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20/06/2024 | FRANCE | N°21/03317

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 20 juin 2024, 21/03317


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
20 JUIN 2024



N° RG 21/03317 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBKV
Code NAC : 28A

DEMANDERESSE :

Madame [E], [N] [T]
née le [Date naissance 6] 1993 à [Localité 21]
demeurant [Adresse 9]
[Adresse 9]
représentée par Me Virginie DESPORT-AUVRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et par Me Muriel DERIAT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant

DEFENDEURS :

Monsieur [P], [B] [S]
né le [Date naissance 3] 1953

à [Localité 14] (ITALIE)
demeurant [Adresse 18]
[Adresse 18]

Madame [Y], [H] [S]
née le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 22]
demeu...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
20 JUIN 2024

N° RG 21/03317 - N° Portalis DB22-W-B7F-QBKV
Code NAC : 28A

DEMANDERESSE :

Madame [E], [N] [T]
née le [Date naissance 6] 1993 à [Localité 21]
demeurant [Adresse 9]
[Adresse 9]
représentée par Me Virginie DESPORT-AUVRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et par Me Muriel DERIAT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant

DEFENDEURS :

Monsieur [P], [B] [S]
né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 14] (ITALIE)
demeurant [Adresse 18]
[Adresse 18]

Madame [Y], [H] [S]
née le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 22]
demeurant [Adresse 18]
[Adresse 18]

représentés par Me Sandrine BEZARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, et par Me Xavier PRUGNARD DE LA CHAISE de OMEGA AVOCATS, SELARL Cabinet de La Chaise, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 11 Juin 2021 reçu au greffe le 11 Juin 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 22 Avril 2024, Madame MARNAT, Juge, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 20 Juin 2024.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame DAUCE, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge

EXPOSE DU LITIGE

De l’union de Madame [L] [S] et de Monsieur [D] [S] sont issus trois enfants :
- Monsieur [P] [S], né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 14] (Italie) ;
- Monsieur [V] [S], né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 22] ;
- Madame [Y] [S], née le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 22].

Madame [L] [S] et de Monsieur [D] [S] étaient propriétaires de trois biens immobiliers :
- un immeuble sis [Adresse 2] ;
- un immeuble sis [Adresse 18] ;
- un immeuble sis [Adresse 25] (Italie).

Madame [L] [S] et Monsieur [D] [S] sont respectivement décédés le [Date décès 10] 1990 à [Localité 26] et le 11 juillet 2000 à [Localité 23], laissant pour leur succéder leurs trois enfants.

Monsieur [V] [S] est décédé le [Date décès 8] 2006 à [Localité 16].

Par acte notarié en date du 8 novembre 2008, le bien immobilier situé à [Localité 19] a été vendu au prix de 310.000 euros.

Faisant valoir qu’elle est née, le [Date naissance 6] 1993 à [Localité 21], de l’union de Madame [C] [A] [T] et de Monsieur [V] [S] qui l’a reconnue aux termes d’une reconnaissance de paternité le 11 septembre 2003, Madame [E] [T], indique avoir, d’une part, dénoncé auprès de Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] une hypothèque judiciaire inscrite le 12 mai 2021 sur le bien immobilier situé à [Localité 17], et d’autre part, contacté ces derniers, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 juin 2021, en vue de parvenir à un accord amiable dans le règlement de la succession de son père, en vain.

C’est dans ce contexte que Madame [E] [T] a, par actes d’huissier de justice en date du 11 juin 2021, fait assigner Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] devant le tribunal judiciaire de Versailles, aux fins notamment d’obtenir l’ouverture des opérations de partage judiciaire sur le prix de vente du bien immobilier situé à [Localité 19] et la licitation du bien immobilier situé à [Localité 17].

Par dernières conclusions, signifiées par RPVA le 30 juin 2022, Madame [E] [T] demande au tribunal de :

« Débouter les consorts [S] de toutes leurs demandes sauf en ce qui concerne la prise en charge par [E] [T] du tiers des taxes foncières et assurance habitation de [Localité 17] depuis mars 2017dans le cadre du partage.

Voir constater la prescription des demandes des consorts [S] portant sur les sommes dues avant mars 2017 donc sur toutes les demandes relatives à [Localité 19] et aux frais d’obsèques.

Voir appliquer l’article 815-13 du code civil en son alinéa 2 et en conséquence, décharger [E] [T] de toutes sommes en lien avec le bien sis à [Localité 14] en Italie.

En conséquence,

Dire et juger que [E] [T] a la qualité d’héritière dans la succession de son père [V] [S] décédé et a vocation au partage des biens composant cette succession.

