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25/06/2024 | FRANCE | N°23/01350

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Chambre des référés, 25 juin 2024, 23/01350


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
25 JUIN 2024


N° RG 23/01350 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRBF
Code NAC : 54G
AFFAIRE : [I] [F], [Z] [F] C/ S.A.S.U. SL PEINTURE, S.A. MAAF ASSURANCES


DEMANDEURS

Monsieur [I] [F]
né le 09 Novembre 1965,
demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
représenté par Me Bach lan VAN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 477

Madame [Z] [F]
née le 18 Août 1963,
demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
représentée par Me Bach lan VAN, avocat au barreau de VERSAILLES,

vestiaire : 477


DEFENDERESSES

La société SL PEINTURE
S.A.S.U. au capital de 500 €, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
25 JUIN 2024

N° RG 23/01350 - N° Portalis DB22-W-B7H-RRBF
Code NAC : 54G
AFFAIRE : [I] [F], [Z] [F] C/ S.A.S.U. SL PEINTURE, S.A. MAAF ASSURANCES

DEMANDEURS

Monsieur [I] [F]
né le 09 Novembre 1965,
demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
représenté par Me Bach lan VAN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 477

Madame [Z] [F]
née le 18 Août 1963,
demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
représentée par Me Bach lan VAN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 477

DEFENDERESSES

La société SL PEINTURE
S.A.S.U. au capital de 500 €, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 848 022 463, dont le siège social est situé [Adresse 6] - [Localité 2], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
non comparante

La société MAAF Assurances
Société anonyme au capital de 160 000 000 euros, immatriculée au RCS de NIORT sous le n° 542 073 580, dont le siège social est sis [Adresse 5] [Localité 4], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Philippe BALON de la SCP BALON ET RIVERA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P186, Me Francis CAPDEVILA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 85

Débats tenus à l'audience du : 23 Mai 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 23 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Juin 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Le 18 mars 2019, les époux [F] confiaient à la société SL PEINTURE des travaux de réfection de leur toiture. Les travaux ont débuté courant septembre 2019.

Constatant des malfaçons, les époux [F] ont sollicité l’expertise de M. [T] [B], Expert judiciaire près la Cour d’Appel de Versailles, qui a rendu un rapport le 26 décembre 2019 dénombrant de nombreuses malfaçons, non-façons et non-respect des règles de l’art par la SL PEINTURE.

Le 3 janvier 2020, la SL PEINTURE a convoqué les époux [F] pour la réception des travaux, qui l'ont refusée alléguant de nombreuses réserves.

L’expert de la MACIF a rendu un rapport le 6 juillet 2020, concluant à la responsabilité de la SL PEINTURE.

Par ordonnance en date du 22 janvier 2021, le Juge des référés de Versailles a ordonné une mesure d’expertise et commis Monsieur [W] [R] pour cette mission.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 20 janvier 2023;

Par acte de Commissaire de Justice en date du 20 septembre 2023, M. [I] [F] et Mme [Z] [F] ont assigné la société SL PEINTURE et la société MAAF ASSURANCES en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles.

Aux termes de leurs conclusions, les demandeurs sollicitent de voir :
- condamner in solidum la SASU SL PEINTURE et la MAAF Assurances SA, es qualité d’assureur de la société SL PEINTURE, à leur régler :
* la somme de 51 759,99 euros TTC à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive du préjudice,
* la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SASU SL PEINTURE et la MAAF Assurances SA aux dépens y compris les frais de l’expertise amiable réalisée par Monsieur [T] [B] et ceux de l’expertise judiciaire réalisée par Monsieur [R] [W].

Ils font valoir que le rapport d'expertise judiciaire conclut à la totale responsabilité des désordres incombant à la société SL PEINTURE et qu'il y a urgence à faire réaliser les travaux, car depuis plus de 3 années, leur maison est sujette à des infiltrations évolutives du fait des désordres causés par la SL PEINTURE. Elle ajoute que le rapport d'expertise est opposable à la MAAF peu important qu'elle ait ou non participé aux opérations d'expertise, et que par ailleurs, les garanties de la MAAF sont parfaitement mobilisables en l’espèce.

