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09/07/2024 | FRANCE | N°22/04863

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 09 juillet 2024, 22/04863


Minute n° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

Troisième Chambre

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

rendue le
09 JUILLET 2024



N° RG 22/04863 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZON
Code NAC : 30E



DEMANDERESSE au principal :
Défenderesse à l’incident :

La société SARL [J] MAINTENANCE, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 338 266 190 dont le siège social est situé [Adresse 3] [Localité 6], représentée par son Président en exerci

ce domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Elisa FREDJ, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

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Minute n° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

Troisième Chambre

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

rendue le
09 JUILLET 2024

N° RG 22/04863 - N° Portalis DB22-W-B7G-QZON
Code NAC : 30E

DEMANDERESSE au principal :
Défenderesse à l’incident :

La société SARL [J] MAINTENANCE, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 338 266 190 dont le siège social est situé [Adresse 3] [Localité 6], représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Elisa FREDJ, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDEUR au principal :
Demandeur à l’incident :

Monsieur [L] [I] [O] [M] [R]-[D]
né le 27 Août 1962 à [Localité 5] (93),
demeurant [Adresse 1] - [Localité 2],

représenté par Maître Philippe THIAULT de la SELARL ALCIAT - JURIS, avocat plaidant au barreau de BOURGES et par Maître Caroline CHARRON-DUCELLIER, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉBATS : A l'audience publique d’incident tenue le 06 Juin 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame GARDE, Juge de la mise en état assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier. Puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 09 Juillet 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit introductif d’instance signifié le 12 août 2022, la société [J] Maintenance a fait assigner Monsieur [L] [R]-[D] devant le tribunal judiciaire de Versailles en requalification en bail commercial à compter du 1er septembre 2009 d’une convention d’occupation conclue à effet du
1er septembre 2007, nullité du congé délivré le 10 janvier 2022 et paiement d’une indemnité d’éviction.

Le 8 mars 2024, Monsieur [L] [R]-[D] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en requalification.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident, notifiées au greffe par voie électronique le 21 mai 2024, Monsieur [L] [R]-[D] demande au juge de la mise en état de :

- Dire et juger que l’action en requalification de la convention d’occupation précaire du 1er septembre 2007 en contrat de bail commercial de la société [J] Maintenance est prescrite,

En conséquence,

- Déclarer irrecevable la demande de la société [J] Maintenance
de requalifier en bail commercial la convention d’occupation précaire du
1er septembre 2007,
- Condamner la société [J] Maintenance à payer à Monsieur [R]-[D] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société [J] Maintenance aux entiers dépens.

Monsieur [L] [R]-[D] soutient, sur le fondement des articles 122, 123, 789 du code de procédure civile et L. 145-60 du code de commerce, que l’action en requalification d’une convention d’occupation précaire en contrat de bail commercial est soumise à la prescription biennale. Il précise que le délai de prescription court à compter de la date de conclusion du contrat dont la requalification est recherchée soit, en l’occurrence, le 1er septembre 2007.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident, notifiées au greffe par voie électronique le 31 mai 2024, la société [J] Maintenance demande au juge de la mise en état de :

- Constater que la convention d’occupation précaire et dérogatoire conclue
entre la société [J] Maintenance et Monsieur [R]-[D] le
1er septembre 2007 est un bail dérogatoire,
- Constater que ce bail dérogatoire conclu entre la société [J] Maintenance et Monsieur [R]-[D] s’est nécessairement poursuivi, à compter du 1er septembre 2009, sous la législation du statut des baux commerciaux, en application de l’article L. 145-5 du code de commerce,
- Déclarer qu’il n’y a pas lieu à statuer sur la prescription avant d’avoir qualifié le régime juridique applicable au contrat litigieux,

En conséquence,

- Juger qu’aucune irrecevabilité au titre de la prescription n’est encourue,
- Débouter Monsieur [R]-[D] de sa demande d’irrecevabilité et de toutes ses demandes subséquentes,

En tout état de cause,

- Débouter Monsieur [R]-[D] de sa demande de condamnation de la société [J] Maintenance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens,
- Réserver les dépens.