Ordonner qu’aux requêtes poursuites et diligences de Madame [E] [T] et en présence de Monsieur [P] [S] et Mademoiselle [Y] [S] ou eux dûment appelés, il sera procédé aux opérations de partage judiciaire de l’indivision existant sur le prix de vente de la maison de [Localité 19] plage et sur le bien de [Localité 17] et désigner pour y procéder Monsieur le Président de la chambre des notaires de [Localité 24] avec faculté de délégation et l’une de Mesdames ou l’un de Messieurs les juges pour surveiller ces opérations dans les termes de l’article 1364 du code de procédure civile.

Ordonner que sur le cahier des charges dressé par Maître DESPORT-AUVRAY Avocat ou par tout autre avocat, il sera procédé à la vente sur licitation à la chambre des criées de ce tribunal, de la maison sise sur un terrain à [Adresse 18], lieu-dit « [Adresse 18] » cadastré section [Cadastre 11] pour 3 ares 76 centiares sur la mise à prix de 150 000 € avec faculté de baisse du quart puis du tiers en cas de désertion d’enchères.

Désigner tel huissier compétent territorialement pour effectuer les visites et faire dresser les diagnostics.

Autoriser Madame [T] à effectuer la publicité de droit commun prévue à l’article R 322-31 du CPCE.

Dire et juger que Monsieur [P] [S] et Mademoiselle [Y] [S] seront in solidum redevables envers l’indivision d’une indemnité d’occupation dans la limite des cinq précédentes années de l’assignation délivrée le 11/06/2021 conformément aux dispositions des articles 815-9 et 815-10 du même code et pour l’avenir jusqu’à la libération des lieux.

Dire et juger que le prix moyen de location au m² étant de 17 € le m² à [Localité 17] soit pour 80 m² une somme de 1360 € par mois, Monsieur [P] [S] et Mademoiselle [Y] [S] seront in solidum redevables de cette somme mensuelle dans la limite des cinq précédentes années de la présente assignation conformément aux dispositions des articles 815-9 et 815-10 du même code et pour l’avenir, cette somme de 1360 € par mois étant indexée sur l’IRL à compter de la décision à intervenir.

Dire et Juger que Monsieur [P] [S] et Mademoiselle [Y] [S] verront chacun la part leur étant revenue dans la succession de leurs parents, amputée d’un sixième de la masse partageable, chaque sixième venant corrélativement augmenter la part revenant à Madame [T].

Ordonner que chaque sixième de la masse partageable venant augmenter les droits de Madame [T] dans la succession de son père sera productive d’un intérêt au taux légal depuis le 8 octobre 2008, date d’établissement des deux attestations de propriété consacrant l’éviction de la requérante dans la succession susdite.

S’entendre condamner Monsieur [P] [S] et Mademoiselle [Y] [S] à payer à Madame [E] [T] la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation partage dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître DESPORT AUVRAY avocat comme il est dit à l’article 699 du code de procédure civile.

Voir ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Subsidiairement, si le tribunal estimait ne pas avoir assez d’éléments pour fixer le montant de la mise à prix et de l’indemnité d’occupation, il désignerait un expert pour donner tous éléments permettant tous éléments permettant la détermination de la valeur vénale actuelle du bien litigieux et sa mise à prix outre le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation dont les défendeurs seront redevables sur cette période et pour la période à venir.

Voir ordonner une expertise génétique aux frais avancés des défendeurs.»

Elle soutient être la fille « naturelle » de Monsieur [V] [S], de sorte qu’en sa qualité d’héritière de ce dernier, elle estime être en droit de solliciter le partage des biens et droits immobiliers situés à [Localité 17] et à [Localité 19], Monsieur [V] [S] en étant propriétaire indivis.

Elle expose que la demande d’expertise génétique formée par les défendeurs est prescrite depuis le 11 septembre 2013, en application de l’article 321 du code civil, tout en précisant être prête à s’y soumettre si une telle expertise était ordonnée.

Elle fait valoir que son action en partage judiciaire est recevable, soulignant son imprescriptibilité en application de l’article 815 du code civil.

Elle expose avoir satisfait aux exigences de l’article 1360 du code de procédure civile, notamment en ayant effectué les diligences nécessaires en vue de parvenir à un accord amiable avec Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S].

Elle ne conteste pas la vente du bien immobilier situé [Localité 19], et sollicite, par l’effet d’une subrogation réelle, le partage judiciaire de son prix de vente.

Elle demande par ailleurs la licitation du bien immobilier indivis situé à [Localité 17], faisant valoir d’une part, que le bien n’est pas aisément partageable, et, d’autre part, que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ne sont pas en mesure de répondre des droits, dont elle estime avoir été privée, compte tenu des inscriptions d’hypothèques judiciaires à son encontre qui sont grevées sur ledit bien.
Elle demande une mise à prix à hauteur de 150.000 euros, exposant tenir compte, de la surface habitable, du marché de l’immobilier à [Localité 17] et de la nécessité de susciter des enchères. Elle précise ne pas connaître la consistance exacte du bien.

