Minute n° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le
30 AVRIL 2024
N° RG 23/02082 - N° Portalis DB22-W-B7H-RG46
Code NAC : 28A
JUGE DE LA MISE EN ETAT :Madame MARNAT, Juge
GREFFIER :Madame BEAUVALLET,
DEMANDERESSE au principal et à l’incident :
Madame [X], [L], [N] [B] veuve [A]
née le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 16]
demeurant [Adresse 14]
représentée par Me Pierre-Antoine CALS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Christine LE FOYER DE COSTIL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDEURS au principal et à l’incident :
Monsieur [N] [J], [V] [G]
né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (ALGÉRIE)
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocats au barreau de VERSAILLES
Madame [H] [K] [G]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 22] (TUNISIE)
demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocats au barreau de VERSAILLES
[20], SCP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
Sise [Adresse 10]
représentée par Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES
Maître [M] [W], Notaire
domiciliée à l’[20],
[Adresse 10]
représenté par Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES
ETUDE DE MAITRE [F] [T]
sise [Adresse 11]
représentée par Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES, Maître Dominique VAGNE de la SELARL AUVERJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
Maître [F] [T], Notaire
domiciliée à L’ETUDE MAITRE [F] [T]
[Adresse 11]
représentée par Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES, Maître Dominique VAGNE de la SELARL AUVERJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Madame [Y] [R], [X] [B]
née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 16]
demeurant [Adresse 8]
Madame [U] [R], [P] [B]
née le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 16]
demeurant [Adresse 13]
représentées par Maître Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, avocats au barreau de VERSAILLES
DEBATS : A l'audience publique d’incident tenue le 4 mars 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame Madame MARNAT, Juge, juge de la mise en état assistée de Madame BEAUVALLET, greffier puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 30 Avril 2024.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [O] [Z] est née le [Date naissance 9] 1927 à [Localité 16].
Suivant testament en date du 8 novembre 2015, déposé à l’étude de Maître [S] notaire à [Localité 21], Madame [O] [Z] a institué Madame [X] [B] veuve [A], sa cousine germaine, et Monsieur [D] [B], son cousin germain, en qualité de légataires universels.
Suivant testament en date du 1erjanvier 2019, déposé à l’étude de Maître [W] notaire à [Localité 18], Madame [O] [Z] a, d’une part, institué Madame [X] [B] veuve [A], sa cousine germaine, et Monsieur [D] [B], son cousin germain, en qualité de légataires universels et, d’autre part, léguer un bien immobilier situé au [Localité 23] à Madame [H] [G] et Monsieur [N] [G].
Suivant quatre testaments en date du 9 octobre 2019, déposés à l’étude de Maître [T] notaire à [Localité 19], Madame [O] [Z] a, d’une part, révoqué toute disposition antérieure et, d’autre, part, institué Madame [H] [G] et Monsieur [N] [G] en qualité de légataires universels.
Par jugement en date du 27 mars 2020, le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye a prononcé le placement de Madame [O] [Z] sous curatelle renforcée de Madame [O] [Z] et désigné Madame [I] [C] en qualité de curatrice.
Monsieur [D] [B] est décédé le [Date décès 7] 2022 à [Localité 16], laissant pour lui succéder ses deux filles, Madame [Y] [B] et Madame [U] [B].
Madame [O] [Z] est décédée le [Date décès 12] 2023 à [Localité 17].
Madame [X] [B] veuve [A], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] ont confié le règlement de la succession de Madame [O] [Z] à Maître [E], notaire à [Localité 21].
Par courriel du 15 février 2023, Maître [E] a indiqué, à Mesdames [X] [B] veuve [A], [Y] [B] et [U] [B], se dessaisir du règlement de la succession de Madame [O] [Z], au motif que Maître [T], notaire à [Localité 19], l’a informé être en charge du règlement de cette succession, Madame [H] [G] et Monsieur [N] [G] l’ayant saisie en vertu des testaments du 9 octobre 2019.
C’est dans ce contexte que Madame [X] [B] veuve [A] a fait assigner par acte de commissaire de justice du 28 mars 2023 Madame [H] [G], Monsieur [N] [G], ainsi que, en intervention forcée, Maître [M] [W] et la SCP [20], et par acte de commissaire de justice en date du 6 avril 2023 Maître [F] [T] et son étude, afin d’obtenir la nullité des testaments du 1erjanvier 2019 et du 9 octobre 2019.
