Minute n° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le
27 MAI 2024
N° RG 22/06530 - N° Portalis DB22-W-B7G-Q6LO
Code NAC : 28A
JUGE DE LA MISE EN ETAT :Madame MARNAT, Juge
GREFFIER :Madame BEAUVALLET,
DEMANDEUR au principal et défendeur à l’incident :
Monsieur [T] [X]
né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 12] (78)
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Laurence HERMAN, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Claude RAMOGNINO, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, avocat plaidant
DEFENDERESSE au principal et demanderesse à l’incident :
Madame [L] [B] [N] divorcée [M], veuve de Monsieur [D] [X]
née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 10] (CONGO)
demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Cyrille DUTHEIL DE LA ROCHERE, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Tangi NOEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
DEBATS : A l'audience publique d’incident tenue le 04 Mars 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame MARNAT, Juge de la mise en état assistée de Madame BEAUVALLET, greffier puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 30 avril 2024 puis prorogée au 16 mai 2024 et au 27 Mai 2024.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [D] [X] a épousé en premières noces Madame [C] [R].
De cette union est issu un enfant, Monsieur [T] [X], né le [Date naissance 5] 1978.
Monsieur [D] [X] et Madame [C] [R] ont divorcé le 3 juillet 1997.
Monsieur [D] [X] a épousé en secondes noces Madame [L] [B] [N] le 20 septembre 2019 à [Localité 11] (Manche) sous le régime de la séparation de biens aux termes d’un contrat de mariage reçu par Maître [S] [F], notaire.
Aucun enfant n’est issu de cette union.
Monsieur [D] [X] est décédé le [Date décès 3] 2020 à [Localité 11], laissant pour lui succéder son épouse, Madame [L] [B] [N], et son fils Monsieur [T] [X].
L’acte de notoriété a été dressé le 16 novembre 2020 par Maître [Y] [I], notaire à [Localité 13] (Essonne).
Faisant valoir un blocage du règlement de la succession de son père, Monsieur [T] [X] a, par acte de commissaire de justice en date du 7 décembre 2022, assigné Madame [L] [B] [N] veuve [X] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de solliciter le partage judiciaire de la succession de Monsieur [D] [X], ainsi que l’autorisation de procéder seul à la vente du bien immobilier situé à [Localité 11] (50) ou, à défaut, à sa licitation.
Par conclusions d’incident signifiées par RPVA le 15 septembre 2023, Madame [L] [B] [N] veuve [X]a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de voir :
« Vu les articles 102 et 720 du Code Civil
Vu l’article 45 du Code de procédure civile
- (In limine litis), DÉCLARER le tribunal incompétent au profit du Tribunal judiciaire d’AVRANCHES
- CONDAMNER Monsieur [T] [X] à verser à Madame [L] [M] la somme de
1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER Monsieur [T] [X] aux entiers dépens sur le fondement de l'article
699 du même code ».
Madame [L] [B] [N] veuve [X] soutient que le tribunal judiciaire de Versailles est incompétent pour connaître du litige, faisant valoir que Monsieur [D] [X] avait fixé sa dernière résidence à [Localité 11] (Manche) en sa maison d’Arveron, lieu où il avait fixé l’ensemble de ses intérêts personnels, où il avait célébré son remariage et qu’il est décédé dans ce nouveau domicile, de sorte que l’affaire doit être renvoyée devant le tribunal judiciaire d’Avranches (Manche).
Par conclusions en défense sur incident signifiées par RPVA le 16 octobre 2023, Monsieur [T] [X]demande au juge de la mise en état de :
« Vu l’article 45 du Code de procédure civile, les articles 102 et 720 du Code civil,
Débouter Mme [L] [M] veuve [X] de sa demande d’incompétence territoriale du
Tribunal Judiciaire de Versailles,
Juger le Tribunal Judiciaire de Versailles territorialement compétent pour statuer sur la succession de Mr [D] [X] décédé le [Date décès 3] 2020,
Juger que le principal établissement et le domicile du défunt, Mr [D] [X], était situé dans son appartement de [Localité 12] sis [Adresse 4],
Débouter Mme [L] [M] veuve [X] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Condamner Mme [L] [B] [N] divorcée [M] veuve [X] à payer à Mr [T] [X], la somme de 1.500 € par application de l'Article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Mme [L] [B] [N] divorcée [M] veuve [X] aux entiers dépens de l’incident ».
Monsieur [T] [X] soutient que le tribunal judiciaire de Versailles est territorialement compétent au motif que la succession a été ouverte devant Maître [Y] [I], notaire à [Localité 13] (Essonne), que la défenderesse a signé les documents relatifs à la succession de Monsieur [D] [X] mentionnant son décès à [Localité 11] et son domicile à Versailles.
Il fait également valoir que le principal établissement de Monsieur [D] [X] était situé à [Localité 12] et que la maison d’Ardevon (Manche) n’a été que sa résidence secondaire, qu’il a passé les deux dernières années de sa vie dans cette dernière résidence mais qu’il avait ses domiciliations administratives essentielles, ainsi que son centre d’intérêt patrimonial à [Localité 12], ajoutant que la maison située à [Localité 8] ne constituait pas le domicile conjugal.
Par message RPVA en date du 15 décembre 2023, Maître DUTHEIL DE LA ROCHERE, avocat constitué pour Madame [L] [B] [N], a indiqué avoir dégagé sa responsabilité à l’égard de sa cliente et ne plus intervenir dans le dossier.
