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30/05/2024 | FRANCE | N°23/03947

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 30 mai 2024, 23/03947


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
30 MAI 2024



N° RG 23/03947 - N° Portalis DB22-W-B7H-RO2B
Code NAC : 70K
A.G.


DEMANDERESSE :

Madame [U] [M] [T] épouse [O]-[K]
née le 14 Décembre 1936 à [Localité 5] (92),
demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Ghislaine DAVID-MONTIEL, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître B. Amédée NGANGA, avocat plaidant au barreau de PARIS.



DÉFENDEURS :

1/ Monsieur [L] [Y] [M] [P]
né le 31 Décembr

e 1964 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 2],
[Localité 3],

2/ Madame [X] [N] épouse [P]
née le 19 Mars 1968 à [Localité 7] (78),
demeurant [Adresse...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
30 MAI 2024

N° RG 23/03947 - N° Portalis DB22-W-B7H-RO2B
Code NAC : 70K
A.G.

DEMANDERESSE :

Madame [U] [M] [T] épouse [O]-[K]
née le 14 Décembre 1936 à [Localité 5] (92),
demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Ghislaine DAVID-MONTIEL, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître B. Amédée NGANGA, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDEURS :

1/ Monsieur [L] [Y] [M] [P]
né le 31 Décembre 1964 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 2],
[Localité 3],

2/ Madame [X] [N] épouse [P]
née le 19 Mars 1968 à [Localité 7] (78),
demeurant [Adresse 2],
[Localité 3],

représentés par Maître Armelle DE CARNE DE CARNAVALET, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

ACTE INITIAL du 29 Juin 2023 reçu au greffe le 12 Juillet 2023.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 05 Mars 2024, après le rapport de Madame GARDE, Juge désigné par le Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
M. JOLY, Vice-Président
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

L’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 4] (78) a été placé sous le régime de la copropriété suivant acte reçu le 12 juin 1959 par Maître [V], notaire à [Localité 3], publié au service de la publicité foncière de [Localité 9].

Monsieur [L] [P] et Madame [X] [N], son épouse, ont acquis le 5 février 1999 les lots n° 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 20, 21 et 22 de la copropriété.

Madame [R] [T], épouse [O] [K], a quant à elle hérité de la propriété des lots n° 1, 2, 3, 4, 5, 6, 13, 14, 16, 17, 18 et 19.

Lors d’une assemblée générale des copropriétaires qui s’est tenue le 27 mars 2019, les copropriétaires ont voté, à l’unanimité, les résolutions n° 1, 2, 3 et 4 portant respectivement sur :
- la division du lot n° 13 en deux lots n° 23 et 24,
- la vente des lots n° 27 et 28 (parties communes) par le syndicat des copropriétaires aux époux [P] moyennant une somme de 2.200 €,
- la vente du lot n° 29 (partie commune) par le syndicat des copropriétaires à Madame [T] moyennant une somme de 40 €,
- la dissolution de la copropriété et son partage en deux propriétés,
- le mandat donné à Monsieur [P], syndic, ou à tous clercs de l’office notarial, aux fins de régulariser les actes notariés nécessaires.

Le même jour, les parties sont convenues, par acte sous seing privé, des modalités de division du lot n° 13, sur lequel était implanté un garage appartenant à Madame [T].

Aux termes d’un acte dressé en la forme authentique le 23 avril 2019 par Maître [W], Notaire à [Localité 4] (78), les parties ont signé un acte de
scission / partage de copropriété portant mention d’un échange de lots avec, en substance :
- la division du lot n° 13 appartenant à Madame [T] en deux nouveaux lots n° 23 et 24,
- la division du lot n° 20 appartenant aux époux [P] en deux nouveaux lots
n° 25 et 26,
- l’échange entre les lots n° 23 (appartenant initialement à Madame [T]) et 26 (appartenant initialement aux époux [P]),
- la création des lots n° 27, 28 et 29 correspondant à la cession de parties communes,
- l’acquisition par les époux [P] des lots n° 27 et 28,
- l’acquisition par Madame [T] du lot n° 29.