Elle reproche à Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] d’avoir intentionnellement dissimulé son existence, en qualité d’héritière de Monsieur [V] [S], et d’avoir recélé les droits de la succession de ce dernier, qui auraient dû lui revenir. Elle précise que sa demande fondée sur le recel est recevable, le délai de prescription de l’option successorale étant en l’espèce de trente ans.

Elle estime que Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] sont redevables d’une indemnité d’occupation à hauteur de 1.360 euros par mois avec indexation, précisant qu’ils occupent privativement le bien immobilier situé à [Localité 17], dans lequel ils résident. Elle déclare s’en rapporter au tribunal quant à l’application d’un abattement pour précarité.

Elle ne s’oppose pas à la désignation d’un expert en vue de déterminer d’une part, la valeur vénale actuelle du bien immobilier situé à [Localité 17], et d’autre part, le montant de l’indemnité d’occupation à la charge des défendeurs.
Elle estime être redevable d’aucune somme concernant le bien immobilier situé à [Localité 14] (Italie), faisant valoir que Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] sont seuls responsables de la détérioration dudit bien.

Enfin, elle estime être uniquement redevable d’un tiers des impôts fonciers et de l’assurance du bien immobilier situé à [Localité 17], précisant que les autres dépenses liées à la succession de Monsieur [V] [S] sont prescrites ou non justifiées.

Par dernières conclusions, signifiées par RPVA le 29 mars 2022, Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] demandent au tribunal de :

« Vu notamment l'article 332 du Code civil,
Vu notamment l'article 780 du Code civil,
Vu notamment les articles 792 ancien et 2224 du Code civil,
Vu notamment les articles 815-9 et 815-13 du Code civil,

À titre principal et reconventionnel,

• Recevoir les demandeurs en leur demande de contestation de paternité de [V] [S] à l'égard de Madame [E] [T].

• Ordonner avant dire droit une expertise comparée de l'empreintes génétique de Madame [E] [T] avec celles de Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S].

• Commettre tel expert qu'il plaira à cette fin.

À titre subsidiaire,

• Juger Madame [E] [T] irrecevable à opter dans la succession de [V] [S] et réputée renonçante.

• La débouter.

À titre infiniment subsidiaire,

• Débouter Madame [E] [T] de ses demandes au titre du recel.

• La débouter de ses demandes d'indemnité d'occupation, à tout le moins juger qu'elles ne pourraient débuter avant l'assignation ayant saisi le Tribunal et feraient l'objet d'un abattement de 30%.

• Juger que les travaux et les frais supportés par Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] dans les biens immeubles devront venir à leur crédit.

• Juger qu'il appartiendra au notaire désigné pour mener les opérations de comptes, liquidation et partage des successions d'[L] et [D] [S] de s'adjoindre tout expert de son choix pour en estimer le montant.

En tout état de cause

• Condamner la demanderesse à verser aux défendeurs la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

• La condamner aux entiers dépens ».

A titre principal, ils contestent le lien de filiation entre Madame [E] [T] et Monsieur [V] [S], exposant notamment que la demanderesse porte uniquement le nom de famille de sa mère et n’a aucune possession d’état à l’égard de feu Monsieur [V] [S]. Ils sollicitent une expertise génétique comparée.

A titre subsidiaire, ils soutiennent que Madame [E] [T] n’est pas en mesure de revendiquer sa qualité d’héritière dans la mesure où la prescription de son option dans la succession de Monsieur [V] [S] est acquise, en application de l’article 780 du code civil prévoyant un délai de dix ans à compter de l’ouverture de la succession.

A titre infiniment subsidiaire, ils font valoir que la demande de recel n’est ni recevable, étant prescrite depuis juin 2008, ni fondée.

Ils estiment n’être redevables d’aucune indemnité d’occupation, soutenant avoir occupé de bonne foi le bien immobilier situé à [Localité 17] puisque les droits de la demanderesse n’étaient pas établis. Ils exposent que, en tout état de cause, une telle indemnité ne pourrait débuter qu’à compter de la date de l’assignation en justice et doit faire l’objet d’un abattement de 30%. Ils demandent en outre que cette indemnité soit évaluée par le notaire qui sera désigné.

Enfin, ils soulignent que si Madame [E] [T] était considérée comme héritière de la succession de leur frère, elle devra prendre en charge le tiers du passif de cette succession, ce dernier comportant notamment des dépenses liées aux travaux et aux charges afférents à l’ensemble des biens immobiliers.

Le tribunal renvoie aux dernières conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.

L’affaire, appelée à l’audience du 22 avril 2024, a été mise en délibéré au 20 juin 2024.

