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23/05/2024 | FRANCE | N°22/03215

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 23 mai 2024, 22/03215


Minute n°





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
23 MAI 2024


N° RG 22/03215 - N° Portalis DB22-W-B7G-QUUL
Code NAC : 72D



DEMANDEUR :

Monsieur [B] [L]
né le 19 Avril 1977 à [Localité 7] (75),
demeurant [Adresse 1],

représenté par Maître Liora BENDRIHEM HELARY de l’AARPI TRIANON AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Aude ALEXANDRE LE ROUX de l’AARPI TRIANON AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.




DÉFENDEURS :

1/ Le SYN

DICAT COOPÉRATIF DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RESIDENCE [4] représenté par son Président syndic, Monsieur [E] [Z], domicilié [Adresse 2],

représenté par Ma...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
23 MAI 2024

N° RG 22/03215 - N° Portalis DB22-W-B7G-QUUL
Code NAC : 72D

DEMANDEUR :

Monsieur [B] [L]
né le 19 Avril 1977 à [Localité 7] (75),
demeurant [Adresse 1],

représenté par Maître Liora BENDRIHEM HELARY de l’AARPI TRIANON AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Aude ALEXANDRE LE ROUX de l’AARPI TRIANON AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDEURS :

1/ Le SYNDICAT COOPÉRATIF DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RESIDENCE [4] représenté par son Président syndic, Monsieur [E] [Z], domicilié [Adresse 2],

représenté par Maître Agathe MONCHAUX-FIORAMONTI de la SELEURL MONCHAUX-FIORAMONTI, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

2/ Monsieur [E] [Z], Président syndic en exercice, pris en
sa qualité de syndic bénévole de la copropriété [8], domicilié [Adresse 2],

représenté par Maître Ludivine CHOUCOUTOU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Benjamin JAMI de la SELARL BJA, avocat plaidant au barreau de PARIS.

* * * * * *

ACTE INITIAL du 31 Mai 2022 reçu au greffe le 02 Juin 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 14 Mars 2024, M. JOLY, Vice-Président, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 23 Mai 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] est propriétaire depuis décembre 2017 d’un studio situé au rez de chaussée de la résidence [Adresse 5] à [Localité 6].

Le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] est en charge de la copropriété. Monsieur [E] [Z] intervient comme président du conseil syndical.

Monsieur [O] [S] est également propriétaire d’une chambre de service dans le même bâtiment à proximité de celle de Monsieur [B] [L], laquelle était donnée à bail à Monsieur [Y] [N].

Par trois courriers distincts du 25 novembre 2020, le syndicat coopératif des copropriétaires a demandé à Monsieur [N] de cesser toute nuisance pour les copropriétaires voisins, et informé Monsieur [S] afin qu’il prenne attache avec son locataire, ainsi que Monsieur [L].

Le syndicat coopératif des copropriétaires a mis en demeure Monsieur [S] par courrier recommandé du 1er février 2021, signifié le 5 mars 2021 de faire cesser les nuisances causées par son locataire.

Un procès-verbal de constat d’huissier a été établi par ALLIANCE JURIS le
22 septembre 2021.

Un second procès-verbal de constat d’huissier a été établi par l’étude ALLIANCE JURIS le 18 février 2022.

Par courrier en date du 28 février 2022, Monsieur [L] a mis en demeure le syndicat coopératif des copropriétaires de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles engendrés par Monsieur [N].

Par exploit d’huissier en date du 31 mai 2022, Monsieur [B] [L] a fait assigner le syndicat [Adresse 3] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’engagement de sa responsabilité, de paiement de dommages et intérêts et remise en état des parties communes sous astreinte. L’affaire a été enrôlée sous le RG N°22/06347.

Par exploit d’huissier en date du 2 décembre 2022, Monsieur [B] [L] a fait assigner en intervention forcée Monsieur [E] [Z], en sa qualité de syndic bénévole devant le tribunal judiciaire de Versailles aux mêmes fins. L’affaire a été enrôlée sous le RG N°22/03215.

