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24/05/2024 | FRANCE | N°22/03790

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Première chambre, 24 mai 2024, 22/03790


JMinute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
24 MAI 2024

N° RG 22/03790 - N° Portalis DB22-W-B7G-QX2I
Code NAC : 63B

DEMANDERESSE :

Madame [E] [O] [J] épouse [C]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7] (COTE D’IVOIRE)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Elizabeth MAGNET, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et par Me Gervais TETI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDEUR :

Maître [S] [Z]
domicilié [Adresse 3]
[Localit

é 5]
représenté par Me Alain CLAVIER, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et par Me Jean-Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avoc...

JMinute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
24 MAI 2024

N° RG 22/03790 - N° Portalis DB22-W-B7G-QX2I
Code NAC : 63B

DEMANDERESSE :

Madame [E] [O] [J] épouse [C]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7] (COTE D’IVOIRE)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Elizabeth MAGNET, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et par Me Gervais TETI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDEUR :

Maître [S] [Z]
domicilié [Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Alain CLAVIER, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et par Me Jean-Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

PARTIE INTERVENANTE :

LA CAISSE DE REGLEMENTS PECUNIAIRES DES AVOCATS (CARPA DE L’ESSONNE) sise [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, et par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l’Essonne, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 08 Juillet 2022 reçu au greffe le 08 Juillet 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 25 Mars 2024, Madame DURIGON, Vice-Présidente, et Madame MARNAT, Juge, juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistées de Madame BEAUVALLET, Greffier, ont indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 24 Mai 2024.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame DAUCE, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier remis à personne le 20 décembre 2021, Madame [E] [O] [J] a assigné Maître [S] [Z] et la CARPA du barreau de l’Essonne devant le tribunal judiciaire d’Évry afin d’engager sa responsabilité civile professionnelle et d’obtenir l’indemnisation de son préjudice financier.
Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 2 juin 2022, le tribunal judiciaire d’Évry s’est déclaré incompétent pour connaître de cette affaire, qui a été renvoyée devant le tribunal judiciaire de Versailles en application de l’article 47 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 avril 2023, Madame [E] [O] [J] demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
«Vu l’article 21.3.1.2 du règlement intérieur
Vu l’article 1240 du code civil
recevoir Madame [J] [O] en son action
L’y dire bien fondée,
En conséquence,
CONDAMNER Me [S] [Z] au payement de la somme de 120 000 euros au titre de dommages et intérêts.
Mme [J] [O] se désiste de toute instance et de toute action à l’encontre de la CARPA du barreau d’Evry.
Mme [J] [O] renonce expressément à toute action en justice contre la CARPA du barreau d’Evry.
PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à venir.
CONDAMNER Me [S] [Z] à 3 500 euros au titre de l’article 700 du CPC
LE CONDAMNER aux entiers dépens.»

