La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2024 | FRANCE | N°21/00160

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Quatrième chambre, 27 juin 2024, 21/00160


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
27 JUIN 2024



N° RG 21/00160 - N° Portalis DB22-W-B7F-PYWP
Code NAC : 54Z

DEMANDEURS :

Monsieur [J], [K], [F] [L] [D]
né le 03 Mars 1968 à [Localité 15]
[Adresse 2]
[Localité 12]

Madame [E] [S] épouse [L] [D]
née le 15 Mars 1971 à [Localité 14]
[Adresse 2]
[Localité 12]

représentés par Maître Jean-christophe CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats plaidant/postulant


DEFENDEURS :

Monsieur [T] [B] [P] [N]
né le 06 Février 1961 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Me Danielle ABITAN-BESSIS, avocat a...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
JUGEMENT
27 JUIN 2024

N° RG 21/00160 - N° Portalis DB22-W-B7F-PYWP
Code NAC : 54Z

DEMANDEURS :

Monsieur [J], [K], [F] [L] [D]
né le 03 Mars 1968 à [Localité 15]
[Adresse 2]
[Localité 12]

Madame [E] [S] épouse [L] [D]
née le 15 Mars 1971 à [Localité 14]
[Adresse 2]
[Localité 12]

représentés par Maître Jean-christophe CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats plaidant/postulant

DEFENDEURS :

Monsieur [T] [B] [P] [N]
né le 06 Février 1961 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Me Danielle ABITAN-BESSIS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Caroline WOIRIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Copie exécutoire à Me Danielle ABITAN-BESSIS, Maître Marc LENOTRE, Me Armelle DE CARNE DE CARNAVALET,
Copie certifiée conforme à l’origninal à Maître Jean-christophe CARON
délivrée le

S.A.R.L. ECL
radiée du RCS le 14/03/2013
[Adresse 1]
[Localité 8]

défaillante

S.A.R.L. ECL
radiée du RCS le 18/09/2017
[Adresse 5]
[Localité 10]

défaillante

S.E.L.A.R.L. MARS
prise en la personne de Me [A] [C], mandataire judiciaire, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société ATES, désignée en ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES du 4 mars 2014
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Marc LENOTRE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats plaidant/postulant

La SMABTP,
recherchée en qualité d’assureur d’ATES, RCS de PARIS sous le n°775 684 764, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 13]

S.A. SMA,
recherchée en qualité d’assureur d’ ECL, RCS de PARIS sous le n°332 789 296
[Adresse 9]
[Localité 13]

représentées par Maître Frédéric DANILOWIEZ de la SDE SOCIETE D’AVOCATS F.M.G.D., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Me Armelle DE CARNE DE CARNAVALET, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

ACTE INITIAL du 21 Décembre 2020 reçu au greffe le 07 Janvier 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 25 Avril 2024, après le rapport de Monsieur BRIDIER , Vice président désigné par le Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Mme DUMENY, Vice Présidente
Monsieur BRIDIER, Vice-Président
Madame BARONNET, Juge

GREFFIER :
Madame GAVACHE

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 22 juillet 2016, Monsieur et Madame [L] [D]-[S] ont acquis de Monsieur [T] [N], une maison neuve sise [Adresse 2] à [Localité 12] dans les Hauts-De-Seine, dont ils ont été les premiers habitants.

Monsieur [N] était le maître d’ouvrage et constructeur non réalisateur initial de cette demeure et n’avait souscrit aucune assurance constructeur non réalisateur ni aucune police dommage-ouvrage, au sens des articles L241-1 et L242-1 du code des assurances.

Les autres constructeurs locateurs d’ouvrages et sous-traitants ainsi que leurs assureurs ont été :
-La SELARL d’architecture ARCHIMAT, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), qui a rédigé le 05 septembre 2011 le descriptif des travaux et le dossier de marchés et qui est actuellement en cours de liquidation.
-L’entreprise ATES à [Localité 11], qui a réalisé les travaux du 05 octobre 2011 au
12 décembre 2011, société qui est actuellement en liquidation entre les mains de Maître [C] et qui était assurée à l’époque de son chantier pour sa responsabilité d’entrepreneur auprès de la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP).
Au plus tard le 23 novembre 2012, la société ATES a quitté le chantier pour des raisons inconnues et la société ECL a terminé le chantier.
Les travaux ont été réceptionnés le 1er décembre 2013. Un certificat de conformité a été délivré le 11 février 2016.

