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27/06/2024 | FRANCE | N°22/00128

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Quatrième chambre, 27 juin 2024, 22/00128


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
27 JUIN 2024



N° RG 22/00128 - N° Portalis DB22-W-B7F-QIGK
Code NAC : 63A


DEMANDEUR :

Monsieur [F] [I],
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 13]
[Adresse 6]
[Localité 8]

représenté par Me Pauline MIGAT-PAROT, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant


DEFENDEURS :

S.A.S.U. HOPITAL PRIVE DE [11] “[11]”
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 310 227 673, prise en la personne de se

s représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]

représentée par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MIN...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
27 JUIN 2024

N° RG 22/00128 - N° Portalis DB22-W-B7F-QIGK
Code NAC : 63A

DEMANDEUR :

Monsieur [F] [I],
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 13]
[Adresse 6]
[Localité 8]

représenté par Me Pauline MIGAT-PAROT, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

DEFENDEURS :

S.A.S.U. HOPITAL PRIVE DE [11] “[11]”
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 310 227 673, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]

représentée par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Me Vincent BOIZARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Copie exécutoire à Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, Maître Virginie JANSSEN, Me Catherine LEGRANDGERARD, Me Pauline MIGAT-PAROT, Maître Stéphanie TERIITEHAU
Copie certifiée conforme à l’origninal à
délivrée le

La MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS (MACSF)
assureur de [X] [G]
Cours du Triangle,
[Adresse 2]
[Localité 10]

représentée par Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

Monsieur [X] [G]
né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 14] (78)
Domicilié à l’Hôpital de [11],[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 8]

représenté par Maître Angélique WENGER de la SCP CABINET WENGER-FRANCAIS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

Monsieur [S] [N] [J] [D]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 12] (MADAGASCAR)
Hôpital de [11]
[Adresse 4]
[Localité 8]

la MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS (MACSF),
assureur de [S] [D], société d’assurance mutuelle, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Cours du Triangle,
[Adresse 2]
[Localité 10]

représentés par Maître Marie-Christine CHASTANT-MORAND de la SCPA CHASTANT-MORAND, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Virginie JANSSEN de la SELARL CABINET BOURSIN-JANSSEN, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES, prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 7]

représentée par Me Catherine LEGRANDGERARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant

ACTE INITIAL du 10 Novembre 2021 reçu au greffe le 31 Décembre 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 25 Avril 2024, après le rapport de Madame DUMENY, Présidente de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Mme DUMENY, Vice Présidente
Monsieur BRIDIER, Vice-Président
Madame BARONNET, Juge

GREFFIER :
Madame GAVACHE

PROCÉDURE

Le 1er décembre 2015, Monsieur [F] [I], pompier professionnel âgé de 47 ans, déjà opéré pour méniscectomie gauche en 2001, consulte le Docteur [G] pour une douleur au niveau du genou droit avec lésion méniscale associée. Il réalise un examen puis trois injections au mois de janvier 2016 ; une gonarthrose fémoro-tibiale interne du genou droit est diagnostiquée.

Le 17 mai 2016, Monsieur [I] consulte de nouveau le Docteur [G] pour persistance de ses symptômes après les infiltrations. Celui-ci pose une indication opératoire : le Docteur [G] réalise une « ostéotomie tibiale de valgisation d’ouverture 2 » le 4 juillet, en présence du Docteur [D] anesthésiste, au sein de l’hôpital privé de [11] (ci-après [11]) où le patient est hospitalisé du 3 au 6 juillet 2016.

Le 16 août, Monsieur [I] sollicite un rendez-vous avec le Docteur [G] en raison de l’apparition de douleurs importantes au niveau du genou droit et d’un œdème. Aucun rendez-vous ne lui était donné en urgence jusqu’à la consultation du 26 août par son chirurgien qui lui prescrit des radiographies de contrôle et des chaussettes de contention .

Le vendredi 30 septembre 2016, Monsieur [I] a son genou rouge et gonflé, il ressent également d’importantes douleurs : il écrit un émail à 5h du matin au Docteur [G] qui n’y répond puis il consulte un autre chirurgien du membre inférieur de la même clinique le samedi 1 er octobre - le docteur [P] lequel prescrit un bilan sanguin et radiologique et l’hospitalise.
Le mercredi 5 octobre Monsieur [I] subit une intervention chirurgicale de « reprise de cicatrice avec évacuation d’un abcès, ablation de matériel » par le Docteur [G]. Des prélèvements opérés montrent la présence d’un « staphylocoque aureus » au niveau du greffon d’ostéotomie. Il retourne à son domicile le 14 octobre suivant.

Monsieur [I] a pu reprendre son activité professionnelle mais déplore n’avoir constaté aucune amélioration de son état.