Madame [E] [O] [J] expose dans ses dernières conclusions qu’elle était propriétaire d’une maison d’habitation sise à [Adresse 8]. Elle indique que le cabinet dans lequel elle exerçait comme infirmière libérale a été placé en liquidation judiciaire en mars 2018 et qu’informée de cette procédure, la banque populaire du Val de France lui a demandé de régler sa dette immobilière.
Elle déclare avoir pris attache dans ce contexte avec Maître [S] [Z] en avril 2020, lui exposant faire l’objet d’une procédure de saisie immobilière. Informée de la vente forcée à venir de sa maison par jugement d’orientation en date du 17 juin 2020, Madame [E] [O] [J] expose avoir alors fait savoir à Maître [Z] qu’elle avait obtenu un prêt auprès de la BNP afin de racheter le bien. Madame [E] [O] [J] expose que malgré ses démarches, par jugement d’adjudication du tribunal d’Évry du 23 septembre 2020, sa maison a été vendue aux enchères au prix de 58 000 euros.
Madame [E] [O] [J], sur le fondement de l’article 21.3.1.2 du Règlement intérieur de la profession d’avocat et de l’article 1240 du code civil, soutient que Maître [Z] a manqué à son obligation d’assurer sa défense ainsi qu’à son obligation de conseil. La demanderesse estime qu’il s’infère du règlement intérieur de la profession d’avocat que l’avocat doit, d’une part, prendre des initiatives pour trouver une issue favorable au dossier de son client, d’autre part, régulièrement informer son client de l’évolution de l’affaire. S’agissant de la violation alléguée de l’obligation de défense et de conseil, madame [E] [O] [J] fait tout d’abord état de l’absence de conseils prodigués par Maître [Z] quant à une possible obtention d’un crédit afin de permettre le rachat de sa maison. Elle considère que Maître [Z] s’est contenté de lui demander de lui fournir des éléments plutôt que de la conseiller, ce qu’elle attendait de son avocat, soulignant sa qualité de profane. La demanderesse affirme également que son conseil ne l’a pas représentée à l’audience du 23 septembre 2020 de saisies immobilières ayant prononcé l’adjudication de sa maison, alors qu’il en avait connaissance et qu’elle avait réglé les honoraires. Enfin, la demanderesse soutient que Maître [Z] n’a accompli aucune diligence pour rendre la renonciation à la vente de la partie adverse effective. Elle conteste le fait que le document qu’elle a reçu de la banque populaire du Val de France en date du 25 août 2020 ne constituait pas une offre de financement, cette analyse du défendeur constituant selon elle une méconnaissance de son dossier.
Au visa de l’article 1240 du code civil, madame [E] [O] [J] demande à être indemnisée du préjudice financier résultant de la vente de sa maison par adjudication. Elle qualifie ce préjudice d’actuel et certain et estime qu’il découle directement de l’inaction de son avocat, ce dernier ayant été absent à l’audience de saisies immobilières du 23 septembre 2020.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 avril 2023, Maître [S] [Z] demande au tribunal de :
«DÉCLARER mal fondée Madame [J] en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
L’EN DÉBOUTER ;
CONDAMNER Madame [J] à payer à Maître [Z] une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNER aux dépens dont distraction au profit des avocats constitués au titre de l’article 699 du code de procédure civile.»
Maître [S] [Z] conteste avoir commis une quelconque faute. Il conteste tout d’abord n’avoir entrepris aucune démarche pour rendre effective la renonciation à la vente à laquelle le créancier poursuivant aurait consenti. Il affirme que la demanderesse ne lui a communiqué aucune pièce lui permettant d’accomplir lesdites diligences et que cette dernière a tardé à l’informer de l’audience d’adjudication prévue le 23 septembre 2020 en ne lui envoyant un mail que le 14 septembre 2020. Il soutient qu’il a pourtant immédiatement pris attache avec l’avocat de la partie adverse et informé par deux fois madame [E] [O] [J] du montant des sommes à régler afin que la banque renonce à la vente immobilière. Il affirme n’avoir alors reçu aucune réponse de la demanderesse.
Maître [Z] ajoute par ailleurs que cette dernière ne rapporte pas la preuve de la disponibilité des fonds en août 2020 alors qu’il ne pouvait intervenir en sa faveur sans ces éléments, estimant que la pièce produite est une fiche de renseignement pour l’obtention d’un prêt et ne constitue pas un contrat ou une offre de prêt. Il en est de même selon lui des pièces fournies par la demanderesse en décembre 2022, qui n’attestent pas de l’obtention du prêt mais sont des éléments d’information et de simulation. Il ajoute encore qu’il était peu vraisemblable que madame [E] [O] [J] obtienne un financement bancaire au regard de sa situation financière et professionnelle en août 2020, la société au sein de laquelle elle exerçait comme infirmière libérale ayant été placée en redressement judiciaire le 24 août 2020 puis en liquidation judiciaire le 19 octobre 2020, liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actifs le 7 janvier 2022. Le défendeur fait valoir que Madame [E] [O] [J] fait preuve de mauvaise foi dans son argumentation juridique en lui reprochant dans un second temps de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires pour obtenir la renonciation du créancier à la vente de sa maison, et ce afin qu’elle obtienne un prêt auprès de son établissement bancaire. Maître [Z] souligne que cette démonstration est juridiquement erronée, la renonciation à la vente par le créancier poursuivant étant conditionnée à l’obtention de fonds et non pas l’inverse. Il ajoute qu’il n’aurait pas pu entreprendre de plus amples démarches auprès de l’organisme prêteur étant donné que Madame [E] [O] [J] ne lui avait pas envoyé ces documents en temps utiles et que même si elle les lui avait envoyés le 14 septembre 2020, il n’aurait pas eu le temps d’agir en sa faveur avant le 23 septembre, date de l’audience d’adjudication.

