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20/06/2024 | FRANCE | N°24/00768

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Jex, 20 juin 2024, 24/00768


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 20 JUIN 2024

DOSSIER : N° RG 24/00768 - N° Portalis DB22-W-B7I-R2HG
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEUR

Monsieur [D] [H]
né le [Date naissance 1] 1990 en ROUMANIE
demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-008485 du 29/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Versailles)

Représenté par Me Gabriel DE FROISSARD DE BROISSIA, avocat de l’AARPI

JUNON AVOCATS, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 372


DÉFENDERESSE

S.A. INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE AG, soci...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LE JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT DU 20 JUIN 2024

DOSSIER : N° RG 24/00768 - N° Portalis DB22-W-B7I-R2HG
Code NAC : 78F
MINUTE N° : 24/

DEMANDEUR

Monsieur [D] [H]
né le [Date naissance 1] 1990 en ROUMANIE
demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-008485 du 29/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Versailles)

Représenté par Me Gabriel DE FROISSARD DE BROISSIA, avocat de l’AARPI JUNON AVOCATS, avocats au Barreau de VERSAILLES, Vestiaire : 372

DÉFENDERESSE

S.A. INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE AG, société anonyme de droit suisse, immatriculée au RCS du Canton de ZUG sous le n° CHE-100.023.266, dont le siège social est sis [Adresse 6] à [Localité 7] (SUISSE), venant aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 394 352 272, dont le siège social est [Adresse 4] ensuite d’une cession de créance en date du 23 septembre 2020

Représentée par Me Katy CISSE, avocat de la SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocats au Barreau du VAL D’OISE
Substituée par Me Maxime BETAMONA

ACTE INITIAL DU 29 Janvier 2024
reçu au greffe le 05 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Noélie CIROTTEAU, Juge, Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
assistée de Madame Emine URER, Greffier

jugement contradictoire
premier ressort

Copie exécutoire à : Me de Froissard de Broissia
Copie certifiée conforme à : Me Cisse + Parties + Dossier + Commissaire de Justice
Délivrées le : 20 juin 2024

DÉBATS

À l’audience publique tenue le 29 mai 2024 en conformité avec le Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 et des articles L213-5 et L213-6 du code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2024.


◊ ◊ ◊

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte d’huissier en date du 6 novembre 2023, un procès-verbal de saisie attribution a été dressé à la demande de la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG entre les mains de la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer du Tribunal d’instance de Boulogne Billancourt en date du 22 mai 2013 portant sur la somme totale de 4.291,57 euros en principal, intérêts et frais, déduction faite des versements. La somme de 2.016,69 euros a été saisie. Ce procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé par acte d'huissier du 10 novembre 2023 à Monsieur [D] [H].

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice en date du 29 janvier 2024, Monsieur [D] [H] a assigné la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG devant le Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles.

L’assignation a régulièrement été portée à la connaissance de l’huissier poursuivant le jour même par lettre recommandée avec accusé de réception.

L’affaire a été appelée à l’audience du 29 mai 2024 au cours de laquelle les parties ont été entendues.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives visées à l’audience, Monsieur [D] [H] sollicite le juge de l'exécution aux fins de :
Le déclarer recevable et bien fondé,Débouter la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG de l’intégralité de ses demandes,A titre principal, prononcer la nullité absolue de la saisie-attribution du 6 novembre 2023,A titre subsidiaire, lui octroyer les plus larges délais de paiement, au moins 24 mois, pour s’acquitter du règlement de la somme dont il resterait débiteur et de toute condamnation qui serait prononcé à son encontre,Rejeter toute demande visant à solliciter sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse, selon ses conclusions en défense visées à l’audience, la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG demande au juge de l'exécution de :
Débouter Monsieur [H] de l’intégralité de ses demandes, Condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,Condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’objet du litige

A titre préliminaire, il est rappelé que d’une part, en vertu de l’article 753 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. D’autre part, les demandes tendant à voir “constater” ou “dire et juger” ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 de ce même code.

Le moyen visant l’absence de qualité à agir n’est pas susceptible d’entrainer la nullité de fond ou de forme de la saisie, aucun texte n’étant d’ailleurs visé par le demandeur. Ainsi, ce moyen ne pourra être examiné.

Sur la demande de nullité de la saisie-attribution

Selon l’article 12 du Code de procédure civile : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

Sur l’absence de titre exécutoire
L’article 114 du Code de procédure civile dispose qu’ « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

Selon l’article L.211-1 du Code des procédures civiles d'exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail. »

L’article R.211-1 du même code dispose que « Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.
Cet acte contient à peine de nullité :
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ; ».

Monsieur [H] fait valoir que l’ordonnance d’injonction de payer en date du 22 mai 2013 ne lui a pas été signifiée et qu’ainsi la saisie est entachée d’une nullité.

La société SA INTRUM DEBT FINANCE AG indique que l’ordonnance d’injonction de payer du 22 mai 2013 a été signifiée à Monsieur [H] le 3 juin 2013, puis revêtue de la formule exécutoire le 10 juillet 2013, signifiée le 22 juillet 2013.

