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06/05/2024 | FRANCE | N°22/03474

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Troisième chambre, 06 mai 2024, 22/03474


Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
06 MAI 2024


N° RG 22/03474 - N° Portalis DB22-W-B7G-QUIJ
Code NAC : 58E



DEMANDEUR :

Monsieur [P] [E]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4] (95),
demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Ludovic TARDIVEL de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.


DÉFENDERESSE :

La société BPCE PREVOYANCE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numé

ro 352 259 717 dont le siège social est [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette ...

Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
06 MAI 2024

N° RG 22/03474 - N° Portalis DB22-W-B7G-QUIJ
Code NAC : 58E

DEMANDEUR :

Monsieur [P] [E]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4] (95),
demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Ludovic TARDIVEL de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE :

La société BPCE PREVOYANCE, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 352 259 717 dont le siège social est [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Sammy JEANBART, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Olivia RISPAL-CHATELLE de la SCP LDGR, avocat plaidant au barreau de PARIS.

INTERVENANTE VOLONTAIRE EN LIEU ET PLACE DE LA SA BPCE PREVOYANCE :

La société BPCE VIE, société anonyme régie par le Code des assurances immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 349 004 341 dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Sammy JEANBART, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Olivia RISPAL-CHATELLE de la SCP LDGR, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 19 Mai 2022 reçu au greffe le 23 Juin 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 29 Février 2024, Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 06 Mai 2024.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 octobre 2009, M. [P] [E] a demandé son adhésion au contrat de prévoyance « FRUCTI PROFESSIONNEL » destiné à garantir le risque incapacité de travail, version « accidents et maladies » auprès de BPCE PREVOYANCE aux droits de laquelle vient la SA BPCE VIE.

Monsieur [E] a complété et signé à cet effet une déclaration de santé en date du 2 octobre 2009 et a été accepté dans l'assurance sans surprime ni exclusion particulière autres que celles contractuellement prévues.

Le certificat d'adhésion en date du 24 novembre 2009 indique la date du
2 octobre 2009 comme date d'effet de la garantie qui prévoit, en cas d'incapacité temporaire totale de travail (ITT) version "accidents et maladies" une indemnité d'un montant mensuel de 1.500 € sur une durée maximimale de 12 mois (franchise incluse). Pour la garantie ITT en cas de maladie, franchise absolue, indemnités versées à terme échu, à effet du 16ème jour d'arrêt de travail.

A compter de novembre 2021, M. [E] a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail et a sollicité la mise en œuvre de la garantie incapacité temporaire totale de travail prévue à son contrat FRUCTI PROFESSIONNEL.

Dans un premier temps, la SA BPCE PRÉVOYANCE a pris en charge le sinistre et a garanti l'arrêt de travail du 30 novembre 2021 au 17 décembre 2021 pour un montant de 1.079,09 €.

Le 20 décembre 2021, la BPCE PRÉVOYANCE a demandé à M. [E] de lui adresser divers documents dont ses arrêts de travail ainsi que son compte-rendu opératoire et d'hospitalisation.

Connaissance prise des documents transmis et plus particulièrement du compte-rendu d'hospitalisation de l'hôpital de [5] en date du 8 décembre 2021, la SA BPCE a informé M. [E] qu'elle cessait sa garantie en raison des réticences et fausses déclarations intentionnelles commises par lui le jour de sa demande d'adhésion à l'assurance en date du
2 octobre 2009.

