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04/06/2024 | FRANCE | N°22/06078

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 04 juin 2024, 22/06078


Minute n° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

Troisième Chambre

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le
04 JUIN 2024



N° RG 22/06078 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q6E6
Code NAC : 74D



DEMANDEURS au principal :
Défendeurs à l’incident :

1/ Madame [C] [X]
née [F] le 09 Janvier 1964 à [Localité 24] (92),
demeurant [Adresse 18],

2/ Monsieur [B] [U]
né le 09 Octobre 1969 à [Localité 22] (03),
demeurant [Adresse 13],

3/ Madame [L] [CF] [R]
née le 20 Décembre 1987 à [LocalitÃ

© 16] (56),
demeurant [Adresse 2],

4/ Madame [O] [G] [T] [R]
née le 18 Octobre 1982 à [Localité 16] (56),
demeurant [Adresse 15],

5/Monsieur [JP] [...

Minute n° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

Troisième Chambre

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le
04 JUIN 2024

N° RG 22/06078 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q6E6
Code NAC : 74D

DEMANDEURS au principal :
Défendeurs à l’incident :

1/ Madame [C] [X]
née [F] le 09 Janvier 1964 à [Localité 24] (92),
demeurant [Adresse 18],

2/ Monsieur [B] [U]
né le 09 Octobre 1969 à [Localité 22] (03),
demeurant [Adresse 13],

3/ Madame [L] [CF] [R]
née le 20 Décembre 1987 à [Localité 16] (56),
demeurant [Adresse 2],

4/ Madame [O] [G] [T] [R]
née le 18 Octobre 1982 à [Localité 16] (56),
demeurant [Adresse 15],

5/Monsieur [JP] [Y] [R]
né le 18 Octobre 1982 à [Localité 16] (56),
demeurant [Adresse 15],

représentés ensemble par la SAS COUTOT ROEHRIG, société par actions simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 12], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentés par Maître Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Alain DUPUY, avocat plaidant au barreau du MANS.

DÉFENDEURS au principal :

1/ Monsieur [K] [N] [Z]
Défendeur à l’incident :
né le 03 Novembre 1948 à [Localité 26] (BENIN),
demeurant [Adresse 10],

2/ Madame [D] [P]
Défenderesse à l’incident :
née le 09 Septembre 1953 à [Localité 19] (36),
demeurant [Adresse 10],

représentés par Maître Aude ALEXANDRE LE ROUX de l’AARPI TRIANON AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Fabrice POMMIER, avocat plaidant au barreau de PARIS.

3/ Monsieur [H] [JP] [ZP]
Demandeur à l’incident :
né le 26 Juillet 1975 à [Localité 27] (51),
demeurant [Adresse 11],

4/ Madame [S] [V] [ZP]
Demanderesse à l’incident :
née le 10 Mai 1983 à [Localité 17] (76),
demeurant Chez Monsieur [SE] sis [Adresse 1],
[Localité 14],

5/ Monsieur [AY] [J] [NI] [ZP]
Demandeur à l’incident :
né le 25 Octobre 1948 à [Localité 25] (ALGÉRIE),
demeurant [Adresse 11],

6/ Monsieur [TZ] [AY] [I] [ZP]
Demandeur à l’incident :
né le 02 Septembre 1996 à [Localité 28] (78),
demeurant [Adresse 11]
majeur protégé placé sous le régime de la tutelle par jugement de maintien sous tutelle rendu le 20 décembre 2019 par le juge des tutelles près le Tribunal d’instance de Poissy représenté par son tuteur, Monsieur [AY] [ZP], né le 25 octobre 1948 à [Localité 25] (ALGÉRIE), de nationalité française, retraité, domicilié sis [Adresse 11],

représentés par Maître Anna LAUV, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Bertrand JANSSENS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉBATS : A l'audience publique d’incident tenue le 22 Février 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par M. JOLY, Juge de la mise en état assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier. Puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 25 Avril 2024 prorogé au
17 Mai 2024, 30 Mai 2024 et 04 Juin 2024 pour surcharge magistrat.

* * * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [A], décédée le 28 septembre 2014, était propriétaire de deux
terrains situés [Adresse 21] à [Localité 29] (78), cadastrés section AR n° [Cadastre 4] et n°[Cadastre 5].

Les consorts [X]/[R], héritiers de Mme [A], ayant décidé de vendre ces biens, un compromis de vente était établi le 16 septembre 2021 au profit de M. [W] [M] lequel avait le projet de procéder à l'édification d'un immeuble.

M. [M] a conditionné la réalisation de la vente à l'octroi d'une servitude de
passage :

- Soit sur la parcelle cadastrée section AR n°[Cadastre 3] appartenant aux consorts [ZP],
- Soit sur les parcelles cadastrées AR n°[Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à Monsieur [K] [Z] et Madame [D] [P].