Par jugement du 4 mars 2014, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL ATES.

Fin 2016, Monsieur et Madame [L] [D] ont constaté des infiltrations dans le sous-sol de leur bien nouvellement acquis et une difficulté d’accéder au garage en sous-sol avec un véhicule usuel. Ils se sont rapprochés de la SMA BTP assureur de la société ATES, en vain.

Monsieur et Madame [L] [D]-[S] ont alors saisi le juge des référés qui par ordonnance du 20 décembre 2018, a désigné Monsieur [V] aux fins d'expertise, remplacé le 23 janvier 2019 par Madame [H] [U].
Puis par ordonnance du 21 mars 2019, les opérations ont été déclarées communes et opposables à la SMA SA, devenue assureur de l’entreprise ECL.
Madame [H] [U] a remis son rapport le 5 octobre 2020.

Par exploits d'huissier du 21 décembre 2020 au 4 janvier 2021, Monsieur et Madame [L] [D]-[S] ont assigné devant la présente juridiction en ouverture de rapport d’expertise judiciaire la société ATES, prise en la personne de Maître [C] ès qualité de liquidateur judiciaire, la société ECL, ainsi que leurs assureurs respectifs, à savoir la SMABTP et la société SMA SA. Puis les époux [L]

[D] ont assigné en intervention forcée et en garantie Monsieur [T] [N], dans le cadre de l’instance 22-3289 jointe à la présente par le juge de la mise en état le 6 décembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 juin 2023, les époux [L] [D] demandent au tribunal de

Les juger recevables en leur instance,

Vu l’article 1792-6 du code civil,
-Prononcer la réception judiciaire à la date du 23 novembre 2012, des ouvrages dont la réalisation a été constatée à cette date par Maître [W], huissier de justice,
Vu les articles 1240, 1792 du code civil, L241-1, L124-3 du code des assurances,
-Les juger fondés en leur action contre la SARL ATES et son liquidateur la SELARL MARS prise à la personne de Maître [C], la SARL société ECL, leurs assureurs la SMABTP et SMA SA,
-Juger la SARL ATES, la société ECL, responsables in solidum des désordres d’inaccessibilité et d’infiltrations au sous-sol, objets de la présente assignation,
-Juger que les sociétés SMABTP et SMA SA ne s’exonèrent pas des garanties qu’elles doivent aux sociétés ATES et ECL,
-Condamner en conséquence solidairement ou l’une à défaut de l’autre les sociétés SMABTP et SMA SA à leur payer les sommes de
-164 046,10 € TTC, montant de la réparation des infiltrations en sous-sol,
- 4.200,00 € TTC pour la reprise de la rampe d’accès au garage,
- 2.750,00 € TTC correspondant à la reprise des embellissements en sous-sol,
- 6.000,00 € sauf à parfaire, compensatrice de l’impossibilité d’accéder aux voitures au sous-sol durant cinq ans,
- 25.000,00 € sauf à parfaire, pour l’indisponibilité durant le même délai d’une partie du sous-sol,
-Juger que toutes les sommes précitées porteront anatocisme,
-Juger également qu’elles seront actualisées au regard de l’indice du coût de la construction du mois d’octobre 2018, date de l’instance en référé, jusqu’à parfait paiement,
-Condamner solidairement ou l’une à défaut de l’autre les sociétés SMABTP et SMA SA à leur payer une indemnité de 9.638,44 € au titre de ses frais de représentation,
-Condamner comme ci-dessus les sociétés SMABTP et SMA SA au paiement des dépens taxables,
-Juger qu’il n’existe aucun motif d’évincer l’exécution provisoire attachée de droit au jugement à intervenir,
-Débouter tout contestant.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 septembre 2023, la SMA BTP et la SMA SA se fondent sur les articles L.241-1 du code des assurances, 1792 et suivants du code civil, en vue de :
-Constater que la preuve de l’intervention de la société ETC en qualité de sous-traitant n’est pas rapportée,
-Rejeter toute demande de ce chef,
-Rejeter la demande de réception judiciaire en présence d’une réception prononcée par le maître de l’ouvrage d’origine,