Par courrier du 24 février 2022, le Médecin Conseil de l'assureur a informé
M. [E] de ce que son assureur refusait la garantie et annulait le contrat au motif que :
« Lors de votre entrée en Assurance, vous avez tu une maladie périodique ancienne, chronique, stable, justifiant un traitement pendant les crises. L'Assureur n'a pas pu appréhender le risque et conformément au Code des assurances, il refuse la garantie et annule le contrat. Le risque assuranciel ayant été faussé et mal apprécié lors de l'adhésion.
Il n'est pas nécessaire que l'effet dissimulé soit à l'origine de la mise en jeu de la garantie… »

C'est dans ce contexte que M. [E] a, par exploit du 19 mai 2022, assigné la SA BPCE PREVOYANCE en vue d'obtenir notamment sa condamnation à lui verser les prestations qu'il estime lui être dues en vertu du contrat de prévoyance FRUCTI PROFESSIONNEL.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2023 , demandent au tribunal de :

Vu les articles L.113-8 et L.113-9 du Code des assurances,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées au débat,

Déclarer Monsieur [P] [E] recevable et bien fondé en ses demandes,

En conséquence :

Déclarer BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE mal fondée à annuler le contrat de prévoyance signé par Monsieur [E] le 2 octobre 2009,

DIRE ET JUGER valide le contrat de prévoyance signé par Monsieur [E] et la BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE en date du 2 octobre 2009,

Condamner BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE à prendre en
charge Monsieur [E] et lui verser les prestations dues au titre du contrat de prévoyance FRUCTI PROFESSIONNEL,

Condamner BPCE VIE venant aux droits de la BPCE PREVOYANCE à verser à Monsieur [E] la somme de 16 920,91 € correspondant aux indemnités dues à compter du mois de novembre 2021 au titre de son contrat de prévoyance signé le 2 octobre 2009,

Condamner BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE à verser à
Monsieur [E] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la BPCE PREVOYANCE aux entiers dépens.

M. [E] fait valoir que la nullité encourue au titre de l'article L.113-8 du code des assurances nécessite à la fois qu'il y ait eu une fausse déclaration intentionnelle et que celle-ci ait changé l'objet du risque ou ait diminué l'opinion de l'assureur.

Il affirme qu'il est de jurisprudence constante qu'en cas de fausse déclaration intentionnelle l'assureur doit établir la mauvaise foi de l'assuré en rapportant la preuve de ce que ce dernier a eu l'intention de le tromper par une déclaration irrégulière sur le risque que l'assureur a entendu couvrir. L'appréciation de la bonne ou mauvaise foi de l'assuré, quant au risque déclaré à l'assureur, se fait nécessairement en considération des déclarations faites par l'assuré pour la souscription du contrat. Un assureur ne peut se prévaloir des sanctions prévues aux articles L.113-8 et L.113-9 du Code des assurances, lorsqu'un agent général ou son préposé a eu connaissance lors de la souscription du contrat de la déclaration fausse ou inexacte de l'assuré. En outre, la mauvaise foi d'un assuré ne peut résulter de la seule réponse inexacte aux questions posées, l'omission ou la déclaration devant caractériser la volonté de tromper l'assureur. Enfin, il ne peut être reproché à un assuré d'avoir cherché à tromper son assureur lorsqu'il pouvait légitimement penser que son état de santé était stabilisé et sans réelle inquiétude.

Il indique avoir déclaré à son conseiller des problèmes hémorroïdaires ayant donné lieu à une intervention chirurgicale plus de dix ans avant la souscription du contrat de prévoyance et l'existence d'une malade périodique appelée
« Fièvre Familiale Méditerranéenne » ainsi que la prise d'un traitement à la colchicine en cas de crise. Il prétend également avoir précisé à son conseiller que son état était stable dans la mesure où aucune crise, aucune hospitalisation ni arrêt de travail n'étaient à déplorer depuis le début des années 2000, ce qui a été confirmé par son médecin traitant dans un certificat médical en date du
24 janvier 2022.

Il indique que c'est son conseiller qui lui a indiqué qu'il était inutile de signaler ces antécédents dans le cadre de la déclaration de santé étant donné que l'opération chirurgicale datait de plus d'une dizaine d'années et que sa maladie périodique n'avait aucune conséquence chirurgicale ; que c'est sur le conseil de ce dernier qu'il a signé la case n°1 de la déclaration de santé indiquant qu'il était indemne de toute affection justifiant surveillance ou traitement, de toute séquelle d'accident ou d'infirmité.

