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17/05/2024 | FRANCE | N°21/02728

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 17 mai 2024, 21/02728


Minute n°




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
25 AVRIL 2024



N° RG 21/02728 - N° Portalis DB22-W-B7F-P777
Code NAC : 70B
E.J.



DEMANDEUR :

Monsieur [S] [BE]
né le 10 Mai 1944 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 4],

représenté par Maître Claude LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître François WAGNER, avocat plaidant au barreau de PARIS.



DÉFENDEUR :

Monsieur [J] [HY]
né le 23 Juin 1984 à [Localit

é 17],
demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Véronique BROSSEAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Xavier BOUILLOT, avocat pl...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
25 AVRIL 2024

N° RG 21/02728 - N° Portalis DB22-W-B7F-P777
Code NAC : 70B
E.J.


DEMANDEUR :

Monsieur [S] [BE]
né le 10 Mai 1944 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 4],

représenté par Maître Claude LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître François WAGNER, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDEUR :

Monsieur [J] [HY]
né le 23 Juin 1984 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Véronique BROSSEAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Xavier BOUILLOT, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 17 Mai 2021 reçu au greffe le 18 Mai 2021.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 19 Décembre 2023, Madame GARDE, Juge et Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé, siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistées de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, ont indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 29 Février 2024 prorogé au 28 Mars 2024 pour surcharge magistrat puis au 25 Avril 2024 et
17 Mai 2024 pour les mêmes motifs.

MAGISTRATS AYANT DELIBÉRÉ :
M. JOLY, Vice-Président
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [BE] est propriétaire d’une maison sise [Adresse 1] dépendant d’une parcelle cadastrée [Cadastre 7] pour l’avoir reçue par donation de sa mère selon acte notarié en date du 18 décembre 1976.

Selon acte authentique en date du 19 janvier 2017, M. [HY] a acquis, en indivision avec Mme [I], la maison voisine sise [Adresse 5], cadastrée [Cadastre 9] d’une contenance de 144 mètres carrés. Il en est l’unique propriétaire depuis le 25 juillet 2019.

Une bande de terrain incluse selon le cadastre dans la parcelle [Cadastre 7] part de la [Adresse 15] en longeant la maison des consorts [HY]-[I] jusqu’à la maison de M. [BE].

Contestant que cette parcelle de terrain soit la propriété de M. [BE],
M. [HY] et Mme [I] ont mandaté M. [T], géomètre expert, pour effectuer le bornage des limites de leur propriété.

M. [T] établissait le 25 août 2017 un procès-verbal de carence d’où il résultait que les parties s’étaient mises d’accord sur les limites de propriété à l’issue d’un débat contradictoire organisé sur les lieux le 7 juin 2017, mais que par courriel du 14 juin 2017, M. [HY] indiquait ne plus être d’accord avec les limites proposées.

M. [HY] déposait une plainte contre ce procès-verbal auprès de l’ordre des géomètres experts, plainte rejetée par décision du 22 juin 2018.

Suite à des travaux entrepris par M. [HY], M. [BE], estimant que ces travaux étaient effectués sur sa parcelle [Cadastre 7], mettait celui-ci en demeure, par lettre du 4 avril 2018, d’ôter une boîte aux lettres qu’il avait fait poser, de retirer des canalisations installées et de remettre en état son terrain. Les travaux faisaient l’objet d’un constat d’huissier en date du 4 avril 2018.

C’est dans ce contexte que par acte du 23 août 2018, M. [BE] a fait assigner M. [HY] et Mme [I] devant le Tribunal de Grande Instance de Versailles afin de voir désigner un géomètre expert aux fins de bornage de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] et condamner les consorts [HY]-[I] à procéder, sous astreinte, à l’enlèvement :
- des canalisations posées sur la parcelle [Cadastre 7],
- de la caméra installée sur le mur de leur maison,
- de la voiture en stationnement depuis le mois de juin 2018,
- de tous les panneaux et objets leur appartenant dont leur boite aux lettres, ainsi qu’à leur payer une somme de 20.000 euros en réparation du préjudice causé.

Une médiation judiciaire a été proposée aux parties et par ordonnance du
5 décembre 2018, le juge de la mise en état a désigné le Centre Yvelines Médiation en qualité de médiateur. La médiation n’a pas abouti, les parties s’accordant toutefois pour faire nommer un expert judiciaire.

Par ordonnance du 4 juillet 2019, le juge de la mise en état a désigné en qualité d’expert M. [O], géomètre expert afin notamment de procéder au bornage des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 9].

M. [O] a déposé son rapport le 27 novembre 2020 et l’affaire a été rétablie au rôle par ordonnance du 18 mai 2021.

M. [BE] a décidé de clore son terrain sur la base du rapport de
M. [O].

Par acte du 11 juin 2021, M. [HY] et Mme [I] faisaient assigner en référé M. [BE] afin, notamment, de voir ordonner l’interruption de tout travaux entrepris par M. [BE] sur la bande de terrain longeant au sud la maison des demandeurs et reliant le portail au fond de ladite bande avec la [Adresse 15] et interdire toute intrusion sur cette bande de terrain par
M. [BE] ou toute autre personne mandatée par lui ; le juge des référés a, par ordonnance du 23 novembre 2018, rejeté les demandes des consorts [HY]-[I].

Par ordonnance du 27 septembre 2022, le juge de la mise en état a constaté l’extinction de l’instance à l’encontre de Mme [I], celle-ci n’étant plus propriétaire du bien situé à [Localité 19].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 avril 2023,
M. [BE] demande au Tribunal de :

Vu le rapport déposé par [KW] [O] le 29 novembre 2020,

• Vu les pièces 53 à 58, débouter [J] [HY] de sa demande de désignation d’un nouvel expert,

• Juger que la parcelle [Cadastre 7] appartient en totalité à [S] [BE],

En conséquence, ordonner le bornage entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 9] sur la
base de l’annexe 3 du rapport de l’expert, aux points A, B, C, D,

• Juger que l’opération de bornage sera effectuée par [KW] [O] qui convoquera les parties pour ce faire, et que les frais seront supportés par moitié ;

• Condamner [J] [HY] en cas de refus d’assister aux opérations de bornage, au paiement d’une astreinte de 50€ par jour à compter de la date fixée pour le bornage,

• Juger que [J] [HY] ne dispose d’aucun droit de passage sur la portion de la parcelle [Cadastre 7] longeant sa maison,

• Subsidiairement juger que [S] [BE] exerce une possession continue de la partie de l’[Cadastre 7] longeant la parcelle [Cadastre 9] depuis plus de 30 ans et qu’il en est propriétaire en application de l’article 2272 du Code civil,

• Condamner [J] [HY] à :
- mettre en conformité avec les articles 676 et 677 du Code civil l’ensemble des ouvertures dans la façade de sa maison donnant sur la parcelle [Cadastre 7],
- retirer les réseaux enfouis dans la parcelle [Cadastre 7] et remettre en état les lieux,
- déposer la caméra installée sur sa façade en surveillance de la parcelle [Cadastre 7],
au besoin sous astreinte de 100€ par jour de retard passé un délai de trois mois de la signification du jugement à intervenir,

• Condamner [J] [HY] au paiement d’une somme de 20.000€ en
réparation du préjudice subi par [S] [BE], sur le fondement de l’article 1240 du Code civil,

• Le condamner au paiement d’une somme de 7.000€ sur le fondement de l’article 700 du CPC,

• Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

• Juger que le coût de l’expertise et des opérations de bornage sera partagé par
moitié entre [S] [BE] et [J] [HY],

• Le condamner en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Claude
Legond conformément aux dispositions de l’article 699 du C.P.C.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 février 2023,
M. [HY] demande au Tribunal de :

Vu les articles 10,1240, 2262 du Code civil
Vu les articles 11, 160 et 275 alinéa 1 er du Code de procédure civile
Vu les lacunes entachant le rapport d’expertise déposé par M. [O] le 27 novembre 2020

Vu le rapport d’analyse de Monsieur [W]

À TITRE PRINCIPAL :

Écarter le rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [O] le 27 novembre 2020

Débouter M. [BE] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Juger que la bande de terrain litigieuse, longeant la maison des défendeurs, allant de la [Adresse 15] au portail posé par Monsieur [BE], est la propriété de Monsieur [HY], ou, subsidiairement, juger que la bande de terrain litigieuse, longeant la maison des défendeurs, allant de la [Adresse 15] au portail posé par Monsieur [BE], est la propriété de Monsieur [HY], à raison de la prescription acquisitive ;

À TITRE SUBSIDIAIRE :

Ordonner un complément d’expertise en bornage des parcelles [Cadastre 8] et
AP 84 avec la même mission que celle donnée par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 4 juillet 2019 ; confier à tel expert nouveau qu’il plaira au Tribunal de désigner ladite mission avec la précision que l’expert commis devra prendre en considération dans ses recherches l’ancienne existence du mur en hanche rentrante démoli par M. [BE] entre 1990 et 1994 et l’absence d’accès à la rue pour la parcelle [Cadastre 7], et se prononcer sur les caractéristiques de l’entrée commune.

Ou homologuer la proposition de limite établie après analyse circonstanciée de Monsieur [W] dans son rapport d’analyse

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

Rejeter la demande de reconnaissance de possession trentenaire continue sur la bande de terrain correspondant à l’entrée commune, formulée par
M. [BE]

Juger que, M. [HY] et ses auteurs ont de surcroît acquis la propriété de cette bande par usage continu pendant 30 ans.

RECONVENTIONNELLEMENT :

CONDAMNER M. [BE] sous astreinte de 300 € par jour de retard dans le mois à compter de la signification du jugement à intervenir à :
• Enlever son véhicule-épave laissé en dépôt sur la bande de terrain
• Démolir la clôture-béton qu’il a unilatéralement édifiée en décembre 2021
• Supprimer les caméras de vidéosurveillance braquée sur le terrain et la maison de M. [HY]
• Retirer toute construction érigée sous sa maîtrise d’ouvrage de la bande de terrain litigieuse, et à retirer tout bien meuble installé par lui ou lui appartenant

CONDAMNER M. [BE] à payer à M. [HY] la part mise à sa charge au titre des honoraires de l’expert judiciaire soit 1.500 euros,

CONDAMNER Monsieur [BE] à verser à Monsieur [HY] une somme de 31 444 euros, somme à parfaire en fonction de l’évolution du préjudice, au titre de son préjudice matériel lié au trouble de jouissance ;

CONDAMNER Monsieur [BE] à verser à Monsieur [HY] une somme de 10 000 euros, somme à parfaire en fonction de l’évolution du préjudice, au titre de leur préjudice matériel lié à l’interruption du projet de rénovation ;

CONDAMNER M. [BE] à payer à M. [HY] la somme provisionnelle de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral par
application de l’article 1240 du Code civil.

Condamner M. [BE] à 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 26 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de juger, sur le fondement des titres, que la parcelle [Cadastre 7] appartient en totalité à [S] [BE]

M. [BE] fait valoir pour revendiquer la propriété de la parcelle [Cadastre 7] en sa totalité que celle-ci est d’un seul tenant et constituée de deux rectangles, le premier en partie bâti d’une superficie de 170 mètres carrés environ et le second d’une superficie de 90 mètres carrés environ se terminant sur le [Adresse 15]. Il ajoute que l’expert qui a analysé les actes notariés et matrices cadastrales indique en page 44 de son rapport que “le passage représenté en teinte verte sur le plan de proposition de limite de bornage fait partie de la parcelle [Cadastre 7]". Il souligne que cette conclusion de l’expert est en concordance avec les plans établis par les autres géomètres experts précédemment sollicités à savoir [Y] [R] (31 janvier 1979), [V] [R] (22 juillet 2004) et [B] [F] [T] (17 mai 2017), ainsi qu’un dernier géomètre expert sollicité par ses soins, le cabinet [Z] (plan établi le 4 novembre 2020). Il argue de plus que les consorts [HY]-[I] ont eux mêmes reconnu la pleine propriété de la parcelle en signant le plan cadastral annexé à leur acte d’achat et en annexant le plan de masse à leurs déclarations de travaux successives. Il ajoute que la limite de propriété retenue par l’expert coïncide avec la description figurant dans l’acte d’acquisition de M. [HY] et conteste l’appellation “passage” utilisée par son contradicteur et par l’expert pour la bande de terrain litigieuse, appellation ne figurant dans aucun plan ni document antérieur à la procédure. Il fait valoir que le choix de cette terminologie a conduit l’expert à confondre l’entrée commune et le passage commun. Il conteste en tout état de cause la démolition d’un mur de séparation que lui impute M. [HY].

M. [HY] prétend que le rapport d’expertise judiciaire doit être écarté au motif que M. [O] n’a pas hiérarchisé les titres et que les documents cadastraux sont des documents fiscaux ne pouvant servir à établir la propriété. Il ajoute que l’expert judiciaire n’aurait pas rempli sa mission en ne procédant pas au bornage des deux propriétés. M. [HY] demande au Tribunal d’écarter le rapport d’expertise, faisant valoir à cet égard que non seulement l’expert s’est abstenu de hiérarchiser les éléments de preuves versés aux débats mais qu’il n’aurait pas pris en compte les titres contraires aux indications cadastrales, notamment le titre commun de 1834. Au soutien de son analyse il verse aux débats un rapport de M. [W], géomètre expert près la cour d’appel de Paris missionné par ses soins.

Il soutient à cet égard que le titre qui émane de l’auteur commun des parties doit prévaloir sur les énonciations des actes postérieurs modifiant de matière unilatérale et erronée l’assiette des propriétés qui en sont issues. Il déduit de ce principe que c’est la description des deux lots et des limites entre eux telles qu’elles résultent de l’acte commun de 1834 qui doit aujourd’hui prévaloir, cette description étant reprise aux pages 20 et 22 du rapport de M. [W], géomètre expert.

Il fait encore valoir que M. [BE] n’invoque que le cadastre, lequel n’est aucunement une preuve de propriété. Il soutient que le titre commun aux deux parties de 1834 est un acte de division en deux lots et que rien dans la chaîne des titres suivants n’est venu remettre en cause les principes issus de ce titre commun. Il souligne que ce titre prévoit que le lot N°2 dont il est désormais propriétaire a une surface de 230 mètres carrés ce qui correspond précisément à la surface de la parcelle de M. [HY] en y incluant la bande de terrain litigieuse. Il reproche à l’expert la non prise en compte des titres et signes de possession contraires aux indications cadastrales. Il souligne que la seule limite divisoire préconisée par l’expert entre les deux parcelles est celle figurant au cadastre actuel et que cette limite ne ressort d’aucun titre de propriété ni même de signes matériels d’occupation des lieux. Il ajoute que la Direction des Finances a elle même émis des réserves quant aux limites et à la contenance des parcelles dans un courrier du 17 février 2019, précisant que le tracé des limites des parcelles ne pouvait être formellement établi. Il s’étonne que lors du remaniement cadastral de 1995, la parcelle [Cadastre 9] soit passée de 180 mètres carrés à 148 mètres carrés. Il fait aussi valoir que des photos aériennes de l’IGN montrent l’existence d’une servitude de passage inutilisée dont l’assiette ne recouvre pas la largeur de la bande de terrain litigieuse. Il invoque aussi l’existence antérieure d’un mur “hanche rentrante” attestée par des photos aériennes de l’IGN montrant bien la délimitation des deux propriétés.
M. [HY] fait valoir à titre subsidiaire la prescription acquisitive s’agissant de la bande de terrain litigieuse.

SUR CE

Ainsi que le soutient à bon droit M. [HY], il résulte d’une jurisprudence constante que le titre qui émane de l’auteur commun des parties doit prévaloir sur les énonciations des actes postérieurs si celles-ci modifient de matière unilatérale et erronée l’assiette des propriétés qui en sont issues.

Le moyen tiré d’un prétendu acquiescement de M. [HY] aux limites de sa parcelle telles qu’elles ressortent du cadastre doit être écarté, et ce d’autant plus que les pièces versées aux débats ne permettent pas d’établir que les consorts [HY]-[I] ont signé le plan cadastral annexé à leur acte d’achat, aucun plan n’étant en effet annexé à l’acte communiqué.

Sur l’analyse des titres

Il est constant que l’acte de donation partage du 1er mai 1834 de M.[P] à ses enfants et petits enfants, établi par Maître [L], Notaire à [Localité 10] constitue le premier acte où sont mentionnées les parcelles originaires.

La masse à partager est aux termes de l’acte constituée “d’une maison, grange, écurie, cour entre les bâtiments et deux petits jardins devant et derrière les mêmes bâtiments. Le tout situé au terroir d’[Localité 19], lieudit [Adresse 15] et une pièce de terre en jardin et terre au même lieu appelé le clos [Adresse 15]...”

Les biens décrits comme “une maison, grange, écurie, cour entre les bâtiments et deux petits jardins devant et derrière les mêmes bâtiments” ont été partagés en plusieurs lots.

S’agissant du lot N°1 appartenant actuellement à M. [BE], il comporte “un corps de bâtiment situé à [Localité 19], lieudit [Adresse 15]...composé d’une maison servant de cuisine, petite chambre...Cour devant les maisons et grange sur laquelle se trouve l’étable à porc ci-dessus, laquelle cour se prendra à partir de la même limite que la costière de l’écurie du second lot hors oeuvre côté de la cour en allant jusqu’au terrain du sieur [N] [P]. Tenant le tout réuni d’un côté au nord [H] [P], d’autre côté au midi à [N] [P] et M. [X] d’un bout au levant l’écurie et la portion de cour du second lot et l’entrée commune...”.

L’acte de 1834 indique que “Le tout est estimé eu égard au passage et autres servitudes que le propriétaire du présent lot sera obligé de supporter comme il est dit ci-après.”

Le lot N°2 appartenant actuellement à M. [HY] est constitué d’un “bâtiment servant d’écurie, grenier au dessus couvert en paille situé au terroir d’[Localité 19], lieudit [Adresse 15], un petit jardin attenant et portion de cour au pignon de ladite écurie, le dit jardin contenant ensemble 2a30ca tenant la totalité réunie d’un côté au Nord [H] [P], mur mitoyen entre deux, d’autre côté au midi l’entrée commune d’un bout au couchant la cour du premier lot, d’autre bout au levant la rue ...ou chemin de la maison à [Localité 6]”.

L’acte de 1834 prévoit aussi la création d’un passage commun aux lots du clos [Adresse 15] : il est ainsi prévu qu’il “sera laissé par le propriétaire du premier lot le long du sieur [N] [P] une largeur de 2 mètres depuis l’entrée commune jusqu’à la costière de sa grange pour servir de passage pour aller dans le clos [Adresse 15]..., l’étable à porcs qui se trouve dans le passage sera supprimée fait par et au profit du propriétaire du premier lot le long du pignon de la grange et sur une largeur de 1 mètre 30".

S’agissant de la séparation des lots, il est prévu que tous les lots du clos dit [Adresse 15] aboutiront perpendiculairement sur le passage commun de deux mètres de large, “lequel passage ne fait point partie de la contenance énoncée en chaque lot”.

Il convient aussi de relever que l’acte commun de 1834 prévoit la séparation des cours des lots 1 et 2 dans les termes suivants : “Pour séparer la cour du premier lot d’avec la portion de cour du second lot, on prolongera une ligne droite une distance de quatre mètres depuis l’angle de l’écurie du second lot en allant vers le midi et en suivant l’alignement de la costière de l’écurie (oeuvre) où à cet endroit il sera posé une borne pour la séparation de la cour du premier lot d’avec le second lot et aussi pour la séparation du second lot d’avec l’entrée commune”.

A cet égard, il est prévu que “Pour séparer l’entrée commune d’avec le second lot l’alignement partira en ligne droite depuis la borne ci-dessus mentionnée...”.

L’acte notarié du 5 février 1959 indique les immeubles et droits immobiliers de la succession de M. [VR]. Il y est fait mention d’un passage appartenant à M. [VR] permettant l’accès à divers terrains.

S’agissant du Lot N°1 (les consorts [VR] étant les auteurs de M. [BE]) il ressort d’un acte authentique dressé le 25 novembre 1971 sur réquisition conjointe de Mme [D] [FA] épouse [VR] et Mme [E] [VR] qu’il dépend de la succession de M. [M] [VR] une maison [Adresse 15]...à gauche de cette maison bâtiment à usage de dépendance. Jardins derrière Cour devant tenant par devant le [Adresse 15] et un passage appartenant à M. [VR] permettant l’accès à divers terrains Cadastre section [Cadastre 14] pour 3a et [Cadastre 18] pour 3a92ca.

Force est de constater, comme le relève d’ailleurs M. [W] dans son rapport, que ces dispositions ne mentionnent pas la parcelle [Cadastre 3] désignée dans l’acte de 1834 comme l’entrée commune à tous les lots, en ce compris le lot N°2 appartenant aujourd’hui à M. [HY].

A cet égard, l’examen de la visualisation de la désignation cadastrale de l’époque montre que la parcelle cadastrée [Cadastre 3] correspond à la bande de terrain qui constitue l’objet du litige.

Cependant, selon acte authentique reçu le 14 juin 1976 à la requête de Mme [E] [VR], épouse de M. [ST] [BE], la déclarante “déclare et reconnaît” que c’est à tort et par erreur que dans l’acte reçu par Maître [G] le 23 novembre 1971, l’immeuble sis à [Localité 19] a été désigné comme figurant au cadastre sous les numéros 299 et 300. En conséquence elle rétablit la désignation dudit immeuble en y ajoutant la parcelle [Cadastre 3].

Dans la suite de cette rectification, Mme [E] [VR], épouse de M. [ST] [BE], a par acte authentique du 18 décembre 1976, fait donation à son fils [S] [BE], demandeur à la présente instance, de la maison d’habitation sise [Adresse 15] reprise au cadastre de la manière suivante :
- Section [Cadastre 11] [Localité 16] pour 2a 80
- Section [Cadastre 12] [Adresse 15] pour 3a
- Section [Cadastre 13] [Localité 16] pour 3a 92

Le donateur déclarant qu’à sa connaissance l’immeuble donné n’est grevé d’aucune servitude autre que celles pouvant résulter de la situation naturelle des lieux, des plans d’urbanisme, de la loi, des titres de propriété antérieurs.

L’acte de vente de M. et Mme [A] à M. [BE] du 31 janvier 1979 prévoit au profit des consorts [A] une servitude de passage ce qui laisserait supposer que le passage est propriété de M. [BE], mais il est à noter aussi que la partie concernée n’est pas celle faisant l’objet du litige entre M. [BE] et M. [HY].

S’agissant, par ailleurs, de la propriété de M.[HY], il ressort du rapport de M. [W] que :
- suivant acte notarié en date des 14 octobre et 25 novembre 1903 M. et Mme [U] ont vendu à M. et Mme [LX] “Un bâtiment situé [Adresse 15], commune d’[Localité 19], consistant par le bas en deux écuries, deux chambres au dessus surmontées d’un grenier couvert en tuiles, cave à côté, cour devant, petite portion de jardin, l’ensemble d’un côté au midi au passage commun.
- suivant acte notarié en date des 10 et 11 octobre 1938 (vente de M. [A] et Mme [C] à M. [K] et Mme [IL]), la désignation du bien est reprise : “Maison située [Adresse 15] élevée sur terre plein d’un rez de chaussée de deux pièces et d’un premier étage de deux chambres. Grenier dessus couvert en tuiles. Cave derrière la maison surmontée d’hangar couvert en tuiles. Petite portion de jardin attenant. Le tout d’un seul ensemble tient du midi sur le côté au passage commun, d’un autre à M. [VR] (mur mitoyen entre).

- suivant acte de vente du 3 novembre 1953 : vente de Mme [K] à M. et Mme [DV]. La désignation reprend l’existence d’une petite portion de jardin attenant à la maison et précise “Le tout d’un seul ensemble tient du midi sur le côté au passage commun, d’un autre à M. [VR] (mur mitoyen entre) d’un bout au couchant M. [VR] et d’autre bout [Adresse 15]”.

Enfin, l’acte d’acquisition par M. [HY], en date du 19 janvier 2017, de la parcelle cadastrée [Cadastre 9] située [Adresse 5] mentionne une superficie de 00 ha 01 a 44 ca (soit 144 mètres carrés) pour une maison d’habitation mais ne reprend pas la description, plus précise, des actes antérieurs.

Sur l’expertise judiciaire

M. [O] rappelle dans son rapport que la base originelle du cadastre est fiscale et que la documentation cadastrale ne représente graphiquement que la propriété apparente (J.O AN du 1er mai 1976). Il précise qu’il apportera donc un intérêt plus particulier aux plans anciens, aux actes de propriétés, à la nature des lieux et aux signes de possesion.

L’expert judiciaire retient que l’auteur commun est l’acte de 1834. En réponse au Dire de l’avocat de M. [HY] concernant la superficie du lot de 230 mètres carrés, il souligne que le titre de 1834 indique que le lot N°2 a certes une contenance de 230 mètres carrés mais aussi tient au midi l’entrée commune. L’expert conclut que le lot 2 étant bordé par l’entrée commune, il ne peut inclure celle-ci. Il affirme l’existence d’une servitude de passage sur la parcelle de M. [BE]. Il retient le nu du mur de la maison de M. [HY] comme limite de propriété et préconise une limite matérialisée par quatres points A,B,C et D longeant le mur de la maison [HY]. Cette limite matérialise aux termes du rapport de M. [O] le passage commun et est intégré à la parcelle cadastrée [Cadastre 7], soit celle de M. [BE].

Cependant, plusieurs observations doivent être faites qui contredisent les conclusions de M. [O] :

- l’acte de 1834 ne mentionne pas le passage commun comme faisant partie du lot N°1 (propriété actuelle de M. [BE]). Il stipule au contraire que le passage commun n’est intégré dans la contenance d’aucun lot.
- l’expert relève l’existence d’une servitude de passage grevant la parcelle de M. [BE] mais cette conclusion ne ressort pas de l’analyse des titres.

- l’explication sur la superficie n’est pas cohérente avec les stipulations de l’acte de 1834. Celui-ci prévoit que la parcelle [HY] tient au passage commun à l’ensemble des lots. La surface prévue pour le lot appartenant à M. [HY] est obtenue en ajoutant la bande de 4 mètres résultant des principes édictés en 1834 pour la séparation des cours. Cette bande de 4 mètres ne constitue pas le passage commun mais la cour du lot N°2. Il est à cet égard essentiel de relever, ce que ne fait pas l’expert judiciaire, que selon l’acte de 1834, l’entrée commune donnant sur la passage commun ne longe pas la maison [HY], mais bien la cour du lot N°2.

- l’expert considère que l’existence d’une cour ne peut pas être établie en ce qui concerne le lot N°2. Cette existence ressort pourtant expressément de l’acte commun et d’une partie des actes subséquents en ce qui concerne la propriété de M. [HY].

- les limites proposées par le rapport d’expertise judiciaire entrent en contradiction directe avec les principes fixés par l’acte de 1834 pour la séparation des cours.

- l’analyse qui aboutit à attribuer la propriété de la bande de terrain litigieuse à M. [HY] est corroborée par des éléments externes tels que les photographies aériennes et les vestiges du mur avec hanche rentrante fermant la propriété [BE].

-l’expert judiciaire ne fonde pas au premier chef son analyse sur les rapports précédents des géomètres experts mais il sera relevé que leurs conclusions apparaissent incompatibles avec les règles édictées par l’acte commun de 1834 pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le rapport d’expertise judiciaire ne peut pas être homologué en l’état. En conséquence, M. [BE] sera débouté de sa demande de juger que la parcelle [Cadastre 7] appartient en totalité à [S] [BE] et d’ordonner le bornage entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 9] sur la base de l’annexe 3 du rapport de l’expert, aux points A, B, C, D.

Au demeurant, ainsi que le reconnaît M. [BE] dans une note en délibéré, la demande de bornage ne relève pas de la compétence du Tribunal judiciaire.

Sur le moyen tiré de la prescription acquisitive

Aux termes de l’article 2258 du code civil, “La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi”.

L’article 2261 dispose que “Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire”.

L’article 2272 précise que “Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.”

Il appartient au juge d’apprécier les faits de possession invoqués en vue de la prescription.

La possession doit cependant être caractérisée par des actes matériels.

M. [BE] fait valoir, à titre subsidiaire, les dispositions de l’article 2272 du Code civil. Il invoque à cet égard :
- le fait qu’il paye l’impôt foncier afférent à la parcelle telle que définie au cadastre ;
- les photographies aériennes ;
- les conclusions du rapport d’expertise judiciaire ;

M. [HY] résiste à cette demande et souligne au contraire que les photographies aériennes démontrent l’absence de possession. Il ajoute que M. [BE] n’empruntait pas le terrain situé devant la maison de M. [HY] pour accéder à sa propriété et que quand bien même cela aurait été le cas, l’article 2262 du code civil dispose que les actes de pure faculté et ceux de simples tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. Il ajoute à titre subsidiaire que la prescription trentenaire, à supposer celle-ci admise par le Tribunal, a été interrompue par ses conclusions en défense en date du 3 décembre 2018. Il fait valoir à cet égard qu’un portail a été érigé entre 1990 et 1994 en lieu et place du mur en hanche rentrante de sorte que seul un délai de 28 ans s’est écoulé entre l’édification dudit portail et l’action en bornage. Il ajoute à titre surabondant que M. [BE] ne peut se prévaloir d’aucun titre et ne peut donc pas prétendre prescrire par dix ans.

En l’espèce, M. [O] indique dans son rapport que “l’analyse des photos aériennes indique que depuis de nombreuses années ce passage est utilisé pour aller dans la propriété actuelle de M. [BE]”. “M. [BE] utilise donc ce passage depuis plus de trente ans que ce soit à pied ou en voiture.”

Si les photographies aériennes permettent en effet de visualiser l’existence du passage le long de la propriété [HY], elles ne sauraient permettre de matérialiser l’usage dudit passage par M. [BE], étant de plus observé que l’entrée principale de la propriété [BE] se situe de l’autre côté. M. [HY] produit à cet égard une attestation de Mme [YE], voisine, qui déclare “en 21 ans passés à [Localité 19], je n’ai jamais vu M. ou Mme [BE] emprunter le terrain devant la maison de Mme [OV]. Je n’ai jamais connu d’autre entrée à M. [BE] que le grand portail au 115 de la [Adresse 15]”.

En outre, à supposer l’utilisation du passage par M. [BE] établie ce qui contrairement à ce qu’affirme l’expert, ne saurait se déduire de l’examen des photographies, encore faudrait il que soit démontrée une utilisation à titre de propriétaire et non en vertu d’une tolérance au sens de l’article 1262 du code civil précité. M.[BE] à qui incombe cette démonstration ne rapporte pas la preuve d’une telle utilisation.

Il convient d’ajouter que la configuration des lieux où on voit effectivement la présence du portail et même, contrairement à l’appréciation de l’expert, les photographies aériennes, viennent contredire l’existence de la possession trentenaire alléguée par M. [BE].

Ainsi les éléments du dossier ne permettent pas de caractériser les actes matériels de la possession ni a fortiori l’élément psychologique d’une posssession à titre de propriétaire.

Au total les pièces versées aux débats ne permettent pas de caractériser une possession continue, ininterrompue, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

En conséquence, M. [BE] sera débouté de sa demande subsidiaire de juger qu’il exerce une possession continue de la partie de la parcelle [Cadastre 7] longeant la parcelle [Cadastre 9].

Sur la demande de juger que la bande de terrain litigieuse est la propriété de M. [HY]

La propriété de la bande de terrain litigieuse résulte, ainsi qu’il a été précédemment exposé, de stipulations de l’acte commun de 1834 ainsi que des titres de propriété successifs des auteurs de M. [HY], à l’exception de son acte d’acquisition en 2017.

Il y a en conséquence lieu de faire droit à sa demande à ce titre et de dire que la bande de terrain allant de la [Adresse 15] jusqu’au portail installé par M.[BE] est la propriété de M. [HY].