MOTIFS

Sur la contestation de la filiation paternelle de Madame [E] [T]

L’article 322 du code civil dispose : « L’action peut être exercée par les héritiers d’une personne décédée avant l’expiration du délai qui était imparti à celle-ci pour agir. Les héritiers peuvent également poursuivre l’action déjà engagée, à moins qu’il n’y ait eu désistement ou péremption d’instance. »

L’article 334 du même code dispose : « A défaut de possession d’état conforme au titre, l’action en contestation peut être engagée par toute personne qui y a un intérêt dans le délai prévu à l’article 321. »

Madame [E] [T] est née le [Date naissance 6] 1993. Elle a été reconnue par Monsieur [V] [S] le 11 septembre 2003 soit dix ans après sa naissance. Il est acquis que [E] ne porte que le nom de sa mère.

Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] déclarent que Madame [E] [T] ne justifie pas d’une possession d’état conforme à la reconnaissance de paternité effectuée par Monsieur [V] [S].
Il doit être relevé que Madame [E] produit aux débats une lettre qui lui a été adressée par Mme [Y] [S] le 8 août 2010 aux termes de laquelle il est écrit :
«[Y] [U] 8 août 2010
[Adresse 18]
[Adresse 18]

[E],
Depuis quatre ans, j’essaie de veiller sur toi car j’ai fait une promesse à mon frère, mais au vu des derniers évènements, j’ai décidé de couper tout contact avec toi.
Je n’apprécie pas d’être mise à l’écart et de ne pas être concertée lorsqu’il y a des choix importants à faire dans ta vie. Je prends pour exemple tes études :
-je n’ai jamais vu un seul bulletin de notes malgré mes nombreuses demandes ou encore, je suis mise sur le fait accompli pour ton soudain changement d’orientation scolaire.
Il y a deux sujets sur lesquels j’ai des positions très fermes : -les études et ta vie sentimentale, et sur ce plan là, tes choix de vie me déplaisent, me choquent et me déçoivent. Jamais, je ne les cautionnerai.
C’est pourquoi, au lieu de n’être qu’une spectatrice passive et révoltée de ce qui est en train de devenir de ta vie, je m’en écarte définitivement.
Je te souhaite d’être heureuse.
[Y] ».

Les termes de ce courrier sont particulièrement clairs et démontrent que non seulement les demandeurs connaissaient l’existence de Madame [E] [T] mais qu’ils ont entretenu des relations étroites avec elle avant la rupture de contact initiée par Madame [Y] [S].

Madame [E] [T] produit également aux débats des attestations de :

-[G] [W], sa cousine, indiquant être partie en vacances dans le local à côté de la pizzeria de Monsieur [V] [S], en 1994, à [Localité 20], [E] [T] étant présente ainsi que la mère de celle-ci, son frère et Mme [Y] [S] ainsi que le père de [V] [S] ; elle précise que tout le monde savait que Madame [E] était la fille de Monsieur [V] [S]

-[X] [T], tante de Madame [E] , indiquant avoir mangé en famille dans la pizzeria de Monsieur [V] [S] où étaient présents ce dernier, [E] , et [C] [T]

-[Z] [F], son demi-frère, précisant être souvent allé avec sa mère et sa demi-sœur, dans la maison de [Localité 17] où étaient présents sa mère, son beau-père : Monsieur [V] [S] et également Madame [Y] [S] et Monsieur [P] [S] ; ce dernier a par ailleurs attesté (pièce n°32) que sa mère et Monsieur [V] [S] ont vécu ensemble à [Localité 15] d’août 1990 jusqu’à leur séparation

- [C] [T], la mère de Madame [E] , qui atteste avoir vécu à [Localité 15] avec son fils, sa fille et Monsieur [V] [S] d’août 1900 jusqu’à la séparation du couple ; elle précise avoir côtoyé la famille de Monsieur [V] [S] jusqu’à la réception de la lettre de Madame [Y] [S] par sa fille ; elle explique par ailleurs avoir décidé avec Monsieur [V] [S] que leur fille ne porterait que son nom de famille et qu’elle la reconnaitraît seule pour se préserver des « éventuelles malversations du frère et de la sœur » de Monsieur [V] [S], selon cette dernière.

Il résulte de la combinaison de l’ensemble de ces éléments que Madame [E] [T] était considérée comme la fille de Monsieur [V] [S] et justifie donc d’une possession d’état à l’égard de ce dernier.

Il doit être relevé que l’article 321 du code civil disposant que les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté, la demande de Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] doit en tout état de cause être déclarée irrecevable comme étant prescrite, Madame [E] [T] ayant été reconnue le 11 septembre 2003, l’action en contestation de paternité étant prescrite depuis le 11 septembre 2013.

Sur la qualité d’héritière de Madame [E] [T]

L’article 733 du code civil dispose que « la loi ne distingue pas « selon les modes d’établissement de la filiation » pour déterminer les parents appelés à succéder.
Les droits résultant de la filiation adoptive sont réglés au titre de l’adoption. »

L’article 734 du même code précise : « En l’absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu’il suit :
1° Les enfants et leurs descendants
2° les père et mère ; les frères et sœurs et sœurs et les descendants de ces derniers (…) »

Il ressort des débats que Monsieur [V] [S] est décédé en laissant pour lui succéder une fille, Madame [E] [T]. Cette dernière a donc qualité d’héritière de Monsieur [V] [S].