Sur lesvenuesd’eau dans le sous-sol
-Juger que les travaux de la société ATES n’ont pas été réceptionnés en raison du départ du chantier,
-Juger que la preuve de la réalisation du drain litigieux par ATES n’est pas rapportée,
-Juger que cette absence était parfaitement visible lors de l’audit des travaux par un professionnel de la construction et accepté comme tel,
- Juger que la preuve d’un dommage de nature décennale en rapport avec le drain n’est pas rapportée,
- Rejeter toute demande formée contre la SMABTP recherchée en qualité d’assureur de responsabilité décennale de la société ATES
-Prononcer la mise hors de cause de la SMABTP.

Sur la rampe de parking
-Juger que ce point était visible à la réception et n’a pas été réservé,
-Constater que le maître d’ouvrage d’origine n’a jamais fait état de cette difficulté,
-Juger que le phénomène décrit ne rend pas l’ouvrage impropre à sa destination,
-Rejeter toute demande formée contre la SMA SA recherchée en qualité d’assureur responsabilité décennale de la société ECL,
-Prononcer la mise hors de cause de la SMA SA.

A titre subsidiaire,
-Rejeter toute demande au titre des travaux de reprise des embellissements dans le sous-sol,
-Rejeter le coût des travaux de cuvelage du mur pignon gauche,
-Laisser à la charge des époux [L] [D] l’augmentation ducoût des travaux réparatoires en raison de l’allongement de leur procédure dont ils sont seuls responsables,
-Constater que les époux [L] [D] ne justifient ni de la réalité ni de l’étendue du préjudice de jouissance qu’ils invoquent notamment au titre de l’accès au parking,
-Juger que la durée du préjudice est intimement liée à l’absence de souscription de la garantie obligatoire par Monsieur [N] acceptée par les époux [L] [D],
-Rejeter les demandes.

A tout le moins,
-Rapporter la demande à de plus justes proportions,
-Condamner Monsieur [N] à les relever de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre.
-Juger que toutes condamnations qui interviendraient à leur encontre au titre des garanties facultatives le sera sous déduction des franchises régulièrement opposables,
-Condamner les époux [L] [D] à leur payer la somme de 2.000€ sur le fondement de l’article au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-Les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Madame Armelle De CARNE avocat.

M. [T] [N] demande, au terme de ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 4 avril 2023, de faire application de l'article 1792 du code civil et de :

A titre principal,
-Déclarer que les dommages allégués par les époux [L] [D] ne relèvent pas de la garantie décennale au visa des articles 1792 et suivants du code civil,
-Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

A titre subsidiaire,
- Déclarer qu'il doit être exonéré de toute responsabilité compte tenu du fait d’un tiers,
-Débouter les époux [L] [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

A titre infiniment subsidiaire,
-Limiter les préjudices des époux [L] [D] à la somme de 19.613,44 €,
-Condamner solidairement les sociétés ATES, ECL, SMABTP et SMA SA à le garantir et relever indemne de toute condamnation qui pourrait intervenir à son encontre,

En tout état de cause,
-Condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamner tout succombant aux entiers dépens, y compris les frais d’expertise, lesquels seront recouvrés par Me Danielle ABITAN-BESSIS, avocat.

Enfin, la SELARL MARS ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société ATES, sollicite du tribunal, dans ses dernières écritures communiquées le10 août 2021 de :
-Lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à la décision à intervenir.
-Statuer ce que de droit quant aux dépens.

****

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La société ECL n'ayant pas constitué avocat, la décision sera réputée contradictoire.

L’instruction a été clôturée le 3 octobre 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience tenue le 25 avril 2024 par la formation collégiale qui a mis la décision en délibéré ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal constate que les consorts [L] [D] ne formulent, dans le dispositif de leurs conclusions, aucune prétention à l'encontre de Monsieur [N].

