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03/05/2024 | FRANCE | N°22/03094

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Deuxième chambre, 03 mai 2024, 22/03094


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT COLLÉGIAL du 03 MAI 2024

N° RG 22/03094 - N° Portalis DB22-W-B7G-QS7O.

DEMANDEURS :

Monsieur [V] [C], né le 26 septembre 1974 à [Localité 13], de nationalité Française, militaire, domicilié [Adresse 7],
représenté par Maître Hugues LEROY de la SCP HUGUES LEROY, avocats au barreau d’ORLEANS, avocats plaidant, Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

Madame [V] [K], née [R], née le 28 août 1973 à [Localité 11]
de national

ité Française, militaire, domiciliée [Adresse 7],
représentée par Maître Hugues LEROY de la SCP HUGUES LEROY, avo...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT COLLÉGIAL du 03 MAI 2024

N° RG 22/03094 - N° Portalis DB22-W-B7G-QS7O.

DEMANDEURS :

Monsieur [V] [C], né le 26 septembre 1974 à [Localité 13], de nationalité Française, militaire, domicilié [Adresse 7],
représenté par Maître Hugues LEROY de la SCP HUGUES LEROY, avocats au barreau d’ORLEANS, avocats plaidant, Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

Madame [V] [K], née [R], née le 28 août 1973 à [Localité 11]
de nationalité Française, militaire, domiciliée [Adresse 7],
représentée par Maître Hugues LEROY de la SCP HUGUES LEROY, avocats au barreau d’ORLEANS, avocats plaidant, Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant

DEFENDERESSES :

SOCIETE GENERALE S.A., ayant pour numéro unique d’identification : 552 120 222 RCS PARIS, dont le siège social est situé [Adresse 6], prise en la personne de sa Direction Commerciale Régionale de [Localité 14], représentée par son Directeur domicilié audit siège,
représentée par Me Sandrine BEZARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me Dominique FONTANA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

La société JFC GROUPE, SARL au capital de 8000 € dont le siège social est situé [Adresse 8]
[Adresse 8], immatriculée au RCS de SAINT-DENIS sous le numéro 478806912, prise en la personne de son représentant légal,
représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, La SELARL ALQUIER & ASSOCIES Représentée par Alexandre ALQUIER Avocat au Barreau de Saint-Denis, avocat plaidant

ACTE INITIAL du 02 Mai 2022 reçu au greffe le 24 Mai 2022.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 05 Mars 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries, puis l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mai 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame LUNVEN, Vice-Présidente
Madame RODRIGUES, Vice-Présidente
Madame MESSAOUDI, Juge

GREFFIER :
Madame [W].

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 27 décembre 2019, la SARL JFC GROUPE a vendu à Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] (ci-après les époux [V]) le lot de copropriété n°52 s'agissant d'une chambre et 56/5689ème des parties communes générales, au sein de l’EHPAD, Résidence [12], situé [Adresse 9] (78).

La copropriété est divisée entre les copropriétaires des appartements de la résidence et la société DOMUSVI 2, propriétaire des bâtiments de service.

Le bien vendu était loué meublé en vertu d’un bail commercial du 25 décembre 2013 moyennant un loyer annuel de 7.493,73 euros HT à la société en charge de l’exploitation de l’EHPAD laquelle sous loue ensuite les chambres aux résidents de l'EHPAD.

La vente a été consentie au prix de 128.400 euros ainsi ventilé, 127.800 euros au titre du bien immobilier et 600 euros au titre des biens meubles.

Cette acquisition a été financée au moyen d’un prêt consenti par la SA SOCIETE GENERALE selon acte sous seing privé du 23 septembre 2019 d’un montant de 145.180 euros remboursable au taux de 0,99 % l’an sur une durée totale de 204 mois en une échéance de 180,27 euros, suivie de 203 échéances mensuelles de 837,52 euros.

Le prêt était garanti par la caution de la SA CREDIT LOGEMENT.

Postérieurement à l’acquisition, les époux [V] déclarent avoir appris par des courriers du conseil syndical des 20 novembre 2020 et 17 février 2021 :
- que les parties communes de l’immeuble étaient affectées de graves désordres imputables à des défauts d’entretien des précédents syndics et à l’exploitant de l’EHPAD,
-qu’un référé expertise avait été diligenté par un collectif de copropriétaires selon assignation du 30 mars 2018 à l’encontre du syndicat des copropriétaires, du syndic, du gestionnaire et exploitant de l'EHPAD, du propriétaire des bâtiments de service, de l’assureur de la résidence, de l'ancien syndic et du vendeur des droits, procédure qui a abouti à la désignation d’un expert judiciaire suivant ordonnance de référé du 4 octobre 2018,
-que l'expert judiciaire a, avant le dépôt de son rapport, préconisé la réalisation de travaux urgents votés par l’assemblée générale des copropriétaires pour un montant global de 735.000 euros, outre les honoraires de maîtrise d’œuvre s'élevant au taux moyen de 10% du coût des travaux.
A la date de l’assignation, les opérations d’expertise étaient toujours en cours.

