La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2024 | FRANCE | N°22/03333

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Deuxième chambre, 12 juillet 2024, 22/03333


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 12 JUILLET 2024


N° RG 22/03333 - N° Portalis DB22-W-B7G-QVC4

DEMANDEUR :

Monsieur [W] [P] né le 26 avril 1996 à [Localité 5], de nationalité française, exerçant la profession d’autoentrepreneur, demeurant [Adresse 1],
représenté par Me Audrey ALLAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant


DEFENDEUR :

Monsieur [D] [L], né le 15 Mars 1981 à [Localité 3], nationalité : française, demeurant [Adresse 2],
représenté par

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant


ACTE INITIAL du 03 Juin 2022 reçu au gref...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 12 JUILLET 2024

N° RG 22/03333 - N° Portalis DB22-W-B7G-QVC4

DEMANDEUR :

Monsieur [W] [P] né le 26 avril 1996 à [Localité 5], de nationalité française, exerçant la profession d’autoentrepreneur, demeurant [Adresse 1],
représenté par Me Audrey ALLAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

DEFENDEUR :

Monsieur [D] [L], né le 15 Mars 1981 à [Localité 3], nationalité : française, demeurant [Adresse 2],
représenté par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

ACTE INITIAL du 03 Juin 2022 reçu au greffe le 10 Juin 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 20 Février 2024, Madame RODRIGUES, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier, l’affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2024, prorogé au 07 juin 2024, puis 12 Juillet 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 5 janvier 2022, Monsieur [W] [P] a fait l’acquisition auprès de Monsieur [D] [L] d’un véhicule Peugeot 308 GT line break immatriculé EX416VR présentant au jour de la vente un kilométrage de 183.555 km, pour le prix de 10.250 €.

Le contrôle technique établi le le 22 septembre 2021 mentionnait une défaillance majeure : « 8.2.12.f.2 EMISSIONS GAZEUSES : Contrôle impossible des émissions à l’échappement » nécessitant une contre visite.

Le 5 janvier 2023, Monsieur [W] [P] a fait établir un contrôle technique auprès de la société AUTOSUR duquel il résulte :
« Défaillances mineures :
Etat de fonctionnement (dispositif d’éclairage de la plaque d’immatriculation arrière) source lumineuse partiellement défectueuse, tubes de poussée, jambes de force, triangles et bras de suspension : détérioration d’un silentbloc de liaison au châssis ou a l’essieu AVD, AVG
Kilométrage relevés lors des précédents contrôles techniques depuis le 20 mai 2018 : le 22 septembre 2021 : 180440 km) »

Monsieur [P] fait valoir que le jour même, il a constaté que la courroie d’alternateur présentait un désordre et le 19 janvier, une perte de puissance, de sorte que par SMS du 21 janvier suivant, sa compagne a contacté Monsieur [L] afin qu'il reprenne le véhicule, ce que celui-ci a refusé.

Le 26 janvier 2022, Monsieur [P] a fait procéder au changement des filtres, puis au remplacement de bougies d’allumage et du capteur de pression admission.

Une expertise amiable a eu lieu le 14 mars 2022, réunion à laquelle Monsieur [L] a assisté.

L’expert a rendu son rapport le 17 mars 2022.

Faisant état des conclusions de l'expert, Maître [V], huissier de justice à [Localité 4], a adressé une mise en demeure le 29 mars 2022 à Monsieur [L] lui demandant l’annulation de la vente ainsi que le remboursement des sommes correspondant au prix d’achat du véhicule, aux frais engagés pour les réparations et aux frais engagés pour la carte grise.

En vain ; de telle sorte que Monsieur [P] a, par acte de commissaire de justice délivré le 3 juin 2002, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles, Monsieur [L] aux fins d'obtenir l'annulation, et à titre subsidiaire la résolution de la vente dont s'agit, ainsi que le remboursement du prix de vente et des frais de réparations et de délivrance du certificat d'immatriculation.