Le 8 novembre 2017, il dépose une demande d’indemnisation auprès de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux qui confie une expertise au Docteur [Y] lequel a déposé son rapport le 17 mai 2018. S’il retient le caractère nosocomial de l’infection, il n’y associe aucune faute de l’équipe médicale ni séquelle définitive. Les seuils légaux de gravité n’étant pas atteints, la présidente de la CRCI a déclaré la commission incompétente pour rendre un avis.

M. [F] [I] sollicite alors une expertise judiciaire dont il a été débouté par le juge des référés le 16 mai 2019 confirmé par la cour d’appel le 7 mai 2020.

M. [I] décide d’assigner au fond les 10, 15 et 16 novembre 2021 l’hôpital privé de [11], les docteurs [G] et [D], la MACSF assurant le second et CPAM 78 aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

M. [F] [I] a communiqué le 6/2/2023 ses dernières conclusions contenant les prétentions suivantes fondées sur les articles 1142-1 et suivants du Code de la santé publique:
- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
- juger que sa prise en charge par le Docteur [G] n’a pas été conforme aux données acquises de la science et que le celui-ci doit l’indemniser des préjudices en lien avec sa mauvaise prise en charge ;
- juger que sa prise en charge par le Docteur [D] n’a pas été conforme aux données acquises de la science et que celui-ci doit l’indemniser des préjudices en lien avec sa mauvaise prise en charge ;
- juger que l’Hôpital de [11] doit l’indemniser de ses préjudices en lien avec l’infection nosocomiale développée dans les suites de l’intervention du 4 juillet 2016 ;
- condamner le Docteur [G], le Docteur [D], l’Hôpital de [11], in solidum, à lui verser, en réparation de ses préjudices, la somme de 26.721 euros, correspondant aux postes de préjudice suivants :
Dépenses de santé actuelles Réservé
Déficit fonctionnel temporaire 1.221 euros
Souffrances endurées 6.000 euros
Préjudice esthétique temporaire 500 euros
Dépenses de santé futures Réservé
Déficit fonctionnel permanent 18.000 euros
Préjudice esthétique permanent 1.000 euros

- condamner le Docteur [G], le Docteur [D], l’Hôpital de [11], in solidum, à lui verser la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les mêmes in solidum, aux entiers dépens,
- débouter le Docteur [G] , le Docteur [D] et l’Hôpital de [11] de leurs demandes, fins et prétentions.

Aux termes de ses dernières écritures échangées le 5 septembre 2022, le docteur [X] [G] vise les articles 1231-1 du Code civil et L.1142-1 I du Code de la santé publique, pour voir :
- dire et juger qu’il n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité ;
- dire et juger qu’aucun lien de causalité entre les manquements invoqués à son encontre et les préjudices n’est démontré ;
- rejeter l’ensemble des demandes formulées par Monsieur [I] ;
- le condamner à lui verser la somme de 3 00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
- le condamner aux entiers dépens.

Le Docteur [S] [D] et son assureur la MUTUELLE D'ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANÇAIS (MACSF) ont notifié le 3 février 2023 leurs dernières conclusions contenant les prétentions suivantes, au visa de l'article L1142-1 du code de la santé publique,
- dire et juger que la prise en charge de Monsieur [I] par ses soins était conforme aux données acquises de la science,
- débouter purement et simplement Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Le 3 mai 2023 la SASU hôpital privé de [11] (ci-après [11]) demande de faire application des dispositions des articles L 1142-1 I et suivants du Code de la santé publique, et de :
- le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures ;
- statuer ce que de droit sur sa responsabilité du fait de la survenue d'une infection nosocomiale ;
- fixer comme suit les indemnités mises à sa charge
Déficit fonctionnel temporaire 876,70 euros
Souffrances endurées 2 000,00 euros
Préjudice esthétique temporaire 200,00 euros- rejeter le surplus des demandes de Monsieur [I] ;
- ramener à de plus justes proportions la somme sollicitée par Monsieur [I] au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- constater que la CPAM des Yvelines ne justifie pas des montants dont elle réclame le remboursement ;
- débouter la CPAM des Yvelines de toutes ses demandes ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.

La CPAM des Yvelines a conclu le 4 juillet 2023, visant les dispositions des articles
L 376-1 du Code de la Securité Sociale, L.1142-1 1 alinéa 2 du Code de la Santé Publique, afin de :
- la recevoir en toutes ses demandes,
- l’y déclarer bien fondée,
- constater que Monsieur [I] a été victime d’une infection nosocomiale,
- juger que la responsabilité sans faute de l’Hôpital privé de [11] se trouve engagée,
- condamner l’Hôpital privé de [11] à lui rembourser sa créance définitive, soit la somme de 6 027,88 €,
- dire que cette somme produira des intérêts au taux légal à titre moratoire à compter du jugement à intervenir,
- condamner l’Hôpital privé de [11] à lui payer l’indemnité forfaitaire de gestion codifiée à l’article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale d'un montant revalorisé selon arrêté en date du 15 décembre 2022 de 1 162 €,
- le condamner à lui payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Legrandgerard.

