Minute n° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
JUGEMENT
PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
07 AOÛT 2024
N° RG 23/01409 - N° Portalis DB22-W-B7H-RSCK
Code NAC : 72A
DEMANDEUR :
Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 8] représenté par son syndic, l’agence Gestion Immobilière Moderne (GIM), société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 379 625 486 dont le siège social est [Adresse 1] [Localité 6], lui-même agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié de droit audit siège,
Non comparant, représenté par Maître Marion CORDIER, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.
DÉFENDERESSES :
1/ Madame [O] [X] [B] [W]
née le 27 Septembre 1943 à [Localité 7] (72),
demeurant [Adresse 4] - [Localité 9],
Comparante, représentée par Maître Yves BEDDOUK de la SELARL FIDU-JURIS, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.
2/ Madame [K] [E]
née le 15 Mai 1974 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2] - [Localité 5],
Non comparante ni représentée ayant pour avocat, Maître Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et Maître Sébastien VILLEMAGNE de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE.
DÉBATS TENUS À L'AUDIENCE DU : 10 JUIN 2024
Nous, Angéline GARDE, Juge, assistée de Carla LOPES DOS SANTOS, Greffier,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du
10 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 07 Août 2024, date à laquelle le jugement suivant a été rendu.
* * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Madame [O] [W] et Madame [K] [E], héritières de Madame [N] [H], sont les coïndivisaires des lots n° 5 et 34 de la [Adresse 8], située [Adresse 3] à [Localité 9] (78).
Le syndic de la copropriété est l’Agence Gestion Immobilière Moderne (GIM).
Par lettre recommandée avec accusé réception signé le 3 juillet 2023, le conseil du syndicat des copropriétaires a mis en demeure Madame [K] [E] de s’acquitter, au visa de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, de la somme de 2.124,15 € correspondant aux provisions de charges et cotisations pour le fonds de travaux des trois premiers trimestres de l’année 2023.
Les sommes n’ayant pas été acquittées en temps utile, le syndicat des copropriétaires l’a, par exploit introductif d’instance signifié le 27 septembre 2023, attrait devant le président du tribunal judiciaire de Versailles statuant selon la procédure accélérée au fond en paiement des sommes dues.
Puis, informé de l’existence d’une indivision entre Madame [K] [E] et Madame [O] [W], le syndicat des copropriétaires a, par exploit signifié le 8 avril 2024, attrait Madame [O] [W] en intervention forcée.
Lors de l’audience du 10 juin 2024, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, a demandé au tribunal de :
- Condamner solidairement Madame [K] [E] et Madame [O] [W] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 20.025,89 € avec intérêt légal à compter de la mise en demeure du 27 juin 2023 et ce, en application de l’article 36 du décret en date du 17 mars 1967,
- Dire que ces intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil,
- Rejeter la demande de délais de paiement,
- Les condamner à 3.500 € à titre de dommages et intérêts et 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, avec distraction au profit de la SELARL Sillard Cordier & Associés,
- Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
Le syndicat des copropriétaires soutient que la mise en demeure adressée à Madame [K] [E] est restée sans effet pendant plus d’un mois, de sorte qu’il est bien-fondé à exiger le paiement immédiat des provisions échues et à échoir dès lors qu’elles ont fait l’objet d’un vote du syndicat des copropriétaires dans le cadre du budget prévisionnel et/ou d’un fonds travaux. Il explique, au visa des pièces versées aux débats, que sa créance est certaine, liquide et exigible. Il s’oppose à l’octroi d’éventuels délais de paiement compte tenu de la taille de la copropriété.
Il ajoute que la présente juridiction est compétente, par les attributions qui lui ont été conférées, pour allouer des dommages et intérêts. Il considère que le non paiement par Madame [K] [E] et Madame [O] [W] de leur quote-part de charges de copropriété génère des difficultés de trésorerie à la copropriété, laquelle est tenue de faire l’avance des sommes dues à ses créanciers et d’assumer des frais de gestion supplémentaires non compris dans les dépens. Il affirme que le préjudice causé est distinct de celui consistant en un simple retard de paiement.
