RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION
JUGEMENT DU 23 JUILLET 2024
DOSSIER : N° RG 24/01232 - N° Portalis DB22-W-B7I-R4TC
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/
DEMANDEUR
Monsieur [N] [Z]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6] (18)
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Alexis FACHE, avocat au Barreau de PARIS
Substitué par Me Mathias CASTERA, avocat au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 185
DÉFENDEUR
Monsieur [L], [P] [X] [H]
né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 5] (KENYA)
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Stéphanie BRILLET, avocat au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 436
ACTE INITIAL DU 02 Janvier 2024
reçu au greffe le 22 Février 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Noélie CIROTTEAU, Juge, Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
assistée de Madame Emine URER, Greffier
jugement contradictoire
premier ressort
Copie exécutoire à : Me Fache + Me Brillet
Copie certifiée conforme à : Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 23 juillet 2024
DÉBATS
À l’audience publique tenue le19 juin 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte d’huissier en date du 1er décembre 2023, un procès-verbal de saisie attribution a été dressé à la demande de Monsieur [L] [X] [H] entre les mains de la société CAISSE D’EPARGNE en vertu d’un jugement du Tribunal de proximité de Poissy en date du 12 septembre 2016 portant sur la somme totale de 6.876,52 euros en principal, intérêts et frais, déduction faite des versements. La somme saisie est illisible. Ce procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé par acte d'huissier du 5 décembre 2023 à Monsieur [N] [Z].
C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 2 janvier 2024, Monsieur [N] [Z] a assigné Monsieur [L] [X] [H] devant le Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de :
A titre principal : prononcer la nullité de la saisie-attributionA titre subsidiaire : Enjoindre à Monsieur [X] [H] de justifier de sa qualité de créancier, de produire un tableau de remboursement et historique de compte, de produire la signification du jugement invoqué, Lui accorder un délai de règlement sur les sommes non saisis, à hauteur de 100 euros par mois pendant 23 mois et le solde à l’échéance, Cantonner la saisie attribution à la somme de 4.000 euros.
Aux termes de ses conclusions visées à l’audience, Monsieur [L] [X] [H] demande au juge de l'exécution de :
Débouter Monsieur [N] [Z] de l’ensemble de ses demandes,Juger que la demande relative aux intérêts échus et dus par Monsieur [Z] remontera au 13 octobre 2018,Condamner Monsieur [N] [Z] à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,Condamner Monsieur [N] [Z] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 28 février 2024 et renvoyée, à la demande des parties, à l’audience du 19 juin 2024 au cours de laquelle aucune observation n’a été faite.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.
L’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024, par mise à disposition au greffe. Il a été accordé au demandeur de justifier du courrier de dénonce de l’assignation à l’huissier poursuivant par une note en délibéré avant le 21 juin 2024. Une note en ce sens est parvenue dès le 19 juin 2024 et explicité le 25 juin 2024 sur demande du magistrat.
MOTIFS DE LA DECISION
La contestation de la saisie-attribution a été formée dans le mois suivant la date de la dénonce de la saisie et portée à la connaissance de l'huissier de justice ayant pratiqué la saisie le même jour (R.211-11 Code des procédures civiles d'exécution). Elle est donc recevable en la forme.
En outre le tiers saisi a été informé par courrier par l'auteur de la contestation de la délivrance de l'assignation. L'assignation est donc valable.
Sur l’objet du litige
A titre préliminaire, il est rappelé que d’une part, en vertu de l’article 753 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. D’autre part, les demandes tendant à voir “constater” ou “dire et juger” ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 de ce même code.
Dans le dispositif de son assignation, Monsieur [Z] indique soulever la nullité de la saisie attribution. Toutefois, il ne développe aucun argument de fait ou de droit en ce sens. Dans la partie « discussion », il écrit qu’il « entend à titre principal s’opposer et contester la saisie attribution » sans autre précision. A la suite il ne développe que sa demande subsidiaire de prescription des intérêts. Ce moyen se rattache à la demande de cantonnement qui sera ainsi examinée à titre principal, avant la demande de délai. La demande de nullité n’étant nullement développée, elle sera simplement rejetée. De même, les demandes d’injonction seront écartées, Monsieur [Z] ne développant aucune conséquence à ses demandes.
Sur la demande de cantonnement de la saisie
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». L’article 1353 du Code civil précise « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».
Selon l’article L.211-1 du Code des procédures civiles d'exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail. »
Monsieur [Z] relève que le décompte du procès-verbal de saisi fait état d’intérêt sans expliciter les détails de calcul de ces derniers, ni leur point de départ. Il demande à ce qu’ils soient annulés en l’absence de décompte.
En réponse, Monsieur [X] [H] produit le jugement du tribunal de proximité de Poissy en date du 12 septembre 2016 qui condamne Monsieur [Z] à lui verser 4.000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement est réputé
contradictoire, Monsieur [Z] n’étant pas comparant malgré une assignation déposée à étude. Il a été signifié par un dépôt à étude, le commissaire de justice ayant vérifié avec les moyens suivants : boîtes aux lettres, interphone, voisin. La prescription du titre exécutoire n’est pas soulevée.