Il a ensuite été procédé à la dissolution de la copropriété, à la division du terrain en deux propriétés selon document d’arpentage dressé par Monsieur [S], géomètre-expert à [Localité 6], et au partage.

Considérant que les époux [P] n’avaient pas respecté les termes de l’accord conclu le 27 mars 2019, Madame [T] les a, par exploit introductif d’instance délivré le 11 août 2020, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’obtenir :

- la démolition ou déplacement des boîtiers de gaz et d’électricité installés sur le fond servant sans son accord,
- leur condamnation à lui payer la somme de 5.000 € pour la démolition prématurée du garage sans en avoir construit un au préalable,
- leur condamnation à enlever les boîtiers de courant et de gaz posés sur son fonds sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision nonobstant appel,
- leur condamnation aux dépens de l’instance et à lui payer 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés.

L’affaire a été enregistrée sous le RG n° 20/04480.

Le 30 mai 2022, M. et Mme [P] ont notifié des conclusions d’incident aux fins de voir déclarer les demandes de Mme [T] irrecevables, celle-ci se prévalant désormais de la nullité de l’acte pour dol et abus de faiblesse. Dans une ordonnance rendue le 16 février 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée du principe de l’estoppel soulevée par les époux [P].

En l’absence de toutes diligences des parties entre le 16 février 2023 et le
27 juin 2023, l’affaire a été radiée puis rétablie le 12 juillet 2023, à l’initiative de Madame [T], sous le RG n° 23/03947.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 3 octobre 2023, Madame [U] [T], épouse [O] [K], demande au tribunal de :

Vu les dispositions des articles 1104, 1108 et 1130 du code civil issues de l’ordonnance de 2016,

- Dire et juger que l’accord préétabli par les époux [P] pour le faire signer à Mme [T] est nul pour dol en raison des manœuvres portant sur les AG qui n’ont jamais existé et abus de faiblesse et vulnérabilité de cette dernière,

- Dire et juger que cet accord trouve sa conclusion dans les opérations portant convocation de l’assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 1] à laquelle Mme [T] n’a jamais été présente et pour lesquelles des convocations n’ont jamais été adressées à cette dernière,

- Annuler en conséquence l’acte de partage et dissolution de la copropriété pour n’avoir jamais eu lieu et juger que Mme [T] et les époux [P] sont restés chacun propriétaire de leur lot comme acquis à l’origine,

- Juger que le prononcé de cette annulation entraînera rétroactivement la remise des copropriétaires en l’état antérieur à l’accord,

- Condamner les époux [P] à remettre en l’état l’ensemble de la copropriété à leur frais et notamment le garage de Mme [T] portant le lot n° 13 (sic) à l’origine et désigner un expert pour contrôler cette remise en l’état,

- Condamner les époux [P] à la somme de 60.000 euros représentant la destruction de son garage avant même l’exécution de l’accord et l’édification dans le lot de Mme [T] du garage dans les conditions contraires à son ancien garage,

- Condamner les époux [P] à la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour dol, soustraction faite des sommes versées pour l’achat sans objet du garage,

- Prononcer la rétroactivité de la nullité à intervenir et la remise en l’état de toute la copropriété comme elle était avant la vente par les époux [P] de leur propriété,

- Condamner les époux [P] à la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [T] soutient que la copropriété était initialement composée de
22 lots et que les manoeuvres frauduleuses des époux [P] avaient pour seul objectif de la spolier d’une partie de ses lots pour opérer une plus-value sur la vente de leur propriété.

Elle prétend qu’aucune contrepartie sérieuse à l’abandon du lot privatif n°13 n’a été prévue et que, dans ces conditions, l’accord allégué doit être annulé comme étant dépourvu d’objet. Elle estime que le terrain échangé par les époux [P] devait être de même dimension que celui cédé et qu’en construisant l’essentiel du garage sur le terrain dont elle disposait déjà et non sur un nouveau terrain qu’ils lui auraient cédé, les époux [P] l’ont trompée. Elle relève, en effet, que le lot n° 13 représentait 40 millièmes de tantièmes alors que le lot n° 26 ne représente qu’un millième de tantièmes.