Les deux affaires ont été jointes.

Par jugement en date du 7 décembre 2022, le juge des contentieux et de la protecion du tribunal de Saint Germain en Laye a prononcé la résiliation du bail entre Monsieur [N] et Monsieur [S], l’expulsion de Monsieur [N], et condamné in solidum Monsieur [N], l’UDAF et Monsieur [S] à payer à Monsieur [L] la somme de 3.000 € de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans son ordonnance du 16 février 2023, le juge de la mise en état a rejeté la demande d’incident formée par le SCCRE sur le fondement d’exceptions de nullité et de fins de non recevoir issus de l’assignation.

La clôture est intervenue le 20 décembre 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 14 décembre 2023, Monsieur [B] [L] demande au tribunal de :

- CONDAMNER solidairement Monsieur [E] [Z], président syndic en exercice es qualite de syndic bénévole de la copropriété [8] et le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] - [8] - à allouer à Monsieur [B] [L] la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subit sur le fondement de l’article 1240 du Code civil,

- CONDAMNER Monsieur [E] [Z], président syndic en exercice es qualite de syndic bénévole de la copropriété [8] et le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] - [8] - chacun à allouer à Monsieur [B] [L] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

- PRONONCER la dispense de Monsieur [B] [L] d’avoir à participer au financement des réparations, dommages et intérêts et appels de charges afférents à la présente procédure,

- CONDAMNER solidairement Monsieur [E] [Z], président syndic en exercice es qualite de syndic bénévole de la copropriété [8] et le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] - [8] - à rembourser à Monsieur [L] les charges appelées depuis 2018 pour l’entretien des parties communes générales et spéciales de la résidence soit la somme de 271,46 €,

- CONDAMNER solidairement Monsieur [E] [Z], président syndic en exercice es qualite de syndic bénévole de la copropriété [8] et le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] - [8] - au paiement des entiers dépens,

- DIRE n'y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Sur la responsabilité du syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4], Monsieur [L] soutient que le syndicat des copropriétaires a commis une faute en manquant à son devoir de conservation de l’immeuble, notamment des parties communes en se fondant sur les articles 9, 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi que les articles 4, 5 et 14 du règlement de copropriété définissant les parties communes. Il considère que le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] a connaissance depuis 2018 des nuisances subies par le demandeur et causées par Monsieur [N] affectant les parties communes spéciales. Il explique que les dégradations touchent les parties communes spéciales comme les couloirs desservant les chambres de service mais aussi générales notamment les espaces verts et cages d’escaliers justifiant l’application de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965. Il justifie son action fondée sur l’intérêt collectif des copropriétaires notamment au regard des appels de charges relatives aux parties communes alors qu’il n’y a pas eu d’entretien.

Il explique également que le syndicat a commis une faute en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble. Se fondant sur l’article 55 de la loi du 10 juillet 1965, il expose que si le syndicat n’avait pas la possibilité d’agir en justice en l’absence de décision d’assemblée générale, il avait la possibilité d’enjoindre aux copropriétaires concernés de remettre en état les parties communes. Il considère que le syndicat des copropriétaires engage sa responsabilité pour ne pas avoir porté à l’ordre du jour sa demande de résiliation du bail de Monsieur [N] et son expulsion en 2020 et 2021 et de l’avoir inscrite pour l’assemblée générale de 2022. Il précise avoir sollicité depuis 2018 la mise en oeuvre d’une action oblique du syndicat à l’encontre de Monsieur [N], ne nécessitant pas l’accord de l’assemblée générale dans le cadre de la mise en oeuvre de mesures conservatoires et pour les contentieux du juge des référés. Il reproche également au syndicat de ne pas avoir remis en état les endroits dégradés et ainsi fait cesser le trouble causé. Il avance que le syndicat est responsable de l’état actuel de dégradation avancé malgré son signalement de la situation dès 2018, en raison de son inertie.