Aux termes de ses conclusions, la société MAAF ASSURANCES sollicite de voir débouter les époux [F] de toute demande dirigée à son encontre et condamner les époux [F] ou tout succombant à lui payer une somme de 2500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle relève en premier lieu que l'urgence n'est nullement caractérisée à son encontre, n'ayant jamais été mise en cause auparavant, que ce soit amiablement ou judiciairement.

Elle soutient en second lieu que la demande se heurte à une contestation sérieuse, relevant que ses garanties n'ont pas vocation à s’appliquer, et que les opérations d’expertise lui sont radicalement inopposables, n'ayant pas été effectuées à son contradictoire

La société SL PEINTURE n'est pas représentée.

La décision a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence de différents.

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L’obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d’origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l’origine de cette créance ou la nature de l’obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du Juge des référés l’obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l’existence d’un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l’interprétation d’un acte juridique. Ce dernier apprécie souverainement le montant de la provision à accorder.

Il est constant qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir le juge du fond.

L'article 1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1104 ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

En l'espèce, il ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire en date du 20 janvier 2023 que les désordres suivants ont été constatés :
- infiltrations au plafond de la cuisine survenues au cours de la réalisation des travaux de couverture par défaut de bâchage (dans la cuisine, leplafond a été réparé suite au sinistre),
- infiltrations dans la véranda pour défaut de réalisation des raccords de la couverture en tuiles avec le toit de la véranda (l'eau collectée par la noue se déverse en grande partie sur la véranda et génère des infiltrations à l'intérieur de celle-ci),
- couloures d'eau sur les planches de rive (caisson PVC) (l'eau collectée dans la cannelure coule sur la planche rive et non dans la gouttière),
- chute de pièces de raccord sur les sous-faces en PVC des saillies de toiture,
- portail abîmé par un véhicule de la société SL PEINTURE au cours des travaux.

L'expert précise que les infiltrations dans la cuisine et la dégradation du portail sont apparues en cours de réalisation des travaux de couverture et ont fait l'objet de déclaration de sinistre et de réclamation auprès de l'entreprise. Les infiltrations dans la véranda, les coulures d'eau sur les planches rive et les chutes de pièces de raccord sont apparues après le procès-verbal de réception du 6 janvier 2020, ces désordres n'étant pas sur la liste des réserves émises à cette date.

L'expert indique que la société SL PEINTURE a découvert la toiture existante en tuile MONOPOLE N°3 et la recouverte en tuiles MONOPOLE N°1, modèle à simple emboitement beaucoup moins étanche au vent et à la neige poudreuse, d'où l'importance de la mise en place d'un écran de sous-toiture. L'expert ajoute que la société SL PEINTURE n'a pas réalisé certaines prestations listées dans son rapport conformément au devis contractuel, et n'a pas tenu compte des observations des époux [F] et a réalisé la nouvelle toiture sans peindre la charpente et sans écran de sous-toiture, sans en aviser les maîtres de l'ouvrage des conséquences et des risques encourus (infiltrations de neige poudreuse).

L'expert relève que les dommages occasionnés en cours de travaux ont fait l'objet de travaux réparatoires (plafond de la cuisine), et décrit les malfaçons et non-conformités affectant les gouttières (espacement des crochets de fixation, pente insuffisante et contrepente, absence de gouttière, manque de soudure, soudure de piètre qualité, absence de raccords ...) et la pose des tuiles et la réalisation des raccords (moins bonne étanchéité des tuiles MONOPOLE N°1, non remplacement du liteaunage, mauvais positionnement de tuiles chatières, débordement insuffisant de tuiles à l'égout, non remplacement de la noue en zinc, non recouvrement du zinc par les tuiles, défaut de fixation de certaines tuiles et des faîtières et des tasseaux, fixation non conforme aux règles de l'art des faîtages et arêtiers, mauvaise réalisation de l'étanchéité des souches de cheminée avec la toiture ...).

L'expert conclue que les époux [F] subissent un préjudice matériel en raison des désordres d'infiltrations, de chute d'éléments et de portail abîmé, mais également en raison des malfaçons, non-façons et non-conformités contractuelles (remise en peinture de la charpente métallique non réalisée, isolation non refaite, absence de sous-toiture).

