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23/07/2024 | FRANCE | N°24/01896

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 23 juillet 2024, 24/01896


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 23 JUILLET 2024

DOSSIER : N° RG 24/01896 - N° Portalis DB22-W-B7I-R5ML
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEUR

Monsieur [B] [S]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7] (SENEGAL)

Madame [G] [W] épouse [S]
née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 9] (SENEGAL)

tous deux demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Corinne MANCHON, avocat au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 561

FENDERESSE

S.A.S. EOS FRANCE, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro Siren 488.825.217, dont le s...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 23 JUILLET 2024

DOSSIER : N° RG 24/01896 - N° Portalis DB22-W-B7I-R5ML
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEUR

Monsieur [B] [S]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7] (SENEGAL)

Madame [G] [W] épouse [S]
née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 9] (SENEGAL)

tous deux demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Corinne MANCHON, avocat au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 561

DÉFENDERESSE

S.A.S. EOS FRANCE, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro Siren 488.825.217, dont le siège social est sis [Adresse 6], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Agissant en qualité de représentant - recouvreur du Fonds Commun de Titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, représenté par la S.A EUROTITRISATION, immatriculée au RCS BOBIGNY sous le numéro n° B 352 458 368, ayant son siège social [Adresse 2], le Fonds commun de Titrisation CREDINVEST, compartimentCREDINVEST 2, représenté par la société EUROTITRISATION. Venant aux droits de la Société CMP BANQUE, Société Anonyme à Conseil d’Administration, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro n° B 451 309 728, ayant son siège social [Adresse 4], suivants acte de cession de créances passées en date du 28 juin 2017 soumis aux dispositions des articles L214-168 à L214-175 du code monétaire et financier.

Représenté par Me Denis SOLANET, avocat postulant au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 384, et Me Claire BOUSCATEL, avocat plaidant de l’Association d’avocats BIARD BOUSCATEL & Associés, avocats au Barreau de PARIS.

jugement contradictoire
premier ressort

Copie exécutoire à : Me Manchon
Copie certifiée conforme à : Me Solanet + Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 23 juillet 2024

ACTE INITIAL DU 12 Mars 2024
reçu au greffe le 28 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Noélie CIROTTEAU, Juge, Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
assistée de Madame Emine URER, Greffier

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 26 juin 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.


◊ ◊ ◊

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du Tribunal d’instance de Sens en date du 11 mai 2016, Monsieur [B] [S] a été condamné à verser à la société CMP BANQUE la somme de 15.547,47 euros avec intérêts au taux de 8,25% à compter du 23 janvier 2016, outre un euro au titre de la clause pénale et les dépens.

Ce jugement a été assorti de l'exécution provisoire. Il a été signifié à Monsieur [B] [S] le 31 mai 2016.

Se prévalant de ce jugement, la société EOS FRANCE a adressé à Monsieur [S], par acte du commissaire de justice du 9 février 2024, un avis d’immobilisation d’un véhicule terrestre à moteur portant sur un véhicule de Marque PEUGEOT, modèle 5008, immatriculé [Immatriculation 8].

Le même jour, par acte de commissaire de justice, un procès-verbal d’immobilisation avec enlèvement du véhicule a été dressé. Ce procès-verbal a été dénoncé par acte d'huissier du 16 février 2024 à Monsieur [B] [S] comprenant un commandement de payer pour une somme totale de 26.162,79 euros.

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 12 mars 2024, Monsieur [B] [S] et Madame [G] [W] épouse [S] ont assigné la société EOS FRANCE devant le Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles.

L’affaire a été appelée à l’audience du 26 juin 2024.