Sur la responsabilité du syndic, pris en la personne de Monsieur [Z], le demandeur expose à la fois un manquement au devoir de gestion et au devoir de conseil. S’agissant de la gestion, il se fonde sur les articles 17-1, 18 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi que les articles 27 bis et 31 du règlement de copropriété sur les missions du syndic relatives à la gestion de la copropriété et au respect du règlement. Il considère que le syndic a commis une faute pour ne pas avoir inscrit à l’ordre du jour sa demande d’expulsion et de résiliation du bail de Monsieur [N] en 2020 et 2021 alors même qu’il était informé des dégradations et difficultés rencontrées par le demandeur qui l’a contacté à de nombreuses reprises. Il se fonde sur une pétition signée par plusieurs copropriétaires pour justifier l’intérêt collectif de ces demandes, auxquelles le syndic est resté sourd selon lui. Il lui reproche de ne pas avoir répondu à ses sollicitations, inscrit ses résolutions à l’ordre du jour et/ou convoqué une assemblée générale extraordinaire.

S’agissant du manquement au devoir de conseil, Monsieur [L] fait valoir que le syndic a l’obligation d’entretenir les parties communes spéciales en cas de défaillance des copropriétaires sur le fondement de l’article 23 du règlement de copropriété mais a manqué à son obligation en considérant que les copropriétaires des chambres de service sont uniquement responsables de cet entretien.

Monsieur [L] sollicite l’exonération des charges afférentes à l’entretien des parties communes en raison de l’absence d’entretien pendant plusieurs années malgré une remise en état gracieuse récente effectuée par le syndicat.

Sur les préjudices, Monsieur [L] indique subir des nuisances olfactives en raison de la dégradation des parties communes.

Sur le préjudice matériel, il précise subir une dévalorisation de son bien de 30.000 euros en raison des dégradations des parties communes.

Sur le préjudice de jouissance en raison de l’absence d’accès aux parties communes. Il souligne que Monsieur [N] serait encore présent en l’absence d’action de sa part.

Sur le préjudice moral, Monsieur [L] explique avoir été victime d’insultes, de violences verbales, de dénigrements par Monsieur [N], et des voisins, ainsi que leurs préposés depuis 2018. Il précise avoir été malmené par les membres du conseil syndical lui ayant fait espérer une amélioration, minoré sa situation ou mal orienté.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 28 août 2023, le syndicat [Adresse 3] demande au tribunal de :

- DEBOUTER Monsieur [B] [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER Monsieur [B] [L] à payer au Syndicat coopératif des copropriétaires de la Résidence [4] la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [B] [L] aux entiers dépens.

Le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] explique avoir remis gracieusement en état les parties communes spéciales incombant à Monsieur [L] sans reconnaissance de responsabilité. Il considère que la demande de remboursement des charges afférentes à l’entretien n’est pas juridiquement fondée car elles concernent les parties communes spéciales, non comprises dans ces charges car incombant aux copropriétaires et alors qu’elles sont dues selon l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965.

S’agissant de sa responsabilité, le syndicat coopératif considère que l’article
14 de la loi du 10 juillet 1965 n’a pas vocation à s’appliquer car les troubles n’ont pas pour origine les parties communes mais le comportement de Monsieur [N] et l’inaction des copropriétaires des chambres concernées, ne procédant pas à l’entretien des parties communes spéciales selon les articles 5 et 23 du règlement de copropriété. Il avance que l’ensemble des pièces adverses démontrent l’absence de nuisance issue des parties communes. Il considère que le syndic ne peut être tenu responsable du fait d’un tiers.