Sur la prescription de l’option successorale

Monsieur [V] [S] est décédé le [Date décès 8] 2006, soit avant la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

Ainsi, Madame [E] [T] disposait d’un délai de trente ans pour accepter la succession en application des dispositions applicables avant le 1er janvier 2007.

La demande de Madame [E] [T] est donc recevable.

Sur la demande d’ouverture des opérations de partage judiciaire

Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention.

En l’espèce, il existe entre Madame [E] [T] d’une part, et Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] d’autre part, une indivision portant sur le bien immobilier situé à [Localité 17].

En outre, il est acquis que le bien situé à [Localité 19] plage a été vendu par Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] alors même qu’il était en indivision avec Madame [E] [T]. Le prix de vente de ce bien venant en remplacement du bien par application des dispositions de l’article 815-10 du code civil par l’effet de la subrogation réelle n’est pas soumis à la prescription quinquennale, l’action en partage étant imprescriptible.

Madame [E] [T] ayant manifesté son intention de sortir de l’indivision, il convient d’accueillir la demande et de désigner en application de l’article 1364 du code de procédure civile Maître [R], notaire à [Localité 24], pour procéder aux opérations de partage de l’indivision existant entre eux portant sur la somme d’argent issue du prix de vente du bien immobilier de [Localité 19] plage et sur le bien situé à [Localité 17].

Conformément aux dispositions de l’article 1365 alinéa 1 du code de procédure civile, le notaire pourra demander la production de tout document utile à l’accomplissement de sa mission.
Il convient de rappeler que s’agissant des comptes d’administration de l’indivision, les sommes exposées par les co-indivisaires pour le compte de celle-ci ou qui lui sont dues donnent lieu à la fixation de créances qui seront intégrées à l’actif ou au passif de la masse à partager mais non à une condamnation à paiement au profit d’un co-indivisaire à l’encontre d’un autre co-indivisaire.

Toutefois, seules les dépenses faites pour la préservation ou l’amélioration des biens indivis et liées au droit de propriété lui-même peuvent donner lieu à une créance sur l’indivision, à l’exclusion de l’ensemble des dépenses liées à l’usage personnel fait par un indivisaire desdits biens, telles notamment les dépenses liées à la consommation d’eau ou d’électricité, qui ne sauraient donner lieu à une indemnisation sur le fondement de l’article 815-13 du code civil.

Pour le surplus, il sera rappelé aux parties qu’il n’appartient pas au tribunal de faire le compte de la liquidation ni de procéder au partage lui-même, mais de statuer sur les difficultés qui existeraient entre elles quant à la liquidation de l’indivision.

Le tribunal ne se prononcera en conséquence qu’en cas de désaccords persistants entre les parties.

Sur la demande de licitation du bien immobilier situé à [Localité 17]

Aux termes de l’article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s’en trouve quelques-uns qu’aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s’en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires.

Aux termes de l’article 1377 du code de procédure civile, le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués. La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 du même code, et pour les meubles, dans les formes prévues aux articles 110 à 114 et 116 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992.

L’article 1273 du code de procédure civile dispose qu’en matière de vente judiciaire d’immeubles, le tribunal détermine la mise à prix de chacun des biens à vendre et les conditions essentielles de la vente. Il peut préciser qu’à défaut d’enchères atteignant cette mise à prix, la vente pourra se faire sur une mise à prix inférieure qu’il fixe.

Madame [E] [T] sollicite la licitation du bien immobilier situé à [Localité 17] en faisant état de ce qu’il n’est pas aisément partageable. Elle demande une mise à prix de 150.000 euros en précisant qu’elle se réfère à la valeur moyenne du m² à [Localité 17] qui se situe à 3.491 euros et à 3.816 euros, [Adresse 18].
Elle ajoute que le bien est situé sur une parcelle de 376 m² et qu’il doit être composé d’environ 80 m² habitable soit une valeur de 305.270 euros.

Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ne concluent pas sur ce point, ne fournissent aucune précision quant au bien indivis litigieux.

Le bien indivis n’apparaît pas aisément partageable entre les parties, aucun accord amiable s’agissant de ce bien n’ayant été trouvé à ce jour, étant en outre rappelé que le bien est occupé par les défendeurs.

Compte tenu de ces éléments, la demande de Madame [E] [T] apparaît justifiée.

Madame [E] [T] a produit des éléments concernant sa demande de mise à prix, les défendeurs n’ont pas conclu sur ce point, ils n’ont pas émis la moindre observation concernant tant la surface du bien que la valeur vénale proposée par Madame [E] [T].

Dans ces conditions, et au vu des éléments produits, il sera fait droit à la demande de Madame [E] [T] conformément aux précisions du dispositif du présent jugement.