Par conclusions d’incident, signifiées par voie électronique le 30 août 2023, Madame [X] [B] veuve [A] a saisi le juge de la mise en état d’un incident, afin d’obtenir par Maître [T] la communication de plusieurs pièces sous astreinte, en particulier les copies des derniers testaments.
Par dernières conclusions d’incident signifiées le 18 septembre 2023, Madame [X] [B] veuve [A] demande au juge de la mise en état de :
« Vu les articles 1006 et 1007 du Code civil ;
Vu l’article 788 du Code de procédure civile ;
D’ORDONNER à Maître [F] [T], notaire, de communiquer sous huitaine et ce, sous astreinte de 500€ par jour de retard pour chacun des documents :
- Les copies des testaments ;
- Les actes de dépôt ;
- Les envois au greffe ;
- Les divers courriers émis et reçus ;
- Les justificatifs de publicité dans un journal d’annonces légales ou au BODACC ;
- Les justificatifs de réception du greffier du Tribunal compétent et notamment celui concernant le renvoi de l’accusé de réception ;
- Tous autres actes et formalités accomplis postérieurement, à savoir : actes de notoriété, inventaires, attestations, certificats, etc. ;
DE CONDAMNER Maître [F] [T], notaire, au terme de l’article 700 du Code de procédure civile, au paiement de la somme de 2.000€ ; LA DÉBOUTER de sa demande d’art.700
DE CONDAMNER Maître [F] [T], notaire, aux entiers dépens ».
Madame [X] [B] veuve [A] soutient que la production de ces pièces et notamment les justificatifs des démarches accomplies par Maître [T] pour le dépôt des testaments est essentiel pour l’examen au fond de la demande en nullité des testaments. Elle fait valoir par ailleurs la mauvaise foi du notaire qui malgré sommations de communiquer, a refusé de communiquer ces éléments détenus en son étude et continue le règlement du dossier de succession malgré l’opposition à l’envoi en possession qui justifie selon elle sa demande d’astreinte de 500 euros par jour de retard.
Elle soutient par ailleurs que Maître [T] ne peut opposer le secret professionnel pour justifier son refus de communication des pièces sollicitées alors qu’elle n’a pas respecté l’obligation de confidentialité en adressant par courriel une copie des quatre testaments, ajoutant que l’incident a précisément pour objet de solliciter du Président du tribunal d’ordonner la production de l’acte de dépôt des testaments.
Par dernières conclusions d’incident signifiées le 19 février 2024, Madame [Y] [B] et Madame [U] [B], agissant en qualité d’intervenantes volontaires, demandent au juge de la mise en état de :
« Vu les articles 133, 134 et 788 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1006 et 1007 du Code civil,
Vu les dernières conclusions signifiées par Madame [X] [A] le 18 septembre 2023,
- ORDONNER à Maître [F] [T], Notaire, de communiquer sous huitaine et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard, pour chacun des documents :
. Les copies des testaments en date du 9 octobre 2019,
. Les actes de dépôt,
. Les envoies au greffe,
. Les divers courriers émis et reçus,
. Les justificatifs de publicité dans un journal d’annonce légales ou au BODACC,
. Les justificatifs de réception du greffier au Tribunal compétent et notamment celui concernant le renvoi de l’accusé de réception,
. Tous autres actes et formalités accomplis postérieurement, à savoir : actes de notoriété, inventaires, attestations, certificats.
- CONDAMNER Maître [F] [T], Notaire, au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
En tout état de cause,
- DÉBOUTER Maître [T] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ».
Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] exposent que Maître [T] refuse de communiquer les pièces sollicitées malgré les sommations qui lui ont été faites par la demanderesse ce qui la contraint à introduire un incident pour ordonner la communication de pièces, soulignant que ces dernières sont essentielles à la poursuite de la procédure au fond.
Par dernières conclusions d’incident signifiées le 20 février 2024, Maître [F] [T] et son étude demandent au juge de la mise en état de :
« Vu L’article 23 de la loi du 25 Ventôse an XI (mod. Ord. n° 2000-916, 19 sept. 2000
Vu la jurisprudence visée
Retenir que Maitre [T] est fondée à ne pas communiquer des pièces couvertes par le secret professionnel sans autorisation judiciaire.