Aux termes de ses dernières écritures notifiées par le RPVA le 15 mai 2023, Monsieur [W] [P] sollicite de voir :

Vu les dispositions des articles 1603 et suivants du code civil, de l’article 1641 du Code Civil,
Vu l’article 1137 du code civil,

Dire et juger Monsieur [P] recevable et bien fondé en ses demandes,

A titre principal
Dire que la vente intervenue entre Monsieur [L] et Monsieur [P] est nulle sur le fondement des dispositions de l’article 1137 du Code Civil,

En conséquence, condamner Monsieur [L] à rembourser Monsieur [P] de la somme de 10.250 €,


Dire que Monsieur [P] devra restituer le véhicule à Monsieur [L], lequel devra prendre à sa charge le transport du véhicule,

A titre subsidiaire :
Prononcer la résolution de la vente intervenue entre Monsieur [P] et Monsieur [L],

Condamner Monsieur [L] à rembourser à Monsieur [P] la somme de 10.250 €,

Dire que Monsieur [P] devra restituer le véhicule à Monsieur [L], lequel devra prendre à sa charge le transport du véhicule,

Condamner Monsieur [L] à verser à Monsieur [P] les sommes de 653,74 € comprenant les frais de carte grise à hauteur de 336,76 € et les frais de réparations à hauteur de 316,98 €,

Dire que la décision à intervenir sera assortie de l’exécution provisoire,

Débouter Monsieur [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Monsieur [L] à verser à Monsieur [P] la somme de 3200 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Monsieur [L] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2023, Monsieur [L] demande au tribunal de :

Recevoir Monsieur [W] [P] en ses demandes mais l’en déclaré mal fondé ;

En conséquence,
Le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,
Condamner Monsieur [W] [P] à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 20 février 2024 et mise en délibéré au 2 mai 2024 prorogé au 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION
 
A titre préliminaire, il est rappelé que :
– d’une part, en vertu de l’article 768 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion,
– d’autre part, les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger », lorsqu'elles développent en réalité des moyens, ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 de ce même code.

Sur le dol:

Monsieur [P] soutient que le vendeur a converti son véhicule à l’éthanol et l'a présenté comme remplissant toutes les caractéristiques qu'il sollicitait ; que le vendeur ne l’a jamais informé, et ce de façon délibérée, qu’il n’avait pas obtenu le certificat de conformité nécessaire pour l’obtention des papiers administratifs.

Il affirme, encore, que Monsieur [L] est un professionnel de l’automobile, même s’il a vendu le véhicule à titre privé ; que contrairement à ce qu'il soutient, dans son annonce, il reconnaissait avoir effectué des modifications du véhicule, modifications non autorisées, ce qu’il ne pouvait ignorer, contrairement à lui ; que le constructeur ne préconise pas le changement à l’éthanol.

Il souligne, également, qu'il n'a pas été informé de la nécessité de modifier la carte grise, et ni du fait que Monsieur [L] n’avait pas obtenu le certificat de conformité nécessaire et que, si lui-même savait que le véhicule était à l'éthanol, il ignorait, par manque de connaissance, qu’il existait deux manières de faire et encore moins que les modifications effectuées par Monsieur [L] étaient illégales.

En défense, Monsieur [L] fait valoir que, bien qu'il n'ait pas remis le certificat de conformité (obligatoire en cas de conversion du véhicule à l’éthanol) à Monsieur [P], cela n'a pas empêché celui-ci de prendre le véhicule, ce qui démontre qu’il était parfaitement informé de la simple reprogrammation à l’éthanol ; qu'il ne précise pas en quoi cette prétendue dissimulation d’informations aurait été déterminante dans son choix d’acquérir ou non le véhicule.