Il ajoute avoir accompli l’ensemble des diligences nécessaires pour remédier aux difficultés à travers plusieurs mises en demeure de Monsieur [S], Monsieur [N] et sa curatrice. Le syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] se défend d’avoir commis une faute car il n’est pas en mesure d’intenter une action judiciaire sans accord de l’assemblée générale et a pour mission la préservation de l’intérêt collectif et non seulement celui de quelques copropriétaires. Il mentionne que Monsieur [L] n’a sollicité l’inscription d’une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale qu’en 2022, à laquelle il ne s’est pas présentée, et ne démontre pas en avoir sollicité avant.

Il fait valoir que les préjudices évoqués par Monsieur [L] ne sont pas démontrés, ni directs et ni certains.. De plus, il soutient que les préjudices n’ont aucun lien de causalité avec les actions ou inactions du syndicat coopératif, car il appartenait à Monsieur [L] d’entretenir les parties communes spéciales et d’intenter une action contre Messieurs [N] et [S], ce qu’il a fini par faire. Il explique qu’en vertu de la décision obtenue par le demandeur à l’encontre de Monsieur [L], ce dernier cherche à obtenir une double indemnisation.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 4 septembre 2023, Monsieur [E] [Z], syndic en exercice en sa qualité de syndic bénévole du syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] demande au tribunal de :

- DECLARER Monsieur [E] [Z] recevable en ses demandes, fins et conclusions ;

A titre liminaire :

- DECLARER irrecevable la demande de remboursement des charges de copropriété telle que dirigée contre Monsieur [E] [Z] ;

En tout état de cause,

- DEBOUTER Monsieur [B] [L] de l’intégralité de ses demandes ;

- CONDAMNER Monsieur [B] [L] aux dépens de la procédure en application de l'article 696 du code procédure civile, lesquels pourront être recouvrés directement par maître Benjamin JAMI, conformément aux dispositions de l’article 699 du même code, ainsi qu’au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 dudit code,

- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le syndic fait valoir sur le fondement de l’article 9 du code civil, une absence de faute sur les demandes d’inscription de résolutions à l’ordre du jour et sur le devoir de conseil.

Le syndic considère ne pas avoir commis de faute sur l’inscription de résolutions à l’ordre du jour. Il soutient au visa de l’article 10 du décret du 17 mars 1967, que Monsieur [L] a adressé tardivement sa demande, après l’envoi des convocations devant respecter le délai légal de 21 jours, pour l’assemblée générale de 2020, et ne démontre pas avoir sollicité une inscription à l’ordre du jour pour l’assemblée générale de 2021. Le syndic fait valoir une absence de faute car il était dans l’impossibilité d’engager une action au nom du seul intérêt personnel de Monsieur [L] subissant des nuisances en l’absence de démonstration d’un intérêt collectif à agir. Il considère avoir accompli les diligences nécessaires. Il soutient que le demandeur n’apporte pas la preuve de son inertie, et a contrario reconnait son impossibilité d’agir en ayant lui-même agit à l’encontre de Monsieur [N].

Sur le devoir de conseil, le syndic expose que le demandeur produit de nombreuses pièces démontrant l’ensemble des diligences accomplies.

S’agissant des demandes d’indemnisation, le syndic estime que l’ensemble des préjudices subis ont pour seule origine le comportement de Monsieur [N] et la défaillance de son bailleur. Il précise que le demandeur se contente de solliciter un montant global sans justification, sans démontrer un préjudice réel, certain et un lien de causalité pouvant engager la responsabilité personnelle de Monsieur [Z]. Sur le préjudice matériel, le syndic soutient que les parties communes ayant été remises en état, la perte de valeur immobilière alléguée par le demandeur est devenue sans objet, d’autant que l’estimation produite n’est pas détaillée. Sur le préjudice moral, il considère également que Monsieur [L] ne le démontre pas. Enfin, en l’absence de production de la décision issue de la procédure à l’encontre de Monsieur [N], le syndic estime que Monsieur [L] se prévaut d’une double réparation.