Il conteste, par conséquent, avoir fait une fausse déclaration intentionnelle dans la mesure et fait valoir sa bonne foi.

Il indique fournir un certificat médical de son médecin traitant prouvant que son état de santé était stabilisé dans la mesure où, au jour de la souscription du contrat de prévoyance, il n'avait pas eu de crise sévère depuis près de 10 ans, que son état ne nécessitait aucun suivi médical particulier et qu'il n'avait fait l'objet d'aucune hospitalisation ou arrêt de travail en rapport avec la fièvre familiale méditerranéenne.

En tout état de cause, il soutient que la déclaration de cette maladie n'aurait pas changé l'objet du risque ni diminué l'opinion de l'assureur puisqu'il ne faisait que très peu de crises et qu'il n'avait pas de suivi médical régulier pour la fièvre familiale méditerranéenne.

Il rétorque que le compte rendu d'hospitalisation de chirurgie de l'hôpital de [5], n'établit nullement qu'il aurait des symptômes de la fièvre méditerranéenne.

Il fait valoir que son médecin traitant confirme que son état de santé au moment de la souscription du contrat ne présentait aucune complication liée à la maladie périodique, c'est-à-dire ni insuffisance rénale ni amylose. Il n'a donc pas dissimulé son état de santé, en répondant négativement à la question la concernant, alors que c'est son conseiller qui lui a suggéré de ne pas le mentionner eu égard au caractère bénin de cette pathologie chez l'assuré qui en 32 ans n'avait connu que quelques crises mineures et sans conséquences.

Le demandeur conteste l'application d'une prime de 100% tel que le soutient la défenderesse dans sa demande subsidiaire, cette demande n'étant justifiée que par un médecin mandaté à titre habituel par la BPCE.

Il estime les indemnités non perçues partent de novembre 2021 et ont vocation à courir jusqu'au 30 novembre 2022, puisqu'il était toujours en arrêt maladie à cette date.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2023, la SA BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE demande au tribunal de :

A titre liminaire,

Vu la scission de la SA BPCE PRÉVOYANCE,

Recevoir la SA BPCE VIE en son intervention volontaire en lieu et place de BPCE PREVOYANCE

Vu les articles L 113-2 et L 113 – 8 du Code des assurances,

Vu les pièces versées aux débats,

DEBOUTER Monsieur [E] de l'intégralité de ces demandes,

A titre subsidiaire,

Si par impossible la SA BPCE VIE était tenue à garantie,

Vu les dispositions contractuelles,

Vu l'indemnisation maximale d'une période de 12 mois au titre de la garantie Incapacité Temporaire Totale de Travail,

Vu l'indemnisation d'ores et déjà servie par la SA BPCE PREVOYANCE pour la période du 30 novembre 2021 au 17 décembre 2021,

Vu la période d'ITT justifiée jusqu'au 17 mai 2022, soit 1.500€ x 6 mois = 9.000€,

DEBOUTER Monsieur [E] de sa demande de garantie à hauteur de 16.920,91 €.

En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur [E] de sa demande de condamnation en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,

Le CONDAMNER au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le CONDAMNER en tous les dépens.

La BPCE VIE fait valoir au visa de l'article L. 113-2 du code des assurances que le contrat d'assurance est entièrement basé sur la déclaration préalable du risque par la personne qui demande à s'assurer ; qu'il est donc indispensable que cette déclaration soit faite avec une totale sincérité et que l'assuré réponde exactement aux questions posées par l'assureur.

Au visa de l'article L.113-8 du même code, elle rappelle que le contrat d'assurance encourt la nullité dans l'hypothèse où l'assuré n'a pas répondu de manière sincère au questionnaire.

