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12/07/2024 | FRANCE | N°24/02435

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 12 juillet 2024, 24/02435


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 12 JUILLET 2024

DOSSIER : N° RG 24/02435 - N° Portalis DB22-W-B7I-SAXN
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEURS

Monsieur [G] [J]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5] (78)

Monsieur [S] [J]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 6] (10)

Tous deux demeurant [Adresse 3]

Tous représentés par Me Michèle de KERCKHOVE, avocat postulant de BVK ASSOCIES, avocats au Barreau de VERSAILLES,

Vestiaire : 26 et Me Corinne HOVNANIAN, avocat plaidant de la SCP HERALD, avocats au Barreau de PARIS
Substituée par Me Suzanne M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 12 JUILLET 2024

DOSSIER : N° RG 24/02435 - N° Portalis DB22-W-B7I-SAXN
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEURS

Monsieur [G] [J]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5] (78)

Monsieur [S] [J]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 6] (10)

Tous deux demeurant [Adresse 3]

Tous représentés par Me Michèle de KERCKHOVE, avocat postulant de BVK ASSOCIES, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 26 et Me Corinne HOVNANIAN, avocat plaidant de la SCP HERALD, avocats au Barreau de PARIS
Substituée par Me Suzanne MILLET et Me Pierre Yves ROSSIGNOL

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. EUROPE ET COMMUNICATION, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 409 804 416, ayant son siège social [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE, avocat postulant au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 80 et Me Stéphanie LEGRAND, avocat plaidant de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL, avocats au Barreau de PARIS

ACTE INITIAL DU 19 Avril 2024
reçu au greffe le 19 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Noélie CIROTTEAU, Juge, Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
assistée de Madame Emine URER, Greffier

jugement contradictoire
premier ressort

Copie exécutoire à : Me de Kerckhove + Me Fournier la Touraille
Copie certifiée conforme à : Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 12 juillet 2024

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 5 juin 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024.


◊ ◊ ◊

EXPOSÉ DU LITIGE

Par actes d’huissier en date du 11 avril 2024, deux procès-verbaux de saisie attribution ont été dressés à la demande de la société SARL EUROPE ET COMMUNICATION entre les mains des sociétés bancaires SOCIETE GENERALE et LE CREDIT LYONNAIS en vertu du d’un arrêt de renvoi de la Cour d’appel de Paris le 1er mars 2024 portant sur les sommes totales de 315.515,10 et 315.073,62 euros en principal, intérêts et frais, déduction faite des versements. Les sommes de 53.059,71 et 5.705,34 euros ont été saisies. Ces procès-verbaux de saisie attribution ont été dénoncés par acte d'huissier du 15 avril 2024 à Monsieur [G] [J].

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 19 avril 2024, Monsieur [G] [J] et Madame [S] [J] ont assigné la société SARL EUROPE ET COMMUNICATION devant le Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de :
A titre liminaire, déclarer Madame [J] recevable en ses demandes de mainlevées des saisies pratiquées sur les comptes dont elle est cotitulaire avec Monsieur [J],A titre principal, ordonner la mainlevée des deux saisies attributions et condamner la société défenderesse aux frais de mainlevée des saisies,A titre reconventionnel, condamner la société EUROPE ET COMMUNICATION à leur verser à chacun la somme de 50.000 euros en réparation de leurs préjudices,Débouter la société EUROPE ET COMMUNICATION de toutes ses demandes,Condamner la société SARL EUROPE ET COMMUNICATION à payer à Monsieur [J] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’assignation a régulièrement été portée à la connaissance de l’huissier poursuivant le jour même par lettre recommandée avec accusé de réception.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 juin 2024.

A l’audience, les époux [J] maintiennent leurs demandes.