Les époux [V] reprochant au vendeur de ne pas les avoir informés de l’importance des désordres, ni de la teneur précise de la procédure judiciaire, ont fait assigner, par actes d'huissier de justice du 2 mai 2022 devant le tribunal judiciaire de Versailles, la SARL JFC GROUPE, en sa qualité de venderesse, et la SA SOCIETE GENERALE, en sa qualité de prêteur, aux fins de voir prononcer la nullité de la vente et la caducité du prêt consenti par la SA SOCIETE GENERALE.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 septembre 2023, les époux [V] demandent au tribunal de :
DÉCLARER Monsieur et Madame [V] recevables et bien fondés en leurs demandes,
Y faire droit,
Vu les articles 1112-1, 1130, 1133, 1137, 1186 et 1187 du Code civil,
- JUGER que la société JFC GROUPE a manqué à ses obligations d’information et de loyauté à l’égard de Monsieur et Madame [V],
JUGER que le consentement de Monsieur et Madame [V] a été vicié pour réticence dolosive ou subsidiairement pour erreur à l’occasion de la vente immobilière conclue avec la société JFC GROUPE,
En tous cas,
PRONONCER la nullité de la vente entre :
La société JFC GROUPE, SARL au capital de 8 000,00 €, immatriculée au RCS de SAINT DENIS-DE-LA-REUNION sous le n° 478 806 912, dont le siège social est [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal,
Vendeur
Au profit de :
Madame [V] [K], née [R], née le 28 août 1973 à [Localité 11] de nationalité Française, militaire, domiciliée [Adresse 7],
Monsieur [V] [C], né le 26 septembre 1974 à [Localité 13], de nationalité Française, militaire, domicilié [Adresse 7],
Acquéreurs
Portant sur une chambre constituant le lot de copropriété n°52 d’un ensemble immobilier dénommé « Résidence [12] » situé [Adresse 9] comprenant :
Une chambre portant le n°52 située au premier étage du bâtiment EHPAD telle qu’elle figure au plan sous le n°52,Les 56/5689e des parties communes générales, Suivant état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d’un acte reçu par [P], notaire à [Localité 15] le 24 juin 2004, publié au service de la publicité foncière de [Localité 17] le 27 juillet 2004, référence 7804P03 volume 2004 P6212, Figurant ainsi au cadastre [Adresse 9] : - Section AX n°[Cadastre 1] pour une surface de 16 ca, - Section AX n°[Cadastre 2] pour une surface de 47 a et 84 ca, - Section AX n°[Cadastre 3] pour une surface de 01 a et 87 ca, - Section AX n°[Cadastre 4] pour une surface de 58 ca, - Section AX n°[Cadastre 5] pour une surface de 88 ca,
- Propriété de Monsieur et Madame [V] suivant acte reçu par Maître [J], notaire à [Localité 16] le 27 décembre 2019, publié au service de la publicité foncière de [Localité 17] le 20 janvier 2020, référence 7804P03 volume 2020 P571 Au prix de 127.800 €.

En conséquence,
CONDAMNER la société JFC GROUPE à payer à Monsieur et Madame [V] les sommes de :
- 158.452,23 € en restitution du prix de vente et des frais accessoires,
- 2.870,01 € au titre des frais bancaires, - 51,46 € au titre des charges de copropriété de l’année 2020,
- 1.272,93 € au titre des charges de copropriété de l’année 2021,
- 8.882,53 € au titre des appels de fonds de l’année 2022,
- 3.967.24 € au titre des appels de fonds de l’année 2023 sauf à parfaire, outre les appels de fonds à intervenir jusqu’au prononcé de l’annulation de la vente et au transfert de propriété,
JUGER que lesdites sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2019, date de la vente, et que les intérêts produiront eux-mêmes des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.
JUGER que Monsieur et Madame [V] devront restituer à la société JFC GROUPE l’immeuble dans l’état où il se trouvait au jour de l’entrée en jouissance,
ORDONNER la publication du jugement à intervenir aux services de la publicité foncière de [Localité 17], et constater que l’acte introductif d’instance a lui-même été publié,
SUBORDONNER le transfert de propriété à la parfaite restitution du prix de vente et du paiement des frais et charges accessoires,
CONDAMNER la société JFC GROUPE à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

PRONONCER la caducité du contrat de prêt n°5751858 souscrit par Monsieur et Madame [V] auprès de la SOCIETE GENERALE,
- En conséquence,
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à restituer à Monsieur et Madame [V] les échéances versées comprenant le capital et les intérêts,
JUGER que Monsieur et Madame [V] devront rembourser à la SOCIETE GENERALE la somme de 145.180 €,
ORDONNER la compensation entre ces créances respectives,
SUBORDONNER l’exécution des obligations réciproques des parties au contrat de prêt n°5751858 au caractère effectif du transfert de propriété,
JUGER qu’il n’y aura pas lieu à écarter l’exécution provisoire,
Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,
CONDAMNER la société JFC GROUPE à payer à Monsieur et Madame [V] une indemnité de 10.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société JFC GROUPE aux dépens.

Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 septembre 2023, la SARL JFC GROUPE demande au tribunal de :

Vu les articles 1112-1, 1132, 1137 et 1240 du code civil,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
À titre principal,
JUGER que la société JFC GROUPE n’a pas manqué à ses obligations d’information et de loyauté à l’égard des EPOUX [V] dans la vente du 27 décembre 2019 ;
JUGER que la société JFC GROUPE n’a commis aucune réticence dolosive dans la vente du 27 décembre 2019 avec les EPOUX [V] ;
JUGER l’erreur commise par les EPOUX [V] dans la vente du 27 décembre 2019 avec la société JFC GROUPE non déterminante de leur consentement ;
À titre subsidiaire,
JUGER que les informations dont les EPOUX [V] estiment avoir été privées n’ont pas été érigées comme des qualités substantielles de la vente du 27 décembre 2019 avec la société JFC GROUPE ;
À titre infiniment subsidiaire,
JUGER l’erreur commise par les EPOUX [V] dans la vente du 27 décembre 2019 avec la société JFC GROUPE inexcusable ;
En conséquence,
DÉBOUTER les EPOUX [V] de l’ensemble de leurs demandes et prétentions ;
À titre infiniment plus subsidiaire,
JUGER en cas de nullité de l’acte de vente du 27 décembre 2019 que le préjudice subi par la SOCIETE GENERALE ne présente pas un lien de causalité direct et certain avec une faute commise par la société JFC GROUPE ;
En conséquence,
DÉBOUTER la SOCIETE GENERALE de sa demande de condamnation de la société JFC GROUPE au paiement de la somme de 12.675,13 euros au titre des intérêts conventionnels échus et à échoir et à la somme de 450 euros au titre des frais de dossier ;
En tout état de cause,
CONDAMNER les EPOUX [V] à verser la somme de 4 000 € à la société JFC GROUPE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER les EPOUX [V] aux dépens.

Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 janvier 2023, la SA SOCIETE GENERALE demande au tribunal de :

Dans l’hypothèse où le Tribunal prononcerait la nullité ou la résolution de la vente et considèrerait que celle-ci entraîne la nullité ou la résolution du prêt consenti par SOCIETE GENERALE à Monsieur et Madame [V],
CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame [V] à payer à SOCIETE GENERALE la somme de 145.180 €.
CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame [V] à payer à SOCIETE GENERALE les intérêts au taux légal à compter de la date de décaissement des sommes prêtées jusqu’à leur remboursement.
ORDONNER la compensation entre la créance de SOCIETE GENERALE à l’encontre de Monsieur et Madame [V] et les sommes auxquelles la banque pourrait être tenue vis à-vis des emprunteurs au titre des sommes perçues dans le cadre de l’exécution du contrat de prêt.
DIRE que SOCIETE GENERALE ne sera pas tenue à restitution des cotisations d’assurance.
DIRE que SOCIETE GENERALE ne sera pas tenue à restitution des frais de garantie CREDIT LOGEMENT.
DEBOUTER les époux [V] de leur demande tendant à voir différer le paiement des sommes dues à la banque au caractère effectif du transfert de propriété.
CONDAMNER la société JFC GROUPE à payer à SOCIETE GENERALE la somme de 12.675,13 € au titre des intérêts conventionnels échus et à échoir et à la somme de 450 € au titre des frais de dossier.
Dans tous les cas,
CONDAMNER tout succombant à payer à SOCIETE GENERALE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens en application de l’article 696 du Code de Procédure Civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à cette assignation pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens de la demanderesse.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2023. L’affaire a été plaidée le 5 mars 2024 et mise en délibéré au 3 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater », « donner acte » ou « dire et juger », lorsqu'elles développent en réalité des moyens dès lors qu’elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas le tribunal.

Sur l'annulation de la vente immobilière

Les époux [V] font grief à la SARL JFC GROUPE d'avoir manqué à ses obligations d'information pré-contractuelle et de loyauté, la vente devant par voie de conséquence être annulée pour réticence dolosive et en tout cas pour erreur sur les qualités substantielles de la chose.

Ils relèvent qu'aucun des documents annexés au compromis de vente ne fait état du grave délabrement des parties communes ou de l'existence d'une procédure judiciaire, que la mention au procès-verbal d'assemblée générale de la demande de devis à la société SOCOTEC n'était pas révélatrice de l'état réel des parties communes, qui ne pouvait être caractérisé qu'après émission des rapports, dès lors que cette demande était une obligation légale et n'appelait donc aucune curiosité particulière de leur part et que c'est sciemment et délibérément que les rapports établis par la société SOCOTEC antérieurement à la vente ne leur ont pas été communiqués.
Ils soulignent la contradiction existante entre l'acte de vente qui mentionne l'absence de toute procédure impliquant le syndicat des copropriétaires et le procès-verbal de l'assemblée générale du 19 juillet 2019 annexé à l'acte qui fait état d'une procédure de référé expertise dont ils n'ont pu prendre connaissance qu'après la régularisation définitive de la vente puisqu'ils étaient représentés le jour de la signature de la vente.

