin l’y a condamné,

- par jugement réputé contradictoire en date du 12 avril 2023, le juge aux affaires familiales a notamment :
* prononcé le divorce par acceptation du principe de la rupture des liens du mariage entre les époux [W] / [Z],
* invité les parties à procéder à l’amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le Juge aux affaires familiales pour qu’il soit statué sur le partage judiciaire et ce, conformément aux dispositions de l’article 1359 et suivants du code de procédure civile,
* fixé la date des effets du divorce au 30 septembre 2021,
* constaté la révocation de plein droit, du fait du prononcé du divorce, des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d’un époux et des dispositions à cause de mort, consentis entre époux par contrat de mariage ou pendant l’union,

- le jugement de divorce a été signifié à la requête de Madame [Z] à Monsieur [W] le 4 mai 2023 ; il n’a pas été interjeté appel de ce jugement,

- le divorce a été transcrit en marge de l’acte de mariage des époux le
10 juillet 2023.

Il ressort des débats que Madame [Z] a quitté le bien indivis litigieux en
mars 2022.

Sur l’existence d’un accord relatif à l’absence de paiement d’une indemnité d’occupation de Monsieur [W]

Monsieur [W] conclut au débouté de la demande de Madame [Z] déclarant qu’en mars 2023, Madame [Z] a acquis un bien immobilier et qu’à cette occasion, il a accepté in fine d’apposer sa signature à l’acte de vente notarié, Madame [Z] renonçant au versement d’une indemnité d’occupation.

A l’appui de sa déclaration, Monsieur [W] produit une attestation de Madame [X] qui précise : «J’étais présente lors de la conversation téléphonique entre M. et Mme [W]. M. [W] a mis le haut-parleur pour avoir un témoin de cet échange. Il a accepté de signer et en contre-partie, il a demandé à rester dans l’appartement sans donner de loyer.»

La seule attestation ainsi produite, en l’absence de tout autre élément de preuve ou commencement de preuve, dont il ne peut qu’être constaté qu’elle est laconique, n’est pas un élément de preuve suffisant pour démontrer que Madame [Z] et Monsieur [W] se sont mis d’accord pour que Monsieur [M] [W] ne verse pas d’indemnité d’occupation à Madame [Z] en contrepartie de sa signature à l’acte d’acquisition de cette dernière.
Monsieur [W] ne rapporte pas la preuve d’un accord avec son ex-épouse relatif au non-paiement d’une indemnité d’occupation par celui-ci.

Sur le principe de l’indemnité d’occupation

Madame [Z] fait valoir que Monsieur [W] occupe de manière privative le bien indivis litigieux.
Monsieur [W] conteste toute occupation privative en exposant que Madame [Z] dispose d’un jeu de clefs et qu’elle a des affaires dans les placards du logement.

Il ressort des développements précédents que le bien indivis litigieux a été attribué à titre onéreux à Monsieur [W] au terme de l’ordonnance de non conciliation en date du 30 septembre 2021, le divorce ayant été prononcé par jugement réputé contradictoire en date du 12 avril 2023. Monsieur [W] n’a pas sollicité l’attribution du domicile conjugal.

Il n’est pas contesté que Madame [Z] a quitté le domicile conjugal en
mars 2022.
Elle verse une attestation de Madame [J] aux termes de laquelle il est précisé qu’elle a été hébergée de mars 2022 à début juin 2023. Il doit être relevé que cette attestation n’est pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile mais il n’en demeure pas moins que la date de départ du bien indivis litigieux de Madame [Z], au mois de mars 2022, n’est pas contestée.
Par ailleurs, Madame [Z] ne conteste pas détenir les clefs du bien indivis litigieux. Cependant, il doit être relevé que, quand bien même Madame [Z] a un jeu de clefs du bien indivis, il n’en demeure pas moins que le bien a été attribué à titre onéreux à Monsieur [M] [W] au terme de l’ordonnance de non conciliation et il n’en a pas demandé l’attribution préférentielle lors du jugement de divorce. Il est acquis que Monsieur [W] réside dans le bien litigieux depuis le départ de Madame [Z] en mars 2022, cette jouissance du bien par Monsieur [M] [W] est privative en ce que Madame [Z] ne peut pas jouir du bien en la présence de Monsieur [M] [W] qui l’occupe.
Par ailleurs, les photographies d’un placard produites aux débats ne permettent pas de démontrer qu’il s’agit des affaires de Madame [Z] et, en tout état de cause, cela ne permet pas de démontrer que Monsieur [M] [W] n’a pas la jouissance exclusive de l’appartement.

Il ne peut être raisonnablement soutenu que la jouissance de l’appartement par Monsieur [W] n’est pas privative et exclusive dans la mesure où il y réside depuis le départ de Madame [Z], le couple étant séparé et Madame [Z] ne pouvant de facto plus y résider ni jouir du bien.
Madame [Z] rapporte la preuve de la jouissance privative du bien indivis litigieux par Monsieur [W].