Débouter Madame [B] veuve [A] et Mesdames [Y] [R] et [U] [B] de leurs demandes de condamnation sous astreinte ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 ou des dépens pour les raisons sus exposées.
Condamner Madame [B] veuve [A] et Mesdames [Y] [R] et [U] [B] à Maître [T] et à l’Etude de Maitre [T] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».
Maître [T] conteste avoir commis une faute dans l’établissement de l’acte de notoriété et des formalités de publicité pour le testament déposé au rang des minutes de Maître [W]. Elle soutient qu’elle ne peut communiquer les pièces sollicitées sans autorisation judiciaire, au motif qu’elles sont couvertes par le secret professionnel auquel elle est tenue en sa qualité de notaire, et précise que seule une ordonnance du Président du Tribunal judiciaire peut ordonner la production de ces actes s’il l’estime nécessaire.
Elle souligne à cet égard que Mesdames [X] [B] veuve [A], [Y] [B] et [U] [B], personnes tierces à la succession de Madame [O] [Z] ne justifient pas d’un intérêt légitime à se voir communiquer les pièces demandées, ces dernières n’étant pas héritières réservataires de Madame [O] [Z].
Par dernières conclusions en réponse signifiées le 27 octobre 2023, Maître [M] [W] demande au juge de la mise en état de :
« CONSTATER qu’aucune demande n’est formée à l’encontre de Maître [M] [W];
DONNER ACTE à Maître [M] [W] de ce qu’elle s’en rapporte à justice.
CONDAMNER Madame [B] veuve [A] en paiement de la somme de 1.000€ au titre des frais irrépétibles au profit de Maître [M] [W] ;
RESERVER les dépens ».
Maître [W] constate qu’aucune demande n’est formée à son encontre et s’en rapporte en justice, soulignant que le secret professionnel du notaire ne peut être levé que par ordonnance du président du tribunal judiciaire si la demande est pertinente et justifiée par un intérêt légitime.
Bien qu’ayant constitué avocat, Madame [H] [G] et Monsieur [N] [G] n’ont pas conclu.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L’incident a été plaidé le 4 mars 2024 et mis en délibéré au 30 avril 2024.
MOTIFS
Sur la demande de communication de pièces sous astreinte
Selon l’article 1435 du code de procédure civile, « les officiers publics ou ministériels ou les autres dépositaires d'actes sont tenus de délivrer, à charge de leurs droits, expédition ou copie des actes aux parties elles-mêmes, à leurs héritiers ou ayants droit ».
L’article 1436 du code de procédure civile précise que « en cas de refus ou de silence du dépositaire, le président du tribunal judiciaire, saisi par requête, statue, le demandeur et le dépositaire entendus ou appelés ».
Enfin, l’article 23 de la loi contenant organisation du notariat du 25 ventôse an XI, modifié par ordonnance n°2019-264 du 18 septembre 2019, dispose que : « Les notaires ne pourront également, sans l'ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d'une amende de 15 euros, et d'être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l'exécution des lois et règlements sur le droit d'enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication. »
Il ressort de ces textes que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour ordonner la délivrance et la communication des actes déposés en office notarial aux héritiers non réservataires, cette compétence étant dévolue au Président du tribunal judiciaire, saisi par requête.
En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que Madame [X] [B] veuve [A], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] ne sont pas héritiers réservataires de Madame [O] [Z].
Or, il est constant que la demande de communication de pièces détenues par Maître [T], notaire, notamment la communication des testaments litigieux, a été formulée par Madame [X] [B] veuve [A] devant le juge de la mise en état saisi par voie de conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 30 août 2023, et non devant le Président du tribunal judiciaire compétent, saisi par requête.
En conséquence, il convient de débouter Madame [X] [B] veuve [A], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] de leurs demandes à ce titre.
Sur les autres demandes
Compte tenu du sens du présent jugement, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Les dépens seront réservés, la présente décision ne mettant pas fin à l’instance.
Les circonstances d’équité tendent à justifier de condamner in solidum Madame [X] [B] veuve [A], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] à la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Madame [X] [B] veuve [A], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] de l’ensemble de leurs demandes ;
CONDAMNE in solidum Madame [X] [B] veuve [A], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] à payer à Maître [F] [T] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Madame [X] [B] veuve [A], Maître [M] [W], Madame [Y] [B] et Madame [U] [B] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
RESERVE les dépens ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 AVRIL 2024, par Madame MARNAT, Juge, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier Le Juge de la mise en état