Se fondant sur les articles 32 et 122 du code de procédure civile, s’agissant du rejet de la demande de remboursement des charges afférentes à l’entretien, le syndic considère ne pas devoir rembourser une somme qu’il n’a pas perçu. Il fait valoir, au visa de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 que les copropriétaires sont tenus de payer les charges relatives à la copropriété conformément au budget prévisionnel voté, qui ne peuvent faire l’objet d’une exception d’inexécution. Il soutient que la demande de Monsieur [L] est indéterminée, en ce qu’elle porte à la fois sur les parties communes générales et spéciales, à l’encontre du président du conseil syndical qui ne perçoit pas ces fonds et n’a pas qualité à défendre.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts

Sur la responsabilité du syndicat coopératif des copropriétaires

L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires pour les dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes.

L’article 4 du règlement de copropriété est libellé de la manière suivante :

L’article 5 du même règlement définit les parties communes spéciales :

L’entretien des parties communes spéciales est prévu à l’article 23 du règlement de copropriété comme suit : “L’entretien et le maintien en bon état des couloirs, salles de douches et water-closets communs à un groupe de chambres de service incombent aux attributaires des lots qu’ils desservent. En cas de défaillance, cet entretien sera effectué par toute personne désignée par le syndic, et au frais des attributaires”.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier en date du
22 septembre 2021, que “dans le dégagement qui dessert notamment les portes d”accès aux studios, je constate la présence d’une forte odeur nauséabonde prégnante de tabac froid. Le sol est dans un état de saleté anormal. La peinture des murs et des portes est usagée et très sale. Les toilettes donnant sur le dégagement sont dans un état de saleté repoussant et ainsi rendues inaccessibles. La salle de douche donnant sur le dégagement est également dans un état de saleté repoussant et encombrée et est ainsi rendue inacessible” Au sein du studio de Monsieur [L], il est constaté “les odeurs nauséabondes du dégagement s’infiltrent dans le studio”. Il est constaté des bris de verre à l’extérieur des volets près de la fenêtre de Monsieur [N].

Il ressort également du procès-verbal de constat d’huissier en date du 18 février 2022 “En pénétrant dans le dégagement qui dessert notamment les portes d’accès aux studios, je constate la présence d’une forte odeur âcre et putride avec un reliquat d’odeur d’encens. Il s’agit d’une odeur persistante qui imprègne les lieux. Le sol est dans un état de saleté repoussant. Les toilettes et la salle de douche (...) Sont dans un état de saleté repoussant”.

Les couloirs desservant la salle de bain, les toilettes ainsi que les chambres de service font partie des parties communes spéciales, dont l’entretien incombe aux copropriétaires concernés, notamment Monsieur [L] et Monsieur [S], bailleur de Monsieur [N].

Il ressort des échanges de mails entre Monsieur [L] et le syndicat des copropriétaires, les attestations ainsi que la pétition signée par plusieurs copropriétaires que les nuisances causées par Monsieur [N] sont notamment du tapage nocturne, des nuisances olfactives en raison de la consommation de cannabis et de tabac ainsi qu’une dégradation des espaces de toilette.

Ces nuisances sont causées au sein de l’appartement de Monsieur [N], partie privative ou au sein des parties communes spéciales dont l’entretien incombe aux copropriétaires concernés.

Le trouble n’ayant pas pour origine les parties communes, mais le comportement de Monsieur [N], en l’absence de démonstration du trouble survenu dans les parties communes générales, il n’y a pas lieu d’appliquer la responsabilité de plein droit de l’article 14 pour défaut d’entretien.

L’article 23 du règlement de copropriété prévoit que la carence des copropriétaires doit être comblée par la désignation de toute personne devant effectuer cet entretien. Cependant, il n’est pas contesté que le SCCRE a procédé à la remise en état gracieuse des parties concernés en raison des désordres causés par Monsieur [N] comme le démontre le courriel échangé entre le SCCRE et Monsieur [L] le 12 mai 2023.