Elle fait aussi grief aux époux [P] d’avoir imité sa signature. Elle conteste avoir signé un quelconque mandat pour la demande de certificat d’urbanisme du
23 juin 2017 et relève qu’à cette date, elle était hospitalisée pour une fracture de son bras droit. Elle indique, par ailleurs, que les coordonnées des époux [P] apparaissent sur la demande préalable de travaux effectuée en son nom. Elle explique que ces actes, accomplis sans consentement éclairé de sa part, justifient le prononcé de la nullité de tous les actes subséquents, dont l’acte sous seing privé du 29 mars 2017 et l’acte authentique du 23 avril 2019. Elle réplique que l’acte notarié, qui vise les stipulations de l’accord préalable sans pour autant s’y substituer, est irrégulier et que son caractère probant n’est pas démontré.

Elle souligne ne pas avoir été convoquée ni avoir participé à l’assemblée générale du 29 mars 2017. Elle observe que sa signature ne figure pas sur le procès-verbal et que les mentions “[U][T]” pour [U] [T] sont contradictoires avec la signature apposée au verso du procès-verbal, “[O]”, signature similaire à celle figurant sur l’acte notarié. Elle considère, sur le fondement de l’article 1130 du code civil, que ces actes ont été régularisés en violation de ses droits, par tromperie et abus de faiblesse.

Elle fait enfin valoir que, compte tenu de la nullité des opérations subséquentes à l’assemblée générale et à l’accord du 29 mars 2017, la copropriété doit être remise dans son état initial.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 2 octobre 2023, Monsieur [L] [P] et Madame [X] [N], son épouse, demandent au tribunal de :

Vu les articles 1369 et 1371 du code civil,
Vu l’acte notarié du 23 avril 2019, établi par Me [W], notaire à [Localité 4] et intitulé « Acte de scission / partage de propriété à la requête des copartageants, les époux [P] et Madame [T] »

- Débouter Madame [T] de sa demande d’annulation d’acte authentique de partage contrat commutatif à titre onéreux,

Vu l’article 1103 du code civil,
Vu l’accord entre Madame [T] et Monsieur et Madame [P] du
27 mars 2019,
Vu le procès-verbal d’assemblée générale des copropriétaires du 27 mars 2019,
Vu l’exécution des époux [P] par paiement de la soulte de 35.092 € conforme à la surface et au prix, l’indemnisation de la valeur de reconstruction du garage à hauteur de 26.450,12 € et la prise en charge des frais de passage,

- Dire que les époux [P] ont respecté les engagements auxquels ils avaient souscrits envers Madame [T] et déclarer les demandes d’annulation pour dol de Madame [T] mal fondées en l’absence de manœuvre ou de mensonge au regard du versement de la soulte et de l’indemnité de construction du garage affectée par Madame [T] à la construction de celui-ci sur une partie de son nouveau terrain,
- En conséquence, débouter Madame [T] de l’ensemble de ses demandes d’annulation et de condamnation,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Madame [T] à verser aux époux [P] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
- Dire que l’exécution provisoire est de droit.

Les époux [P] soutiennent, sur le fondement des articles 1369 et 1371 du code civil, que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. Ils soulignent que les opérations de scission, partage et dissolution de la copropriété du bien immobilier ont été réalisées par acte notarié, le 23 avril 2019. Ils indiquent que cet acte a constaté l’échange des terrains, les acquisitions des parties communes, le règlement d’une soulte supplémentaire de 35.092 € (en contrepartie du défaut d’équivalence des surfaces échangées) ainsi que la constitution d’une servitude de passage et de réseaux grevant le fonds de Madame [T] au profit du leur. Ils répliquent que Madame [T], présente lors du rendez-vous à l’office notarial, ne peut contester la signature apposée sur la tablette numérique ce jour-là, ce d’autant que l’acte régularisé s’inscrit dans le prolongement de pourparlers engagés dès l’année 2017.