Par assignation en date du 10 novembre 2022, les consorts [X]/[R] ont fait assigner les consorts [ZP], M. [Z] et Mme [P] afin de faire constater l'état d'enclave dans lequel se trouvent les deux parcelles N°[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et demander l'organisation d'une expertise judiciaire.

Par conclusions d'incident notifiées le 20 février 2024, les consorts [ZP] demandent au juge de la mise en état de :

Juger les consorts [ZP] recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions d'incident,

Juger la société COUTOT ROEHRIG mal fondée en sa défense,

En conséquence :

1) Constater que les propriétaires des parcelles cadastrées AR n°[Cadastre 9] et AR n°[Cadastre 6] n'ont pas été assignés par le ou les demandeurs,

Juger que le ou les demandeurs se sont abstenus de mettre dans la cause l'intégralité des propriétaires concernés,

Déclarer leur action irrecevable de ce seul chef ainsi que l'intégralité des demandes,

2) Juger que le ou les demandeurs n'établissent pas la nature juridique du [Adresse 20],

Juger que dans l'hypothèse où le [Adresse 20] appartiendrait au domaine privé communal, la Commune de [Localité 29] constituerait un propriétaire concerné devant être assigné à peine d'irrecevabilité des demandes formulées sur le fondement des articles 682 et 683 du code civil,

En conséquence,

Déclarer leur action irrecevable de ce seul chef ainsi que l'intégralité des demandes,

A cette fin, en tant que de besoin, et avant dire droit,

Surseoir à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de la Commune de [Localité 29],

Saisir le Tribunal Administratif de Versailles, conformément à l'article 49 du code de procédure civile, de la question préjudicielle suivante : [Adresse 23] sis [Localité 29] – 78670 – Yvelines, appartient-il au domaine public ou au domaine privé de la Commune de [Localité 29],

En toute hypothèse,

Condamner la SAS COUTOT ROEHRIG, à titre principal, et subsidiairement,

Condamner in solidum Madame [C] [X], Monsieur [B] [X], Madame [L] [R], Madame [O] [R] et Monsieur [JP] [R] à payer à Monsieur [H] [ZP], Madame [S] [ZP], Monsieur [AY] [ZP] et Monsieur [TZ] [ZP], la somme de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SAS COUTOT ROEHRIG, à titre principal, et subsidiairement,

Condamner in solidum Madame [C] [X], Monsieur [B] [X], Madame [L] [R], Madame [O] [R] et Monsieur [JP] [R] aux entiers dépens de la procédure.

Par conclusions d'incident notifiées le 19 février 2024, les consorts [X] [R] demandent au juge de la mise en état de :

DECLARER la société COUTOT ROEHRIG recevable et bien fondée en ses demandes,

CONSTATER que la société COUTOT ROEHRIG a la qualité pour agir au nom des consorts [X]/ [R],

CONSTATER que les demandes de la société COUTOT ROEHRIG sont parfaitement justifiées,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [AY] [ZP], Monsieur [H] [ZP], Madame [S] [ZP], Monsieur [TZ] [ZP] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Monsieur [AY] [ZP], Monsieur [H] [ZP], Madame [S] [ZP], Monsieur [TZ] [ZP] à verser aux consorts [X]/[R], représentés par la société COUTOT ROEHRIG la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les consorts [Z]/[P] n’ont pas conclu sur l’incident.

Il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Observation liminaire

Les consorts [ZP] ayant expressément renoncé au moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de qualité à agir de la société COUTOT-ROEHRIG, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur la fin de non recevoir

L'article 789,6°, du code de procédure civile prévoit que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 31 du code de procédure civile précise que "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention."

L'article 32 du même code indique : "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir."

Aux termes de l'article 682 du Code Civil, "Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou une issue insuffisante, soit pour exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner".

L'article 683 du Code civil prévoit « Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.
Néanmoins il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. »

En tout état de cause, le Tribunal, chargé de déterminer l'assiette de la servitude, doit être placés dans une position lui permettant de procéder à une application globale des critères légaux.

Les consorts [ZP] reprochent aux demandeurs de ne pas avoir mis dans la cause l'intégralité des propriétaires concernées et notamment les propriétaires des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 6]. Ils demandent au Tribunal d'en tirer comme conséquence, au visa de deux arrêts de la cour de cassation, que leur action est irrecevable.

