TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
18 JUIN 2024
N° RG 24/00086 - N° Portalis DB22-W-B7I-RZQM
Code NAC : 54Z
AFFAIRE : [D] [Z] [L], [G] [V] [L], [M] [O] [L], [K] [S] [X] C/ [P] [U], [W] [F] ÉPOUSE [U]
DEMANDEURS
Madame [D] [Z] [L],
née le 20 juillet 1936 à [Localité 13] (PORTUGAL),
de nationalité portugaise, retraitée, domiciliée au [Adresse 5] à [Localité 7],
représentée par Me Camille JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 385
Monsieur [G] [V] [L],
né le 26 août 1963 à [Localité 11],
de nationalité française, chef de projet, domicilié au [Adresse 2] à [Localité 9]
représenté par Me Camille JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 385
Monsieur [M] [O] [L],
né le 9 juin 1965 à [Localité 10],
de nationalité française, cadre administratif, domicilié au [Adresse 1]
représenté par Me Camille JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 385
Monsieur [K] [S] [X],
né le 4 mai 1959 à [Localité 13] (PORTUGAL), de nationalité française, cadre commercial,
domicilié au [Adresse 4] à [Localité 6]
représenté par Me Camille JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 385
DEFENDEURS
Monsieur [P] [U]
né le 24 Novembre 1975 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Frédéric SANTINI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713
Madame [W] [F] ÉPOUSE [U]
née le 20 Janvier 1974 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Frédéric SANTINI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713
Débats tenus à l'audience du : 14 Mai 2024
Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 14 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 avril 1966, Madame [D] et Monsieur [Y] [L] ont fait l’acquisition d’une maison d’habitation située au [Adresse 5] à [Localité 7], décrite comme suit dans l'acte notarié : maison d'habitation comprenant au rez-de-chaussée : une cuisine, une salle à manger et un petit débarras, au premier étage : deux chambres, un cabinet, grenier au-dessus, cour avec petit hangar et jardin attenant.
Madame et Monsieur [U] sont propriétaires et résident dans la maison mitoyenne voisine, sise [Adresse 3], depuis l'acte d'acquisition en date du 8 octobre 2007.
Monsieur [Y] [L] est décédé le 23 décembre 2021. Madame [D] [L], âgée de 87 ans, réside désormais seule dans sa maison au [Adresse 5]. Par acte notarié du 18 novembre 2022, les trois fils du couple [L], Monsieur [G] [V] [L], Monsieur [M] [O] [L] et Monsieur [K] [S] [X], sont devenus nus-propriétaires de la maison, Madame [D] [L] étant usufruitière.
Par arrêté du 5 octobre 2016, la mairie de [Localité 7] a délivré aux époux [U] un permis de construire prévoyant l’extension et la surélévation de leur maison d’habitation, par remplacement de la véranda par une construction plus élevée et plus étendue venant s’adosser sans retrait sur le pignon de la façade sud de la maison des consorts [L].
Par jugement du 25 novembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de Madame et Monsieur [L] aux fins d'annulation du permis de construire, considérant qu’il n’était pas démontré que les plans étaient contraires aux règlements du plan local d’urbanisme de la commune de Bougival.
Les époux [U] ont obtenu de la mairie de [Localité 7] une prolongation du permis de construire d’une année par arrêté du 13 décembre 2022.
Les travaux d’agrandissement et de réhaussement de la maison des époux [U] ont débuté en septembre 2023.
Par acte de Commissaire de Justice en date du 16 janvier 2024, Mme [D] [L], M. [G] [L], M. [M] [O] [L] et M. [K] [X] ont assigné M. [P] [U] et Mme [W] [F] épouse [U] en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles.