En l’état, il n’y a pas lieu de désigner un huissier compétent territorialement pour effectuer les visites et faire dresser les diagnostics, cette demande ne relevant pas de la compétence du présent tribunal.

Sur le recel successoral

Sur la recevabilité de la demande

Le tribunal est saisi d'une action en recel successoral sur le fondement des dispositions de l'article 778 du code civil.
Monsieur [V] [S] est décédé le [Date décès 8] 2006 soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 portant réforme du droit des successions et libéralités et la loi du 17 juin 2008 portant réforme en matière de prescription.

Compte tenu des dispositions applicables avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, l’option successorale se prescrivait par trente ans. Il est de principe que l’action fondée sur le recel successoral de l’article 789 du code civil ancien se prescrit par trente ans tout comme l’option successorale.

Il ressort des débats que Madame [E] [T] expose s’être récemment intéressée aux successions de ses grands-parents paternels. Elle produit aux débats des document émanant du service de publicité foncière concernant les biens de ses grands-parents. Il apparaît que ces demandes ont été formulées le 20 mai 2020.

Il ressort des dispositions applicables aux circonstances de l’espèce, que la demande de Madame [E] [T] doit être déclarée recevable, la prescription trentenaire ayant vocation à s’appliquer. En conséquence de quoi, l’action en recel successoral de Madame [E] [T] est recevable.

Sur le bien-fondé de la demande au titre du recel

Il est de principe que le recel successoral est la fraude ou l'omission commise intentionnellement par l'héritier pour rompre l'égalité du partage, par la dissimulation d'effets de la succession. Il y a recel, en outre, en cas de dissimulation par un héritier d'une donation rapportable.

Aux termes de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés.

Le recel est constitué d'un élément moral. Est receleur l'héritier qui, dans une intention frauduleuse, a voulu s'assurer un avantage à l'encontre de ses cohéritiers. Cet élément moral implique donc que cette fraude ait été commise à l'encontre d'un cohéritier. Par ailleurs, la fraude ne résulte pas du seul fait de la dissimulation. Il faut en outre établir un acte positif constitutif de la mauvaise foi, tel qu'un mensonge ou même une réticence ou encore des manoeuvres dolosives. La charge de la preuve du recel successoral incombe à la partie qui l'invoque.

La charge de la preuve incombe à Madame [E] [T].

Il ressort des développements précédents que Madame [E] [T] est née le [Date naissance 6] 1993. Elle a été reconnue par Monsieur [V] [S] le 11 septembre 2003 soit dix ans après sa naissance.

Monsieur [V] [S] est décédé le [Date décès 8] 2006.

Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] déclarent qu’ils n’avaient pas connaissance de la reconnaissance de paternité de Madame [E] par Monsieur [V] [S] dix ans après sa naissance, que cette dernière ne portait pas le nom de leur frère et qu’elle n’était pas présente aux obsèques de celui-ci. Cependant, il ressort des développements précédents et notamment de l’analyse des termes de la lettre adressée par Mme [Y] [S] le 8 août 2010 à Madame [E] [T] que les demandeurs ont en réalité entretenu des relations étroites avec elle jusqu’à la rupture de lien initiée par Madame [Y] [S]. Le courrier tend à démontrer également que cette dernière était manifestement investie auprès de Madame [E] [T].
Madame [E] [T] produit également des cartes postales signées « tata » qui proviennent d’Italie. Elle expose que c’est Madame [Y] [S] qui les lui a adressées ; il doit être relevé que si la signature de Madame [Y] [S] ne figure pas sur les cartes, cette dernière ne formule aucune observation quant à l’envoi de ces cartes tel qu’invoqué par Madame [E] [T] .

Par ailleurs, il ressort des développements précédents auxquels il est renvoyé que des attestations produites aux débats par Madame [E] [T] démontrent qu’elle était traitée par toute la famille [S] comme la fille de Monsieur [V] [S]. La mère de cette dernière explique avoir appris le décès de son ex conjoint par Madame [Y] [S], et qu’il a été proposé à Madame [E] [T] d’assister à la cérémonie de levée du cercueil précédant son départ en Italie ; elle précise que sa fille n’a pas voulu assister à cette cérémonie.

Or, il est acquis que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] n’ont pas mentionné au notaire, à l’occasion du décès de leur frère, l’existence de Madame [E] [T] et ils ont donc été considérés comme étant les deux seuls héritiers de Monsieur [V] [S].
Il ressort de la combinaison de ces éléments qu’ils ont donc dissimulé sciemment l’existence de Madame [E] [T], la fille de Monsieur [V] [S] ; cette dissimulation ayant pour conséquence d’évincer de la succession de Monsieur [V] [S] sa fille.

Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, l’absence de mention de l’existence de Madame [E] [T] traduit la volonté de Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] de s'assurer un avantage à l'encontre de Madame [E] [T]. L’élément moral du recel successoral est tout à fait constitué.