Il indique, encore, que la précision selon laquelle le véhicule litigieux a fait l’objet d’une reprogrammation éthanol a été donnée à Monsieur [P] par SMS ; que l'acheteur a pu constater lui-même le jour de la vente qu'il n'y avait pas de boitier éthanol et la carte grise mentionnait « essence » ; que sur l'annonce du bon coin, il est juste indiqué « éthanol » signifiant une reprogrammation en éthanol et non pas la mise en place d’un boitier éthanol et que cette annonce ne fait absolument pas mention de la mise en place d’un boitier flex éthanol.

***
Aux termes de l’article 1103 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
 
Il est de principe qu’il n’y a point de contrat sans consentement valable.
 
A cet égard, le dol, comme l’erreur ou la violence, vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature, que sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
 
Selon l’article 1137 du code civil, constitue un dol, le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges, ou encore par la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
 
Le dol s'apprécie à la date de la conclusion du contrat.  Sont par suite inopérantes des circonstances postérieures à la vente.
 
Le dol suppose la preuve d'un élément matériel, à savoir des manœuvres en vue de surprendre le consentement de son cocontractant, qui peuvent résider dans le silence conservé par une partie sur une information déterminante du consentement de son cocontractant, et d'un élément moral caractérisé par une intention de tromper.
 
Le dol, qui doit émaner du cocontractant ou de son représentant, doit encore avoir été déterminant du consentement du contractant pour entraîner la nullité du contrat.
 
Si la prétendue victime du dol pouvait avoir facilement connaissance par elle-même du fait dissimulé, il n'y a pas dol car l'obligation d'informer n'existe qu'à l'égard de celui qui ne peut pas s'informer.

***

Il est constant que pour convertir un véhicule à l’éthanol (E85), deux options existent : la reprogrammation du moteur ou l’installation d’un boîtier éthanol.

Par ailleurs, alors que l'installation d'un boitier impose le changement du certificat d'immatriculation qui permet de valider les modifications techniques apportées par l’ajout du boîtier E85 et que ce changement s'obtient après présentation de la facture et de l’agrément gouvernemental de l’installateur du boîtier de conversion, fournis par l’installateur, la reprogammation, considérée comme une modification illégale, ne permet pas la mise à jour du certificat d'immatriculation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le véhicule acquis par Monsieur [P] a été vendu comme un véhicule intégrant une conversion au bioéthanol.

En outre, il résulte de la pièce 2 du demandeur correspondant à la copie d'un échange SMS que les parties ont eu la conversation suivante :

« parfait pouvez vous faire le ct?
 
Normalement le ct j'ai pas à le faire vu qu'elle a moins de 4 ans si vous voulez il faut rajouter je perds déjà beaucoup d'argent
 
Rien que la ré programmation éthanols c'est 500e

je comprends totalement mais on s'était pas convenu de ça si je dis pas de bêtise».

Les parties évoquant la prise en charge du contrôle tecnhique (ct), il peut en être déduit que cette conversation est antérieure à la vente.

Il apparaît ainsi que Monsieur [P] était clairement informé de la conversion du véhicule au bio-éthanal au moyen d'une reprogrammation du moteur.

Monsieur [P] reproche à son vendeur de l'avoir tenu dans l'ignorance de l'existence des deux manières de convertir un véhicule essence en un véhicule circulant au bioéthanol.

Pour autant, force est de constater la plus simple des recherches sur interne lui aurait permis d'avoir cette information.

De surcroît, s'agissant d'un équipement très spécifique, qui est rarement proposé en série, il est très vraisemblable que Monsieur [P] ait pris soin de se renseigner sérieusement sur la conversion au bioéthanol.

Au demeurant, il apparaît que Monsieur [P] ne procède que par affirmation et ne caractérise ni les manoeuvres frauduleuses ni la réticence dolosive qu'il reproche à Monsieur [L].

En conséquence, Monsieur [P] est débouté de l'ensemble des demandes présentées sur le fondement du dol.