Ils répondent à la SARL JFC GROUPE qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir exercé leur droit de rétractation dans la mesure où ce droit ne portait pas sur l'acte de vente mais sur le compromis et, où à cette époque, ils ignoraient tout de l'état réel des parties communes de la résidence ;que pour cette raison, ils ne pouvaient pas non plus exercer leur obligation de s'informer; que la défenderesse ne peut se prévaloir des termes du compromis de vente selon lesquels aucun carnet d'entretien de la résidence n'aurait été établi dès lors que ce carnet existait bien et qu'il leur a été dissimulé ; que la domiciliation du représentant légal de la SARL JFC GROUPE à la Réunion n'exonérait pas la défenderesse de son obligation d'information, y compris sur la procédure judiciaire portant sur les parties communes intéressant tout lot de copropriété.

Les époux [V] soulignent que la défenderesse avait une parfaite connaissance de l'état déplorable de la résidence puisqu'il avait reçu les rapports SOCOTEC, les correspondances adressées par le conseil syndical et que la vente a été sans doute été motivée par l'introduction de la procédure compte tenu de la quasi-simultanéité des événements.

Ils font valoir qu'est ainsi caractérisée l'intention dolosive de la défenderesse, les dissimulations portant sur des qualités essentielles et déterminantes de leur consentement, à savoir l'état des parties communes, ayant une incidence directe sur les conditions de la vente et l'équilibre économique de l'investissement.

Les époux [V], qui indiquent être dans l’incapacité de régler les appels de fonds comprenant les travaux urgents à réaliser, soutiennent avoir commis une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue. Ils exposent que, s'ils avaient eu connaissance des conséquences financières de la procédure d'expertise, ils n'auraient jamais contracté avec la SARL JFC GROUPE, que l'état des parties communes formant un tout avec la partie privative était un élément substantiel de la chose vendue et que l'acquisition d'un bien loué meublé étant réalisée à titre d'investissement, la rentabilité économique de l'opération faisait partie du champ contractuel. Ils contestent le caractère inexcusable de l'erreur considérant qu'ils n'avaient aucune raison de se renseigner davantage sur l'immeuble.

La SARL JFC GROUPE conteste avoir manqué à son obligation d'information. Elle fait valoir que les époux [V] ont eu connaissance dès le compromis de vente de l'existence d'un devis de la société SOCOTEC pour la réalisation d'une expertise, qu'ils ont bénéficié de l'assistance d'un professionnel, conseil en investissement, que l'une des annexes de l'acte notarié mentionnait l'existence d'une procédure d'expertise qu'elle explique ne pas avoir suivie directement n'étant pas partie à cette procédure qui ne portait que sur les parties communes. Elle ajoute s'être désintéressée du conflit entre le conseil syndical et le syndic.

Elle souligne que les époux [V] auraient pu demander des informations sur les parties communes aux différents intervenants à l'acte de vente, que ce n'est qu'à partir du pré-rapport de l'expert déposé en février 2021, plus d'un an après la vente, que les copropriétaires ont eu connaissance de l'ampleur des désordres et qu'il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir communiqué une information qu'elle ne détenait pas elle-même.

Elle ajoute que les époux [V] ont déclaré accepter qu'aucun carnet d'entretien n'avait été établi suivant attestation annexée au compromis de vente et qu'ils ne rapportent pas la preuve que ce carnet qui aurait été finalement établi leur a été dissimulé par la venderesse.

La SARL JFC GROUPE conteste la réticence dolosive qui lui est reprochée. Elle fait valoir qu'elle n'a pas gardé le silence sur l'état de la résidence et le besoin éventuel de travaux dans les parties communes comme en attestent le procès-verbal d'assemblée générale du 26 juin 2017 remis lors du compromis de vente faisant état du programme de travaux à établir et la mention d'une procédure de référé au procès-verbal de l'assemblée générale du 19 juillet 2019 annexé à l'acte notarié de vente. Elle ajoute que les époux [V], disposant des informations suffisantes, ont manqué de se renseigner davantage sur l'ampleur des travaux et qu'ils ne justifient pas du caractère déterminant de l'information n'ayant manifesté aucune curiosité sur les parties communes.

Elle fait valoir, en outre, que les époux [V], qui reconnaissent avoir eu communication par le notaire du procès-verbal d'assemblée générale mentionnant l'existence de la procédure de référé expertise, pouvaient faire usage de leur droit de rétractation.

La SARL JFC GROUPE soutient que la preuve de l'intention dolosive fait défaut puisqu'elle a mandaté un agent immobilier pour vendre ses chambres dans la résidence un an après les rapports SOCOTEC, cette décision étant motivée par l'exonération fiscale dont elle avait vocation à bénéficier au bout de quinze ans et non pas par la révélation de travaux nécessaires à la résidence.