La cloture de l’instruction a été prononcée le 3 octobre 2023 et l’affaire a été examinée à l’audience tenue le 25 avril 2024 par la formation collégiale qui a mis sa décision en délibéré ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire il convient de rappeler que les demandes qui tendent simplement à voir 'juger' ne constituent pas des demandes en justice visant à ce que soit tranché un point litigieux, de sorte que le tribunal n'y répondra pas dans le dispositif de la présente décision.

- sur la responsabilité de l’établissement Hôpital privé de [11] pour l’infection nosocomiale

M. [F] [I] expose avoir développé une infection nosocomiale à staphylocoque doré dans les suites de l’intervention pratiquée le 4 juillet 2016. Il demande l’application de l’article L1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique pour obtenir la prise en charge des conséquences de cette infection par l’établissement de santé, in solidum avec le médecin ayant posé l’indication opératoire ainsi que l’anesthésiste n’ayant pas doublé l’antibioprophylaxie.

L’Hôpital privé n’entend pas se soustraire à la responsabilité de plein droit posée à l’article susvisé en l’absence de cause étrangère. Cependant il n’accepte de prendre en charge que les préjudices strictement imputables à l’infection soit le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire. L’établissement assure que la survenue de l’infection du site opératoire n’a pas entraîné de dommage définitif de sorte qu’il n’y a pas de dépenses de santé futures ni déficit fonctionnel permanent en lien avec l’infection nosocomiale qui lui est imputable.

****

L’article L 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique énonce que les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

L’expert médical mandaté par la commission d’indemnisation indique, sans être contesté, que l’'infection du site opératoire est associée à l'acte de soin qui est l’ostéotomie tibiale de valgisation effectuée le 04/07/2016 par le Docteur [G] au sein de l'hôpital Privé de [11].
Il ne retient pas le diagnostic d'érysipèle du fait des symptômes présentés par Mr [I], à savoir une grosse jambe rouge sans hyperthermie et sans amélioration par la mise sous antibiothérapie ; au contraire une aggravation progressive de la symptomatologie, douleur, oedème et rougeur ainsi que le germe staphyloccocus aureus meti sensible découvert à 1'occasion de prélèvements per opératoires évoquent le diagnostic d'une infection du site opératoire, ledit germe étant responsable de 40% des infections du site opératoire en chirurgie orthopédique. Il conclut que la porte d'entrée et la date probable de l'infection est l’intervention chirurgicale à ciel ouvert d'ostéotomie tibiale de valgisation et de mise en place du matériel effectuée le 04/07/2016 par le Docteur [G], le patient ne présentant aucun état de santé antérieur l’exposant à cette infection.

L’établissement ne faisant état d’aucune cause extérieure exonératoire, sa responsabilité de plein droit se trouve engagée du fait de cette infection nosocomiale.

- sur la faute du docteur [S] [D]

M. [I] demande la condamnation in solidum de l’anesthésiste pour sa prise en charge non conforme aux données acquises de la science : il affirme qu’il présentait à l’époque une obésité notable de 124 kg pour 1m80 et reproche l’absence de mise en place d’une antibioprophylaxie spécifique en vue de l’intervention chirurgicale du 4/7/2016. Pourtant dès le 16 août il a connu des douleurs importantes au niveau du genou droit ainsi qu’un œdème ayant donné lieu à un abcès purulent opéré le 5 octobre suivant puis à 2 mois d’antibiothérapie.

Le patient affirme que son poids de 124 kg est indiqué sur la feuille de consultation d’anesthésie et corroboré par les courbes de poids fournies par le Docteur [M]. Il conteste n’avoir pesé que 107 kg lors de l’opération et réfute l’erreur de plume dans le compte rendu de la consultation pré anesthésique. Il affirme que les dosages antibiotiques sont modifiés en cas d’IMC $gt;35 ce qui a été le cas si son poids dépassait 114 kg pour une taille de 1,80 m. Il conclut qu’il nécessitait une précaution particulière quant à l’antibioprophylaxie mise en place par l’anesthésiste qu’il met en relation avec une infection du site opératoire dans les suites de l’intervention ayant nécessité une reprise de la cicatrice. Selon lui, il appartenait au médecin de vérifier son poids pour vérifier le besoin d’un traitement.