Le 3 juin 2013 l’acte a été signifié à l’étude de l’huissier, lequel a constaté que le nom de Monsieur [H] « est inscrit sur la boîte aux lettres » à l’adresse du [Adresse 3] à [Localité 5]. Le même constat a été fait dans l’acte du 22 juillet 2013, le commissaire de justice ajoutant que l’adresse « a été confirmée par le voisinage ».

A l’audience, Monsieur [H] déclare qu’il a changé d’adresse en cours de procédure sans en justifier, sans préciser la date de ce changement. Il précise également qu’il parle peu français et se trouvait régulièrement à l’étranger. Dès lors que son nom continuait de figurer sur sa boîte aux lettres et que son voisinage confirmait son adresse, il ne peut être reprocher au commissaire de justice ses diligences.

Au regard de ces éléments, il convient de considérer que la décision de justice a été valablement signifiée et que par conséquent elle constitue un titre exécutoire. Le moyen tendant à prononcer la nullité de forme de la saisie, sans qu’un grief ne soit démontré, doit être écarté.

Sur l’imprécision du décompte
Sur le fondement des mêmes textes, Monsieur [H] sollicite l’annulation de la saisie car le décompte transmis serait inexact. Il constate qu’une somme de 1.759,93 euros lui est réclamée pour « procédure antérieure » sans précision, tout comme une somme au titre des « frais d’exécution de l’étude ». De plus, la somme versée par Monsieur [H] dans le décompte excède le montant de la créance principale et la somme totale réclamée par le créancier est trois fois supérieure à cette créance principale. Il poursuit en indiquant que ce décompte imprécis le place dans l’impossibilité de vérifier son exactitude et lui cause dès lors un grief.

La société SA INTRUM DEBT FINANCE AG justifie les sommes réclamées pour expliquer son décompte en produisant dans ses conclusions les listes des frais des trois différents organismes de commissaires de justice qui ont réalisé une vingtaine d’actes d’exécution forcée à l’égard de Monsieur [H].

Selon la Cour de cassation, lorsqu'un acte de saisie-attribution est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires, constatant des créances distinctes, l'acte de saisie doit, en application de l'article R.211-1, 3° du code des procédures civiles d'exécution, contenir un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chacun d'eux (2e Civ., 23 février 2017, n° 16-10.338 ; 2e Civ., 27 février 2020, n° 19-10.608). Le décompte de l'acte de saisie étant essentiel pour l'information du débiteur sur le montant de la dette, cette absence de décompte fait grief (CA Paris. 28 mars 2024, n°23/02772).

En l’espèce, la lecture du décompte ne permet pas de comprendre les frais de procédure, alors que ceux de l’acte ne sont pas détaillés et que ceux des actes précédents ont pu être payés par les actes d’exécution forcés antérieures. Les « frais d’exécution de l’étude » alors que le compte comprend également des « frais de la présente procédure » et des « coût du présent acte » entrainent une importante confusion. De même, le décompte distingue les intérêts à la date du 25/10/2023 du « mois d’intérêts » sans que cela soit nécessaire, ni même claire. Les intérêts sont décomptés sur une somme de 3.402,69 euros, laquelle ne figure pas elle-même sur le décompte.

Par conséquent, faute pour l’acte de saisie attribution de comporter un décompte précis, l’acte est entaché d’une irrégularité. Cette irrégularité empêche le débiteur de comprendre les sommes auxquelles il est encore tenu, alors qu’une partie des sommes lui a déjà été saisie. Par conséquent, l’irrégularité fait bien grief à Monsieur [H] et la saisie sera déclarée nulle.

Sur la demande de condamnation pour procédure abusive

Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur assimilable au dol.

La société SA INTRUM DEBT FINANCE AG indique seulement que Monsieur [H] est de mauvaise foi concernant l’un de ses moyens soulevés, à savoir l’absence de signification de la décision de justice fondant la saisie. Il n’est pas démontré de mauvaise foi dans son action en justice.

Par conséquent, la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG sera déboutée de sa demande.

Sur la demande d’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

La société SA INTRUM DEBT FINANCE AG, partie perdante, a succombé à l’instance, elle sera condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du Code de Procédure Civile.

La demande de la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG relatif aux frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’exécution statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, en premier ressort,

Vu les articles L. 211-1 à L. 211-15, R. 211-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution,

DECLARE recevable en la forme la contestation de Monsieur [D] [H] ;

ANNULE la saisie-attribution pratiquée le 6 novembre 2023 sur le compte de Monsieur [D] [H] à la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE ;

ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution diligentée par la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG contre Monsieur [D] [H] selon procès-verbal de saisie du 6 novembre 2023 dénoncé le 10 novembre 2023 ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts de la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG ;

DEBOUTE la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

CONDAMNE la société SA INTRUM DEBT FINANCE AG aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, le 20 Juin 2024. Le présent jugement a été signé par le Juge et le Greffier.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXECUTION

Emine URER Noélie CIROTTEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/00768
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;24.00768 ?
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