Les consorts [L] [D] recherchent la responsabilité des entreprises intervenues dans la construction de leur domicile et la garantie de leurs assureurs respectifs en raison de désordres constatés par eux. Ils se fondent sur les garanties des articles 1792 et suivants et sur l'article 1240 du code civil et les articles L.241-1 et L.124-3 du code des assurances.

Ils sollicitent de voir prononcer la réception judiciaire des travaux réalisés par la société ECL, puis exposent les désordres constatés, leur chiffrage et en sollicitent l'indemnisation par les responsables.

Sur la réception judiciaire
-Les consorts [L] [D], se fondant sur l'article 1792-6 du code civil, demandent de voir prononcer la réception judiciaire des ouvrages dont la réalisation par la société ATES a été constatée le 23 novembre 2012 par huissier de justice.

Ils expliquent qu'au plus tard le 23 novembre 2012, la société ATES a quitté le chantier pour des raisons inconnues mais dans des conditions constatées par cet huissier.

-Selon la SMA SA et la SMA BTP, la réforme de 1978 a mis en place le système de la réception unique. Et en l'espèce, un procès-verbal de réception est versé aux débats, daté du 1er décembre 2013 et sans réserve. Elles soutiennent qu'il ne saurait dès lors y avoir de demande de réception judiciaire de la part des acquéreurs alors que le maître d’ouvrage justifie avoir réceptionné l’ouvrage litigieux. En outre cette réception ne pouvait intervenir puisque l'ouvrage n'était pas achevé.

-La SARL MARS ne se prononce pas sur cette question.

-Monsieur [N] expose que les consorts [L] [D] ne peuvent solliciter une réception judiciaire rétroactive au 23 novembre 2012, au regard du délai écoulé sur plusieurs années.

****

Aux termes de l'article 1792-6 al.1, « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »

Le principe de la réception consiste tout à la fois à constater la fin de l'ouvrage, à mettre fin aux relations contractuelles entre les parties et à permettre la prise de possession de l'ouvrage. Cette réception implique en général l'accord des parties au moins sur son principe ; par ailleurs, en raison du principe d'unicité de la réception, il ne peut y avoir plusieurs réceptions à l'intérieur d'un même lot. Il ne peut ainsi y avoir deux actes de réception successifs avec deux entreprises distinctes alors que la première a abandonné le chantier. Enfin cette réception doit être prononcée contradictoirement ou à défaut judiciairement lorsque les conditions sont remplies.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société ATES a débuté les travaux de gros œuvre mais a quitté le chantier sans les avoir terminés. Ces travaux ont été poursuivis et achevés par la société ECL dans le cadre des devis n°1049, 1069, 12/12/92, 1124/12, 1051/14, 1051/13 : le 1er décembre 2013 un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été signé par cette seconde entreprise avec [T] [N], alors maître d'ouvrage.
Aucune réception n’a eu lieu entre le maître de l’ouvrage et le premier entrepreneur dont tous les lots ont été repris par ECL puis dûment réceptionnés par celle-ci.

Ces éléments empêchent tout prononcé d'une réception judiciaire portant sur les mêmes travaux de gros œuvre effectués pour partie par la société ATES.

La demande sera rejetée.

Sur les désordres liés aux infiltrations
-Les consorts [L] [D] exposent que dès septembre 2016, soit trois mois après leur entrée dans les lieux, ils ont constaté d’importantes infiltrations dans le sous-sol de la bâtisse, tant par les parois horizontales que verticales.

Ils se fondent sur le rapport d'expertise qui selon eux confirme leurs dires.

Ils répliquent aux arguments adverses, que les infiltrations en sous-sol interviennent à chaque épisode pluvieux, qu'elles nuisent à la destination et à l'usage de ce sous-sol qui n'est pas uniquement un garage mais aussi un espace de rangement et de vie couvrant l'intégralité de l'emprise du bâtiment.