Ils expliquent que, dans les petites copropriétés, les décisions peuvent être prises sans adresser de convocation préalable. Ils relèvent que le procès-verbal de l’assemblée générale du 29 mars 2017 comporte un paraphe [U][T] comme “[U] [T]” ou “[U] [O]” puis une signature “[O]” en dernière page. Ils répliquent que les signatures du procès-verbal doivent être distinguées de celles résultant de son annexion à l’acte authentique. Ils rappellent, enfin, que l’annexion du procès-verbal à l’acte authentique du 23 avril 2019 vaut notification de celui-ci et que le délai de contestation prévu par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 est échu.

Ils observent que l’accord signé le 29 mars 2017 prévoyait la démolition du garage situé sur le lot n° 13 appartenant initialement à Madame [T] puis sa reconstruction, à leurs frais, sur le lot acquis. La démolition étant intervenue postérieurement à la signature de l’acte notarié, ils indiquent que Madame [T] n’en était plus propriétaire et ne peut, aujourd’hui, s’en plaindre. Ils ajoutent avoir procédé à toutes les diligences nécessaires pour édifier le nouveau garage, édification à laquelle Madame [T] s’est finalement opposée. Prenant acte de son refus, ils indiquent avoir respecté leurs engagements en s’acquittant auprès d’elle d’une somme de 26.450,12 € le 18 mars 2020, somme qui a servi à la réalisation, par elle-même, d’un nouveau garage sur sa parcelle.

Ils considèrent que la preuve du dol allégué n’est pas rapportée et rétorquent, sur ce point, que la demande préalable n’a pas été déposée au mois de juin mais au mois d’avril 2019, alors que Madame [T] était en pleine capacité de ses moyens.

Ils soulignent, enfin, avoir fait donation de leur propriété à leurs enfants.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2023.

MOTIFS

Sur la validité de l’acte notarié de partage et de dissolution du 23 avril 2019

Sur l’existence d’un objet licite et certain

L’article 1128 du code civil dispose que sont nécessaires à la validité d'un contrat :

1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain.

Si Madame [R] [T] évoque, au fil de ses conclusions, une absence de contrepartie à la cession de son lot n° 23, elle admet avoir reçu, des époux [P], le lot n° 26. Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats qu’elle a perçu une soulte complémentaire.

Le caractère certain du contenu contractuel est ainsi établi, étant observé que sa licéité n’est pas contestée.

Sur l’existence de vices du consentement

En vertu de l’article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Selon l’article 1131 du même code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Aux termes de l’article 1132 du même code, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. L’article 1133 du même code précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

En application de l’article 1137 du même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

En l’espèce, il résulte de l’acte sous seing privé régularisé le 27 mars 2019 que Madame [R] [T] s’est engagée à céder aux époux [P] le terrain sur lequel était construit son garage (le lot n° 23 issu de la division du lot n° 13 lui appartenant), en contrepartie d’une autre partie du terrain (le lot n° 26 issu de la division du lot n° 20 appartenant aux époux [P]) et du paiement d’une soulte. Les parties sont également convenues que les dépenses afférentes à la destruction et à la reconstruction du garage seraient à la charge des époux [P], dans la limite d’une somme de 26.450,12 €, montant du devis retenu.

Au soutien de ses prétentions, Madame [R] [T] prétend que l’échange opéré n’aurait pas eu de contrepartie, celle-ci n’ayant pas bénéficié d’un terrain de superficie équivalente. Cependant, outre que le principe d’un échange de terrains de superficies équivalentes n’est pas démontré, le déséquilibre engendré a été compensé, d’une part, par l’octroi d’une soulte (déterminée après valorisation des parcelles) dont le paiement a été constaté par notaire lors de la régularisation de l’acte authentique le 23 avril 2019 et, d’autre part, l’engagement des époux [P] à financer l’édification d’un nouveau garage. Or, les époux [P] démontrent avoir entrepris des démarches pour édifier un nouveau garage au nom et pour le compte de Madame [R] [T] et, confrontés à son refus, avoir émis à son profit un chèque d’un montant de 26.450,12 € le 16 mars 2020. Madame [R] [T] ne peut donc pas se prévaloir d’une erreur quant aux prestations offertes par les époux [P] en contrepartie de la cession du lot n° 23, celles-ci ayant été clairement définies dès le départ puis suivies d’effet. Le moyen présenté sera, par conséquent, rejeté.