Maître [Z] conteste par ailleurs avoir commis une faute en ne relevant pas appel du jugement d’adjudication du 23 septembre 2020. Il fait valoir que madame [E] [O] [J] ne démontre pas quelles étaient ses chances d’obtenir l’infirmation du jugement du 23 septembre 2020 en appel. Il ajoute que courant octobre 2020, il a écrit à sa cliente pour l’informer de son refus de former appel du jugement en raison de l’absence de fondement juridique permettant de remettre en cause la vente. Il estime ainsi que les chances de madame [E] [O] [J] d’obtenir gain de cause en appel étaient inexistantes.

Pour s’opposer à la demande de dommages et intérêts de madame [E] [O] [J], Maître [Z] fait tout d’abord valoir que n’ayant commis aucune faute, il ne saurait être condamné à réparer le préjudice allégué par la demanderesse. Il ajoute que cette dernière ne fournit aucune justification de la somme de 120 000 euros qu’elle lui réclame à titre de dommages et intérêts, bien que cette somme corresponde vraisemblablement selon lui au montant de sa dette auprès de la banque populaire de Val de France. Maître [Z] soutient par ailleurs que la demanderesse ne rapporte pas la preuve du fait qu’elle ne possède plus de logement et est actuellement hébergée par des connaissances. Il fait enfin valoir que le préjudice allégué par madame [E] [O] [J] doit s’analyser en une perte de chance d’obtenir satisfaction en appel, dont il estime la probabilité nulle.

Dans ses conclusions notifiées le 7 décembre 2022, la Caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) du barreau de l’Essonne sollicite du tribunal de :
-A titre principal,
CONSTATER son acceptation du désistement d’instance et d’action de Madame [O] [J] à son égard ;-En tout état de cause,
CONDAMNER la partie succombante aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil, la SELARL MINAULT TERIITEHAU ;CONSTATER sa renonciation à toute demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’égard de madame [O] [J].
La CARPA de l’Essonne fait valoir qu’elle n’est pas l’assureur des membres de son barreau et qu’elle ne peut donc pas être appelée en garantie au titre d’éventuelles condamnations pécuniaires qui seraient prononcées à l’encontre de ses membres. Elle soutient qu’elle souscrit certes collectivement une assurance pour le barreau de l’Essonne auprès d’un organisme d’assurance, conformément aux dispositions de l’article 27 de la loi du 31 décembre 1971 relatives à l’obligation d’assurance de responsabilité civile des avocats, mais qu’elle n’est en l’espèce qu’un support technique relatif au maniement des fonds des avocats à destination de leurs clients. La CARPA affirme qu’en l’espèce, Maître [S] [Z] n’a pas ouvert de sous-compte CARPA par lequel auraient transité des fonds venant de madame [J] ou à destination de cette dernière. Elle ajoute que la demanderesse ne lui impute aucun manquement et qu’elle ne fonde pas juridiquement sa demande.

Le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2023.
L’affaire, appelée à l’audience du 25 mars 2024, a été mise en délibéré au 24 mai 2024.

MOTIFS

Sur le désistement d’instance et d’action de madame [O] [J] à l’égard de la CARPA de l’Essonne
En application des articles 394 et 395 du code de procédure civile, le désistement d’instance peut être sollicité par le demandeur en vue de mettre fin à l’instance et devient parfait par l’acceptation du défendeur. L’article 397 du même code précise que la demande et l’acceptation par le défendeur peuvent être exprès ou implicites. Conformément à l’article 398 du code de procédure civile, le désistement d’instance n’emporte désistement d’action qu’en cas de déclaration expresse de la partie concernée.
En l’espèce, madame [E] [O] [J] demande au tribunal de prononcer son désistement d’instance et d’action à l’égard de la CARPA de l’Essonne, qui y a acquiescé dans ses conclusions signifiées le 7 décembre 2022.
En conséquence, il y a lieu de constater le désistement d’instance et d’action de madame [E] [O] [J] à l’égard de la CARPA de l’Essonne.