La défenderesse fait valoir l'absence d'erreur sur un caractère déterminant, l'état des parties communes n'ayant pas été considéré comme un élément déterminant du consentement des époux [V] à acquérir la chambre n°52. Elle ajoute que la rentabilité économique de leur investissement n'est pas entrée dans le champ contractuel. Elle invoque encore le caractère inexcusable de l'erreur dès lors que les époux [V] se plaignant d'avoir reçu des informations contradictoires, auraient dû se renseigner davantage auprès de leurs différents interlocuteurs.

La SA SOCIETE GENERALE indique s'en remettre à justice sur la demande de nullité de la vente.

***

Suivant l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
L'article 1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Le manquement à une obligation pré-contractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.
En l'espèce, il est acquis aux débats, eu égard à la nature du bien, que les époux [V] ont entendu réaliser un investissement locatif financé par l'emprunt.

La SARL JFC GROUPE avait ainsi nécessairement connaissance du mobile déterminant des acquéreurs, à savoir la rentabilité financière de l’opération, l'état de la copropriété et le niveau de charges étant par voie de conséquence un élément essentiel de leur consentement.

La SARL JFC GROUPE devait donc aux époux [V] une information loyale, précise et complète sur la situation de la copropriété.

Il est constant que, dans le cadre du compromis de vente signé le 23 mai 2019, la SARL JFC GROUPE a communiqué les trois derniers procès-verbaux d'assemblée ainsi qu'elle y était contrainte par l'article 721-2 du code de la construction et de l'habitation.

Le procès- verbal de l'assemblée générale du 26 juin 2017 mentionnait en point 14 « VOTE DU DIAGNOSTIC TECHNIQUE OBLIGATOIRE » : « L’Assemblée Générale retient le devis de la société SOCOTEC (..) pour l'établissement du calendrier des travaux :
-Diagnostic des parties communes pour 2.160 TTC
-Diagnostic visuel relatif à la solidité sur l'état de conservation de l'étanchéité et ravalement pour 1.800 euros TTC. »

Suivant le procès-verbal du 18 janvier 2019, l'assemblée générale s'est tenue sur convocation de l'administrateur provisoire avec pour objet la désignation d'un nouveau syndic.

L'acte de vente notarié signé le 27 décembre 2019 précise aux conditions particulières 7) Procédures en cours : « Il résulte de l'état délivré par le syndic visé ci-dessus que le syndicat des copropriétaires n'est pas engagé à ce jour dans une procédure judiciaire, ni en qualité de demandeur, ni en qualité de défendeur. »

L'état daté annexé à l'acte fait pourtant mention d'un référé expertise suivant ordonnance du 4 octobre 2018 et d'une assignation reçue le 9 décembre 2019 contre le syndicat des copropriétaires, l'exploitant, l'ancien syndic et le constructeur « pour défaut d'entretien et construction. »

A l'acte de vente, a également été annexée le procès-verbal de l'assemblée générale du 19 juillet 2019 d'où il résulte que les copropriétaires ont été informés de la procédure de référé expertise.
Il n'est pas soutenu que ces annexes aient été communiquées préalablement à la signature de la vente.

Il résulte des pièces versées aux débats et, en particulier, des courriers et mails du conseil syndical adressés dans les premiers mois de l'année 2018 aux copropriétaires, parmi lesquels la SARL JFC GROUPE laquelle bien qu'étant à l’initiative de cette communication déclare, sans en rapporter la preuve, en avoir ignoré le contenu lors de leur envoi en raison de leur orientation en mails indésirables :
-que le conseil syndical s'inquiétait de la dégradation de l'immeuble de nature à menacer l'investissement des copropriétaires,
-que pour pallier la carence du syndic sommé de faire réaliser les travaux nécessaires, il était envisagé d'entreprendre une action collective des copropriétaires au vu des rapports de la société SOCOTEC dont le conseil syndical précisait être à l'origine,
-que les rapports de société SOCOTEC ont été communiqués aux copropriétaires le 20 février 2018.

La société SOCOTEC a produit deux rapports datés du 31 janvier 2018 :
-le premier intitulé « Parties communes générales » d'où il ressort notamment une détérioration du dispositif de ventilation, des désordres d'ouverture et d'étanchéité de l'ensemble des menuiseries, la fissuration systématique dans les couloirs entre les gaines verticales et les coffres horizontaux.
-le deuxième intitulé « Etat de conservation Étanchéité & Ravalement » faisant état s'agissant des ouvrages en toiture d'une stagnation d'eau importante, de réparation d'étanchéité sur ouvrage non étanché, de fissuration des voiles et éclatements des peaux de béton sur la rampe d'accès au parking, de fissuration des linteaux, de la détérioration des appuis de la passerelle extérieure pouvant engendrer son effondrement, de la perte de résistance des éléments bois du garde corps soumis aux intempéries, de divers affaissement autour du bâtiment.