Sur la responsabilité du syndic

Selon l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 “le syndic est chargé : d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale ; d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci”.

En l’absence de lien contractuel entre les copropriétaires et le syndic, la responsabilité du syndic peut être recherchée sur le fondement de l’article 1240 du code civil qui dispose que “Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”.

En cas de faute commise par le syndic consistant en un non-respect de l’application du règlement de copropriété, la responsabilité du syndicat des copropriétaires peut être engagée.

L’article 14 du règlement de copropriété prévoit que les infractions aux articles 8 à 13 dudit règlement, constatées par un gardien assermentée, seront sanctionnées. Parmi ces stipulations, l’article 13 concerne l’ensemble des règles visant l’usage des parties privées, notamment “tout propriétaire devra prendre les dispositions nécessaires pour éviter de créer toute gêne aux autres copropriétaires ; tous bruits de tapage nocturne (...) Quand bien même ils auraient lieu à l’intérieur d’un appartement ou d’une pièce”.

En l’espèce, il ressort de l’ensemble des pièces versées par Monsieur [L], notamment les attestations d’autres voisins, les courriels échangés ou encore la pétition signée par plusieurs copropriétaires, des désagréments causés par Monsieur [N] dans l’usage des parties privatives en hurlant la nuit, mettant la musique, fumant du cannabis ainsi que du tabac et en dégradant les espaces de toilette dont les nuisances olfactives ont causé un trouble pour les voisins. L’ensemble de ces comportements ont été signalés au syndicat des copropriétaires comme en témoigne les nombreux échanges de mail de Monsieur [L] depuis 2019.

La première mise en demeure délivrée par le syndicat des copropriétaires à Monsieur [S] et Monsieur [N] par courriers du 25 novembre 2020, ainsi que la seconde signifiée à Monsieur [S] le 5 mars 2021 témoignent des diligences effectuées auprès du copropriétaire responsable dans le but de faire cesser les troubles. Un courrier recommandé a également été envoyé à Madame [K], curatrice de Monsieur [N], en date du 31 mars 2021, dans le but de faire cesser les désagréments causés par ce locataire.

Ces éléments témoignent de plusieurs démarches à l’encontre à la fois du propriétaire de Monsieur [N] et de sa curatrice dans le but de faire cesser les violations au règlement de copropriété commises par ce dernier.

S’agissant de la possibilité pour le syndicat d’agir en justice à l’encontre d’un copropriétaire ou d’un locataire, l’article 55 du décet du 17 mars 1967 prévoit “Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. Une telle action n’est pas nécessaire pour les actions (...) les mesures conservatoires, les demandes qui relèvent des pouvoirs du juge des référés”.

Les mesures conservatoires font référence aux mesures nécessaires ayant pour but de sauvegarder la consistance du patrimoine des débiteurs, ce qui n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce. S’agissant des actions relevant du pouvoir du juge des référés, il peut être saisi par le propriétaire dans le cadre d’une résiliation du bail et d’expulsion de son locataire, ce que le syndicat ne peut pas faire directement.

En l’espèce, il était nécessaire pour le syndic d’obtenir l’autorisation de l’assemblée générale pour que le syndicat des copropriétaires puisse agir en justice.

Il ressort de l’article 10 du décret du 17 mars 1967 “A tout moment, un ou plusieurs copropriétaires, ou le conseil syndical, peuvent notifier au syndic la ou les questions dont ils demandent qu'elles soient inscrites à l'ordre du jour d'une assemblée générale. Le syndic porte ces questions à l'ordre du jour de la convocation de la prochaine assemblée générale. Toutefois, si la ou les questions notifiées ne peuvent être inscrites à cette assemblée compte tenu de la date de réception de la demande par le syndic, elles le sont à l'assemblée suivante.”.