Le Docteur [S] [D] et son assureur concluent au rejet en raison d’une prise en charge conforme aux données acquises de la science. Le praticien reconnaît avoir réalisé le 3 juillet 2016 la consultation pré-anesthésique du patient qu’il a classé en ASA 3 en raison de la suspicion d’un certain nombre d’apnées du sommeil. Le patient a bénéficié d’une préparation cutanée et d’une antibioprophylaxie par Cefazoline à raison de 2 grammes administrés à 9h35. Les suites opératoires ont été simples et la cicatrice ne présentait aucune difficulté malgré un œdème le 26 août suivant.
Si l’anesthésiste s’accorde avec le demandeur pour dire que les recommandations sanitaires en vigueur à l’époque de la prise en charge étaient de doubler la dose d’antibiotiques dans le cadre d’une antibioprophylaxie en cas d’indice de masse corporelle supérieur à 35, il soutient que le patient pesait entre 109 et 110 kilos comme il l’a reconnu lors de la réunion d’expertise médicale; le poids de 124 kg a été indiqué par erreur en tapant les chiffres sur son ordinateur. Il en déduit que la dose administrée 45 minutes avant l’intervention est conforme aux règles de l’art, comme l’expert l’a validée. Il en déduit qu’aucune faute ne peut lui être reprochée pour engager sa responsabilité et qu’il doit en conséquence être mis hors de cause.

****

L’article L.1142-1 I du code de la santé publique dispose que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Ainsi il appartient au demandeur qui allègue une faute de la démontrer.

La question est donc de connaître le poids réel du patient au jour de l’opération.
Les relevés biométriques du médecin généraliste de M. [I] montrent un poids de
123 kg les 28/5 et 1/9/2015 et 4/9/2015, de 119 kg le 5/4/2016 et de 114 kg le 8/9/2016. Ainsi les pesées antérieures et postérieures à l’opération variaient de 114 à 119 kg.

La feuille renseignée lors de la consultation de pré anesthésie du 28/6/2016 par le Docteur [S] [D] indique en haut de la page “180 cm, poids 124 kg et BMI 38,272, TA 127/80, pouls 96 ; dans le cadre des conclusions/éléments importants “ASA 3 (=Patient atteint d’une maladie organique sévère sans menace vitale à court terme, avec limitation fonctionnelle), score de LEE 0, risque(s) : *intubation*, absence de signes cliniques ou antécédents de coagulopathie, venu sans questionnaire ni dossier : doit rapporter, tolère les AINS mais Mopral associé ++, cure de 4 jours de solumédrol préalable et réévaluer sur le plan respi le jour opératoire ++, Risque inhalation, BMI$gt;30 obésité grave, risque d’intubation difficile”.

Ainsi l’anesthésiste a bien porté un poids, une taille sur la base desquels il a calculé un indice de masse corporelle (BMI). Il ne peut donc plaider une erreur de plume ni se prévaloir du poids indiqué par le patient lors de la réunion expertale réalisée plus de 18 mois après.

Le bilan de consultation du 17 mai 2016 mentionne une taille de 180 cm et un poids de 110 kg, ce qui représente un IMC de 33.95 et le compte rendu d’hospitalisation établi le 6/7/2016 sous la direction du chirurgien Docteur [G] reprend ces mêmes données sans les avoir actualisées.

Selon l’expert mandaté par la CCI “les recommandations de l’ASFAR (société française d’anesthésie et de réanimation) indiquent de doubler la posologie d’antibioprophylaxie chez des patients qui ont des BMI supérieures à 35”.

Il était donc de la responsabilité de l’anesthésiste, seul chargé du calcul de la dose d’antibiotiques à administrer en amont de l’opération, de déterminer précisément le poids et l’indice de masse corporelle du patient au vu de ces recommandations. Aucun élément postérieur à la consultation pré-anesthésique du 28 juin 2016 ne permet de connaître précisément le poids du patient lors de l’opération survenue une semaine plus tard. Il convient donc de considérer que le poids noté par l’anesthésiste et l’indice de masse corporelle qu’il a lui-même calculé devaient le guider dans le calcul des doses adaptées à la prévention des infections.

Selon les mentions de la feuille de consultation pré-anesthésique, l’indice de masse corporelle était supérieur à 35 et devait donc donner lieu au doublement de la posologie des antibiotiques.

En ne le faisant pas, le médecin anesthésiste a commis une faute privant le patient de la chance de plus échapper aux maladies nosocomiales pouvant être contractées au décours d’une intervention chirurgicale. Il ne sera donc pas mis hors de cause.

Le tribunal constate l’absence de demande présentée à l’encontre de la MACSF.

- sur la responsabilité du docteur [X] [G]

Le patient forme plusieurs reproches au chirurgien.

Relativement à l’indication opératoire

M. [I] affirme que l’intervention du 4 juillet 2016 n’a pas été réalisée conformément aux données acquises de la science en ce qu’une ostéotomie tibiale de valgisation ne doit être effectuée qu’en cas de nécessité chez un patient considéré comme jeune. Il déplore que seules 3 injections ont été réalisés avant cette intervention invasive et qu’aucun traitement ne lui a été proposé en alternative (repos, kinésithérapie, injection complémentaire etc.). Il affirme avoir conservé des douleurs importantes du genou dans les suites de l’intervention ainsi qu’une raideur et une boiterie à la marche ; il conclut que son état s’est manifestement dégradé par rapport à celui existant avant l’opération puisqu’il n’a pas pu reprendre son activité professionnelle.
Il répond que le chirurgien a lui-même indiqué lors de la première consultation qu’une intervention au niveau du genou présentait un risque et ne devait être envisagée qu’en dernier recours.
Il en déduit que l’indication opératoire est fautive et engage la responsabilité du chirurgien.