Les conclusions de la société SOCOTEC confirmaient l'état de dégradation important de l'immeuble dénoncé par le conseil syndical laissant d'ores et déjà augurer des travaux de remise en état conséquents à charge des copropriétaires dont la SARL JFC GROUPE avait nécessairement conscience dans le courant de l'année 2018 même si à ce stade aucun chiffrage des travaux n'avait été effectué.

La SARL JFC GROUPE ne peut pas donc prétendre avoir ignoré la situation au prétexte qu'elle ne faisait pas fait partie du collectif des copropriétaires ayant engagé la procédure de référé expertise qui a suivi le dépôt de ces rapports.

Il est ainsi démontré que la SARL JFC GROUPE disposait avec les rapports SOCOTEC, qu'elle s'est abstenue de communiquer, d'une information qu'elle savait déterminante du consentement des acquéreurs compte tenu de l'incidence des travaux de remise en état de l'immeuble sur les charges de copropriété et qu'elle n'a pas non plus porté à leur connaissance l'existence de la procédure judiciaire dont l'ensemble des copropriétaires a été officiellement informé lors de l'assemblée générale de juillet 2019 qui s'est donc tenue entre la signature du compromis de vente et la réitération de la vente.
L'ampleur des difficultés et de leur incidence sur la vente du bien obligeait la SARL JFC GROUPE à une communication spontanée de ces informations aux acquéreurs auxquels elle ne peut reprocher, quand bien même ils étaient assistés d'un conseil en investissement immobilier de ne pas s'être montrés plus curieux, dès lors qu'est constaté un manque de loyauté de sa part, d'autant que les acquéreurs ignoraient les véritables raisons de la désignation de la société SOCOTEC dont l'intervention était présentée dans le procès-verbal d'assemblée générale comme un diagnostic technique obligatoire.

Les acquéreurs, dont le droit de rétractation ne pouvait s'exercer que sur le compromis de vente régularisé le 15 mai 2019 en application des dispositions de l'article 271-1 du code de la construction et de l'habitation comme rappelé à l'acte de vente, ne peuvent se voir reprocher de ne pas avoir fait usage de ce droit puisqu'à cette date, ils ignoraient l'état réel des parties communes de la résidence.

Il apparaît que la SARL JFC GROUPE, dont l'objectif était de vendre le bien en 2019 quinze ans après l'avoir acquis pour les raisons fiscales exposées par elle, a manifestement profité des problèmes de gouvernance au sein de la copropriété retardant la prise de décision relativement aux travaux à effectuer, d'où d'ailleurs et selon toute vraisemblance son désintérêt pour la procédure initiée par le collectif des copropriétaires puisqu'elle avait tout intérêt à temporiser, le statu quo lui permettant de passer sous silence les difficultés existantes dès lors que les communications légales auxquelles elle était astreinte ne révélaient rien de la situation réelle.

La réticence dolosive de la SARL JFC GROUPE sur un élément déterminant du consentement des acquéreurs, lesquels auraient renoncé à l'acquisition du bien s'ils avaient été correctement informés dès lors que les importants désordres constatés au sein de la copropriété comme le contentieux existant au sein de la copropriété remettaient totalement en cause l'investissement envisagé par eux, est ainsi établie.

Il convient donc de prononcer la nullité de la vente entre la SARL JFC GROUPE et les époux [V] constatée par acte authentique du 27 décembre 2019 portant sur le lot de copropriété n°52 s'agissant d'une chambre et 56/5689ème des parties communes générales, au sein de l’EHPAD, Résidence [12], situé [Adresse 9] (78) et d'ordonner la publication de la présente décision au service de la publicité foncière de [Localité 17].

Sur les demandes en paiement consécutives à la nullité du contrat de vente

Les demandes financières n'ont pas donné lieu à débats entre les parties.

***

Suivant l'article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
En cas d'annulation de la vente d'un bien immobilier, les condamnations prononcées au titre du remboursement des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières acquittés par l'acquéreur présentent un caractère indemnitaire.

L’article 1352-6 du code civil prévoit que la restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue.

Les intérêts au taux légal de la somme dont le remboursement a été ordonné en conséquence de l'annulation du contrat en application duquel cette somme avait été versée ne peuvent avoir pour point de départ que le jour de la demande en justice équivalant à la sommation de payer et non le jour du versement.

Tant en matière délictuelle qu'en matière contractuelle, la créance de réparation ne peut produire d'intérêts moratoires que du jour où elle est allouée judiciairement. 