En réponse, aux termes de ses conclusions n°2 visées à l’audience, la société SARL EUROPE ET COMMUNICATION demande au juge de l'exécution :
Débouter Monsieur [J] de sa demande de mainlevée des saisies attributions,Déclarer Madame [J] irrecevable et subsidiairement la débouter de sa demande de mainlevée partielle des saisies-attributions,Donner acte de la mainlevée partielle des sommes saisies sur les deux comptes à hauteur de la moitié en date du 31 mai 2024,Débouter les époux [J] de l’ensemble de leurs demandes,Condamner in solidum les époux [J] à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

La contestation de la saisie-attribution a été formée dans le mois suivant la date de la dénonce de la saisie et portée à la connaissance de l'huissier de justice ayant pratiqué la saisie le même jour (R.211-11 Code des procédures civiles d'exécution). Elle est donc recevable en la forme.
En outre le tiers saisi a été informé par courrier par l'auteur de la contestation de la délivrance de l'assignation. L'assignation est donc valable.

Sur la recevabilité de la demande de Madame [J]

A titre préliminaire, il est rappelé que d’une part, en vertu de l’article 753 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. D’autre part, les demandes tendant à voir “constater” ou “dire et juger” ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 de ce même code.

L’article 31 du Code de procédure civile dispose que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

Les époux [J] font valoir l’intérêt à agir de Madame [J] dès lors qu’elle est titulaire en partie des comptes saisis. La société EUROPE ET COMMUNICATION n’oppose aucun argument contraire.

Par conséquent, Madame [J] sera déclarée recevable à agir.

Sur la demande de mainlevée de la procédure

Selon l’article 1315 du Code civil « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Les alinéas 1 et 3 de l’article 1538 du même code prévoit « Tant à l'égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien. (…)
Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ».

Selon l’article L.211-1 du Code des procédures civiles d'exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail. »

L’article L.111-7 du même code dispose que « Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de cette obligation ».

Selon l’article L.121-2 du Code des procédures civiles d'exécution : « le juge de l'exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »

Les époux [J] rappellent que Monsieur [J] n’était redevable que de la somme de 150.000 euros. Ils relèvent que la Cour d’appel de renvoi par décision du 1er mars 2024 a statué ainsi :
Dit que le préjudice de la société EUROPE ET COMMUNICATION s’élève à la somme totale de 300.000 euros,Dit qu’entre la société ENEZ SUN et Monsieur [J] la répartition se fera par moitié. Les époux [J] poursuivent en indiquant que la société ENEZ SUN a déjà procédé dès 2020 au règlement de la somme de 300.000 euros par le biais de deux saisies conservatoires cantonnées à la somme de 200.000 euros par décision du juge de l'exécution de Versailles en date du 31 août 2017. D’autre part, un chèque complémentaire a été encaissé par la société EUROPE ET COMMUNICATION le 19 août 2020.

De plus, les époux indiquent qu’étant séparés de biens, la propriété des fonds figurant sur ces comptes joints étant indivise, ils ne peuvent être appréhendés par le créancier.

En réponse, la société EUROPE ET COMMUNICATION rappelle que le juge de l'exécution ne peut modifier le titre exécutoire et que Monsieur [J] a été condamné à la somme de 300.000 euros. Le paiement effectué par la société ENEZ SUN en 2020 n’a pas eu pour effet d’éteindre la dette de Monsieur [J] telle qu’ordonnée en 2024.

En premier lieu il convient de noter que le dispositif de l’arrêt du 1er mars 2024 ne mentionne pas le partage entre la société ENEZ SUN et Monsieur [J] pour moitié des sommes auxquelles ils sont condamnés. Cette affirmation n’apparait que dans les motifs. Dans leur dispositif, les juges de la Cour d’appel de renvoi confirme le jugement du 12 septembre 2016 « en ce qu’il a condamné in solidum Monsieur [J] et la société ENEZ SUN à verser la somme de 200.000 euros à la SARL EUROPE ET COMMUNICATION ». En conséquence, ils ont « condamné Monsieur [J] à payer à la société EUROPE ET COMMUNICATION la somme de 300.000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale ». La même somme est également inscrite au passif de la société ENEZ SUN. Ainsi, la lecture du dispositif de l’arrêt de renvoi ne permet pas de dire que Monsieur [J] n’a été condamné qu’à 150.000 euros. Monsieur [J] a également été condamné seul à verser à la société EUROPE ET COMMUNICATION la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