Aux termes de leurs conclusions, les demandeurs sollicitent de voir :
- in limine litis, juger les demandeurs recevables et bien fondés en leur action,
- débouter les consorts [U] de leur demande d’irrecevabilité de l’action introduite par les consorts [L] au visa de l’article 750-1 du code de procédure civile,
- débouter les consorts [U] de leur demande d’irrecevabilité de l’action introduite par les consorts [L] au visa de l’article 2224 du Code civil,
- juger que les travaux entrepris par les consorts [U] crée un trouble manifestement illicite relatif à l’obstruction illicite des deux fenêtres litigieuses et en conséquence, juger que les travaux entrepris par les consorts [U] doivent être suspendus sous astreinte de 500 euros par jour d’infraction à compter de la signification de l’ordonnance,
- à titre subsidiaire, juger que les travaux entrepris par les consorts [U] crée un dommage imminent relatif à l’obstruction totale et définitive des deux fenêtres situées sur la façade sud de la maison des demandeurs et en conséquence, juger que les travaux entrepris par les consorts [U] doivent être suspendus sous astreinte de 500 euros par jour d’infraction à compter de la signification de le l’ordonnance,
- à titre infiniment subsidiaire, désigner un expert judiciaire,
- en tout état de cause, débouter les consorts [U] de leur demande de condamnation des
demandeurs à faire évacuer leur égout de toit via leur propriété et ce, sous astreinte,
- condamner les consorts [U] à leur payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Ils justifient in limine litis la recevabilité de leur action.
En premier lieu, ils soulignent l’absence de nécessité d’un recours à un mode de résolution amiable du litige, en rappelant les exceptions de l’article 750-1 du code de procédure civile, et en relevant qu'en l’espèce, les tensions entre les parties et l'état de santé de Madame [L] combinées à l'urgence liée au démarrage des travaux rendent impossible toute tentative de règlement à l'amiable dans cette situation.
En second lieu, ils soulignent l’absence de prescription de la présente procédure, faisant valoir qu'en application de l’article R.424 -17 du Code de l’urbanisme, qui pose le principe selon lequel la validité d’un permis de construire est de trois ans, délai pouvant être suspendu en cas de recours devant la juridiction administrative, conformément à l’article R.424-19 du Code de l’urbanisme, et ce, jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle devenue irrévocable, en l'occurrence le jugement du 25 novembre 2019 du Tribunal administratif de Versailles notifié le 26 novembre 2019 et devenu définitif le 27 janvier 2020, et au regard du commencement des travaux litigieux le 13 septembre 2023, ils ont légitimement pu considérer que ces travaux n’avaient plus lieu d’exister ; que dans tous les cas, l'argument de la prescription est juridiquement infondé en application des dispositions de l’article 2227 du Code civil, et que par ailleurs en matière de troubles anormaux du voisinage, la prescription doit être calculée à partir de l’apparition du trouble, qui naît en principe à la date de finalisation des travaux, et non à partir de la date d'octroi du permis de construire qui ne présage en rien de la réalisation effective de ces travaux litigieux.
Sur le fond, ils expliquent que la réalisation des travaux d’extension et de surélévation des époux [U] aurait pour conséquence d’obstruer les deux seules fenêtres existantes sur le pignon de la façade sud des consorts [L] et donnant respectivement dans leur salle à manger / salon et dans leur cage d’escalier, étant souligné que la fenêtre située dans la salle à manger / salon constitue la seule fenêtre côté sud donnant dans cette pièce.
Ils relèvent également que le plan relatif à « l'état futur de la façade sud » ne tient pas compte de la servitude des demandeurs concernant le système d'évacuation des eaux pluviales sur la façade sud de leur maison, qui devrait donc être pareillement partiellement et illicitement éliminé par la réalisation des travaux projetés.
Ils soutiennent que les travaux, aujourd'hui débutés, engendrent l’apparition de troubles manifestement illicites et de dommages désormais imminents et résultant : de la suppression des deux fenêtres sur la façade sud de leur propriété d'une part, et de la suppression de la gouttière permettant l’évacuation des eaux pluviales d'autre part.
A titre principal, ils sollicitent l’interruption des travaux litigieux pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la suppression illicite des deux fenêtres situées sur la façade sud de leur maison et de l’atteinte à leur propriété qui en découle.
A cet égard, ils contestent que les fenêtres litigieuses constituent des « jours de souffrance » :
- premièrement parce que les dimensions de ces ouvertures ne répondent pas aux critères réglementaires des jours de souffrance prévus par les articles 676 et 677 du Code civil ;
- deuxièmement, les deux fenêtres litigieuses ont toujours été des fenêtres « ouvrantes » équipées de deux battants pour la fenêtre située dans le salon/ salle à manger et d’un seul battant pour la fenêtre située dans la cage d’escalier, facilitant ainsi la ventilation de ces deux pièces, et offrant une vue dégagée sur la propriété voisine grâce à un vitrage transparent ;
- troisièmement, s'agissant d'une vue directe, l’auteur de l’ouverture peut se prévaloir d’une acquisition de la servitude par prescription si le propriétaire voisin n’a pas contesté la construction pendant une durée de trente ans, ce qui est le cas en l'espèce, puisque cela fait plus de cinquante ans que ces deux fenêtres, qui offrent une vue directe et plongeante sur la parcelle de Monsieur et Madame [U], existent et servent à éclairer et à ventiler le salon/salle à manger et la cage d’escalier des consorts [L] ; aucune contestation n’a jamais été formulée concernant la présence et la fonctionnalité de ces fenêtres depuis plus de 30 ans.