Le Docteur [G] conclut à l’absence de faute susceptible d’engager sa responsabilité. Il rappelle que dès la première consultation et la radiographie il a décidé de réaliser une visco- supplémentation et face à l’échec de ce traitement il a recommandé l’intervention chirurgicale. Il se fonde sur l’expertise médicale pour affirmer qu’il a délivré l’information, posé le bon diagnostic de gonarthrose résistant au traitement médical au vu des examens cliniques et d’un bilan radiologique, ainsi que l’indication chirurgicale d’ostéotomie tibiale de valgisation.
Il ajoute que la raideur du genou en fin de flexion et la persistance d’une algie, caractérisant un déficit fonctionnel permanent, sont en rapport avec l’état de santé antérieur du patient.
Il plaide que celui-ci ne démontre aucune faute de sa part en lien causal avec un préjudice.

****

Dans le bilan de la première consultation du 1er décembre 2015, le docteur [G] se fonde sur une I.R.M. qui montre une lésion méniscale interne, une anse de seau MI et un ménisque expulsé. Il note une importante prise de poids et constate à l’examen clinique un syndrome méniscal interne net. Il précise « une méniscectomie sur ce terrain risque de dégrader de manière rapide l’articulation. À proposer donc avec prudence en tout cas après bilan radio graphique standard. Si arthrose radiologique, plutôt traitement conservateur (visco) voir une ostéotomie du tibia. En l’absence d’arthrose on pourrait proposer une méniscectomie économique suivie de mesures hygiéno-diététiques voire d’une visco. »

Il en ressort que le médecin a préconisé la prudence et qu’il n’a pas réalisé en juillet 2016 une méniscectomie mais une ostéotomie du tibia en tenant compte de l’arthrose constatée par les examens. Par ailleurs le patient reconnaît avoir bénéficié de 3 injections de visco supplémentation et avoir reconsulté le chirurgien en raison de la persistance de ses douleurs. L’opération a été réalisée sept mois après la première consultation.

Le tribunal relève que le patient confond l’intervention relative au ménisque, qualifiée de risquée et qui ne devait être envisagée qu’en dernier recours, et celle effectivement pratiquée d’ostéotomie tibiale.

L’expert [Y], commis par la CCI, rappelle que le patient a subi une méniscectomie du genou gauche en 2001. Depuis fin 2013 il souffrait du genou droit et a été adressé par son médecin traitant au docteur [G] qui l’a vu pour la première fois le 1er décembre 2015 alors qu’il était en arrêt de travail pour une tendinite et blocage du genou droit. Le chirurgien lui a proposé un traitement médical et une visco supplémentation et le patient a repris son activité le 9 mars 2016.

En page 12 de son rapport il affirme que le patient présentait une gonalgie droite en rapport principalement avec une gonarthrose fémoro tibiale interne sur genu varum et surcharge pondérale. Après l’épuisement du traitement médical et devant l’importance de la gêne fonctionnelle, une intervention d’ostéotomie tibiale de valgisation lui a été proposée, ce qu’il qualifie de “ indication conforme aux règles de l’art” ou “de traitement de choix.” Il précise que cette intervention vise à permettre au patient de gagner quelques années avant la mise en place d’une prothèse totale de genou dans un délai de 5 à 15 ans. En l'absence d'acte en cause, l'évolution se fait vers l’aggravation de la gonarthrose à moyen terme.

Le demandeur communique un certificat du docteur [C] constatant le 30/7/2019 “une gonarthrose droite fémoro tibiale médiale de grade 2 radiologique et de stade fonctionnel 2 de steinbocker, invalidité chronique douloureuse, évolution dégénérative à bas bruit aboutissant à terme en quelques années à une indication de prothèse totale de genou droit”.

Il produit un compte-rendu d’examen radiographique et d’IRM du genou droit, réalisés les 27 janvier et 9 février 2021, faisant apparaître une fissure complexe des segments postérieur et moyen du ménisque médial sans fragment méniscal déplacé. Il est noté une chondropathie condylienne fémorale médiale et fémoro-patellaire dégénérative modérée sans oedème osseux sous-chondral. Le radiologue note également un pincement fémoro- tibiale interne droit marqué.

Ces éléments médicaux postérieurs à l’expertise ne viennent pas remettre en cause les conclusions de celle-ci et ne permettent pas de rapporter la preuve d’une faute du chirurgien dans l’indication opératoire qui est intervenue sur la base d’examens cliniques et d’un bilan radiologique après l’épuisement du traitement médical et devant l’importance de la gêne fonctionnelle.