Sur la garantie des vices cachés :

Monsieur [P] fait valoir que dès le jour de la vente, il a constaté que la courroie de l’alternateur était défectueuse et que, dans les jours qui ont suivi et moins d’un mois après la vente, de nouveaux désordres étaient constatés, de sorte qu'en réalité, il apparaît que le véhicule présentait déjà des désordres avant la vente, désordres que le vendeur ne pouvait ignorer.
Il souligne qu'il apparait, à la lecture des pièces du dossier que Monsieur [L] est un professionnel de l’automobile et que s'il a vendu le véhicule litigieux en qualité de particulier, il n’en demeure pas moins qu’il a des connaissances que lui-même n’a pas ; que si Monsieur [L] conteste cette qualité de professionnel, il s'est toutefois présenté comme étant un connaisseur et un professionnel de l’automobile, alors que lui-même est un novice ; que Monsieur [L] a ainsi indiqué qu’il achetait des véhicules, les réparait, puis les revendait et qu’il avait divers véhicules en « stocks ».

Concernant le commentaire produit sur un site internet à la suite d’une mésaventure concernant l’acquisition de son véhicule personnel versé aux débats par Monsieur [L], Monsieur [P] souligne que, si tant est qu'il s'agisse bien de ce dernier, cet avis n’établit nullement que Monsieur [L] est un profane en matière d’automobile, ni qu’il ignorait l’existence de désordres affectant le véhicule.

Il affirme que les défauts étaient nécessairement présents avant la vente et que leur gravité rend le véhicule impropre à son usage.

En défense, Monsieur [L] souligne qu'il est chauffeur VTC, ce qui ne fait pas de lui un professionnel de l’automobile au sens où Monsieur [P] l'entend ; que s’il s’y connait un petit peu en mécanique et s’il a eu l’occasion d’acheter et de vendre des véhicules pour les besoins de son activité, il n’est absolument pas professionnel de l’automobile.

Il précise que lui-même, lors de son propre achat du véhicule litigieux, a laissé un commentaire en janvier 2022 au garage vendeur du véhicule, en se plaignant que le vendeur lui avait fait croire que qu’il achetait un véhicule avec un moteur à chaîne alors qu’il s’agissait d’une courroie de distribution ; qu'il s'en est aperçu qu'après son acquisition ce qui démontre sa méconnaissance en matière de mécanique automobile.
Il conteste avoir indiqué oralement à Monsieur [P] qu'il achetait, réparait puis revendait des véhicules et qu'il avait d'autres voitures à vendre.

Par ailleurs, il soutient que le vice caché invoqué n’est absolument pas précisé, le demandeur préférant faire une vague référence à « des désordres avant la vente, désordres que le vendeur ne pouvait ignorer » ; que le rapport d’expertise amiable ne met en exergue aucun désordre, donc aucun vice-caché, d’autant que le véhicule n’est pas impropre à sa destination.

***

L'article 1641 du Code civil dispose que : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

Le vice caché se définit comme le défaut qui existait antérieurement à la vente, que l'acheteur ne pouvait déceler compte tenu de la nature de la chose vendue, et dont il n'a pas eu connaissance au moment de la vente.
 
En application de l'article 1641 du Code civil, seul le vice rendant le bien impropre à l'usage auquel on le destine, ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur, s'il l'avait connu, n'aurait pas acquis ledit bien à ce prix, justifie la mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés.
 
Et l'article 1642 du même code ajoute que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même, tandis qu'aux termes de l'article 1643, il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
 
Néanmoins, cette exonération ne s'applique pas lorsque le vendeur a la qualité de professionnel, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel, ou lorsque le vendeur est de mauvaise foi et avait en réalité connaissance des vices cachés.
 
L'acheteur qui agit contre son vendeur en raison des vices cachés de la chose vendue dispose à son choix de l'action rédhibitoire ou estimatoire.
 
Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
 
Il découle, ainsi, de l’application combinée de cet article avec les articles 1641 et suivants du Code civil, que pèse sur l’acquéreur la charge de rapporter la preuve de l’existence du vice caché et de ses différents caractères.
 
Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice :
 
         - inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,
         - présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,
         - existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,
     - n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu  des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l'article 1642 du Code civil.
 
Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment par le biais d’un rapport d’expertise judiciaire.
 
A cet égard, il est constant qu'un rapport d'expertise amiable est opposable aux tiers, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties.
 
Ce rapport constitue alors un élément de preuve qui pourra être pris en compte dans la mesure où il est corroboré par d'autres pièces, la décision du juge ne pouvant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une seule des parties.
 
Enfin, il est constant que l'acheteur d'un bien affecté d'un vice caché qui accepte que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice a disparu.

***
En l'espèce, Monsieur [P] affirme dans ses écritures que dès l’acquisition du véhicule, il a fait part à Monsieur [L] de dysfonctionnements, qu’il avait constaté une perte de puissance du moteur, un allumage du voyant moteur au tableau de bord, ainsi que de l’indication de la clé indiquant en entretien périodique à effectuer sur le véhicule.

Au soutien de son affirmation selon laquelle le véhicule acquis auprès de Monsieur [L] est affecté de vices cachés, Monsieur [P] produit le PV de contrôle technique établi par la société AUTOSUR le 5 janvier 2022 qui relève uniquement les défaillances mineures suivantes :
 
4.7.1.5.1. ETAT ET FONCTIONNEMENT (DISPOSITIF D'ECLAIRAGE DE LA PLAQUE D'IMMATRICULATION ARRIERE) Source lumineuse partiellement défectueuse
 
5.3.3.a.1. TUBES DE POUSSEE, JAMBES DE FORCE, TRIANGLES ET BRAS DE SUSPENSION Détérioration d'un silentbloc de liaison au châssis ou à l'essieu, AVD, AVG.
 
Le demandeur communique également le rapport d'expertise amiable établi par Monsieur [R] [F] du cabinet ARMOREXPERT dont les conclusions sont les suivantes :

Compte tenu de ce qui précède, et en l'état actuel de nos constatations, nous relevons que certaines interventions ont été effectués au préalable (remplacement courroie d'accessoires, et sonde en aval de la canalisation d'air du turbo).
 
Le protocole de diagnostique effectué au garage dépositaire, fait état d'un dysfonctionnement de la sonde régulation de la pression d'admission au kilométrage de 184255 km (code défaut relevé P 2074821 dysfonctionnement postérieur à l'acte de vente du véhicule
 
Cependant, le véhicule a été annoncé à l'acheteur par le vendeur du véhicule, comme un véhicule modifie en éthanol suivant la copie du SMS qui nous a été communiquée. Cette modification doit être effectuée par un centre agréé qui doit délivrer un certificat de conformité, cette modification des caractéristiques du véhicule doit être portée sur le certificat d'immatriculation, ce qui n'est pas le cas en l'état.
 
Le client doit se rapprocher d'un réparateur agréé de la marque afin d'effectuer une lecture des codes défauts et du journal du B SI, afin d'infirmer ou de confirmer cette modification technique.

Il résulte, ainsi, de ces éléments que les désordres qui selon Monsieur [P] soutient qu’ils affectent le véhicule qu'il a acquis, ne présentent pas les caractéristiques de vices cachés en ce qu'aucune des pièces versées aux débats n'établissent ni qu'ils étaient au moins en germe antérieurement à la vente ni qu'ils rendent le véhicule impropre à l'usage qu'il peut en être attendu.

Sur l’absence de délivrance de documents conformes

Monsieur [P] soutient que pèse sur le vendeur une obligation de délivrance de véhicule en vertu des articles 1603 et suivants du Code Civil, laquelle comprend les accessoires de la chose vendue.

Il souligne que l’expert a constaté que le véhicule a été annoncé à l’acheteur par le vendeur comme un véhicule modifié en éthanol et que cette modification doit être effectuée par un centre agréé qui doit délivrer un certificat de conformité, cette modification des caractéristiques du véhicule devant être portée sur le certificat d’immatriculation, ce qui n’est pas le cas en l’état.

Il fait valoir que si la modification avait été portée sur le certificat d'immatriculation, il aurait pu bénéficier d’une éxonération de frais concernant sa carte grise.