A titre subsidiaire, ils sollicitent l’interruption des travaux litigieux pour faire cesser un dommage imminent résultant de l’obstruction totale des deux fenêtres qui engendrerait un trouble anormal du voisinage du fait d’une perte importante de luminosité, et cette importante privation de lumière naturelle aurait nécessairement pour conséquence d’entrainer un préjudice moral pour Madame [L], déjà fortement affectée par le présent litige, mais également un préjudice financier pour les demandeurs en ce que la valeur vénale de leur habitation en serait automatiquement réduite.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent la désignation d’un expert judiciaire pour éclairer la présente juridiction sur les troubles illicites et dommages imminents qui résulteraient des travaux litigieux, et dans cette attente, demandent d'ordonner l’interruption de ces travaux, faisant valoir que l’existence d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile est caractérisée par la suppression illicite des deux fenêtres, les potentiels dommages structurels qui pourraient être causés par les travaux litigieux, étant relevé que d’importantes fissures sont déjà
présentes sur la façade sud, et la suppression illicite de la gouttière également présente sur la façade sud de la maison des demandeurs, étant précisé que le projet en cours ne respecte pas le droit de passage des eaux de pluie des demandeurs et prévoit sa suppression et dès lors la suppression illégale du dispositif d’évacuation en place risque de provoquer des infiltrations d’eau dans les murs de la résidence de Madame [L].
Ils concluent au rejet de la demande reconventionnelle de condamnation des demandeurs aux fins de faire évacuer leur égout de toit via leur propriété, qui se heurte à une contestation sérieuse et qu’aucune preuve d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent n’est rapportée, soutenant qu'en application de l’article 690 du Code civil, qui pose le principe de la prescription trentenaire pour les servitudes continues et apparentes depuis plus de trente ans, l’usage de cette servitude de l’égout de toit est continue et bien apparente par la disposition des lieux, tel que le débord de toit et ce, depuis plus de trente ans.
Aux termes de leurs conclusions, les défendeurs sollicitent de voir :
- déclarer irrecevables les consorts [L] en leur demande, au visa de l’article 750-1 du code de procédure civile,
- déclarer irrecevables les consorts [L] comme étant prescrits à agir, au visa de l’article 2224 du Code civil,
- à titre subsidiaire, débouter les consorts [L] de leur demande d'interruption des travaux entrepris par Monsieur et Madame [U], laquelle se heurte à des contestations sérieuses,
- sur la demande d’expertise judiciaire, limiter la mission de l’expert à la problématique de perte de luminosité dans la cage d’escalier et dans la cuisine-salle à manger, du fait de l’obturation future des jours de souffrance donnant sur la propriété des époux [U],
- débouter les consorts [L] du surplus de leur demande,
- condamner les consorts [L] à faire évacuer leur égout de toit via leur propriété et de ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 1 mois à compter de l’ordonnance à intervenir,
- condamner les consorts [L] à leur payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils soulèvent au préalable l’irrecevabilité de la demande d'une part au visa des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile, dont les consorts [L] n’ont pas respecté les dispositions, faisant valoir que le litige initié par les consorts [L] est relatif à un prétendu trouble anormal de voisinage, et que le dialogue avec les époux [U] est toujours possible.