Dans l’établissement du diagnostic de la complication et les investigations réalisées et le traitement institué

Le patient reproche au praticien de ne pas avoir donné suite à ses appels pour demander un rendez-vous le 16 août 2016 ni à son mail du 30 septembre suivant lorsqu’il lui a signalé le développement d’une douleur et d’un œdème sur la gauche de la cicatrice en post opératoire. Il soutient que le chirurgien a fait fi de ces plaintes et de l’existence de l’œdème sans réagir, conduisant à une nouvelle opération. Il soutient que ses souffrances auraient pu être évitées par une intervention plus rapide.

Il lui fait également grief d’avoir été défaillant dans la prise en charge de l’infection nosocomiale en ne lui donnant aucun traitement après le rendez-vous du 26 août 2016 et en ne recherchant pas l’origine de l’œdème.

Le Docteur [X] [G] se prévaut des conclusions de l’expertise médicale ayant relevé une surveillance attentive du patient comme une reprise chirurgicale de l’abcès et une antibiothérapie adaptées pour voir écarter sa responsabilité.

****

Le médecin mandaté par la commission rappelle que le 1er octobre 2016 un syndrome inflammatoire biologique avec une CRP à 174 a été diagnostiqué et qu’une tuméfaction évoquant un abcès cicatriciel est apparu pour donner lieu à une opération de reprise de cicatrice pour ablation du matériel, prélèvements bactériologiques et lavage le 5 octobre suivant. Les éléments du dossier montrent que l’état de santé du patient s’est alors nettement amélioré, l’antibiothérapie a été modifiée dès la réception du résultat biologique selon l’avis du médecin infectiologue de sorte que la CRP abaissée à 18 le 12 octobre suivant et la sortie autorisée 2 jours plus tard.

Selon le Docteur [Y] ce syndrome inflammatoire du site opératoire obligeait le chirurgien à procéder à l’ablation de la plaque d’ostéotomie plutôt que prévu, cette intervention étant obligatoire dans un délai normal de un à deux ans après la pose dans le cadre d’une hospitalisation de jour et d’un arrêt de travail de 15 à 21 jours.
Il conclut qu’il n’y a pas de dommage final imputable à l’infection nosocomiale à l’exception d’une réhospitalisation et d’une antibiothérapie prolongées.

Il considère que la surveillance du patient par le chirurgien traitant a été attentive, a permis de déceler et de traiter au moment adéquat l'infection du site opératoire. Lorsque l'infection a été suspectée, un bilan biologique adéquat a été pratiqué ainsi qu'un scanner confirmant la consolidation de l’ostéotomie et la présence d'un abcès autour du matériel ; le traitement institué qui a consisté en 1'ablation du matériel, prélèvement bactériologique et lavage abondant ainsi que l’antibiothérapie adaptée ont été conformes aux règles de l'art et permis d'obtenir la guérison de cette infection.

Le foyer d'ostéotomie étant solide, l'ablation du matériel associée à une antibiothérapie d'abord intra veineuse puis par voie per os adaptée à l’antibiogramrne a permis d'obtenir la guérison.

Le demandeur ne conteste pas ces conclusions et ne rapporte aucun élément de nature à les remettre en cause. Partant, il ne rapporte la preuve d’aucune faute dans la prise en charge de l’infection nosocomiale par le chirurgien qui ne sera condamné à aucune indemnisation.

- sur la condamnation in solidum

M. [I] réclame la condamnation in solidum des médecins et de l’établissement à réparer ses entiers préjudices, considérant que l’origine de ces séquelles provient des erreurs des praticiens et de l’infection nosocomiale de l’établissement et qu’ainsi chacun des acteurs a concouru à la réalisation de son dommage.

L’établissement de santé souhaite que seuls les préjudices directement imputables à l’infection soient mis à sa charge tandis que l’anesthésiste et son assurance ne concluent pas sur cette prétention.

Dans la mesure où le tribunal a considéré que la faute de l’anesthésiste le Docteur [D] avait permis en partie l’apparition de la maladie nosocomiale pour laquelle la responsabilité de l’établissement de santé est engagée de plein droit, il convient de condamner ces 2 parties défenderesses à indemniser les préjudices imputables à l’infection, et ce in solidum.

- sur la réparation des préjudices

Le demandeur assure conserver des séquelles des suites de l’intervention et plus particulièrement de l’infection nosocomiale et de la réintervention qu’elle a nécessitée, à savoir une limitation de l’amplitude des mouvements, un gonflement du genou à la marche, une impossibilité de maintenir une position debout ou assise prolongée, des réveils nocturnes à cause des douleurs et une sensation de dérobement.

Le médecin anesthésiste conclut au rejet sans détailler chacun des postes contrairement à l’hôpital privé.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Se fondant sur les périodes et taux de déficit retenus par l’expert, M. [I] sollicite une indemnisation de 1.221 € sur la base d’une valorisation journalière de 30 € quand l’établissement lui offre 22 € par jour pour une indemnité totale de 876,70 €.