Les consorts [X] [R] font valoir qu'il n'y avait pas d'intérêt à mettre en cause le propriétaire de la parcelle [Cadastre 6] et rappellent qu'ils sollicitent une expertise judiciaire pour constater la configuration des lieux. Ils arguent que l'expert pourra alors proposer de mettre en cause de nouvelles parties s'il estime que c'est nécessaire. Ils ajoutent par ailleurs que les consorts [ZP] peuvent appeler à la cause les parties qu'ils souhaitent entendre.

Il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 6 février 2020 versé aux débats par les consorts [X] que la recevabilité de l'action en reconnaissance d'une servitude de passage est subordonnée à la mise en cause des propriétaires de tous les fonds concernés.

La Haute juridiction a également jugé, dans un arrêt du 6 juin 2019 (Civ.3ème 18-12.699) que lorsque les demandeurs au désenclavement n'ont assigné que le ou les propriétaires des fonds sur lesquels ils demandaient que l'assiette du passage soit fixée, ne modifie pas l'objet du litige et justifie légalement sa décision de déclarer irrecevables les demandes fondées sur l'état d'enclave la cour d'appel qui, n'étant pas tenue d'user de la faculté d'inviter les parties à mettre en cause les personnes dont la présence lui paraissait nécessaire à la solution du litige, retient qu'il n'était pas démontré que le passage demandé était le plus court, après avoir constaté que d'autres parcelles, dont les propriétaires n'avaient pas été mis en cause, permettaient d'accéder à la voie publique.

Ainsi, en principe, il est nécessaire de mettre en cause l'ensemble des propriétaires concernés par l'assiette du passage propre à remédier à l'état d'enclave, et ce, à peine d'irrecevabilité, sauf lorsque l'état d'enclave résulte de la division d'un fonds unique et que le passage sur les fonds issus de cette division apparaît suffisant ( Civ.3ème, 23 mars 2010, 09-10.281).

En l'espèce, il n'est pas établi que l'état d'enclave résulte de la division d'un fonds unique.

Il résulte des pièces versées aux débats que l'accès aux parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] se fait au sud par le chemin rural de la Côte et que le [Adresse 20] n'est pas carrossable.

Le désenclavement est donc envisagé par une servitude de passage donnant accès au [Adresse 21] situé au Nord et contigü aux parcelles des consorts [ZP].

S'agissant des critères légaux, si le moyen des consorts [X] consistant à dire qu'ils n'avaient pas intérêt à attraire dans la cause le propriétaire de la parcelle [Cadastre 6] peut être soutenu en ce sens que cette parcelle est plus distante du [Adresse 21] que celles des consorts [ZP], il est toutefois à relativiser dès lors que la détermination du meilleur passage (en principe le plus court mais surtout le moins dommageable au fonds servant), relève, selon une jurisprudence ancienne et constante de l'appréciation souveraine des juges du fond. En tout état de cause, le moyen ne peut être transposé au cas de la parcelle [Cadastre 9], attenante au [Adresse 21] et pour laquelle les consorts [X] n'expliquent pas les motifs de l'absence de mise en cause. Ainsi, les défendeurs à l'incident sont en contradiction avec le principe qu'ils reprennent eux mêmes dans leurs écritures suivant lequel les demandeurs doivent appeler à la cause tous les voisins du fonds enclavés interposés entre celui-ci et les voies les plus proches.

Au regard de ces éléments, la recevabilité de l'action ne saurait être conditionnée comme le soutiennent les consorts [X] aux conclusions de l'expertise éventuellement ordonnée, qui ne lient pas le Tribunal, ni à la faculté des défendeurs d'agir en intervention forcée si ils l'estiment nécessaire.

En conséquence, il sera fait droit à la fin de non recevoir. L'action étant déclarée irrecevable il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de sursis à statuer et de question préjudicielle préalable à une éventuelle mise en cause de la commune.

Sur les mesures accessoires

Les demandeurs qui succombent à l'incident en supporteront les dépens.

L'équité et les circonstances de l'espèce commandent de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de la mise en état, statuant en application des articles 789 et suivants du code de procédure civile, par ordonnance contradictoire susceptible de recours dans les conditions prévues par l'article 795 du code de procédure civile,

Déclare l'action de Mme [C] [X], M. [B] [PG] [U], Mme [L] [CF] [R], Mme [O] [G] [T] [R], M. [JP] [E] [R] représentés ensemble par la SAS COUTOT ROEHRIG irrecevable,

Condamne Mme [C] [X], M. [B] [PG] [U], Mme [L] [CF] [R], Mme [O] [G] [T] [R], M. [JP] [E] [R] représentés ensemble par la SAS COUTOT ROEHRIG aux dépens ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 JUIN 2024, par M. JOLY, Vice-Président, Juge de la mise en état, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute de la présente décision.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/06078
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;22.06078 ?
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