Par messages RPVA en date du 1ermars 2024, Maître HERMAN, avocat constitué pour Monsieur [T] [X], a demandé de prononcer la radiation de l’incident, la clôture et de la mise en état et la fixation à l’audience de plaidoirie, considérant que son adversaire était défaillant.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L’incident a été plaidé le 4 mars 2024 et mis en délibéré au 30 avril 2024, prorogé au 16 mai 2024 pour communication des dossiers de plaidoiries puis au 27 mai 2024, le dossier de plaidoiries du demandeur ayant été déposé le 15 mai 2024 au greffe de la première Chambre civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’incident
Il résulte des dispositions de l’article 419 alinéa 2 du code de procédure civile que lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline.
A cet égard, il est par ailleurs constant que lorsque la représentation est obligatoire, l’avocat ne peut se décharger de son mandat tant qu’il n’est pas remplacé par un nouveau représentant effectivement constitué en ses lieu et place.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 791 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions au sens de l’article 768 sous réserve des dispositions de l’article 1117.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Maître DUTHEIL DE LA ROCHERE s’est constitué pour Madame [L] [B] [N] veuve [X] et qu’aucun nouveau représentant ne s’est depuis constitué en ses lieu et place, de sorte qu’en application des dispositions précitées, il ne saurait être considéré qu’il ait été déchargé de son mandat bien qu’il ait indiqué avoir dégagé sa responsabilité à l’égard de sa cliente et ne plus intervenir dans le dossier.
Ainsi, Maître DUTHEIL DE LA ROCHERE, représentant Madame [L] [B] [N] veuve [X] ayant, par conclusions d’incident signifiées le 15 septembre 2023, saisi le juge de la mise en état d’une demande de voir constater l’incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Versailles pour connaître du présent litige au profit du tribunal judiciaire d’Avranches, l’incident est recevable.
Sur l’exception d’incompétence territoriale
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
L’article 789 du code de procédure civile prévoit que : “ Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2°Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées;
5°Ordonner, même d'office, toute mesure d’instruction ;
6°Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. ”
Il résulte de l’article 73 du code de procédure civile que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Aux termes de l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
Or, en application des articles 45 du code de procédure civile et 720 du code civil, la juridiction territorialement compétente pour connaître des demandes entre héritiers, des demandes formées par les créanciers du défunt, et des demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort est, jusqu'au partage inclusivement, la juridiction du lieu de dernier domicile du défunt c'est-à-dire, selon l'article 102 du code civil, le lieu de son principal établissement avant son décès.
Le dernier domicile du défunt est le domicile, lieu où le de cujus avait fixé le centre de son activité et de ses intérêts, c'est l'endroit où l'on a le plus de chances de trouver et de réunir ses biens (logement, meubles) ainsi que les papiers, titres et documents concernant ses affaires (mairie, notaire, banque, administration fiscale...).
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, en particulier de l’acte de notoriété établi par Maître [I], que Monsieur [D] [X] était domicilié à [Localité 12] (Yvelines) et est décédé le [Date décès 3] 2020 à [Localité 11] (Manche).
Il ressort par ailleurs du projet d’acte contenant l’attestation immobilière après décès de Maître [I] que Monsieur [D] [X] a acquis un bien immobilier sis [Adresse 2] (Manche) le 24 juin 2014, avant son union avec Madame [L] [B] [N]. Le projet de clôture d’inventaire de Maître [I] (pièce n°3) mentionne également au titre de l’actif successoral deux autres biens immobiliers situés [Adresse 4] (Manche), ce qui est repris dans le projet de déclaration de succession.
Bien que les parties s’accordent pour reconnaître que Monsieur [D] [X] avait passé du temps dans la maison située à [Localité 11] dans le département de la Manche, en tous cas les deux dernières années de sa vie, qu’il y avait une attache affective en raison de la capacité de la maison à accueillir les invités, ces éléments, qui ne sont au demeurant étayés par aucune pièce de la défenderesse, sont insuffisants à établir qu’il y avait fixé le centre de son activité et de ses intérêts.
A l’inverse, Monsieur [T] [X] produit des correspondances, des avis déchéances de cotisation d’assurance habitation, automobile, moto, toutes adressées à Monsieur [D] [X] à son domicile de [Localité 12] en 2020, un constat amiable d’accident automobile du 29 avril 2020 signé par Monsieur [D] [X] sur lequel il a indiqué comme adresse celle de son domicile à [Localité 12], des factures dont celle du centre hospitalier d’[Localité 9] du 15 mai 2020 pour des actes réalisés le 29 avril 2020 et des avis d’imposition pour les taxes foncières et d’habitation 2019 et 2020 envoyés à la même adresse, et une procuration signée par le de cujus le 12 mars 2020 sur laquelle il a indiqué : « Je soussigné Monsieur [D] [X], demeurant au [Adresse 4] ».
Ces pièces démontrent que Monsieur [D] [X] avait, au cours de l’année 2020, son centre d’intérêt notamment patrimonial à [Localité 12], et aucun élément ne permet de considérer qu’il aurait fixé son domicile dans le département de la Manche avant son décès.
En conséquence, il résulte des éléments exposés que Monsieur [D] [X] résidait habituellement dans le département des Yvelines, à [Localité 12], avant de décéder le 11 mai 2020. Le dernier domicile du défunt se situe donc dans le ressort du tribunal judiciaire de Versailles.
L’exception d’incompétence soulevée par Madame [L] [B] [N] veuve [X] doit, en conséquence, être rejetée.
Sur les autres demandes
Sur les frais irrépétibles
Il convient, en l'espèce, de réserver les frais irrépétibles dus sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur les dépens
Il convient, en l'espèce, de réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Rejette l’exception d’incompétence territoriale soulevée par Madame [L] [B] [N] veuve [X],
Réserve les frais irrépétibles dus sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Réserve les dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 MAI 2024, par Madame MARNAT, Juge, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier Le Juge de la mise en état