Les parties s’accordent pour reprendre les conclusions de l’expert sur le fait que la maladie nosocomiale a nécessité l’utilisation de cannes béquille du 25 au 30 septembre (déficit de 50 % sur ces 6 jours), une ré intervention avec une hospitalisation du 1er au 14 octobre 2016 ( déficit fonctionnel temporaire de 100% durant 14 jours), une antibiothérapie et l’utilisation de cannes du 15 octobre au 10 décembre 2016 (57 jours à 25 %) puis 91 jours jusqu’à la consolidation du 2 avril 2017 (au taux de 10 %).

Au vu des éléments, le tribunal arbitrera le montant quotidien indemnitaire à 25 € , ce qui donne lieu à l’indemnisation suivante du déficit fonctionnel temporaire :
déficit total : 14 × 25 =350 €
déficit de 50 % : 6 × 25 x 50 % = 75 €
déficit de 25 % : 57 × 25 × 25 %= 356,25 €
déficit de 10 % : 91 × 25 × 10 %= 227,50 €

Soit un total de 1008,75 €.

Sur les souffrances endurées

L’établissement offre 2.000 € de dommages-intérêts quand la victime en sollicite 6.000 € pour des douleurs intenses avec développement d’un abcès douloureux, réintervention chirurgicale et prise régulièrement d’antalgiques ; elle soutient avoir conservé des douleurs

jusqu’à la consolidation en raison des dégâts provoqués par l’infection sur son articulation, notamment des douleurs à la mobilisation.

L’expert médical a effectivement imputé à l’infection nosocomiale des souffrances endurées pour une période de douleur et une antibiothérapie prolongées, qu’il a estimées à 2/7 ; il a précisé que l’ablation du matériel d’ostéotomie n’a été qu’anticipée puisqu’elle aurait dû avoir lieu dans les 2 ans suivant la pose.

Les éléments du dossier permettent de voir que les antibiotiques ont été pris pendant
2 mois et que les douleurs étaient décrites comme rares lors de la consultation du 27 octobre 2016. Il convient en conséquence de lui allouer une indemnité de 2.000 €.

Sur le préjudice esthétique temporaire

Pour la marche avec difficulté du fait d’une jambe gonflée et rouge ayant altéré sa présentation à l’égard d’autrui, M. [I] réclame 500 € d’indemnisation alors que l’établissement lui offre 200 €.

Dans la nomenclature Dintilhac ce poste de préjudice indemnise une victime qui a eu à subir pendant la maladie traumatique une altération de son apparence physique.

Les éléments du dossier conduisent à déclarer satisfactoire l’offre de 200 €.

Sur le déficit fonctionnel permanent

M. [I] sollicite 18.000 € de dommages-intérêts pour des séquelles douloureuses, une limitation des mouvements et à la marche avec gonflement du membre inférieur, une impossibilité de maintenir une position debout ou assise prolongée notamment. Il soutient qu’avant l’intervention il présentait des douleurs non invalidantes liées à une déformation du membre inférieur, qu’il travaillait et était actif. Il conclut qu’à la suite de l’intervention et de la réintervention imputable à la maladie nosocomiale, il a perdu son autonomie et a vu apparaître des séquelles douloureuses. Pourtant l’intervention initiale avait pour objectif de réduire la déformation et de mettre un terme à ses douleurs.
Il fait valoir que contraint de marcher avec une canne, il ne peut plus occuper un emploi correspondant à ses qualifications et il doit survivre avec une allocation spécifique de solidarité sans pension d’invalidité.
Il estime son déficit fonctionnel permanent supérieur à 10 %

L’Hôpital privé de [11] s’y oppose au motif que l’expert a exclu tout dommage définitif imputable à la survenue de l’infection nosocomiale et a relié la raideur du genou et la persistance des douleurs à l’état de santé antérieur du patient.

****

Il s’agit du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel
ou intellectuel. Il s’agit d’un déficit définitif, après consolidation, c’est à dire que l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté. Il doit être imputable au fait fautif.

En l‘espèce l’expert missionné par la CCI a considéré qu’il n'y avait pas de dommage final imputable à l'infection no socomiale qui a seulement nécessité une ablation rapide du matériel d’ostéotomie, une ré hospitalisation ainsi qu'une antibiothérapie prolongées. Il n’impute à cette infection aucun poste de préjudice permanent.

Dans la mesure où il ressort des pièces que Monsieur [I] avait également été en arrêt de travail prolongé entre 2014 et 2015, soit antérieurement à l’opération en raison de ses douleurs handicapantes et où il ne rapporte aucune preuve que ses douleurs et difficultés à la marche sont exclusivement imputables à l’infection nosocomiale, il ne peut obtenir d’indemnisation à ce titre.

Sur les dépenses de santé

M. [I] demande de réserver les dépenses de santé actuelles et futures dans l’attente de production dans justificatifs.
L’ établissement de santé s’appuie sur le rapport expertal n’ayant pas retenu de telles dépenses en rapport avec l’infection nosocomiale pour rejeter ce poste indemnitaire.