Aux termes de leurs conclusions en réplique visées à l’audience, les époux [S] sollicitent le juge de l'exécution aux fins de :
A titre principal : Juger nul l’avis d’immobilisation d’un véhicule terrestre à moteur du 9 février 2024,Juger nulle la dénonciation du procès-verbal d’immobilisation notifié le 16 février 2024,Juger nul le procès-verbal d’immobilisation dénoncé le 16 février 2024,
Ordonner la mainlevée de l’immobilisation du véhicule et sa restitution immédiate sur la simple présentation du jugement à venir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard,A titre subsidiaire : juger abusive et inutile l’immobilisation du véhicule et en ordonner la mainlevée et sa restitution immédiate sur la simple présentation du jugement à venir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard,Condamner la société EOS FRANCE à payer la somme de 4.000 euros à chaque membre de la famille [S] en réparation de son préjudice moral, soit 24.000 euros,Condamner la société EOS FRANCE à payer 10.000 euros à chacun des époux [S] en complément de leur préjudice moral,Condamner la société EOS FRANCE à payer la somme de 650,24 euros par mois à compter de février 2024 au titre du remboursement du prêt lié à la voiture jusqu’au mois suivant la restitution effective de la voiture,Condamner la société EOS FRANCE à payer 150 euros par mois à compter de février 2024 au titre de la perte de salaire (heures supllémentaites de nuit) de Monsieur [B] [L] jusqu’au mois suivant la restitution effective de la voiture,Juger qu’aucun frais ou émolument ne sera mis à la charge des époux [S],Condamner la société EOS FRANCE à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En réponse, selon ses conclusions visées à l’audience, la société EOS FRANCE demande au juge de l'exécution de :
Débouter les époux [S] de l’ensemble de leurs demandes,Condamner Monsieur [B] [S] à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’objet du litige

L’article 4 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Il résulte de l’application de ces dispositions que l’opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un terme du litige.

Dès lors, il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes visant à voir dire, juger ou constater l’opinion des parties sur la qualification juridique de faits ou d’actes de nature à nourrir les moyens et arguments en débat.

Sur la demande de mainlevée de la procédure

L’article 648 de ce code dispose que « Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :
1. Sa date ;
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.
3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ;
4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Ces mentions sont prescrites à peine de nullité »

Selon l’article 649 du même code « La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. »

Sur la nullité de l’avis d’immobilisation du 9 février 2024
Selon l’article R.223-9 du Code des procédures civiles d'exécution : « Si le véhicule a été immobilisé en l'absence du débiteur, l'huissier de justice en informe ce dernier le jour même de l'immobilisation, par lettre simple adressée ou déposée au lieu où il demeure. Cette lettre contient :
1° La mention du titre exécutoire en vertu duquel le véhicule a été immobilisé ;
2° L'indication du lieu où il a été immobilisé et, le cas échéant, de celui où il a été transporté pour être mis en dépôt ;
3° L'avertissement que l'immobilisation vaut saisie et que, si le véhicule a été immobilisé sur la voie publique, il peut être procédé à son enlèvement dans un délai de quarante-huit heures à compter de son immobilisation pour être transporté en un lieu qui est indiqué ;
4° La mention, en caractères très apparents, que, pour obtenir une éventuelle mainlevée de l'immobilisation, le destinataire peut soit s'adresser à l'huissier de justice dont le nom, l'adresse et le numéro de téléphone sont indiqués, soit contester la mesure devant le juge de l'exécution du lieu d'immobilisation du véhicule dont le siège est indiqué avec l'adresse du greffe ».

Monsieur [S] fait valoir que l’avis est nul car il mentionne que le requérant est « FCT CREDINVEST (CMP BANQUE 28-06-17) CMP BANQUE 28/06/2017 [Adresse 2] » sans préciser ni la forme sociale, ni la dénomination sociale, ni l’organe qui représente légalement le requérant.

La société EOS France indique que les dispositions de l’article R.223-9 du Code des procédures civiles d'exécution sont respectées.

En l’espèce, l’avis est constitué par une lettre simple. Ainsi, les dispositions concernant les actes d’huissier, et notamment l’article 648 du Code de procédure civile ne s’appliquent pas. Ainsi, l’avis d’immobilisation sera déclaré valide.

Sur la nullité de la dénonciation du procès-verbal d’immobilisation
Monsieur [S] souligne également que ni la dénonciation, ni le procès-verbal d’immobilisation, ne mentionnent le requérant de manière claire et diffèrent dans leurs mentions. De plus, aucune cession de créance ne lui a été signifiée. Il demande l’annulation de l’acte de dénonciation du procès-verbal d’immobilisation.

La société EOS France fait valoir que sa qualité est bien mentionnée dans l’acte, ce qui a permis à Monsieur [S] de l’assigner. La cession de créance n’a pas besoin d’être notifiée au débiteur saisi dès lors que le Code monétaire et financier ne prévoit que la seule remise d’un bordereau. Il justifie que l’opération de titrisation a été notifiée par courrier du 26 juillet 2017 et du 4 septembre 2017. Il relève que le demandeur ne prouve aucun grief.