Ils relèvent également l’irrecevabilité au regard des dispositions de l’article 2224 du Code civil, rappelant que par courrier du 5 février 2017, le maire de la commune de [Localité 7] a répondu aux consorts [L] qu’il appartient au bénéficiaire d’un permis de construire de faire personnellement son affaire de tout question d’ordre civil que l’administration chargée de l’urbanisme n’a pas à connaître, en étant très complète dans sa réponse, de sorte que depuis le 5 février 2017 au plus tard, les consorts [L] ont connu les faits et leur droit et disposaient d’un délai 5 ans pour agir à compter de cette date. Ils précisent que le permis de construire n’est pas périmé. Enfin, sur l'argument du droit réel immobilier prescrit par 30 ans au regard l’article 2227 du Code civil et sur celui des troubles anormaux du voisinage, les consorts [L] se gardent bien d'expliquer quelle action réelle immobilière, ils mettent en œuvre, et font en réalité état de troubles anormaux du voisinage qui constituent une action en responsabilité extra contractuelle et non une action immobilière réelle, de sorte que la prescription quinquennale de l’article 2224 lui est parfaitement applicable. Ils soulignent que les demandeurs savaient depuis le dépôt du permis de construire que l’élévation de la future construction se ferait contre leur façade arrière obturant ainsi les deux jours de souffrance, motivant d'ailleurs leur recours contre le permis de construire, de sorte que c’est bien à compter de cette date que les demandeurs ont connu les faits devant les conduire à exercer leur action.
Ils soulèvent des contestations sérieuses s'agissant du dommage imminent résultant de la perte de luminosité.
En premier lieu, ils font valoir que les deux ouvertures litigieuses ne sont pas des fenêtres mais des jours de souffrance, définis par les articles 676 et 677 du Code civil, ce que confirme le constat d’huissier versé au débat par les requérants ; que si ces derniers ont cru devoir remplacer les verres dormants par des châssis ouvrants, cela ne leur donne aucun droit, les ouvertures restant des jours de souffrance ; que ces ouvertures ne limitent en aucune façon le droit de propriété des consorts [U] sur leur terrain, et leur droit en conséquence de faire construire selon le permis de construire définitif obtenu ; qu'il ne faut pas confondre un droit acquis et un éventuel préjudice ; que les requérants n’ont de par leur jour de souffrance aucun droit acquis à un quelconque degré de luminosité mais en revanche, ils peuvent prétendre subir un préjudice et solliciter son indemnisation, dès lors uniquement que ce prétendu préjudice serait qualifié de trouble anormal du voisinage par une juridiction statuant au fond, étant précisé d’ores et déjà qu'aucun préjudice ne peut être sérieusement allégué pour une perte de luminosité dans une cage d’escalier et que la cuisine-salle à manger située au 1er étage de la maison des requérants est parfaitement éclairée par deux fenêtres situées sur la façade avant du pavillon.
Ils contestent en second lieu l'existence d'une servitude de vue alléguée par les consorts [L], puisque qu'il s'agit de jours de souffrance équipés de verre dormant, qu'ils ont manifestement transformés sans aucune autorisation, et sans rapporter la preuve de la date de ces travaux ; que la modification intérieure des lieux, invisible depuis l’extérieur, n’a pu créer la moindre servitude de vue sur le fond de Monsieur et Madame [U] par prescription acquisitive, sans aucun élément probant suffisant par ailleurs.
Ils soulèvent également des contestations sérieuses relatives à la demande de désignation d’un expert judiciaire, soutenant qu'il n’y a pas matière à confier une mission à un expert judiciaire, puisque les consorts [L] n’allèguent en l’état aucun désordre en lien avec les travaux des époux [U] ; qu'en réalité, la mission confiée à l’expert doit être limitée à la seule problématique de prétendue perte de luminosité.
En revanche, ils s'estiment bien fondés à solliciter la condamnation des consorts [L] à faire évacuer leur égout de toit via leur propriété.
La décision a été mise en délibéré au 18 juin 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur le recours à un mode de résolution amiable du litige
L’article 750-1 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, aux choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux article R.211-3-4 [bornage] et R.211-3-8 [plantations et élagage d'arbres et haies, constructions et travaux de l'article 674 du code civil (puits, fosses d'aisance, cheminée, âtre, four, forge, fourneau, étable), curage des fossés et canaux, servitudes du code rural et des articles 640 et 641 du code civil (eaux), servitudes des associations syndicales] du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l'autorité admnistrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L.125-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il est établi que l'irrecevabilité de l'action en justice édictée par l'article 750-1 est une fin de non-recevoir telle qu'énoncée par l'article 122 du code de procédure civile.