Effectivement l’expert médical n’a pas fait état de dépenses de santé exposées par le patient pour le traitement de l’infection à staphylocoque avant et après la consolidation de son état de santé, ce qui conduit à ne pas réserver ce poste.

- sur la créance de la CPAM des Yvelines

La CPAM demande la condamnation du seul Hôpital privé de [11] à lui régler la somme de 6.027,88 € au titre de sa créance définitive, avec intérêts légaux à compter de la décision, conformément aux dispositions de l’article L376-1 du code de la santé publique. Elle répond que l’attestation définitive des débours ne liste que ceux exposés postérieurement au 1er octobre 2016 suite à la seconde hospitalisation pour évacuer l’abcès présent autour du matériel et que le médecin conseil appartenant à un service autonome et extérieur a établi l’attestation d’imputabilité.

L’établissement de santé lui oppose l’absence de preuve matérielle des sommes avancées, la seule attestation de débours ne justifiant pas de l’exactitude des frais engagés et l’attestation du médecin conseil pas de leur imputabilité aux faits litigieux. Il réclame la production des relevés informatiques détaillés faisant apparaître les frais d’hospitalisation dont le remboursement est sollicité.

****

L’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 procède à une énumération limitative des prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur.
L’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dispose que les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Au soutien de son recours, l’organisme tiers payeur produit :
- l’attestation définitive des débours incluant les frais hospitaliers pour la période du 01/10 au 14/10/2016, les frais médicaux du 16/10 au 23/12/2016 (scanner et frais infirmiers) et les frais pharmaceutiques du 14/10 au 25/11/2016 (incluant le traitement antibiotique et antiseptique), se cumulant à 6.027,88 euros
- l’attestation d’imputabilité établie le 13/11/2018 par le médecin conseil,
- la facture détaillée établie par cet établissement pour l’hospitalisation de ce patient entre le 1er et le 14 octobre 2016
- ainsi que des captures d’écran des remboursements relatifs à ce séjour.

La force probante de l’attestation d’imputabilité, établie par un médecin-conseil appartenant à un service autonome extérieur aux Caisses Primaires d’Assurance Maladie, qui n’a aucun lien de subordination avec la CPAM des Yvelines, n’est pas utilement remise en cause par l’établissement de santé. Dès lors tribunal fait droit à cette demande et condamne l’Hôpital privé de [11] au remboursement de cette somme de 6.027,88 € à la CPAM qui portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement .

L’organisme tiers payeur sollicite également de cette partie paiement de l’indemnité forfaire de gestion de 1.162 € outre une indemnité de procédure de 2.000 € sur le fondement de l’article 700.
L’ établissement de soin conclut au rejet.

L’article L376-1 susvisé prévoit une indemnité forfaitaire de gestion d’un montant actuel de 1.162 € qui sera mise à la charge de l’ Hôpital privé et s’ajoutera à l’indemnité de 1.000 € allouée au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile.

- sur les autres prétentions

L’Hôpital privé de [11] et le docteur [S] [D], parties succombant, seront condamnés in solidum aux aux dépens de l’instance et le bénéfice de distraction sera accordé à Me [Z].

Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ces deux défendeurs seront condamnés in solidum à verser une indemnité de procédure de 2.500 € au demandeur ; les docteurs [S] [D] et [X] [G] seront déboutés de ce chef.

PAR CES MOTIFS

le tribunal statuant publiquement par décision contradictoire et susceptible d’appel,

Retient la responsabilité de l’Hôpital privé de [11] et du Docteur [D] pour l’infection nosocomiale,

Rejette les demande formées contre le Docteur [X] [G],

Condamne in solidum l’Hôpital privé de [11] et du Docteur [S] [D] à réparer les dommages liés à la maladie nosocomiale en versant à M. [F] [I] les indemnités suivantes :

déficit fonctionnel temporaire 1 008,75 €
souffrances endurées 2 000,00 €
préjudice esthétique temporaire 200,00 €

Rejette les demandes présentées au titre du déficit fonctionnel permanent et des dépenses de santé actuelles et futures,

Condamne l’Hôpital privé de [11] à rembourser à la CPAM des Yvelines sa créance définitive de 6.027,88 €, avec intérêts légaux à compter de la présente décision, et
à lui payer une indemnité forfaitaire de gestion de 1.162 € et l’indemnité de 1.000 € au titre des frais irrépétibles,

Condamne in solidum l’ Hôpital privé de [11] et le docteur [S] [D] aux dépens de l’instance et octroie le bénéfice de distraction à Me [Z],

Condamne in solidum l’ Hôpital privé de [11] et le docteur [S] [D] à verser une indemnité de procédure de 2.500 € au demandeur et déboute les docteur [S] [D] et [X] [G] de ce chef.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 JUIN 2024 par Mme DUMENY, Vice Présidente, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 22/00128
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;22.00128 ?
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