La société [J] Maintenance prétend que le tribunal doit statuer sur le régime applicable à la convention initialement signée (convention d’occupation précaire ou bail dérogatoire) avant de se prononcer sur la prescription de l’action. Elle précise que, dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait la qualification de bail dérogatoire, la convention serait nécessairement soumise au statut des baux commerciaux en application de l’article L. 145-5, alinéa 2, du code de commerce et ce, nonobstant les dispositions de l’article L. 145-60 du code de commerce.

MOTIFS

Sur la prescription de l’action

Aux termes de l’article 789, 6°, du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l’article L. 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

L’article L. 145-5 du code de commerce, dans sa version applicable au cas d’espèce, dispose que les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans. Si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux.
Il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d’un nouveau bail pour le même local.

Si l’action en requalification en bail statutaire est soumise à la prescription biennale, tel n’est pas le cas de l’action en constatation de l’existence d’un bail statutaire né par le seul effet du maintien dans les lieux du locataire à l’expiration du bail dérogatoire, celui-ci naissant du seul effet de la loi, nonobstant les diligences des parties.

Dès lors, il est nécessaire de statuer sur la question de la qualification du contrat conclu à effet du 1er septembre 2007 avant de se prononcer sur le délai de prescription applicable à l’action engagée par la société [J] Maintenance.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que, par acte du
1er septembre 2005, Monsieur [L] [R]-[D] a donné
à bail dérogatoire à Monsieur [U] [N] [X], sur le fondement
de l’article L. 145-5 du code de commerce, un ensemble de bâtiments à usage commercial et industriel situés [Adresse 4] à [Localité 6] (78), pour une durée de deux années à compter du 1er septembre 2005, afin d’y exercer une activité de serrurerie et ferronnerie d’art.

Puis, à compter du 1er septembre 2007, Monsieur [L] [R]-[D] et Monsieur [U] [N] [X], gérant de la société [J] Maintenance, ont conclu une convention d’occupation précaire et dérogatoire à durée indéterminée sur les mêmes locaux au motif que “l’immeuble [litigieux] est situé dans une zone d’aménagement concerté et que [le bailleur] envisage d’obtenir un permis de construire ou de lotir (...) Dans l’attente de la réalisation de son projet et de l’obtention des autorisations administratives nécessaires, [le preneur] a manifesté son désir que la jouissance dudit immeuble lui soit conférée pour l’exercice de son activité (...)”.

Les parties sont convenues que la convention prendrait fin :
- à la demande de l’occupant : à tout moment moyennant un préavis non motivé de 90 jours effectué exclusivement par voie d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception,
- à la demande du propriétaire : au jour de l’obtention du permis de construire ou de lotir que le propriétaire envisage de demander.

La convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par une cause autre que la seule volonté des parties. L’existence du caractère précaire est appréciée au jour de la conclusion de la convention.

En l’espèce, la lecture de la convention versée aux débats ne permet pas d’établir de situation de précarité objective au 1er septembre 2007, les démarches futures et éventuelles de Monsieur [R]-[D] pour le dépôt d’un dossier de permis de construire ou de lotir n’étant pas extérieures à la seule volonté des parties.

Dans ces conditions, la qualification de convention d’occupation précaire doit être écartée au profit de celle de bail dérogatoire de droit commun (régime d’ores et déjà choisi par les parties à compter du 1er septembre 2005), ce qui suffit à exclure l’application du délai de prescription biennal de l’article L. 145-60 du code de commerce.

L’action en constatation de l’existence d’un bail statutaire né par le seul effet du maintien dans les lieux du locataire à l’expiration du bail dérogatoire étant imprescriptible, la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [L] [R]-[D] sera rejetée.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Monsieur [L] [R]-[D], qui succombe en ses demandes, sera condamné aux dépens de l’incident. Corrélativement, sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action introduite par la société [J] Maintenance,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE Monsieur [L] [R]-[D] aux dépens de l’incident,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,

RENVOIE la cause et les parties à l’audience de mise en état
du 8 octobre 2024 à 09h30 pour conclusions en défense avant le
12 septembre 2024 et avis sur clôture.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 JUILLET 2024, par Madame GARDE, Juge, Juge de la mise en état, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/04863
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi à la mise en état

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;22.04863 ?
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