En l'espèce, la présente instance est fondée sur les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, aux termes duquel, en son alinéa premier, le Président du Tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est allégué au titre dudit trouble manifestement illicite d'une part l'existence d'une servitude de vue, et d'autre part l'existence d'un trouble anormal du voisinage constitué par une perte de luminosité, soumise à la tentative de procédure amiable.
Il n'est pas contesté qu'aucune procédure amiable n'a été engagée.
Toutefois, l'avancement des travaux litigieux caractérise l'urgence manifeste, étant rappelé qu'il y a urgence lorsqu'un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur.
Ce moyen sera rejeté.
Sur la prescription de la procédure
L'article 2227 du Code civil dispose que le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, il est rappelé que la présente instance est fondée sur les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, aux termes duquel, en son alinéa premier, le Président du Tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Les demandeurs soulèvent à l'appui de leur demande d'une part l'existence d'une servitude de vue, engendrant dès lors une action réelle immobilière qui implique que le résultat recherché par le demandeur à l'action soit de recouvrer ou de conserver le droit réel immobilier, fondée sur la nécessité de protéger ce droit et non d'en obtenir la contrepartie, soumise au délai de prescription trentenaire de l'article 2227 susvisé. Les défendeurs ne soulèvent aucune irrecevabilité sur ce fondement.
Ils soulèvent d'autre part l'existence d'un trouble anormal du voisinage constitué par une perte de luminosité, engendrant une action extracontractuelle, étant précisé qu'il est établi que l'action fondée sur un trouble anormal du voisinage, telle une construction qui engendre une perte d'ensoleillement chez le voisin, est une action extracontractuelle et non une action réelle immobilière, et est dès lors soumise au délai de prescription quinquennal applicable aux actions personnelles de l'article 2224 susvisé.
Il est établi que le point de départ de la prescription de l'action fondée sur un trouble anormal de voisinage court à compter de la manifestation du trouble ou de son aggravation.
Il convient de rappeler que le juge des référés ne peut se substituer au juge du fond dans l'appréciation de la prescription qu'au cas où celle-ci est établie avec l'évidence requise en référé.
Or, en l'espèce, seul la date d'arrêté de prolongation du permis de construire du 13 décembre 2022 ainsi que le commencement des travaux d’agrandissement et de réhaussement de la maison des époux [U] en septembre 2023 constituent d'évidence la date de manifestation effective du trouble anormal de voisinage allégué.
En considération de ces événements, à la date de la présente assignation du 16 janvier 2024, le le délai quinquennal n'est pas prescrit.
Ce moyen sera rejeté.
Sur la demande de suspension des travaux
L'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le Président du Tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Les demandeurs soulèvent à titre principal l'existence d'un trouble manifestement illicite et à titre subsidiaire l'existence d'un dommage imminent, résultant des travaux entrepris par les consorts [U] et relatifs à l’obstruction totale et définitive des deux fenêtres litigieuses situées sur la façade sud de la maison des demandeurs.
Sur le trouble manifestement illicite
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il appartient à la partie qui s'en prévaut d'en faire la démonstration avec l'évidence requise devant le juge des référés. Il n'est pas besoin d'établir l'existence d'un dommage résultant du trouble illicite. Les mesures qui peuvent être prises doivent être conservatoires ou de remise en état, le juge des référés étant tenu de prendre la mesure nécessaire et adéquate, sans possibilité de trancher le fond.
Si la condition de l'absence de contestation sérieuse du droit invoqué n'est pas requise par l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile. Pour autant, une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.
En l'espèce, les travaux, autorisés par le permis de construire, devenu définitif, consistent effectivement en l'extension et la surélévation de la maison d’habitation des époux [U], par remplacement de la véranda actuelle par une construction plus élevée et plus étendue venant s’adosser sans retrait sur le pignon de la façade sud de la maison des consorts [L].
Il n'est pas contesté que cet adossement entrainera de manière certaine l'occultation totale et définitive des deux ouvertures se trouvant sur ledit pignon de la façade sud de la maison des consorts [L].
Il ressort des plans, photos et constats de Commissaire de justice produits ainsi que des débats à l'audience que la première ouverture est en bois verni à un vantail ouvrant en verre clair et est munie de barreaux en fer fixes extérieurs. Elle est située au-dessus de la véranda actuelle et donne sur la cage d'escalier de la maison des consorts [L].