Sur le principe de responsabilité civile professionnelle de Maître [S] [Z]
En application des dispositions des articles 1231 et suivants du code civil, la responsabilité de l'avocat doit être examinée au regard de l’obligation qui pèse sur celui-ci, tenu d’accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Il est rappelé à cet égard qu’en sa qualité d’avocat, en tant que tel investi d’un devoir de compétence et supposé connaître les règles de procédure, il est tenu à une obligation de résultat pour ce qui concerne le respect des règles de procédure.

L’avocat est soumis, dans le cadre de son activité judiciaire, à une obligation de moyen. Il a une obligation de compétence pour conseiller utilement son client.

Madame [E] [O] [J] reproche d’une part à Maître [Z] des manquements à son obligation de conseils, d’autre part son défaut de représentation à l’audience d’adjudication, ce que ce dernier conteste.

Concernant le manquement à son obligation de conseil, madame [E] [O] [J] reproche à Maître [Z] de ne pas l’avoir informée des moyens pouvant lui permettre d’éviter la vente de sa maison, ni d’avoir ensuite accompli les diligences nécessaires pour obtenir renonciation du créancier poursuivant à la vente. Il ressort pourtant des échanges de mails entre madame [E] [O] [J] et son conseil que ce dernier lui a demandé à plusieurs reprises de lui fournir des éléments attestant de la disponibilité de fonds pour permettre à la banque poursuivante de renoncer à la vente forcée. En effet, dans son premier mail du 15 septembre 2020 en réponse au mail de madame [J] du 14 septembre 2020, Maître [Z] lui demandait expressément de lui fournir le jugement ordonnant la vente. Il l’informait par ailleurs prendre attache avec l’avocat de la banque poursuivante, témoignant des démarches accomplies pour rechercher une solution avec la partie adverse. Enfin, Maître [Z], conformément à l’obligation de conseils à laquelle il est tenu, informait sa cliente du montant probable des frais avancés par l’établissement bancaire dans le cadre de cette procédure et qui pourraient lui être réclamés (pièce n°2 du demandeur). Le même jour, Maître [Z] rendait compte à madame [J] de son entretien avec l’avocat de l’établissement bancaire et relançait cette dernière le 17 septembre en lui demandant si elle serait en capacité de régler la somme de 177 231, 30 euros, ainsi que les délais dans lesquels elle pourrait s’acquitter des frais (pièce n°3 du demandeur). Madame [J] ne répondra que le 18 septembre concernant le règlement des honoraires (pièce n°5 du demandeur). Il ressort donc de l’ensemble de ces éléments que Maître [Z] a fait preuve de diligence dans le traitement du dossier de sa cliente.

De plus, madame [J] reproche à Maître [Z] une mauvaise connaissance de son dossier en ce que celui-ci a considéré que les documents bancaires fournis par sa cliente ne s’analysaient pas en une offre de financement mais en de simples informations et simulations de prêt. Il ressort pourtant de l’analyse des pièces fournies par madame [J] que cette dernière n’avait pas obtenu de prêt en août 2020. En effet, sa pièce n°9 n’est qu’une fiche standardisée d’information concernant une assurance emprunteur des prêts immobiliers, n’étant ni datée, ni signée et ne constituant en aucun cas un contrat de prêt. De même, sa pièce n°10 en date du 25 août 2020 mentionne expressément que « ce document, à caractère informatif, est une simple simulation et n’a aucune valeur contractuelle ». Enfin, sa pièce n°11 est un accord d’assurance du 27 août 2020 soumis à l’obtention d’un crédit, qu’elle n’avait donc pas encore obtenu à cette date. Au regard de ces éléments, la méconnaissance alléguée du dossier n’est pas démontrée et aucune faute ne saurait être reprochée à Maître [Z] sur ce fondement.