Sur le montant de l’indemnité d’occupation et sur la demande provisionnelle au titre de l’indemnité d’occupation

L'article 815-11 du code civil dispose : «Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserves d'un compte à établir lors de la liquidation.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.»

Il est de principe que la répartition provisionnelle des bénéfices est une faculté laissée à l'appréciation des juges du fond.

En sa qualité d’indivisaire, Madame [Z] peut demander, sur le fondement de l’article 815-11 du code civil, sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels elle a consenti ou qui lui sont opposables.
La demande sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 815-11 ne porte que sur les bénéfices nets qui apparaissent au terme d’une année après déduction des charges, ce qui implique la nécessité d’un compte annuel de gestion du bien indivis, étant précisé que la part des bénéfices nets à laquelle peut prétendre la demanderesse est proportionnelle à ses droits dans l’indivision.
La répartition provisionnelle des bénéfices est une faculté laissée à l'appréciation des juges du fond.

Madame [Z] produit aux débats une attestation d’une agence immobilière évaluant la valeur locative du bien litigieux entre 1.950 et 2.050 euros par mois.
Monsieur [W] conteste cette estimation et produit une estimation de la valeur locative établie entre 1.590 et 1.650 euros par mois.

Compte-tenu des attestations produites aux débats, il convient de retenir une valeur locative de 1.800 euros.
Par application de l'abattement de 20% applicable s'agissant d'une occupation précaire, le montant de l'indemnité d'occupation sera fixé comme suit :
1.800 x 80% = 1.440 euros.

Le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [W] à l'indivision s'élève à la somme de 1.440 euros par mois, soit la somme de 37.440 euros au
mois de mai 2024 inclus. L’indemnité d’occupation due par Monsieur [W] à Madame [Z] est de 18.720 euros.

Monsieur [W] fait valoir qu’il convient de déduire du montant de l’indemnité d’occupation qu’il doit le montant des charges de copropriété payées et des taxes foncières. Il produit les taxes foncières des années 2021, 2022, 2023 pour un total de 5.631 euros. Il produit par ailleurs un relevé de compte au 16 mai 2024 relatif aux charges de copropriété du bien indivis. Il apparaît qu’il a versé la somme de 17.445,87 euros, la somme de 5.032,32 euros restant à payer.
Au total, Monsieur [W] justifie avoir payé la somme de 23.076,87 euros pour le compte de l’indivision.

Il résulte de ces éléments que contrairement à ce qu’indique Monsieur [W], le montant des charges de copropriété et des taxes foncières pour la période comprise entre mars 2022 et l’assignation est inférieure au montant de l’indemnité d’occupation due par Monsieur [M] [W] à l’indivision.

En conséquence de quoi, la demande de Madame [Z] tendant à voir condamner Monsieur [W] à lui payer une provision correspondant à sa quote part annuelle issue de l’indemnité d’occupation pour la période s’étalant de
mars 2022 au 24 mai 2024 est justifiée.
Monsieur [W] sera condamné à payer à Madame [Z] la somme de 18.720 euros à titre de provision correspondant à sa quote-part annuelle résultant de l’indemnité d’occupation pour la période s’étalant de mars 2022 au 24 mai 2024.
Il doit être précisé qu’il s’agit d’une provision et que les comptes seront établis par le notaire dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des ex époux.

Par ailleurs, il convient de condamner à titre provisionnel Monsieur [W] à payer à Madame [Z] la somme de 720 euros (soit 1.440 ÷ 2 = 720) par mois au titre de l’indemnité d’occupation du bien indivis.

Sur les autres demandes

L’exécution provisoire est de droit.

Monsieur [W] qui succombe sera condamné à payer les dépens.

Les circonstances d’équité tendent à justifier de condamner Monsieur [W] à payer 1.500 euros à Madame [T] [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant selon la procédure accélérée au fond par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Fixe l’indemnité d’occupation due par Monsieur [M] [W] à l’indivision à la somme de 1.440 euros par mois,

Condamne Monsieur [M] [W] à payer à Madame [T] [Z] la somme de 18.720 euros à titre de provision correspondant à sa quote part annuelle au titre de l’indemnité d’occupation pour la période s’étalant de mars 2022 au mois de mai 2024 inclus,

Condamne Monsieur [M] [W] à titre provisionnel à payer à Madame [T] [Z] la somme de 720 euros par mois correspondant à l’indemnité d’occupation à compter du mois de juin 2024,

Rejette la demande de Madame [T] [Z] tendant à voir appliquer l’indexation annuelle sur l’indice de révision des loyers,

Condamne Monsieur [M] [W] à payer à Madame [T] [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [M] [W] à payer les dépens de la présente procédure,

Rappelle que le jugement est exécutoire par provision.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 AOÛT 2024 par Pauline DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Carla LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

LE GREFFIER LA VICE-PRÉSIDENTE
Carla LOPES DOS SANTOS Pauline DURIGON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Procédure accélérée fond
Numéro d'arrêt : 24/00126
Date de la décision : 07/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-07;24.00126 ?
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