La seconde ouverture, de plus grande dimension, est en bois à double vantails ouvrants en verre clair et également munie de barreaux en fer fixes extérieurs. Elle est située un peu plus en contrebas que la première ouverture et en limite de la véranda actuelle. Elle donne sur le salon / salle à manger de la maison des consorts [L].
Les parties s'opposent sur la qualification juridique de ces deux ouvertures, les demandeurs alléguant qu'ils bénéficient d'une servitude de vue, initiale ou par prescription acquisitive trentenaire, s'agissant de fenêtres, tandis que les défendeurs soutiennent qu'il s'agit de jours de souffrance ne donnant aucun droit à une servitude vue.
Or, les demandeurs ne démontrent aucunement, avec l'évidence requise en référé, que les deux ouvertures litigieuses peuvent être qualifiées de fenêtres constitutives d'une servitude de vue, dont l'occultation constituerait une violation évidente de la règle de droit. Il résulte des quelques éléments produits que la détermination de la qualification juridique des ouvertures litigieuses, laquelle implique par ailleurs l'appréciation d'une éventuelle prescription acquisitive, relève de la compétence du juge du fond et excède largement les pouvoirs du juge des référés.
En conséquence, en l'absence de trouble manifestement illicite caractérisé, la demande de suspension des travaux fondée sur ce moyen sera rejetée.
Sur le dommage imminent
Le dommage imminent est quant à lui défini comme le dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.
En l'espèce, il apparaît évident que les travaux projetés sont de nature à entraîner un trouble anormal de voisinage, de par l’obstruction des ouvertures de la maison mitoyenne voisine des demandeurs, entrainant une perte partielle de luminosité portant atteinte à la jouissance normale des pièces impactées occupées par Mme [L].
Il est établi en effet que le fait de priver les pièces donnant sur une façade de la luminosité dont elles bénéficient avant l'édification litigieuse constitue un trouble qui excède ce qui est normament supportable, à tout le moins dans les pièces de vie, où l'importance de la lumière n'est pas à démontrer. Le fait que la salle à manger / salon de Mme [L] dispose d'une autre source de lumière par la façade nord de la maison n'est pas de nature à supprimer l'importance du trouble constaté.
La perte d'ensoleillement résultant de la poursuite de travaux constitue ainsi un dommage imminent qu'il y a lieu de prévenir et justifie donc la suspension desdits travaux.
Il n'y a pas lieu à astreinte en l'absence de d'attitude manifestement obstructive des défendeurs.
Sur la demande d'expertise
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile : « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
Justifie d'un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d'être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ; elle doit être pertinente et utile.
En l'espèce, les demandeurs sollicitent une mesure d'expertise judiciaire à titre subsidiaire, alléguant de potentiels dommages structurels qui pourraient être causés par les travaux litigieux en relevant l'existence d’importantes fissures et la suppression illicite de la gouttière sur la façade sud risquant de provoquer des infiltrations d’eau dans les murs de leur maison.
S'agissant d'éléments non étayés et futurs, le motif légitime n'est pas caractérisé.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la demande reconventionnelle aux fins d'évacuation de l'égout de toit des consorts [L]
En l'absence de fondement allégué au soutien de cette demande, et dès lors en l'absence d'urgence, de trouble illicite et/ou dommage imminent et d'obligation non sérieusement contestable caractérisés, il convient de rejeter cette demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu de condamner solidairement les défendeurs, qui succombent au principal, à payer aux demandeurs la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les défendeurs seront condamnés solidairement aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :
Rejetons les moyens d'irrecevabilité,
Enjoignons à M. [P] [U] et Mme [W] [F] épouse [U] de suspendre les travaux de construction d’extension et de surélévation de leur maison d’habitation, s'agissant des travaux de remplacement de la véranda par une construction plus élevée et plus étendue venant s’adosser sans retrait sur le pignon de la façade sud de la maison des consorts [L], à compter de la signification de la présente ordonnance,
Disons n'y avoir lieu à astreinte,
Rejetons la demande d'expertise judiciaire,
Rejetons la demande reconventionnelle,
Condamnons solidairement M. [P] [U] et Mme [W] [F] épouse [U] à payer à Mme [D] [L], M. [G] [L], M. [M] [O] [L] et M. [K] [X] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons solidairement M. [P] [U] et Mme [W] [F] épouse [U] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le DIX HUIT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le GreffierLa Première Vice-Présidente
Virginie DUMINYGaële FRANÇOIS-HARY