Concernant les intérêts, une distinction s’opère entre le titre exécutoire et les intérêts légaux nés d'une créance fixée par le titre exécutoire. Les intérêts légaux, qui correspondent à une créance périodique née en application du titre exécutoire, sont soumis au droit commun de la prescription prévu à l’article 2224 du code Civil, soit un délai de prescription de 5 ans. Monsieur [X] [H] ne produit pas plus de décompte pour expliciter la somme exigée. Il déclare seulement que le point de départ des intérêts est la date du jugement, soit le 12 septembre 2016, avant de dire que les intérêts sont dus à compter du 13 octobre 2018. Faute d’expliciter sa demande d’intérêts dans ses conclusions, ces derniers seront écartés.
Concernant les frais d’exécution, Monsieur [X] [H] justifie de plusieurs actes d’exécution forcée, non contestés par Monsieur [Z]. Toutefois, il ne détaille pas non plus cette somme et ne les explicite pas dans ses conclusions. Par conséquent, elle sera également écartée.
Par conséquent, la saisie sera cantonnée à la somme principale de 4.000 euros, outre les émoluments, les frais de la présente procédure et les couts du présent acte.
Sur la demande de délais de paiement
L’article 1343-5 du Code Civil dispose que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment ».
Par ailleurs il ressort de l'article R.121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « le Juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l'acte de saisie, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce ».
Ce principe est repris par l'article 510 du Code de Procédure Civile qui rappelle que le Juge de l'exécution n'est compétent pour accorder un délai de grâce qu'après la signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, le juge des référés étant compétent aux termes de l'alinéa 2 de cet article en cas d'urgence pour accorder des délais avant la délivrance du commandement de payer. En outre il convient de rappeler que de tels délais de paiement peuvent être demandés au juge du principal lors du jugement portant condamnation au fond.
Cependant il convient de rappeler qu'en vertu de l'article L.211-2 du Code des procédures civiles d’exécution l'acte de saisie a emporté, à concurrence des sommes pour lesquelles elle a été pratiquée, attribution immédiate des sommes figurant sur le compte objet de la saisie au profit du créancier saisissant, c'est-à-dire transfert des sommes saisies dans le patrimoine du saisissant. La contestation de la saisie attribution n'a pour effet que de retarder le paiement des sommes saisies, mais pas de remettre en cause cet effet attributif immédiat, sauf cas d'annulation de la saisie.
Ce n'est que dans le cas où la saisie attribution ne permet pas de régler intégralement la créance que le débiteur est recevable à demander des délais de paiement sur le solde de la créance, déduction faite des sommes saisies.
En l’espèce, aucune des deux parties ne produit de manière lisible l’intégralité du procès-verbal de saisie attribution permettant de vérifier le montant des sommes saisies sur le compte bancaire de Monsieur [Z]. Seul un courrier du commissaire de justice mandaté par le créancier en date du 6 décembre 2023, mentionne que le compte était créditeur de 102,70 euros.
En conséquence la demande de délais de paiement est en principe recevable.
Monsieur [Z] sollicite un échéancier de 100 euros sur 23 mois et le reste à échéance. Il déclare avoir subi cette saisie sans avertissement préalable. Il indique que sa situation financière est difficile compte tenu de son divorce, et de la fermeture de son entreprise individuelle. Il fait état de cotisation non payées et d’une saisie administrative à tiers détenteur.
Monsieur [X] [H] s’oppose à la demande de délais.
L’échéancier proposé par Monsieur [Z] ne permettrait de payer tout juste plus de la moitié de la dette.
En conséquence la demande sera rejetée.
Sur la demande de condamnation pour procédure abusive
Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Monsieur [X] [H] ne développe aucune faute, sauf une résistance qu’il estime abusive, ni préjudice subi.
Par conséquent, sa demande sera rejetée.
Sur la demande d’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
Monsieur [N] [Z], partie perdante au moins partiellement, a succombé à l’instance, elle sera condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du Code de Procédure Civile.
Monsieur [L] [X] [H] ayant exposé des frais non compris dans les dépens, il y a lieu de faire droit à sa demande et de condamner la partie demanderesse à lui verser la somme de 1.500 euros, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,
Vu les articles L. 211-1 à L. 211-15, R. 211-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution,
REJETTE la demande d’annulation de la saisie-attribution diligentée par Monsieur [L] [X] [H] contre Monsieur [N] [Z] selon procès-verbal de saisie du 1er décembre 2023 dénoncé le 5 décembre 2023 ;
REJETTE les demandes d’injonction de Monsieur [N] [Z] ;
CANTONNE la saisie-attribution diligentée par Monsieur [L] [X] [H] contre Monsieur [N] [Z] selon procès-verbal de saisie du 1er décembre 2023 dénoncé le 5 décembre 2023 à la somme principale de 4.000 euros, outre les émoluments, les frais de la présente procédure et les couts du présent acte et DIT qu'elle ne produira effet qu'à concurrence de cette somme ;
ORDONNE la mainlevée partielle immédiate pour le surplus ;
REJETTE la demande de Monsieur [N] [Z] de délais de paiement;
REJETTE la demande de Monsieur [X] [H] de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [N] [Z] à payer à Monsieur [L] [X] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
CONDAMNE Monsieur [N] [Z] aux entiers dépens ;
RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 23 juillet 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION
Emine URER Noélie CIROTTEAU