Madame [E] [T] rapporte la preuve que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ont commis un recel successoral qu'ils devront rapporter à la succession dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision.

Ainsi, s’agissant de la succession de leurs parents, Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ont recelé chacun la moitié de la part revenant à Madame [E] [T] qui aurait dû venir en représentation de son père.
Il doit être précisé qu’il appartiendra au notaire d’en tenir compte et de déterminer et calculer ainsi, les parts respectives revenant à Monsieur [P] [S], Madame [Y] [S] et Madame [E] [T].

Il y a lieu de relever que la somme revenant à Madame [E] [T] produira intérêts au taux légal à compter du partage, date à laquelle cette dette sera déterminée.

Sur la demande d'indemnité d'occupation

L'article 815-9 du code civil dispose que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Madame [E] [T] demande la fixation d'une indemnité d'occupation dans la limite de cinq années précédant l’assignation faisant valoir que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] jouissent privativement du bien.
Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] contestent être redevables d'une indemnité d’occupation en l’absence de remise en cause de leur bonne foi.

Il doit être relevé à titre liminaire que la condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation n’est pas subordonnée à la remise en cause de la bonne foi des personnes qui jouissent privativement d’un bien.

Il appartient à celui qui sollicite le paiement d’une indemnité d’occupation de rapporter la preuve de la jouissance privative d’un bien.

Il doit être relevé que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ne contestent pas occuper de manière privative le bien situé à [Localité 17], bien dépendant de la succession de leurs parents.
L’indemnité d’occupation ne vise pas à sanctionner un comportement fautif de sorte que le comportement des occupants est indifférent pour voir fixer une indemnité d’occupation.

Madame [E] [T] justifie de sa demande dans la mesure où le bien occupé par Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] est un bien indivis.

Madame [E] [T] demande la fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 1.360 euros par mois correspondant à la valeur locative moyenne (17 euros le m²). Elle produit une estimation « Se loger » évaluant à 17 euros le m² à [Localité 17]. Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] indiquent qu’il convient de faire application d’un abattement de 30% s’agissant d’une indemnité d’occupation. Ils précisent qu’il appartiendra au notaire de déterminer le montant de cette indemnité d’occupation.

Au vu de ces éléments, il convient de dire qu’il appartiendra aux parties de fournir tous éléments précis pour permettre au notaire de déterminer la valeur locative du bien indivis et par suite l’indemnité d’occupation. Ainsi, Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] sont redevables à l’égard de l’indivision, dans la limite des cinq années précédant l’assignation soit depuis le 11 juin 2016 conformément à la prescription quinquennale applicable en l’espèce, d’une indemnité d’occupation qu’il appartiendra au notaire au vu des éléments produits par les parties de proposer un montant, étant rappelé que s’agissant d'une occupation précaire, un abattement de 20% est applicable.

Sur les demandes de Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] au titre de leurs créances

L’article 815-13 du code civil dispose : “Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation.
Il doit être parallèlement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.
Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute. »

Il est de principe que les charges de copropriété qui ne sont pas relatives à l'occupation privative et personnelle d'un indivisaire doivent figurer au passif du compte de l'indivision, étant précisé qu'elles sont supportées par les coïndivisaires proportionnellement à leurs droits dans l'indivision. En outre, les impôts fonciers incombent à l'indivision jusqu'au partage.
Par ailleurs, il doit être rappelé que l'assurance habitation tendant à la conservation du bien indivis incombe à l'indivision en dépit d'une éventuelle occupation privative.
Enfin, la taxe d’habitation, dont le règlement a permis la conservation de l’immeuble, incombe à l’indivision et doit être supportée par les coïndivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision ; le préjudice résultant de l’occupation privative étant compensée par l’indemnité prévue à l’article 815-9 du code civil.

S’agissant du bien situé à [Localité 17]

Madame [E] [T] ne s’oppose pas au paiement du tiers des impôts fonciers depuis 2017, tout comme le tiers de l’assurance habitation.
Il convient de dire que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] disposent d’une créance sur l’indivision correspondant aux impôts fonciers et assurance habitation payés concernant le bien situé à [Localité 17]. Il y a lieu de relever qu’ils ne chiffrent pas leur créance mais se contentent de produire des justificatifs. Il conviendra qu’ils produisent ces justificatifs devant le notaire.

Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ajoutent que le bien litigieux situé à [Localité 17] nécessite des travaux. Cependant, il doit être relevé qu’en l’état, ils n’en justifient pas plus qu’ils ne justifient avoir financé des travaux ayant permis de conserver le bien. Ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

S’agissant du bien situé en Italie à [Localité 14]

Il ressort des débats que les défendeurs produisent une ordonnance de la commune de [Localité 14] en Italie (Sicile) d’élimination de danger du 23 juillet 2009 qui n’est pas traduite.
Il doit être relevé qu’ils ne justifient pas des travaux entrepris pour éviter le délabrement du bien en Italie et ce alors même qu’ils étaient les deux seuls propriétaires indivis depuis 2006 du bien, Madame [E] [T] n’ayant pas été appelée à la succession de son père. Ainsi, la détérioration du bien immobilier relève de la responsabilité de Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S].
Ils seront déboutés de leur demande tendant à voir Madame [E] [T] condamnée à participer aux frais et travaux concernant la maison située à [Localité 14].