Au visa de la jurisprudence, elle fait valoir que le caractère intentionnel de la réticence dans la déclaration du risque se déduit lorsque l'assuré ne pouvait pas avoir perdu le souvenir de la circonstance omise, même après de nombreuses années et que la fausse déclaration est nécessairement intentionnelle lorsque le postulant ne pouvait pas ne pas savoir qu'elle était contraire à la vérité.

Elle explique que lors de sa demande d'adhésion à l'assurance en date du
2 octobre 2009, M. [E] a commis des réticences en signant à côté des rubriques "Je suis indemne de toute affection justifiant surveillance ou traitement, de toute séquelle d'accident ou d'infirmité" et "Je n'ai subi aucun bilan médical ayant mis en évidence une anomalie".

Elle estime que M. [E] ne pouvait ignorer qu'il se rendait coupable de fausses déclarations d'autant que figurait dans la déclaration de santé l'avertissement sur les conséquences d'une telle fausse déclaration.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas été en capacité d'appréhender le risque qu'elle assurait avec la déclaration faite par M. [E] et que, si elle avait été informée de ce qu'il souffrait d'une "fièvre méditerranéenne de famille", elle n'aurait accepté M. [E] dans l'assurance que moyennant une surprime d'un montant de 100%, cette maladie étant une maladie génétique autosomique récessive se manifestant notamment pas des poussées inflammatoires et dont l'amylose, qui est la complication la plus grave, peut conduire à une insuffisance rénale et au décès du patient.

Elle rappelle que la jurisprudence considère que c'est à l'assureur et non au postulant qu'il appartient de juger si une circonstance a une influence sur l'appréciation du risque et qu'il a donc l'obligation de déclarer, dans la limite du questionnaire, toutes les circonstances connues de lui qui sont susceptibles par leur nature d'intéresser l'assureur pour apprécier le risque sans pouvoir de son propre jugement en écarter certaines.

Par ailleurs, elle soutient que les avertissements portés à la connaissance du postulant constituent un facteur aggravant du caractère intentionnel de la réticence et de la fausse déclaration et rappelle que le demandeur a signé sous la phrase : "Je déclare que les réponses ci-dessus sont exactes." "Je sais que toute fausse déclaration intentionnelle entraîne la nullité de l'assurance conformément à l'article L 113-8 du Code des assurances”.

Elle rétorque que M. [E] ne démontre pas que c'est son conseiller qui lui aurait dit de ne pas signaler ses antécédents et qu'en tout état de cause, il a apposé sa signature et authentifié sa réponse.

Elle rappelle que le contrat a été souscrit en 2009 et que la stabilisation de son état constaté dans le certificat de son médecin en janvier 2022 est donc inopérant ce d'autant que M. [E] n'avait pas à se faire juge de la gravité de ses antécédents.

Elle fait valoir que le compte-rendu d'hospitalisation de chirurgie établi le
8 décembre 2021 par l'hôpital de [5] est en contradiction avec l'attestation établie par le médecin traitant du demandeur. Il ne peut être contesté que M. [E] a déjà fait des crises pour la fièvre familiale méditerranéenne. Elle rappelle que la colchicine administrée quotidiennement est le seul traitement préventif efficace de l'amylose et que ce médicament lui a été prescrit à une dose d'1mg/soir, la Haute Autorité de Santé indiquant qu'il s'agit d'un traitement de fond devant être administré dès l'établissement du diagnostic de la maladie. Elle ajoute que ce médicament est prescrit à tous les patients atteints de la fièvre familiale méditerranéenne au long cours et nécessitant une évaluation régulière de la fonction rénale et hépatique.