-La SMABTP indique avoir été l'assureur de la société ATES au titre de la responsabilité décennale susceptible d'être concernée par ces réclamations. Pour sa part la SMA SA conteste la qualité de sous-traitant de son assuré la société ECL et rejette tout demande de ce chef.
Toutes deux répliquent que la preuve de la réalisation du drain litigieux par la société ATES n'est pas rapportée, même si cette prestation figurait sur son devis, dans la mesure où elle a mis fin à la relation contractuelle. Ils ajoutent que personne n'a non plus vérifié la réalisation du puits d'infiltration qui était prévu au sous-sol pour accueillir une pompe de relevage. Selon les défenderesses, cet ouvrage n'existe pas et aucune prestation complémentaire n'a été confiée à la société ECL sur ce point. Or c’est ce défaut de réalisation de ce puits perdu permettant de raccorder le drain longeant le mur pignon et ainsi d’évacuer les eaux vers le réseau public, qui est à l’origine, selon l’expert, de ces venues d’eau dans le sous-sol.
Enfin les assureurs SA font valoir que les suintements et mêmes les venues d’eau occasionnelles sont tolérés dans ce type d'espace relevant de la catégorie 2 au sens de la NFP 10 202-2 du DTU 20.12 et qu'ils ne remettent pas en cause la destination des lieux.
Elles sollicitent le rejet des demandes.

-Monsieur [N] fait valoir qu'il n’y a pas d’impropriété de l’ouvrage à sa destination lorsque l’ensemble immobilier peut être occupé de manière normale et qu'en l'espèce il n'est pas justifié par ses acquéreurs que ces désordres compromettraient la solidité de l’ouvrage en son ensemble, soit la maison ou encore rendrait l’usage de cette maison impropre à sa destination. Il ajoute que les infiltrations se trouvent au sous-sol et sont localisées principalement dans le garage et la buanderie, qu'il a d'ailleurs été constaté lors des opérations d'expertise une occupation normale de la maison. Il fait valoir qu'en l'absence de réception, la garantie décennale ne saurait jouer.

****

Il est constant que la responsabilité contractuelle de droit commun accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire, qu'ainsi l'action en responsabilité à l'encontre des constructeurs est transmise aux acquéreurs successifs.

Les consorts [L]-[D] sont donc légitimes à agir contre les sociétés ATES et ECL en tant que nouveaux propriétaires du bien immobilier objet du litige
Ils recherchent la responsabilité tout à la fois des société ATES et ECL sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Ils laissent entendre que la société ECL aurait agi en tant que sous-traitant de la société ATES et serait à ce titre responsable de son fait fautif préjudiciable sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Pourtant ils affirment un peu plus loin dans leurs conclusions n'avoir jamais prétendu que la société ECL aurait été sous-traitante de la société ATES mais en revanche que la société ECL a succédé à ATES.

Aux termes des articles 1792 et suivants du code civil, la responsabilité des sociétés intervenues dans le cadre du chantier peut être engagée pendant 10 années à compter de la réception des travaux.

En l'absence de réception des travaux réalisés par la société ATES, aucune garantie décennale ne peut lui être opposée. Elle a exécuté ses travaux avant le 23 novembre 2012, date du constat d'huissier établi à la demande de Monsieur [T] [N] qui a déclaré que la société ATES avait abandonné le chantier depuis 5 mois.

Dans leur dispositif, les demandeurs visent également comme fondement l'article 1240 du code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Il est constant que cet article est inapplicable à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement par un cocontractant.

Or en l'espèce il n'est pas contesté que les infiltrations sont liées à la réalisation de l'ouvrage par la société ATES dans le cadre du contrat qui la liait à Monsieur [N].
Toute action des acquéreurs fondée sur la responsabilité délictuelle de la société ATES ne peut donc prospérer.
Les demandes des consorts [L] [D] au titre des désordres liés aux infiltrations d'eau dans le sous-sol formulées à l'encontre de la société ATES seront donc rejetées sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur la réalité des désordres.

Seule la responsabilité contractuelle de celle-ci pourrait être le cas échéant recherchée.
S'agissant de la société ECL, aucun élément de la procédure ne permet de confirmer qu'elle est intervenue en qualité de sous-traitant de la société ATES ni qu'elle aurait exécuté les travaux à l'origine des infiltrations.