Lors de l’audience du 10 juin 2024, Madame [O] [W] a demandé au tribunal de :
- Accorder les plus larges délais à Madame [O] [W] pour régler les charges lors de la vente du bien immobilier,
- Débouter le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 8] de ses demandes de dommages et intérêts et article 700,
- Dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Madame [O] [W] expose que le retard pris dans le paiement des charges dues est lié aux difficultés rencontrées dans le règlement de la succession de Madame [N] [H]. Elle explique qu’un mandat de vente relatif à l’appartement litigieux a été signé et qu’une assignation en compte, liquidation et partage a été délivrée. Elle ne conteste pas le montant des sommes dues mais demande l’octroi de délais de paiement pour s’en acquitter. Elle s’oppose, en revanche, aux demandes accessoires (dommages et intérêts et article 700), considérant que le contexte particulier de l’affaire ne le justifie pas.
Madame [K] [E] n’a pas comparu à l’audience et n’y a pas été représentée, alors même qu’aucune dispense ne lui a été octroyée. Le tribunal n’est donc pas valablement saisi des conclusions adressées par voie de RPVA le 10 juin 2024 et le jugement sera qualifié de réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.
Au cours de l’audience, le tribunal a relevé d’office la question de la recevabilité de l’action eu égard à la mise en demeure délivrée, ainsi que la recevabilité de la demande en paiement de dommages et intérêts. Il a par ailleurs autorisé le syndicat des copropriétaires à justifier, par voie de note en délibéré notifiée sous 7 jours par voie de RPVA, du nombre de lots composant la copropriété s’agissant des dispositions transitoires issues de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021. Par note en réponse notifiée le 18 juin 2024, le syndic a attesté de l’existence de 36 lots, répartis en 18 lots d’appartements et 18 lots de caves.
MOTIFS
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la recevabilité de l’action
Selon l’article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.
L’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable depuis le
1er janvier 2023, instaure une procédure dérogatoire au droit commun permettant au syndicat des copropriétaires, trente jours après avoir adressé à ou aux copropriétaires défaillants une mise en demeure d’avoir à payer à sa date d’exigibilité une provision due au titre de l’article 14-1, de recouvrir, par la procédure accélérée au fond, les autres provisions non encore échues en application du même article 14-1 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes.
Le caractère infructueux de la mise en demeure à l’issue d’un délai de 30 jours étant un préalable nécessaire à la saisine du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, toute irrégularité affectant cette même mise en demeure conduit à l’irrecevabilité de l’action intentée.
En l’espèce, il est établi que la mise en demeure adressée le 27 juin 2023 par le conseil du syndicat des copropriétaires l’a uniquement été à Madame [K] [E], laquelle seule figurait sur l’extrait de matrice cadastrale consulté. Ce n’est que dans un second temps, après avoir été informé de la soumission des lots au régime de l’indivision, que le syndicat des copropriétaires a procédé à l’assignation en intervention forcée de Madame [O] [W] devant la présente juridiction.
Or, pour satisfaire aux obligations de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 et permettre à chacune des coïndivisaires de régler le montant des provisions dues dans le délai de 30 jours, ce qui aurait fait obstacle à leur assignation (initiale puis forcée) devant la présente juridiction, le syndicat des copropriétaires aurait dû, dès le 27 juin 2023, adresser une mise en demeure à chacune d’entre elles.
A défaut, l’irrecevabilité de l’action, dont le régime dérogatoire au droit commun est d’ordre public, doit être prononcée.
Sur les autres demandes
Sur les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Le syndicat des copropriétaires, qui perd son procès, sera condamné aux dépens de l’instance.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Le syndicat des copropriétaires, tenu aux dépens, sera débouté de sa demande indemnitaire au titre des frais irrépétibles exposés.
Sur l’exécution provisoire
En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort selon la procédure accélérée au fond,
DÉCLARE le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 8], située
[Adresse 3] à [Localité 9] (78), irrecevable en son action,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 8], située
[Adresse 3] à [Localité 9] (78), aux dépens de l’instance,
REJETTE les autres demandes,
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 AOÛT 2024 par Angéline GARDE, Juge, assistée de Carla LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
LE GREFFIER LE JUGE
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE