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16/05/2024 | FRANCE | N°23/05029

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 16 mai 2024, 23/05029


Minute n°



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
SUR
QUESTION PRÉJUDICIELLE ADMINISTRATIVE
16 MAI 2024



N° RG 23/05029 - N° Portalis DB22-W-B7H-RR4Y
Code NAC : 70A
E.J.



DEMANDEUR :

L’établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE (VNF), établissement public à caractère administratif de l’Etat ayant son siège social situé [Adresse 2] - [Localité 5], représenté par Monsieur [Y] [U], Directeur Territorial BASSIN DE LA SEINE sis [Adresse 3] [Localité 6], agissant par délégation

de signature en date du 18 Novembre 2019,

dispensé du ministère d’avocat devant le Tribunal Judiciaire par application de l’articl...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
SUR
QUESTION PRÉJUDICIELLE ADMINISTRATIVE
16 MAI 2024

N° RG 23/05029 - N° Portalis DB22-W-B7H-RR4Y
Code NAC : 70A
E.J.


DEMANDEUR :

L’établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE (VNF), établissement public à caractère administratif de l’Etat ayant son siège social situé [Adresse 2] - [Localité 5], représenté par Monsieur [Y] [U], Directeur Territorial BASSIN DE LA SEINE sis [Adresse 3] [Localité 6], agissant par délégation de signature en date du 18 Novembre 2019,

dispensé du ministère d’avocat devant le Tribunal Judiciaire par application de l’article 5 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice

DÉFENDERESSE :

Madame [D] [R] [K]
née le 10 Mars 1954 à [Localité 9] (37),
demeurant [Adresse 1] - [Localité 4],

représentée par Maître Marie-Laure TESTAUD, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

ACTE INITIAL du 15 Juin 2023 reçu au greffe le 12 Septembre 2023.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 19 Mars 2024, après le rapport de Monsieur JOLY, Président de la Chambre, l’affaire a été mise en délibéré au
16 Mai 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint
Madame GARDE, Juge
Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

EN PRÉSENCE DE : Madame Agathe RUELLAN, Auditrice de justice

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par requête introductive d’instance du 18 février 2021, l’établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE (VNF) a saisi le Tribunal administratif de Versailles d’une procédure de contravention de grande voirie ayant pour objet de voir condamner Mme [D] [K]-[Z] au paiement d’une amende de 12.000 euros et de lui enjoindre de procéder au renflouement et au déchirage du bateau “LE DELIGNY” stationnant sans autorisation et laissé comme épave sur le domaine public fluvial à [Localité 7] (78) et d’autre part de remettre en état les lieux sous astreinte.

Au soutien de sa requête, l’établissement public VNF exposait que Mme [D] [K]-[Z] laissait son bateau en stationnement à l’état d’épave sur le domaine public fluvial sans droit ni titre depuis la résiliation de l’autorisation dont elle bénéficiait et qu’elle n’avait pas fait droit aux demandes tendant à ce que l’emplacement soit libéré et remis en sécurité.

Par décision du 15 juin 2023, le Tribunal administratif de Versailles a sursis à statuer jusqu’à ce que le Tribunal judiciaire de Versailles se soit prononcé sur la question de savoir si Mme [D] [K] est propriétaire du bateau “LE DELIGNY” stationnant sur le domaine public fluvial, relevant dans sa motivation que la signature de Mme [D] [K] figurant sur l’acte de vente et les extraits de conventions d’occupation temporaire comporte à première vue des différences de graphisme avec celle figurant sur la requête, les accusés de réception des pièces de procédure et le procès-verbal de dépôt de plainte.

Le greffe de la 3ème chambre civile a été saisi par visa du 12 Septembre 2023 et les convocations ont été adressées aux parties par lettres recommandées avec accusé de réception le jour même signées les 15 et 16 Septembre 2023.

Mme [D] [K] s’est constituée en défense devant le Tribunal judiciaire le 17 octobre 2023.

Par bulletin du 18 octobre 2023, le juge de la mise en état a renvoyé l’affaire au 20 décembre 2023 pour conclusions des parties sur la question préjudicielle et clôture impérative.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le
20 décembre 2023, Mme [D] [K] demande au Tribunal de :

Vu les articles 287 et suivants du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,

- Constater que la signature de Madame [K] a été falsifiée sur les actes d’acquisition et d’occupation de la péniche « Le Deligny »,
- Dire que ces actes sont nuls,
- Dire que Madame [K] n’est pas propriétaire de la péniche « Le Deligny »,
- Débouter les Voies Navigables de France de toute demande contraire.

L’établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE (VNF), dispensé du Ministère d’Avocat, n’a pas conclu.

La clôture a été prononcée le 20 Décembre 2023.

Afin de satisfaire aux prévisions de l’article 126-15 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 19 Mars 2024, première date utile au regard de la procédure applicable devant la juridiction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 287 du code de procédure civile :

“Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.

Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions, mises par les articles 1366 et 1367 du code civil à la validité de l'écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites”.

Au soutien de ses prétentions, Mme [D] [K] expose que M. [F], ami de jeunesse auquel elle avait rendu service alors qu’il se trouvait en situation de précarité et dont elle était restée proche, avait emménagé dans les années 2000 sur un bateau dénommé “LE COMPIEGNE” amarré sur la Seine à [Localité 7]. En 2005 ou 2006, M. [F] lui indiquait que n’ayant pas d’héritier, il voulait lui faire donation du bateau en remerciement de l’aide et du soutien qu’elle lui avait apporté. Il lui demandait alors une procuration et elle lui remettait à cette occasion une copie de sa carte d’identité. Elle restait par la suite sans nouvelle de ce projet de donation.
Le 10 septembre 2020, Mme [D] [K] recevait un appel des pompiers lui signalant que le bateau avait coulé et que M. [F] avait du être hospitalisé. Elle se rendait alors en région parisienne pour rendre visite à son ami et à cette occasion allait sur le bateau pour récupérer des papiers. C’est alors qu’elle découvrait des documents concernant l’acquisition et l’occupation du bateau portant son nom et sur lesquels était apposée sa signature grossièrement imitée. Elle déposait plainte dès son retour à son domicile pour faux et usurpation d’identité.

Il résulte des éléments du dossier qu’une première convention d’occupation du domaine public fluvial pour le bateau “LE COMPIEGNE” renommé “LE DELIGNY” a été signée le 16 mars 2011 au nom de Mme [D] [K]. Une seconde convention a été signée , toujours au nom de l’intéressée, le 17 décembre 2017 pour la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2022. Un acte de vente sous seing privé a également été établi le 9 mai 2006 entre le chantier naval ROUSSEAUX DEBAECKER représenté par son gérant M. [B] et Mme [D] [K].

Lors de la procédure intentée à son encontre par l’établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, elle faisait valoir qu’elle n’était pas propriétaire du bateau “LE DELIGNY”, les documents l’établissant comme propriétaire étant des montages établis par M. [F].

Au soutien de ses prétentions, Mme [D] [K] communique les documents récupérés sur le bateau de M. [F] ainsi que des exemplaires de sa véritable signature. Elle souligne qu’il résulte de l’examen de ces documents que sa signature a été imitée de manière grossière et précise que sa plainte n’a pu avoir de suite en raison du décès de M. [F]. Elle produit, de plus, plusieurs documents retrouvés au domicile de celui-ci laissant à penser que M. [F] déclarait héberger ou vivre avec Mme [D] [K] à certains organismes. Enfin, elle produit des documents signés par M. [W] [M] de la société CHANTIER FLUVIAL DE PONT ROUSSEAUX DEBAECKER montrant que cette signature diffère sur chaque document ce qui laisse à penser qu’elle a également été falsifiée.

Mme [D] [K] a effectué un dépôt de plainte le 3 octobre 2020 auprès des services de gendarmerie de [Localité 8] (34). Elle expose aux termes de cette plainte, dans des termes similaires à ceux repris dans ses écritures, que M. [F] [S], ami de longue date, vivait sur la péniche “LE COMPIEGNE”, rebaptisée “LE DELIGNY” et qu’il lui avait dit en 2005 ou 2006 qu’il lui ferait don de cette péniche. Début septembre 2020, elle avait reçu un appel des pompiers lui disant que la péniche avait coulé et qu’ils avaient pris en charge M. [F], atteint d’une maladie dégénérative. Elle était alors venue sur place et avait récupéré divers documents à bord de la péniche parmi lesquels figurait un acte de vente en date du 9 mai 2006 selon lequel elle achetait la péniche à la société CHANTIERS FLUVIAL ROUSSEAU DEBAECKER. Or elle n’avait jamais acheté la péniche et ce n’était pas sa signature qui figurait sur l’acte de vente. Elle constatait que sa signature avait également été imitée sur des conventions d’occupation temporaires du domaine public fluvial. Elle remettait les documents aux enquêteurs, sur lesquels elle les invitait à constater que les signatures n’étaient pas la sienne et que la signature sur l’acte de vente était elle même différente de celle figurant sur les conventions d’occupation temporaires.

L’examen des documents versés aux débats permet de considérer que la signature de la demanderesse a été imitée, avec plus ou moins de succès, sur les documents censés établir sa propriété de la péniche. Ainsi, la signature figurant sur sa carte d’identité ou sur le dépôt de plainte ne correspond pas à celle apposée sur les documents litigieux.

Cette imitation est de plus corroborée par plusieurs éléments. Ainsi, il ressort d’un certificat d’assurance délivré le 9 janvier 2019 que la bateau avait été assuré au nom de M. [F] et de Mme [K]. Les documents produits rendent aussi plausible une imitation de la signature de M. [W] [M], gérant de la société CHANTIER FLUVIAL ROUSSEAUX DEBAECKER.

Au surplus, il est versé aux débats des certificats d’assurance postérieurs à la date de la vente supposée et établis aux deux noms de M. [F] et de Mme [K] ce qui n’apparaît pas cohérent avec le transfert de propriété supposé de la péniche.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’il y a lieu de dire en réponse à la question préjudicielle dont le Tribunal est saisi que Mme [D] [K] n’est pas propriétaire de la péniche « LE DELIGNY ».

Le Tribunal n’étant en effet saisi que de cette seule question, il n’y a pas lieu de statuer sur le surplus des demandes de Mme [D] [K].

PAR CES MOTIFS

Vu les articles 126-14 et 126-15 du Code de Procédure Civile,

Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier et dernier ressort,

DIT que Mme [D] [K] n’est pas propriétaire du bateau «LE DELIGNY» stationnant sur le domaine public fluvial à [Localité 7] (78),

REJETTE toute autre demande.

RÉSERVE les dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 MAI 2024 par M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 23/05029
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;23.05029 ?
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