En l’espèce, le requérant est mentionné, ainsi que sa forme, sa dénomination sociale et son siège sociale. L’organe qui le représente est peu clair puisqu’il est mentionné « agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux » sans ce que ces derniers ne soient mentionnés. Toutefois cette irrégularité ne fait pas grief et il n’y a pas lieu d’ordonner l’annulation de l’acte.

Sur le caractère insaisissable du véhicule
L’article R.112-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que « Tous les biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire, si ce n'est dans les cas où la loi prescrit ou permet leur insaisissabilité ».

Monsieur [S] explique que le véhicule ne pouvait être saisi car il appartient pour moitié à son épouse. Le couple, marié sans contrat de mariage, a acquis le bien après le mariage. Le nom des deux époux figure sur la carte grise du véhicule ainsi que sur le relevé concernant les échéances de prêt pour l’achat du véhicule.

La société EOS FRANCE souligne que la carte grise ne constitue pas un titre de propriété. Elle estime que le fait que le bien ait été acquis après le mariage a créé une présomption de communauté qui n’est pas irréfragable.

Toutefois, la société EOS peine à renverser la charge de la preuve en ne faisant que des suppositions.

Par conséquent, la mainlevée de la saisie sera ordonnée.

Il n’y a pas lieu au prononcé d’une astreinte.

Les frais de la mesure d’exécution seront mis à la charge de la société EOS FRANCE.

Sur la demande de dommages et intérêts

Selon le quatrième alinéa de l’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent concernant les demandes relatives à des dommages et intérêts fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée.

Selon l’article L.121-2 du Code des procédures civiles d'exécution, il peut également condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.

Monsieur [S] a porté plainte contre le commissaire de justice mandaté par la société EOS FRANCE. Il déclare avoir été menotté devant ses enfants, alors que ces derniers se trouvaient dans le véhicule, et emmené au commissariat sans motif légitime. Sa femme a été contrainte de venir chercher leurs enfants au poste de police. Il relate n’avoir pas pu effectuer ses heures supplémentaires comme il le fait habituellement lorsqu’il dispose du véhicule familial. Il admet ne pas avoir eu à louer un véhicule de location mais précise que le couple a toujours la charge du remboursement de son prêt ayant servi à l’acquisition du véhicule.

La société EOS France nie toute responsabilité. De plus, elle fait valoir que Monsieur [S] s’est montré menaçant envers le commissaire de justice et a installé un de ses enfants dans la voiture en l’enfermant à clé pour empêcher qu’elle ne soit saisie.

Les déclarations de chacun se contredisant sans autre preuve, il n’y a pas lieu d’ordonner l’indemnisation du préjudice moral de Monsieur [S], ni de sa famille. Néanmoins, il peut être constaté un préjudice lié à la désorganisation familiale en l’absence de véhicule et aux échéances de prêt alors que la famille était privée de son véhicule. Le couple sera indemnisé à hauteur de 5.000 euros.
Sur la demande d’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
La société EOS FRANCE, partie perdante, a succombé à l’instance, elle sera condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du Code de Procédure Civile.
Les époux [S] ayant exposé des frais non compris dans les dépens, il y a lieu de faire droit à sa demande et de condamner la partie défenderesse à lui verser la somme de 2.000 euros, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,
ORDONNE la mainlevée de la saisie du véhicule terrestre à moteur portant sur un véhicule de Marque PEUGEOT, modèle 5008, immatriculé [Immatriculation 8] appartenant à Monsieur [B] [S] et Madame [G] [W] épouse [S] aux frais de la société EOS France ;
REJETTE la demande de Monsieur [B] [S] et Madame [G] [W] épouse [S] de prononcé d’astreinte ;
DIT que les frais de la mesure d’exécution seront supportés par la société EOS FRANCE ;
CONDAMNE la société EOS FRANCE à verser à Monsieur [B] [S] et Madame [G] [W] épouse [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DEBOUTE la société EOS FRANCE de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la société EOS FRANCE à payer à Monsieur [B] [S] et Madame [G] [W] épouse [S] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
CONDAMNE la société EOS FRANCE aux entiers dépens ;
RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 23 Juillet 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER Noélie CIROTTEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/01896
Date de la décision : 23/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-23;24.01896 ?
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