Au surplus, comme en témoigne l’extrait Kbis du 29 septembre 2022, la société dans laquelle madame [J] travaillait a fait l’objet d’un jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs du 12 janvier 2022 et faisait l’objet d’un redressement judiciaire dès le 24 août 2020, date à laquelle madame [J] se prévalait justement de l’obtention d’un prêt destiné au rachat de sa maison. Cette situation financière justifie que Maître [Z] n’ait pas pu entreprendre de démarches aux fins de renonciation à la vente avec le créancier, faute de preuve des capacités financières de sa cliente à l’époque.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Maître [Z] n’a commis aucune faute s’agissant de son obligation de conseils, faisant preuve de diligence et de célérité dans le traitement du dossier de madame [J], cette dernière ne lui fournissant pas les documents demandés.

Madame [J] reproche par ailleurs à Maître [Z] de ne pas l’avoir représentée à l’audience ayant prononcé l’adjudication de sa maison le 23 septembre 2020, ce que ce dernier conteste.

L’article R.311-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que les parties sont tenues de constituer avocat.

En l’espèce, madame [J] a réglé les honoraires demandés par Maître [Z] antérieurement à l’audience d’adjudication, à savoir le 18 septembre 2020, ce qui n’est pas contesté par ce dernier. Il ressort du jugement du 23 septembre 2020 que madame [O] [E] [J] n’était ni comparante ni représentée. La représentation étant obligatoire en matière de procédures civiles d’exécution, Maître [Z] aurait dû représenter sa cliente à cette audience.

En conséquence, Maître [Z] n’a pas assuré efficacement la défense de sa cliente en ne la représentant pas à l’audience d’adjudication, fait constitutif d’une faute.

Sur les demandes de madame [J] au titre des préjudices

Le préjudice résultant d’un manquement par un avocat à ses obligations s’évalue en termes de perte de chance. Il est à cet égard de principe que la perte de chance répare de manière générale la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. S’agissant plus précisément de la chance de réussite d’une action en justice, le caractère réel et sérieux s’apprécie au regard de la probabilité de succès de cette action.
Il appartient à celui qui demande la réparation d'une perte de chance de rapporter la preuve de ce que la chance de survenance de cet événement n'était pas seulement raisonnable mais incontestable et inconditionnelle, de sorte que la survenance de l'événement futur n'était affectée d'aucun aléa.
En l’espèce, madame [J] ne fournit aucun élément permettant d’affirmer que l’issue judiciaire aurait été différente dans un sens qui lui aurait été favorable en la présence de son avocat. La perte de chance d’obtenir gain de cause dans l’hypothèse de la présence de son avocat à l’audience n’est donc pas établie. En effet, si Maître [Z] avait représenté madame [J] à l’audience d’adjudication, cette dernière n’aurait eu aucune chance de racheter sa maison eu égard aux règles applicables en la matière mais aussi à sa situation professionnelle et financière au moment de l’audience du 23 septembre 2020.

En conséquence, Madame [O] [J] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts à l’égard de Maître [Z].

Sur les autres demandes
En application de l’article 696 du code procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Madame [E] [O] [J], partie qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il y a lieu de rejeter les demandes de madame [E] [O] [J] formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Maître [S] [Z] ayant commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle en manquant à son obligation de représentation de sa cliente, il y a lieu de rejeter ses demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile et eu égard au sens de la décision, il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE le désistement d’instance et d’action de madame [E] [O] [J] à l’égard de la CARPA du barreau de l’Essonne accepté par cette dernière,
REJETTE les demandes de madame [E] [O] [J] formées à l’encontre de Maître [S] [Z] ;
CONDAMNE madame [E] [O] [J] aux dépens de l’instance avec droit au recouvrement direct au profit de Maître Alain CLAVIER et la SELARL MINAULT TERIITEHAU ;
DÉBOUTE madame [E] [O] [J] de ses demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Maître [S] [Z] de ses demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ÉCARTE l’exécution provisoire du présent jugement.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 MAI 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/03790
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;22.03790 ?
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