En effet, l'expert affirme dans son paragraphe « Examen des documents contractuels et Historique » que « le drain a probablement été posé par l'entreprise ATES qui aurait remblayé pour les facilités d'accès au chantier ? ». Elle explique qu'à la suite de l'abandon du chantier par l'entreprise ATES « au stade du gros œuvre quasi achevé », « le marché est repris par l'entreprise ECL ».
Puis dans le paragraphe suivant « Les relations contractuelles (complément) – réunion du 3 mars 2020 » l'expert affirme « L'entreprise ATES avait sous-traité l'ensemble des lots à ECL. Après l'abandon du chantier par la société ATES, le marché a été repris par l'entreprise ECL. La question s'est posée de savoir quelle entreprise avait mis en œuvre l'étanchéité des parois du sous-sol et le drain. (Travaux litigieux). Il s'agit de l'entreprise ECL-[Localité 10], dans le cadre de sa sous-traitance avec la société ATES. »
Elle justifie cette affirmation par référence au compte-rendu établi par Monsieur [B] [Z].

Pour autant les consorts [L] [D] eux-mêmes affirment le contraire dans leurs conclusions et considèrent que la société ECL a succédé à ATES. Ils évoquent également le procès-verbal d'huissier du 23 novembre 2012 qui démontre selon eux que le gros œuvre était achevé et donc nécessairement les infrastructures et le drain mal positionné. Les compagnies d'assurance défenderesses soutiennent également que la société ECL n'a pas réalisé ces travaux.

Il convient de remarquer par ailleurs qu'aucune des pièces produites par les parties ne permet de démontrer que la société ECL aurait agi comme sous-traitant de la société ATES. La pièce évoquée par l'expert ne le permet pas non plus.

La responsabilité de la société ECL ne peut donc être aucunement recherchée pour des travaux auxquels il n'est pas démontré qu'elle aurait participé et pour lesquels elle n'a pas signé d'engagement contractuel de les faire.

Dès lors les demandes des consorts [L] [D] au titre des désordres liées aux infiltrations d'eau dans le sous-sol formulées à l'encontre de la société ECL seront également rejetées.

Sur les désordres liés à la rampe de parking
-Les consorts [L] [D] recherchent pareillement la responsabilité des deux sociétés ATES et ECL sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Ils exposent que dès septembre 2016, ils ont constaté l’impossibilité d’accéder au garage en sous-sol avec un véhicule d’empattement usuel, le mauvais calcul de la rampe occasionnant un frottement du bas de caisse. Ils se fondent sur le rapport d'expertise qui selon eux confirme leurs dires.
Ils répondent aux défendeurs que rien ne démontre que le désordre était apparent lors de la réception des travaux réalisés par la société ECL et que l'expert a constaté que l'ouvrage était inutilisable par un véhicule courant.

-La SMA BTP et la SMA SA comprennent des affirmations des époux [L]-[X] que la société ECL se serait vu confier la reprise de la descente de garage. Elles relèvent que les travaux qu’elle a réalisés ont été réceptionnés sans réserve le 1er décembre 2013, alors que le problème dénoncé était parfaitement visible, que Monsieur [N] est supposé avoir utilisé régulièrement sa descente de garage pratiquement une année et qu'il n'aurait pas manqué de signaler ce problème. Les défenderesses envisagent également la possibilité que ce défaut n'existait pas lors de la réception mais qu'il serait survenu postérieurement en raison de la modification de la pente du trottoir lors de sa réfection. Elles considèrent que l'expert ne prétend nullement que la courbe ou la déclivité de cette pense de garage ne seraient pas conformes aux DTU applicables. Enfin elles ajoutent qu'il n'est pas rapporté la preuve que ce désordre affecterait la destination ou la solidité de l'ouvrage, ni que l’accès au sous-sol pour les véhicules est rendu impossible en raison du profilé de la rampe, d’autant que la visite des lieux a démontré que les actuels propriétaires utilisaient leur sous- sol pour y garer leur véhicule.
Les deux compagnies concluent que cette réclamation ne peut relever de la responsabilité décennale de l'entreprise ni engager consécutivement la garantie obligatoire de l'assureur SMA SA.

-Monsieur [N] expose que les consorts [L] [D] ne rapportent pas la preuve que ce dommage relèverait des conditions de la garantie décennale, qu'à cet égard l'expert n'a pas relevé d'impropriété de l'ouvrage à sa destination ni d'atteinte à sa solidité ; qu'à l'inverse il ressort des photographies prises par l'expert que les demandeurs font un usage normal de leur garage et qu'enfin ces travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserve pour ce dommage apparent lors de la réception.
Il sollicite donc le rejet des demandes.