Madame [R] [T] relève par ailleurs que la signature apposée sur cet acte sous seing privé est distincte de celles apposées sur les autres pièces versées aux débats, dont l’acte notarié. Toutefois, elle correspond à son nom de jeune fille. De plus, cet acte s’inscrit en cohérence avec les actes suivants, réitérés devant notaire en sa présence, ainsi que le confirme l’officier public dans son courriel du 30 janvier 2020 :

“(...) Pour votre parfaite information, je vous prie de trouver ci-joint :
- Copie de l’acte d’échange avec plan en annexe figurant les lots échangés entre les parties avant PARTAGE de la copropriété,
- Copie de l’acte de partage avec annexes.

Vous constaterez que la construction du garage n’a pas été évoquée dans l’acte de partage, celle-ci semblant relever uniquement de l’acte sous seing privé que vous m’avez communiqué (...)”.

S’agissant des modalités de convocation de l’assemblée générale du
27 mars 2019, celles-ci sont indifférentes à l’issue du présent litige, seule
la nullité de l’acte authentique étant poursuivie. Bien plus, le notaire ne s’est
pas seulement référé à l’acte sous seing privé et à l’assemblée générale
du 27 mars 2019 pour en déduire les échanges de lots, mais a lui-même dressé, le 23 avril 2019, un acte d’échange au cours duquel les parties ont réitéré, devant lui, leurs positions. Une ébauche de cet acte est d’ailleurs versée aux débats par Madame [R] [T].

En ce qui concerne, enfin, l’état de santé de Madame [R] [T], les pièces versées aux débats portent sur :
- des soins de suite après une fracture de l’épaule droite et une septicémie (hospitalisation du 18 au 24 mai 2017 puis soins du 24 mai au 30 juin 2017),
- une demande d’analyse et de suivi hématologique pour une discrète IgA Kappa en date du 31 mars 2021.

Il n’en ressort pas d’altération ou d’abolition du discernement. D’ailleurs, Madame [R] [T] n’est pas sous mesure de protection juridique. En tout état de cause, le seul âge n’est pas un critère suffisant pour établir un état de faiblesse ou de vulnérabilité et aucune manoeuvre ou réticence dolosive n’est démontrée.

Madame [R] [T] succombe ainsi dans la charge de la preuve qui lui incombe d’un dol ou d’une erreur susceptible d’avoir vicié son consentement lors de la signature de l’acte authentique du 23 avril 2019.

Sur la force probante de l’acte authentique

L’article 1371 du code civil dispose que l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté.
En cas d'inscription de faux, le juge peut suspendre l'exécution de l'acte.

En l’espèce, il est établi par les pièces versées aux débats que le notaire a personnellement accompli et constaté :
- l’acte d’échange des lots n° 23 et 26,
- l’acte de cession des lots n° 27, 28 et 29,
- l’acte de dissolution de la copropriété, division de la propriété en deux terrains et partage.

Dès lors, en l’absence de vice du consentement susceptible d’entraîner la nullité de ces actes et plus particulièrement de l’acte de dissolution de la copropriété et de partage, ces échanges, cessions ainsi que les décisions de dissolution, division et partage, personnellement accomplis et constatés par le notaire, font foi.

Aussi l’intégralité des demandes de Madame [T] seront-elles rejetées.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Madame [R] [T], qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Madame [R] [T], partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Monsieur [L] [P] et Madame [X] [N], son épouse, la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de leurs droits.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

REJETTE l’intégralité des demandes de Madame [R] [T] épouse [O] [K],

CONDAMNE Madame [R] [T] épouse [O] [K] à payer à Monsieur [L] [P] et Madame [X] [N], son épouse, la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de leurs droits,

CONDAMNE Madame [R] [T] épouse [O] [K] aux entiers dépens de l’instance,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 MAI 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 23/03947
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;23.03947 ?
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