S’agissant du bien vendu situé à [Localité 20]

Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] exposent que le bien a été financé exclusivement par eux, seul le terrain ayant été acquis par leurs parents.
Cependant, il doit être constaté qu’ils ne justifient pas leur déclaration. A cet égard, il doit être constaté que le permis de construire a été délivré au profit de Monsieur [D] [S] (pièce n°9 des défendeurs). Ils produisent par ailleurs en pièce 10 une facture établie par la SARL [13] du 14 mars 2006 établie au nom de la « Famille [S] ». Il s’agit manifestement d’une facture qui a été déchirée et reconstituée la partie du haut concerne « la réalisation de travaux sur propriété à [Localité 19] réparation suivi de termes illisibles puis il y a une déchirure et une autre partie de facture avec des montants : 960,60 €, 384,28 € (au titre de la TVA) et un montant TTC de 2.344, 88 €, puis une copie d’un chèque de Monsieur [P] [S] d’un montant de 1.344,88 euros.
Cette pièce ne permet donc pas de justifier du montant des travaux entrepris ni leur nature de sorte qu’ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

Sur les autres demandes

L'exécution provisoire est de droit.

Les circonstances d'équité tendent à justifier de condamner Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] à payer à Madame [E] [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront condamnées à payer les dépens en frais privilégiés de liquidation partage avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare irrecevable la contestation de la filiation paternelle de Madame [E] [T],

Dit que Madame [E] [T] a la qualité d’héritière de Monsieur [V] [S],

Ordonne les opérations de partage judiciaire de l’indivision existant entre Madame [E] [T] en sa qualité d’héritière de son père Monsieur [V] [S] d’une part, et Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] d’autre part sur le prix de vente de la maison de [Localité 20] et sur le bien immobilier sis à [Localité 17] ;

Désigne pour y procéder :

Maître [R], notaire à [Localité 24]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 12]

Dit que le notaire pourra s’adjoindre un expert dans les conditions prévues par l’article 1365 du code de procédure civile, aux frais préalablement avancés par les parties dans le délai d’un mois à compter de la demande qui leur en sera adressée par le notaire ;

Désigne le président de la première chambre du tribunal judiciaire de Versailles ou tout juge de la première chambre pour surveiller les opérations de liquidation partage ;

Dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente ;

Ordonne que sur le cahier des charges dressé par Maître DESPORT-AUVRAY Avocat, ou tout autre avocat, la vente sur licitation à la chambre des criées de ce tribunal, de la maison sise sur un terrain à [Adresse 18], lieu-dit « [Adresse 18] » cadastré section [Cadastre 11] pour 3 ares 76 centiares sur la mise à prix de 150.000 euros avec faculté de baisse du quart puis du tiers en cas de désertion d’enchères ;

Autorise Madame [E] [T] à effectuer la publicité de droit commun prévue à l’article R 322-31 du code de procédure civile d’exécution,

Dit que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] sont redevables in solidum envers l’indivision d’une indemnité d’occupation à compter du 11 juin 2016 jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clefs, et condamne in solidum Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] à payer cette somme à l’indivision,

Dit que les parties sont renvoyées devant le notaire afin qu’il procède à l’instruction de la demande du montant de l’indemnité d’occupation, au vu des éléments produits par chacune des parties,

Dit que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] ont commis un recel successoral,

Dit qu’il appartient au notaire commis de déterminer les parts respectives revenant à Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] dans le cadre de la succession de leurs parents Monsieur [D] [S] et Madame [L] [S] ainsi que la part revenant à Madame [E] [T],

Dit que la somme revenant à Madame [E] [T] produira intérêts aux taux légal à compter du partage,

Dit que Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] disposent d’une créance sur l’indivision successorale correspondant aux impôts fonciers et assurance habitation payés concernant le bien situé à [Localité 17],

Déboute Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] de leurs autres demandes de fixation de créances successorales concernant le bien situé à [Localité 14] (Italie) et le bien vendu situé à [Localité 19],

Déboute Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] de leurs autres demandes,

Condamne Monsieur [P] [S] et Madame [Y] [S] à payer à Madame [E] [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les parties aux dépens de la présente instance qui seront employés en frais privilégiés de partage et répartis entre les parties à proportion de leur part  avec application des dispsoitions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Renvoie l’affaire à la mise en état du 9 ocotbre 2024 pour retrait du rôle sauf opposition des parties ;

Constate l'exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 JUIN 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21/03317
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;21.03317 ?
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