En réponse au moyen de Monsieur [L] qui affirme qu’il n’a effectué qu’une reprogrammation, Monsieur [P] rappelle que son annonce sur « le bon coin » démontre le contraire ; que d'ailleurs, la reprogrammation du moteur ne permet pas à un véhicule d’obtenir la moindre certification éthanol.

Il souligne, encore, que dans le certificat de cession, Monsieur [L] a expressément mentionné que « ce véhicule n’a pas subi de transformation notable susceptible de modifier les indications du certificat de conformité ou de l’actuel certificat d’immatriculation ».

En défense, Monsieur [L] affirme que Monsieur [W] [P] était informé, par SMS, de la reprogrammation à l’éthanol avant son acquisition et avait en main la carte grise qui mentionnait un moteur essence ; qu'en effet, aucun boitier n’a été installé sur le véhicule alors que c'est l’unique moyen pour obtenir un certificat de conformité et une carte grise mentionnant un fonctionnement à l’éthanol, la reprogrammation du moteur à l’éthanol ne permettant pas à un véhicule d’obtenir la moindre certification éthanol.

Il note que Monsieur [W] [P] ne s'est pas plaint lorsqu'il a obtenu son nouveau certificat d'immatriculation le 5 janvier 2022, qui effectivement, ne mentionne pas la conversion à l'éthanol, et n'a commencé à se plaindre qu'une fois que l'expertise a précisé que la panne, dont il demandait réparation, était survenue après la vente.

***

Selon l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur, et aux termes de l'article 1615, l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
 
Cette obligation de délivrance comporte une obligation accessoire d'information et de conseil du client.

Ainsi, le vendeur est tenu de s'informer des besoins de son acheteur et d'informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché. Dans la mise en place d'une prestation informatique, le client est en contrepartie tenu d'une obligation de collaboration et doit participer à la définition claire de ses besoins.
 
Il appartient au vendeur, tenu d'établir qu'il a rempli son obligation de délivrance ainsi que son obligation d'information et de conseil, de rapporter la preuve de la délivrance des accessoires de la chose vendue et de l'information qu'il a fournie à son client.
 
Le défaut de conformité provient d'une différence entre la chose convenue et la chose livrée.
 
La réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de conformité.
 
En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat.
 
L'article 1227 énonce qu'en toute hypothèse, la résolution peut être demandée en justice.
 
***

Il résulte de la copie du SMS, ci-dessus évoquée, qu'antérieurement à la vente, Monsieur [P] était clairement informé que la conversion du véhicule au bio-éthanal au moyen d'une reprogrammation du moteur, et non par l'installation d'un boitier éthanol et qu'il n'a émis aucune contestation, marquant ainsi son accord sur cette caractéristique du véhicule qu'il souhaitait acquérir.

En conséquence, il apparaît que le véhicule vendu possède les qualités sur lesquelles les parties s'étaient entendues, à savoir un véhicule converti au bio-éthanol par reprogrammation, de telle sorte que le fait que ledit véhicule ne comporte pas de boitier et que le certificat d'immatriculation ne mentionne pas la conversion est indifférent.

Dès lors, Monsieur [P] doit être débouté de ses demandes présentées au titre du manquement à l'obligation de délivrance du vendeur.

Sur les autres demandes :
 
Il y a lieu de condamner Monsieur [P], qui succombe, aux dépens.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
 
Monsieur [P], condamné aux dépens, devra verser à Monsieur [L] la somme de 1 500 €.
 
Enfin, il convient de rappeler que selon les dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
 
Le présent jugement est donc assorti de l'exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort par mise à disposition au greffe,

REJETTE l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [W] [P] ;

CONDAMNE Monsieur [W] [P] aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE Monsieur [W] [P] à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 12 JUILLET 2024 par Madame RODRIGUES, Vice-Présidente, siégeant en qualité de Juge Unique, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03333
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;22.03333 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award