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18/06/2024 | FRANCE | N°23/01645

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Chambre des référés, 18 juin 2024, 23/01645


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
18 JUIN 2024


N° RG 23/01645 - N° Portalis DB22-W-B7H-RV73
Code NAC : 30B
AFFAIRE : Société SCI ESQ C/ S.A.R.L. LN BUSINESS


DEMANDERESSE

La Société SCI ESQ,
Société civile immobilière au capital de 12 387 euros, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 524 673 126, dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de

VERSAILLES, vestiaire : 625, Me Dominique COHEN-TRUMER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0009


DEFENDERE...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
18 JUIN 2024

N° RG 23/01645 - N° Portalis DB22-W-B7H-RV73
Code NAC : 30B
AFFAIRE : Société SCI ESQ C/ S.A.R.L. LN BUSINESS

DEMANDERESSE

La Société SCI ESQ,
Société civile immobilière au capital de 12 387 euros, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 524 673 126, dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625, Me Dominique COHEN-TRUMER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0009

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LN BUSINESS
dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622, Me Romain VIOLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 289

Débats tenus à l'audience du : 14 Mai 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Vresailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 14 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 2 août 2021, la SCI ESQ a renouvelé le bail commercial donné à la société LN BUSINESS portant sur les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 3].

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2023, la société LN BUSINESS a donné congé à effet du 29 février 2024.

Par acte de Commissaire de Justice en date du 22 novembre 2023, la SCI ESQ a fait assigner en référé la société LN BUSINESS devant le Tribunal judiciaire de Versailles afin de voir condamner la défenderesse à lui payer la somme provisionnelle de 28 337,48 euros au titre des loyers et charges dus, arrêtée au 6 novembre 2023, et la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.

Aux termes de ses conclusions et à l’audience, la demanderesse maintient sa demande de provision, l’actualisant à la somme de 14 421,24 euros arrêtée au 29 février 2024 (date de sortie des lieux), et conclut au débouté des demandes de la défenderesse.

Elle relève que la clause attributive de compétence territoriale prévue au bail soulevée par la défenderesse lui est inopposable en raison de la nature de l’action et est par ailleurs réputée non-écrite en raison de la qualité de non commerçant de la bailleresse.

Elle conteste les arguments allégués par la société LN BUSINESS pour s’exonérer de son obligation de paiement, soulignant notamment que l’allègement de loyer était conditionné à l’apurement par la locataire de son arriéré locatif, ce qui n’est pas le cas en l’espèce et qu’en tout état de cause, la société LN BUSINESS ne peut se prévaloir d’une proposition datant de deux années, qu’elle n’a ni respectée, ni acceptée.

Elle s’oppose à la demande reconventionnelle à titre de dommages et intérêts pour perte de chance.

Aux termes de ses conclusions, la défenderesse sollicite de voir :
- in limine litis, se déclarer incompétent au profit du Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Paris,
- sur le fond, rejeter la demande de paiement de la SCI ESQ à hauteur de 8108,88 euros,
- ordonner la compensation de la dette de la société LN BUSINESS avec le dépôt de garantie de 14 989,53 euros détenu par la SCI ESQ,
- à titre reconventionnel, condamner la SCI ESQ à lui verser une provision de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et ordonner la compensation entre cette somme,
- débouter la SCI ESQ de ses demandes,
- condamner la SCI ESQ à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Elle soulève in limine litis l’incompétence du juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles au profit de celui du Tribunal judicaire de Paris en application de la clause attributive de compétence prévue au bail selon diverses stipulations, faisant valoir que les parties peuvent déroger aux dispositions de l’article R.145-23 du Code de commerce en prévoyant une clause attributive de compétence territoriale, comme c’est le cas en l’espèce, précisant que la SCI est à forme commerciale.

Elle relève que la SCI ESQ, reconnaissant les préjudices subis par sa locataire, a consenti une réduction du loyer, sous réserve du paiement d’un arriéré de loyer, non seulement supérieur à la baisse du loyer offerte, mais surtout qui n’était absolument pas dû ; que dans ces conditions, la gérante de la société LN BUSINESS a été contrainte de donner congé, et soutient à ce jour le montant de la dette locative est erroné et indu, à savoir que la somme de 8108,88 euros doit venir en déduction du montant de la dette de la société LN BUSINESS ; que par ailleurs cette dernière ayant quitté le local commercial, il convient d’ordonner la compensation entre la dette de la société LN BUSINESS et le dépôt de garantie.

Elle sollicite à titre reconventionnel des dommages-intérêts du fait de la volonté de nuire à la société LN BUSINESS de la part de la bailleresse, et ce alors que des pourparlers étaient en cours, et qui a contraint la société LN BUSINESS à donner congé et à renoncer à la poursuite de son activité.

La décision a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS

Sur l’incompétence

L’article R.145-23 du Code de commerce dispose que « Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent. La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.»

L’article 48 du code de procédure civile prévoit par ailleurs que « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée. ».

En l’espèce, l’article 28-3 “Compétence juridictionnelle” du bail stipule que « Pour tous litiges relatifs aux présentes les Parties donnent compétence au tribunal judiciaire de Paris nonobstant les cas de pluralité de défendeurs ou d'appel en garantie. ».

La SCI ESQ est une société civile immobilière, qui n’a pas la qualité de commerçant.

Dès lors, la clause attributive de compétence dérogatoire ne peut s’appliquer, outre qu’en tout état de cause, il est constant qu'une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, comme c’est le cas en l’espèce.

Il convient en conséquence de rejeter l’exception d’incompétence.

Sur le paiement provisionnel de la dette locative

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, « Le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. ».
L'article 1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1104 ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

L’article 1728 du même code dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

En l’espèce, le principe d’une dette locative n’est pas sérieusement contestable. Toutefois, le montant exact n’est pas établi avec l’évidence requise en référé, notamment au regard des échanges de courriers entre les parties concernant un avoir antérieur de loyer.

Dès lors, seule la somme de 6312,36 euros (14 421,24 - 8108,88) n’est pas contestée.

Il y a donc lieu de condamner la société LN BUSINESS à payer à la SCI ESQ la somme provisionnelle de 6312,36 euros correspondant aux loyers et charges arrêtés au 3 avril 2024, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance.

Il n’y a pas lieu à compensation avec le dépôt de garantie, lequel est soumis à l’appréciation des conditions de sortie des lieux de la locataire. Cette demande sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, « Le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. ».

L’appréciation d’une éventuelle perte de chance commerciale relève de la compétence du juge du fond.

Il sera dit n’y voir lieu à référé sur cette demande.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner la défenderesse, partie succombante, à payer à la demanderesse la somme de 2500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse, qui succombe, supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente, statuant en référé, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

Rejetons l’exception d’incompétence,

Condamnons la société LN BUSINESS à payer à la SCI ESQ la somme provisionnelle de 6312,36 euros correspondant aux loyers et charges arrêtés au 3 avril 2024, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance,

Rejetons la demande de compensation,

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle,

Condamnons la société LN BUSINESS à payer à la SCI ESQ la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société LN BUSINESS au paiement des dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le DIX HUIT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le GreffierLa Première Vice-Présidente

Virginie DUMINYGaële FRANÇOIS-HARY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 23/01645
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;23.01645 ?
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