S'agissant de sa demande subsidiaire, la défenderesse fait valoir dans ses dernières écritures que la durée maximale de service de la prestation ITT est de 12 mois, soit en l'espèce, une prise en charge maximale du 30 novembre 2021 au 30 novembre 2022. Elle précise que le demandeur a déjà été indemnisé pour la période du 30 novembre 2021 au 17 décembre 2021 et qu'il ne verse pas aux débats les arrêts de nature à justifier les arrêts postérieurs, les pièces 12 à 14 n'étant pas versées aux débats.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement des indemnités au titre du contrat de prévoyance

➤ sur la nullité du contrat

L'article L.112-3 alinéa 4 du code des assurances dispose que lorsque, avant la conclusion du contrat, l'assureur a posé des questions par écrit à l'assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu'une question exprimée en termes généraux n'a reçu qu'une réponse imprécise.

Aux termes de l'article L.113-2-2° du même code, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge.

L'article L.113-8, alinéa 1er, du même code dispose qu'indépendamment des causes ordinaires de nullité, (...), le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Il appartient à l'assureur d'établir la mauvaise foi de l'assuré, qui est présumée, en rapportant la preuve de ce que ce dernier a eu l'intention de le tromper par une déclaration irrégulière sur le risque que l'assureur a entendu.

Enfin, la nullité du contrat ne peut être prononcée s'il n'est pas constaté que l'inexactitude reprochée procède de réponses à des questions précises posées par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge.

En l'espèce, le certificat médical du médecin traitant de M. [E], qui le suit depuis 2002, énonce que celui-ci a été diagnostiqué vers l'âge de 10 ans comme étant atteint de la "fièvre méditerranéenne de famille" encore appelée "maladie périodique" qui est une maladie génétique.

Ce médecin atteste, que depuis qu'il suit ce patient, la fréquence des crises de M. [E] est très faible voire nulle, qu'aucune crise sévère n'est à déplorer et qu'aucune hospitalisation ou arrêt de travail en rapport avec cette maladie n'a été prescrit en rapport avec cette maladie ; que, par ailleurs, un traitement par l'administration d'un médicament dénommé Colchicine est préconisé en cas de crise. Le médecin conclut son certificat en indiquant que l'évolution de la maladie depuis qu'il est le médecin traitant de M. [E] est donc stable et qu'il n'existe aucune complication.

Il ressort de la "déclaration de santé -fiche de santé" remplie par M. [E] lors de la souscription de son contrat auprès de la BPCE PREVOYANCE le
2 octobre 2009 que M. [E] a apposé sa signature à côté des assertions suivantes :

Je déclare être en bonne santé :
- je suis indemne de toute affection justifiant surveillance ou traitement,de toute séquelle d'accident ou d'infirmité.

Pour une autre cause que : maternité, appendicite, amygdales, chirurgie estétique, oreilles ou dents :
-je n'ai pas été hospitalisé au cours des cinq dernières années, aucune hospitalisation n'est prévue et je n'ai subi aucun bilan médical ayant mis en évidence une anomalie.
-je n'ai pas été en arrêt de travail d'une durée supérieure à un mois au cours des cinq dernières années,

Je déclare que les réponses ci-dessus sont exactes. Je sais que toute fausse déclaration intentionnelle entraîne la nullité de l'assurance conformément à l'article L.113-8 du code des assurances.

Force est de constater à titre liminaire que M. [E] est défaillant à rapporter la preuve de ce que l'agent d'assurance, M. [F], lui aurait indiqué qu'il n'était pas opportun de déclarer sur le formulaire qu'il était atteint de la fièvre méditerranéenne de famille.

S'il n'est pas contestable que M. [E] était déjà atteint de la fièvre méditerranénne de famille au moment de la souscription de son contrat, il convient de relever que le formulaire de déclaration de santé revêtait un caractère particulièrement général et peu précis. Aucune véritable question au sens strict du terme, n'était d'ailleurs posée au souscripteur qui devait seulement apposer sa signature à côté des différentes assertions énoncées ci-dessus.