En second lieu, concernant les fonds saisis sur des comptes joints, il est constant que lorsque le créancier d'un époux marié sous le régime de la séparation des biens fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom des deux époux, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de l'époux débiteur. En l’espèce, les comptes saisis auprès de la SOCIETE GENERALE sont libéllés « CAV PARTICULIERS » et il est seulement évoqué pour le second compte, créditeur à hauteur de 18.193,35 euros, une multi titularité. Néanmoins, il n’est pas rapporté la preuve que l’autre titulaire est bien Madame [J]. De plus, parmi les comptes saisis auprès du CREDIT LYONNAIS, seul le compte créditeur à hauteur de 387,52 euros est identifié comme un compte joint. Par conséquent, la somme de 193,76 euros présente sur ce dernier compte ne pouvait être saisie.

Au regard de ces éléments, il n’y a pas lieu d’ordonner la mainlevée des saisies pratiquées et les époux [J] seront déboutés de leurs demandes de mainlevée et de condamnation de la société défenderesse aux frais de la saisie. Il sera cependant précisé que la seconde saisie diligentée entre les mains de l’établissement bancaire CREDIT LYONNAIS doit être levé à hauteur de 193,76 euros sur le compte joint.

Sur la demande de condamnation pour saisie abusive

Selon le quatrième alinéa de l’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent concernant les demandes relatives à des dommages et intérêts fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée.

Selon l’article L.121-2 du Code des procédures civiles d'exécution, il peut également condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.

Si un compte a été saisi dans son intégralité alors qu’il s’agissait d’un compte joint, ce compte comporte une somme minime tant par rapport aux autres comptes saisis, que par rapport à la créance litigieuse. Ainsi l’abus n’est pas caractérisé et il convient de rejeter la demande des époux [J] de dommages et intérêts pour saisie abusive.

Sur la demande d’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

Monsieur [G] [J] et Madame [S] [J], partie perdante, ont succombé à l’instance, ils seront condamnés in solidum aux dépens conformément à l'article 696 du Code de Procédure Civile.

La société SARL EUROPE ET COMMUNICATION ayant exposé des frais non compris dans les dépens, il y a lieu de faire droit à sa demande et de condamner la partie demanderesse in solidum à lui verser la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,

Vu les articles L. 211-1 à L. 211-15, R. 211-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution,

DECLARE recevable en la forme la contestation de Monsieur [G] [J];

DECLARE recevable l’action de Madame [S] [J] ;

ORDONNE la mainlevée partielle immédiate de la saisie-attribution diligentée entre les mains de l’établissement bancaire LE CREDIT LYONNAIS par la société SARL EUROPE ET COMMUNICATION contre Monsieur [G] [J] selon procès-verbal de saisie du 11 avril 2024 dénoncé le 15 avril 2024 à hauteur de la somme de 193,76 euros ;

REJETTE pour le surplus la demande de mainlevée des deux saisie-attributions diligentée par La société SARL EUROPE ET COMMUNICATION contre Monsieur [G] [J] selon procès-verbal de saisie du 11 avril 2024 dénoncé le 15 avril 2024 ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts de Monsieur [G] [J] et Madame [S] [J] ;

DEBOUTE Monsieur [G] [J] et Madame [S] [J] de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [G] [J] et Madame [S] [J] à payer à la société SARL EUROPE ET COMMUNICATION la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

CONDAMNE in solidum Monsieur [G] [J] et Madame [S] [J] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maitre Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 12 Juillet 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER Noélie CIROTTEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/02435
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;24.02435 ?
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