Il ajoute que les préjudices résultant des malfaçons, non-façons et non-conformités contractuelles, nécessitant la réfection complète de la toiture, sont estimés, suivant le devis de l'entreprise POREE diffusé par les époux [F], à la somme de 41 190,90 euros HT, à laquelle il convient de rajouter le poste "ponçage et mise en peinture de la charpente métallique en noir peinture anti-rouille", qui était prévu aux travaux initiaux de la société SL PEINTURE, pour un montant de 2500 euros HT, soit un total de 43 690,90 euros HT, soit 48 059,99 euros TTC. L'expert ajoute à cette somme la remise en état du portail, soit 1200 euros TTC. Le total des préjudices matériels s'élève donc à la somme de 51 759,99 euros TTC.

Il ressort clairement du rapport d'expertise que la responsabilité de la société SL PEINTURE est engagée.

Il convient donc de condamner la société SL PEINTURE à payer aux demandeurs la somme de 51 759,99 euros TTC à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive du préjudice.

S'agissant de la demande en garantie formée à l'encontre de la société MAAF ASSURANCES, assureur de la société SL PEINTURE, il sera précisé qu'un rapport d’expertise judiciaire est opposable à un tiers à l’instance au cours de laquelle il a été produit si, d’une part, il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties et si, d’autre part, il est corroboré par d’autres éléments de preuve. Autrement dit, un rapport d’expertise judiciaire ne saurait être rendu inopposable par le simple fait que la personne à l’égard de laquelle il est invoqué n’a pas été partie à l’instance au cours de laquelle il a été produit. Le rapport d’expertise judiciaire peut être opposé à un tiers à l’instance au cours de laquelle il a été produit, dès lors qu’il a eu la possibilité de discuter les conclusions d’un rapport d’expertise. Il ne pouvait donc, sauf fraude à son encontre, soutenir que l’expertise lui était inopposable, ce, peu important qu’il n’ait pas été attrait à la procédure.

Il suffit que le rapport ait pu être discuté par ce tiers pour qu’il lui soit opposable. Ce qui importe véritablement n’est pas tant la présence de la partie concernée au cours des opérations d’expertise ni même sa qualité de partie à l’instance au cours de laquelle le rapport est produit mais davantage la possibilité dont elle a bénéficié de discuter du rapport produit.

Toutefois, il ne suffit pas que le rapport ait été soumis à la discussion contradictoire de parties intervenantes qui n’ont pas été présentes à l’instance au cours de laquelle il a été produit, encore faut-il que ce rapport ne soit pas le seul élément de preuve sur lequel se fonde le juge saisi. Cette solution classique en ce qui concerne le rapport amiable, est également applicable au rapport d’expertise judiciaire.

Dès lors, aucune condamnation ne peut intervenir à l’encontre d’un appelé en garantie sur la base du seul rapport d’expertise produit au cours d’une instance où il n’était pas partie.

En l'espèce, il s'avère que le rapport d'expertise judiciaire est corroboré par d’autres éléments de preuve, en l'occurrence le rapport d'expertise amiable de M. [B] et celui établi par la MACIF le 6 juillet 2020. Le rapport d'expertise judiciaire est dès lors opposable à la société MAAF ASSURANCES, bien que celle-ci n'ait pas participé aux opérations d'expertise.

Toutefois, l'appréciation de la nature et de l'étendue des garanties contractuelles assurantielles excède le pouvoir du juge des référés, juge de l'évidence, et relève de la compétence du juge du fond.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande de garantie.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de condamner la société SL PEINTURE, partie succombante, à payer aux demandeurs la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rejeter la demande à ce titre de la société MAAF ASSURANCES.

La société SL PEINTURE sera condamnée aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort :

Condamnons la société SL PEINTURE à payer à M. [I] [F] et Mme [Z] [F] la somme de 51 759,99 euros TTC à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de leur préjudice,

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande de garantie formulée à l'encontre de la société MAAF ASSURANCES,

Condamnons la société SL PEINTURE à payer à M. [I] [F] et Mme [Z] [F] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons la société MAAF ASSURANCES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société SL PEINTURE aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT CINQ JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le GreffierLa Première Vice-Présidente

Virginie DUMINYGaële FRANÇOIS-HARY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 23/01350
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;23.01350 ?
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