Ainsi, la notion de "je suis en bonne santé" telle qu'elle figure dans le formulaire est forcément subjective en l'absence de questions précises et il ressort du certificat médical du médecin traitant du demandeur que ce dernier pouvait à juste titre penser "être indemne de toute affection justifiant surveillance ou traitement" étant donné que la fréquence des crises était très faible voire nulle, qu'aucune crise sévère n'était à déplorer et qu'aucune hospitalisation ou arrêt de travail en rapport avec cette maladie n'avait été prescrit en rapport avec cette maladie; que par ailleurs, son médecin traitant indique que la prise de colchicine était uniquement préconisé en cas de crise, ce qui justifie que M. [E] ait pu légitimement déclaré ne pas suivre de traitement. Les documents généraux fournis par la défenderesse au sujet de cette maladie et le compte-rendu de l'hôpital de [5] ne sont pas suffisants à apporter la preuve contraire de ce qu'atteste le le médecin traitant du souscripteur à savoir que le traitement par colchicine lui était administré uniquement en cas de crise.

Force est de constater qu'aucune question précise n'était posée au souscripteur notamment pour déterminer si celui-ci était atteint d'un certain type de maladie (génétique, cardio-vasculaire, respiratoire, nerveuse, digestive, rénale..) Ou encore d'une maladie chronique, de la fréquence de prise d'un traitement, type de questions qui aurait permis au souscripteur de faire état de manière exhaustive de son état de santé et ainsi permettre à l'assureur d'évaluer clairement le risque qu'il entendait assurer.

Il résulte de ce qui précède que la défenderesse est défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe de la mauvaise foi de M. [E] lors de la souscription de son contrat.

Il y a lieu dès lors lieu de maintenir les effets du contrat d'assurance.

➤ sur les sommes dues au titre du contrat d'assurance

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article L. 113-9 du code des assurances dispose que l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance. (..) Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

Toutefois, si l'assureur qui sollicite à titre principal la nullité du contrat sur le fondement de l' article L. 113-8 du Code des assurances , n'a pas demandé à titre subsidiaire la réduction proportionnelle de l'indemnité prescrite par l' article L. 113-9, la juridiction du fond saisie du litige n'a pas à procéder d'office à une telle réduction.

En l'espèce, force est de constater que l'assureur, aux termes de ses dernières écritures, s'il demande que soit constaté la nullité du contrat aux termes de l'article L.113-8 du code des assurances ne demande pas l'application de l'article L113.9 et en tout état de cause ne développe aux termes de ses dernières conclusions aucun moyen relatifs à cette réduction prévue au code des assurances, développant uniquement des moyens relatifs à l'absence de justification des arrêts de travail de M. [E].

Contrairement à ce que la défenderesse soutient, les pièces 12 et 14 ont bien été versées aux débats et M. [E] justifie donc des arrêts maladie pendant un an et ce jusqu'au 30 novembre 2022.

Il est constant que le contrat de garantie prévoyait le versement mensuel de la somme de 1.500 € pendant 12 mois et que la BPCE PREVOYANCE a déjà réglé au titre de l'arrêt de travail du 15 novembre 2021 au 17 décembre 2021 la somme de 1.079,09 €.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de M. [E] et de condamner la SA BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE à payer au demandeur la somme de 16.920,91 € correspondant aux indemnités dues à compter du 18 décembre 2021 jusqu'au 30 novembre 2022 au titre de son contrat de prévoyance signé le 2 octobre 2009.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE qui succombe sera condamnée aux dépens de l'instance

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE partie perdante, sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.

Sur l'exécution provisoire

En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Condamne la SA BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE à payer à M. [P] [E] la somme de 16.920,91 €,

Condamne la SA BPCE VIE, venant aux droits de BPCE PREVOYANCE à payer à M. [P] [E] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SA BPCE VIE venant aux droits de BPCE PREVOYANCE à payer les dépens,

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 MAI 2024 par Madame VERNERET-LAMOUR, Juge placé, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIERLE JUGE PLACÉ
Carla LOPES DOS SANTOS Sophie VERNERET-LAMOUR


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03474
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;22.03474 ?
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