En l'espèce, la SARL JFC GROUPE sera condamnée à payer aux époux [V] les sommes suivantes :
-128.400 euros au titre de la restitution du prix de vente, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2022, date de délivrance de l'assignation,
-30.052,23 euros en remboursement des frais de notaire et de conseil qu'ils ont engagés suivant décompte du notaire du 24 janvier 2020, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision compte tenu du caractère indemnitaire de la créance,
-11.017,83 euros en remboursement des charges de copropriété effectivement réglées au vu des appels de fonds pour 2021, 2022 et 2023 produits, assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision compte tenu du caractère indemnitaire de la créance, outre les charges de copropriété acquittées jusqu'au prononcé de l'annulation de la vente par la présente décision,
-450 euros en remboursement des frais de dossier que la SA SOCIETE GENERALE confirme avoir facturés, les époux [V] ne justifiant pas s'être effectivement acquittés d'autres frais bancaires, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision compte tenu du caractère indemnitaire de la créance,
-2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral compte tenu des perturbations et tracas qui leur ont été indéniablement causés par l'acquisition du bien litigieux, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision compte tenu du caractère indemnitaire de la créance.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article1343-2 du code civil.

Il convient par ailleurs d'ordonner la restitution par les époux [V] de l'immeuble dans l'état dans lequel il se trouvait au jour de l'entrée en jouissance et de dire que le transfert de propriété sera subordonné uniquement à la parfaite restitution du prix de vente. Le transfert de la vente ne pouvant être conditionné au versement des autres sommes dues par la SARL JFC GROUPE à titre indemnitaire.

Sur la nullité du contrat de prêt et ses conséquences

Les époux [V] invoquent la caducité du contrat de prêt du fait de l'annulation rétroactive du contrat de vente et de l'interdépendance des contrats de vente immobilière et de prêt et demandent à voir ordonner les restitutions réciproques subordonnées au caractère effectif du transfert de propriété.

Les demandeurs considèrent qu'il n'y a lieu de faire droit ni à la demande de la SA SOCIETE GENERALE de restituer les échéances de remboursement du prêt, les restitutions réciproques étant de droit, ni à celle en paiement d'intérêts au taux légal à compter de la date de décaissement des sommes prêtées en raison de l'effet rétroactif de la caducité du prêt.

La SA SOCIETE GENERALE conteste la demande des époux [V] de voir différer le paiement des sommes qui lui sont dues au transfert effectif de propriété, ce règlement étant consécutif au prononcé de la résolution ou de la nullité du prêt consécutive à celle de la vente.
La banque demande à être dispensée de la restitution des échéances de prêt sollicitant la compensation entre sa créance et les sommes qu'elle pourrait être tenue de restituer. Elle demande par ailleurs la condamnation des époux [V] au paiement des intérêts au taux légal à compter de la date de décaissement et jusqu'à leur remboursement.

La SA SOCIETE GENERALE déclare être bien fondée à réclamer à la SARL JFC GROUPE une indemnité égale aux intérêts contractuels échus et à échoir qu'elle aurait perçus si le prêt avait été poursuivi et dont elle est privée en raison des manquements du vendeur. Elle précise que rien ne permet de dire que les emprunteurs n'auraient pas poursuivi le remboursement du prêt jusqu'à son terme.

La SARL JFC GROUPE considère que le lien entre sa prétendue faute et la nullité du contrat n'est pas direct dès lors que la demande d'annulation émane des époux [V] qui auraient pu demander une simple réparation.

La défenderesse ajoute que le dommage réellement subi ne constituerait qu'une simple chance de percevoir les intérêts à échoir compte tenu de l'incertitude pesant sur la perception de ces intérêts.

***
*sur la nullité du prêt

En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L. 311-21 alinéa 1er du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi de 1993, devenu l'article L. 311-32 dans sa rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 puis l'article L 312-55 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En l'espèce, le prêt souscrit par les époux [V] auprès de la SA SOCIETE GENERALE, destiné à financer l'acquisition annulée, est expressément soumis aux dispositions des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.
En l'occurrence, le contrat de vente étant annulé, le contrat de prêt conclu entre les époux [V] et la SA SOCIETE GENERALE doit être annulé.

Les époux [V] seront donc condamnés à restituer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 145.180 euros mise à disposition par la banque dans le cadre du contrat de prêt mentionné ci-dessus, outre les intérêts au taux légal à compter de la demande de la SA SOCIETE GENERALE aux termes de ses conclusions notifiées le 7 octobre 2022.

Il n'y a pas lieu à condamnation solidaire dès lors que le contrat de prêt instituant cette solidarité a été annulé.

Parallèlement, la SA SOCIETE GENERALE devra restituer aux époux [V] l'intégralité des échéances versées comprenant capital et intérêts.

Il y a lieu d'ordonner la compensation des sommes dues respectivement par les époux [V] et par le prêteur entre elles.

Les créances devenant exigibles dès l'anéantissement du contrat de prêt, la demande des époux [V] tendant à voir subordonner l'exécution des obligations réciproques des parties au contrat de prêt au caractère effectif du transfert de propriété sera rejetée.

*sur la demande de dommages et intérêts de la SA SOCIETE GENERALE

Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle lui a causé un dommage.

L'annulation du prêt cause nécessairement à la banque un préjudice en la privant de la rémunération qu'elle pouvait espérer obtenir par l'exécution du contrat.

Il est constant qu’à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et à se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir.

En l'espèce, l'annulation du contrat de prêt est bien la conséquence directe de l'annulation du contrat de vente en raison du dol.

En conséquence, la demande d'indemnisation de la banque dirigée contre le vendeur est fondée en son principe.

Par ailleurs, le prêteur justifie que le montant des intérêts contractuels échus au jour du présent jugement annulant la vente qu'il devait percevoir s'élève à 5.517,79 euros et celui des intérêts à échoir à 7.240,67 euros au vu du tableau d'amortissement produit, soit 12.758,46 euros au titre des intérêts. La perte de chance de percevoir les intérêts à échoir sera évaluée à 90%, le prêt ayant servi au financement d'un investissement locatif dont le preneur à bail étant une société devait assurer aux emprunteurs le versement régulier de loyers limitant ainsi le risque de défaillance financière. L'indemnisation au titre des intérêts sera donc fixée à 12.034,39 euros.
La SA SOCIETE GENERALE justifie par ailleurs de frais de dossier de 450 euros, suivant l'offre de prêt produite, qu'elle a été condamnée à restituer.

En conséquence, la SARL JFC GROUPE sera condamnée à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 12.484,39 euros en réparation de la perte de la rémunération escomptée du prêt annulé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SARL JFC GROUPE succombant à la présente instance, elle sera condamnée au paiement des dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser la somme de 4.000 euros aux époux [V] et la somme de 1.000 euros à la SA SOCIETE GENERALE au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera corrélativement déboutée de sa demande de ce chef.

Sur l'exécution provisoire

Selon les dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

L'article 514-1 du même code précise que le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

Si les époux [V] considèrent que l'exécution provisoire s'impose et si elle est en principe de droit, elle sera écartée en l'espèce compte tenu des conséquences induites par l'annulation d'une vente immobilière et des difficultés d'exécution en cas d'infirmation.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

- PRONONCE l'annulation de la vente intervenue, suivant acte reçu par Maître [J], notaire à [Localité 16] le 27 décembre 2019, publié au service de la publicité foncière de [Localité 17] le 20 janvier 2020, référence 7804P03 volume 2020 P571, entre la SARL JFC GROUPE et Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V],
portant sur une chambre constituant le lot de copropriété n°52 d’un ensemble immobilier
dénommé « Résidence [12] » situé [Adresse 9]
[Localité 10] comprenant :

- Une chambre portant le n°52 située au premier étage du bâtiment EHPAD telle qu’elle
figure au plan sous le n°52,

- Les 56/5689e des parties communes générales,

Suivant état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d’un
acte reçu par [P], notaire à [Localité 15] le 24 juin 2004, publié au service de la
publicité foncière de [Localité 17] le 27 juillet 2004, référence 7804P03 volume
2004 P6212,

Figurant ainsi au cadastre [Adresse 9] :

- Section AX n°[Cadastre 1] pour une surface de 16 ca,
- Section AX n°[Cadastre 2] pour une surface de 47 a et 84 ca,
- Section AX n°[Cadastre 3] pour une surface de 01 a et 87 ca,
- Section AX n°[Cadastre 4] pour une surface de 58 ca,
- Section AX n°[Cadastre 5] pour une surface de 88 ca,

- ORDONNE la publication de la présente décision au service de la publicité foncière de [Localité 17],

- CONDAMNE la SARL JFC GROUPE à payer à Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] les sommes suivantes :
-128.400 euros au titre de la restitution du prix de vente, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2022,
-30.052,23 euros en remboursement des frais de notaire et de conseil, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
-11.017,83 euros en remboursement des charges de copropriété, assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, outre les charges de copropriété acquittées jusqu'au prononcé de l'annulation de la vente par la présente décision,
-450 euros en remboursement des frais de dossier bancaire, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
-2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article1343-2 du code civil,

- ORDONNE la restitution par Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] à la SARL JFC GROUPE de l'immeuble dans l'état dans lequel il se trouvait au jour de l'entrée en jouissance,

- DIT que le transfert de propriété sera subordonné à la parfaite restitution du prix de vente,

- PRONONCE la nullité du prêt consenti le 23 septembre 2019 par la SA SOCIETE GENERALE à Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V],
- CONDAMNE Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 145.180 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2022,

- CONDAMNE la SA SOCIETE GENERALE à payer à Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] l'intégralité des échéances versées comprenant capital et intérêts,

- ORDONNE la compensation des créances de Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] et de la SA SOCIETE GENERALE entre elles,

- CONDAMNE la SARL JFC GROUPE à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 12.484,39 euros à titre de dommages et intérêts,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- CONDAMNE la SARL JFC GROUPE au paiement des dépens,

- CONDAMNE la SARL JFC GROUPE à payer à Monsieur [C] [V] et Madame [K] [R] épouse [V] la somme de 4.000 euros et à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- ECARTE l'exécution provisoire de plein droit,

Prononcé le 03 MAI 2024 par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, en application de l'article 452 du code de procédure civile, assistée de Madame SOUMAHORO greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22/03094
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;22.03094 ?
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