Le syndicat des copropriétaires justifie de diligences visant à faire cesser le trouble. En revanche, en s’abstenant de faire voter toute résolution dans le but d’exercer une action en justice, alors même qu’il avait connaissance des dommages depuis 2018, et constaté la carence de Monsieur [S], le syndic a commis une faute. Il importe peu que Monsieur [L] ait envoyé tardivement la demande d’inscription pour l’assemblée générale de 2020, il incombait au syndic de reporter l’inscription à la prochaine assemblée générale, à savoir celle de 2021, ce qui n’a pas été le cas. Enfin, il importe peu que la résolution n’ait pas été votée en 2022. En effet, le syndic a manqué de diligence dans la résolution effective du problème causé par Monsieur [N], alors qu’il a pour mission de faire respecter le règlement de copropriété prohibant les tapages et nuisances aux autres copropriétaires dans l’usage des parties privatives.

Si Monsieur [N] a été expulsé de son logement par jugement du tribunal de proximité de SAINT GERMAIN EN LAYE du 7 décembre 2022, pour lequel Monsieur [L] a obtenu réparation, ce n’est qu’en raison de l’action intentée par ce dernier.

En conséquence, le syndic a commis une faute dans l’application du règlement de copropriété, pour lequel il doit engager sa responsabilité.

Sur les préjudices

La somme de 30.000 € sollicitée au titre de la décote du bien sera rejetée puisque les parties communes spéciales ont été remises en état depuis lors et que Monsieur [N] a été expulsé du bâtiment.

Sur le préjudice moral, Monsieur [L] ne démontre pas de lien de causalité entre les insultes et incivilités qu’il dit subir et la carence du syndic dans la gestion du trouble de voisinage.

La somme de 70.000 € sollicitée en indemnisation des préjudices sera ramenée à de plus juste proportions. Monsieur [L] a subi un préjudice en raison de la carence du syndic qui a tardé dans la prise en charge des désagréments et qui a laissé perdurer la situation sans appliquer les sanctions nécessaires conformément au règlement de copropriété alors même que les nuisances olfactives ont été constatées dans ses parties privatives, et les tapages nocturnes à répétition confirmés par de nombreux copropriétaires. Pour ces raisons, Monsieur [L] sera indemnisé à hauteur de 1.500 €.

Sur le remboursement des charges, les dommages matériels causés par Monsieur [N] ayant eu lieu au sein des parties communes spéciales (couloirs desservant les chambres de service, WC et douches), leur entretien incombe aux copropriétaires concernés. Ainsi, Monsieur [L] n’est pas fondé à demander le remboursement de charges pour les parties communes générales non concernées.

En conséquence, il y a lieu de condamner Monsieur [Z] en sa qualité de syndic à payer à Monsieur [L] la somme de 1.500 € de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

En application de l’article 696 du code procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Monsieur [Z] en sa qualité de syndic, partie perdante au procès, sera condamné aux dépens de l’instance.

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Monsieur [Z] en sa qualité de syndic sera condamné à payer à Monsieur [B] [L] la somme de 3.000 €.

Monsieur [B] [L] sera dispensé de toute participation aux frais de procédure en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 514 du code de procédure civile dispose « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. », applicable à la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort ;

CONDAMNE Monsieur [Z] en sa qualité de Président syndic en exercice, syndic bénévole du syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] à payer à Monsieur [B] [L] la somme de 1.500€ de dommages et intérêts ;

CONDAMNE Monsieur [Z] en sa qualité de Président syndic en exercice, syndic bénévole du syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE Monsieur [Z] en sa qualité de Président syndic en exercice, syndic bénévole du syndicat coopératif des copropriétaires de la résidence [4] à payer à Monsieur [B] [L] la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DISPENSE Monsieur [B] [L] de toute participation aux frais de procédure en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

DEBOUTE les parties de toutes demandes plus amples et contraires ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 MAI 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03215
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;22.03215 ?
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