****

Aux termes des articles 1792 et suivants du code civil, la responsabilité des sociétés intervenues dans le cadre du chantier peut être engagée pendant 10 années à compter de la réception des travaux. La garantie de parfait achèvement est valable pendant un délai d'un an à compter de la réception de l'ouvrage.

La responsabilité de la société ECL pourra être engagée le cas échéant au titre de la garantie décennale compte tenu de la réception de l'ouvrage formalisée le 1er décembre 2013.

L'experte judiciaire dans son rapport relève que le bas de caisse du véhicule des consorts [L] [D] frotte mais elle joint une photographie sur laquelle il ne frotte pas. Elle ajoute deux autres clichés révélant pour l'un « des traces blanches au lieu du frottement » et pour l'autre « un apport de béton pour s'aligner au profil de la rue. » Dans son paragraphe « VI Réponse au tribunal » sous l'intitulé « Les désordres », elle n'évoque que les infiltrations et aucunement la rampe d'accès au parking.
Dans son paragraphe « Investigations – du 15 mars 2019 » s'agissant de la cause du désordre de la rampe, l'experte observe simplement que les bateaux des autres propriétés sont plus bas. Elle ne précise enfin pas quel serait le responsable de ce désordre s’il était caractérisé.

Les demandeurs ne produisent aucun élément permettant de confirmer que le bas de caisse de leur voiture frotterait en descendant dans le parking, depuis leur achat, et se contentent dans leurs conclusions de reprendre la phrase de l'expert quant à la solution possible à ce désordre.

Il convient de remarquer que ce désordre n'a jamais été dénoncé dans le procès-verbal de réception ni au cours de l'année de parfait achèvement, suite à la réception des travaux effectués par ECL, alors qu'un frottement de bas de caisse de véhicule est nécessairement apparent.

Par ailleurs, l'experte n'explique pas la cause du désordre et remarque que les bateaux des autres propriétés sont plus bas, ouvrant de ce fait la possibilité que le frottement ne soit pas dû à la rampe de parking mais à la modification du trottoir suite à des travaux de voirie.

La responsabilité de l'entreprise ECL ne peut donc être engagée en l'absence de démonstration d'une part d'un désordre, d'autre part que celui-ci n'aurait pas pu être constaté dans l'année de parfait achèvement à compter de la réception des travaux d'ECL et enfin de l’imputabilité de cette éventuelle malfaçon à la société ECL.

Les demandes formulées par les consorts [L] [D] au titre de la rampe d'accès au parking seront donc rejetées.

Sur la garantie de la SMA SA et de la SMA BTP
En l'absence de responsabilité des sociétés ATES et ECL, aucune garantie de leurs assureurs n'a lieu d'être mobilisée.

La demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires
Le tribunal n'a pas à statuer sur les demandes de donner acte, telle cette formulée par la SELARL MARS, représentée par Maître [A] [C], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ATES. Il n’y sera pas répondu dans le présent dispositif.

Les consorts [L] [D], partie succombant seront condamnés aux dépens en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Armelle De Carne de Carnavalet et de Maître Danielle ABITAN-BESSIS avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils seront également condamnés à payer une somme de 2.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant à la SMA BTP et la SMA SA qu’à Monsieur [N]. Ils seront corrélativement déboutés de leurs demandes de ce chef.

Enfin aucun élément ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de plein droit de la décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Déboute Monsieur [J] [L] [D] et Madame [E] [S] de toutes leurs demandes ;

Condamne Monsieur [J] [L] [D] et Madame [E] [S] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise avec distraction au profit de Maître Armelle De Carne de Carnavalet et de Maître Danielle ABITAN-BESSIS avocats,

Condamne Monsieur [J] [L] [D] et Madame [E] [S] à payer d’une part à la SMA BTP et la SMA SA, ensemble, et d’autre part à Monsieur [T] [N] une somme de 2.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 JUIN 2024 par Mme DUMENY, Vice Présidente, assistée de Madame GAVACHE, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 21/00160
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;21.00160 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award