Sur les demandes de mise en conformité des ouvertures en façade, de retrait de la caméra installée en façade, de retrait des réseaux enfouis, de remise en état des lieux et de dommages-intérêts

M. [BE] fait valoir que M. [HY] ne pouvait pas pratiquer des ouvertures donnant sur la parcelle [Cadastre 7] ni enfouir les réseaux de canalisations dans ladite parcelle. Il sollicite la condamnation du défendeur à les retirer, ainsi que la caméra installée sur sa façade en surveillance de la parcelle.

Le demandeur ajoute que M. [HY] est de mauvaise foi et a créé un trouble anormal de voisinage ce qui justifie la réparation de son comportement à hauteur de 20.000 euros.

Compte tenu du sens de la présente décision, cette demande devra être écartée.

M. [BE] échouant dans ses prétentions en ce qui concerne la propriété de la partie de la parcelle [Cadastre 7] située en bordure de la maison de M.[HY], ses demandes de remise en état concernant les ouvertures donnant sur cette partie du terrain, de dépose des canalisations et des caméras installées par le défendeur ne pourront davantage être accueillies.

Sur les demandes reconventionnelles

Aux termes de l’article 1240 du code civil : “Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

M. [HY] demande que M. [BE] soit condamné, sous astreinte, à retirer le véhicule épave déposé sur la bande de terrain litigieuse.

La présence de ce véhicule est attestée par les pièces versées aux débats et notamment par un constat d’huissier établi le 1er décembre 2021 à la demande de M. [HY]. Il devra être retiré mais l’astreinte demandée par M. [HY] ne se justifie pas.

S’agissant de la clôture en béton, les photographies versées aux débats par M. [HY] ne permettent au Tribunal d’apprécier la réalité de cette installation, ni son emplacement, mais il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas contesté que M. [BE] a cloturé la bande de terrain litigieuse sur la base du rapport de M. [O] et qu’il ne démontre pas avoir déposé ses installations. Il y a donc lieu de faire droit à la demande d’enlèvement de M. [HY]. Là encore, l’astreinte demandée par celui-ci ne se justifie pas à ce stade.

M. [HY] fait encore état de trois caméras positionnées sur l’entrée au sud de sa propriété et plantées sur des piquets, mais rien ne vient établir la présence de ces caméras. Dans ces conditions il ne peut pas être fait droit à la demande d’enlèvement.

Enfin, le défendeur réclame la réparation de son préjudice moral, de son préjudice de jouissance et du préjudice résultant de l’interruption de ses projets de rénovation. M. [HY] fait valoir au soutien de ses demandes d’indemnisation l’existence d’un harcèlement de la part de son voisin.

En l’espèce l’atteinte au droit de propriété de M. [HY] est caractérisée par la dénégation de M. [BE] de cette propriété et il apparaît suffisamment établi que le litige entre les parties a privé M. [HY] de son droit de jouissance sur la bande de terrain en cause.

En exerçant son droit de clore alors que le litige n’était pas tranché au fond et en déposant une voiture sur la bande de terrain, M. [BE] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ce qui concerne le préjudice de jouissance causé à M. [HY].

Celui-ci devra être indemnisé au titre de la perte de chance pour lui de jouir de son bien et d’y réaliser les travaux de rénovation qu’il avait prévus, à hauteur de 25% du montant des traites de son emprunt et non pour la totalité de celles-ci ainsi qu’il le demande.

Il lui sera donc alloué la somme de 7.861 euros.

En revanche les comportements agressifs confinant au harcèlement allégués par le défendeur n’étant pas démontrés, M. [HY] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral. S’agissant du préjudice lié à l’interruption de son projet de rénovation, il y lieu de considérer qu’il n’est pas justifié de l’indemniser de manière distincte du préjudice de jouissance.

Sur les autres demandes

M. [BE], partie perdante, sera condamné aux dépens de l’instance qui comprendront les frais d’expertise.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [HY] la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. M. [BE] sera condamné à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire au regard de l’ancienneté du litige. Elle sera donc ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DEBOUTE M. [BE] de sa demande de juger que la parcelle [Cadastre 7] lui appartient en totalité ;

DIT que la bande de terrain allant de la [Adresse 15] jusqu’au portail installé par M. [BE] est la propriété de M. [HY] ;

CONDAMNE M. [BE] à enlever le véhicule-épave laissé en dépôt sur la bande de terrain ;

CONDAMNE M. [BE] à démolir la clôture-béton édifiée en décembre 2021 et à retirer toute construction de la bande de terrain litigieuse ainsi qu’à retirer tout bien meuble installé par lui ou lui appartenant ;

CONDAMNE M. [BE] à payer à M. [HY] la somme de 7.861 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE M. [BE] à payer à M. [HY] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [BE] aux entiers dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire ;

DÉBOUTE les parties de toute demande plus amples ou contraires ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 AVRIL 2024 par M. JOLY, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 21/02728
Date de la décision : 17/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-17;21.02728 ?
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