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30/04/2024 | FRANCE | N°23/01634

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Ctx protection sociale, 30 avril 2024, 23/01634


Pôle social - N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB


Copies certifiées conformes  délivrées,
le :
à :
- [F] [V],
- MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES YVELINES
- Me Delhia AKNINE
N° de minute :


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE



JUGEMENT RENDU LE MARDI 30 AVRIL 2024



N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB

Code NAC : 88Q

DEMANDEUR :

Mme [F] [V]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

re

présentée par Me Delhia AKNINE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



DÉFENDEUR :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES YVELINES
[Adresse...

Pôle social - N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB

Copies certifiées conformes  délivrées,
le :
à :
- [F] [V],
- MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES YVELINES
- Me Delhia AKNINE
N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MARDI 30 AVRIL 2024

N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB

Code NAC : 88Q

DEMANDEUR :

Mme [F] [V]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Delhia AKNINE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDEUR :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES YVELINES
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par madame [P] [Z], munie d’un pouvoir régulier

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Béatrice LE BIDEAU, Vice Présidente, statuant à juge unique après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en application des dispositions de l'article L.218-1 du Code de l'Organisation Judiciaire

Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 05 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 30 Avril 2024.
Pôle social - N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB

EXPOSE DU LITIGE

Madame [F] [V], en sa qualité de représentante légale de son fils [A] [V] né le 1er septembre 2015, a déposé le 07 février 2023 une demande d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et son complément, ainsi que d’une aide humaine aux élèves handicapés (AHEH) individuelle auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Yvelines (MDPH).
Par deux décisions en date du 22 juin 2023, la présidente de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) des Yvelines a rejeté :
- la demande d’AEEH et son complément pour l’enfant [A] [V],
- la demande de parcours de scolarisation.
Le 09 août 2023, Madame [F] [V] a, par l’intermédiaire de son conseil déposé un recours administratif préalable obligatoire auprès de la CDAPH.
Par trois décisions en date du 12 octobre 2023, la présidente de la CDAPH a :
- accordé à l’enfant [A], une aide humaine mutualisée aux élèves handicapés,
- confirmé la décision refusant à l’enfant [A], l’attribution de l’AEEH et son complément,
- confirmé la décision rejetant la demande de parcours de scolarisation.
Par lettre recommandée expédiée le 12 décembre 2023, Madame [F] [V], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester l’ensemble des décisions prises par la CDAPH.
Ce recours a été enregistré sous:
- le numéro RG 23/01634, pour la contestation du refus de l’AEEH et son complément,
- le numéro RG 23/01635, pour la contestation de la décision attribuant l’aide humaine mutualisée,
- le numéro RG 23/01636, pour la contestation de la décision rejetant la demande de parcours de scolarité.
A défaut de conciliation possible et après un renvoi, les trois affaires ont été évoquées à l’audience du 05 mars 2024, le tribunal statuant à juge unique dans l’attente de la prestation de serment des assesseurs, après avoir reçu l'accord des parties présentes dûment informées de la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, conformément aux dispositions de l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire.
A cette audience, madame [F] [V], représentée par son conseil reprend ses conclusions visées à l’audience pour demander au tribunal :
- A titre principal, de désigner un médecin expert psychiatre pour une seconde évaluation médicale compte tenu de la difficulté médico-légale en l’espèce concernant l’attribution d’une AESH individuelle et de l’AEEH de base et de son complément ;
- A titre subsidiaire, de dire et juger que la sévérité du handicap de l’enfant [A] justifie l’attribution d’une AESH individuelle durant le temps des activités scolaires et extrascolaires au titre de l’année scolaire 2024-2025 compte tenu du temps judiciaire et du caractère non pécuniaire de la prestation sollicitée, l’AESH individuelle, pour laquelle il est matériellement impossible de solliciter la rétroactivité à compter du 07 février 2023, date de la demande initiale auprès de la MDPH des Yvelines,
- d’attribuer l’AEEH de base et son complément 3 à compter de la demande formulée auprès de la MDPH des Yvelines en date du 07 février 2023 en application de l’article D. 245-4 du code de l’action sociale et des familles ;
- de condamner la MDPH des Yvelines au paiement de la somme de 1 200 euros à madame [F] [V] en sa qualité de représente légale de l’enfant [A] [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que l’enfant [A] présente un trouble de l’attention avec hyperactivité et des troubles DYS, des difficultés de concentration sur les apprentissages, un manque d’écoute et d’organisation, de la fatigabilité, de l’agitation en classe, des difficultés de repérage dans le temps et l’espace, de sorte qu’en l’état, le tableau clinique de l’enfant [A] correspond à une situation de handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles. Elle considère que sans une AESH individualisée, [A] présente une fatigabilité en lien avec les efforts fournis mais également une anxiété importante, une démotivation compte tenu du retard conséquent dans les apprentissages du fait de ses capacités attentionnelles entravées par les troubles DYS. Elle souligne qu’une AESH individualisée est accordée quand l’aide mutualisée ne permet pas de répondre aux besoins d’accompagnement de l’élève en situation de handicap, ce qui est la cas en l’espèce. Elle ajoute qu’il existe un doute quant au taux d’incapacité permanente de l’enfant [A] évalué par la MDPH comme étant inférieur à 50% eu égard aux pathologies dont il est atteint.
En défense, la MDPH, représentée par son mandataire, demande au tribunal de :
- constater que l’enfant [A] [V] ne présentait pas d’atteinte de son autonomie individuelle lors de la demande,
- constater que l’enfant [A] [V] ne présentait pas des troubles importants dans les trois sphères de la vie,
- dire que l’enfant [A] [V] présentait un taux d’incapacité inférieur à 50% au jour de la demande,
- confirmer, par conséquent, les décisions de la CDAPH en date du 12 octobre 2023 soit le rejet de la demande d’AEEH, son complément et le rejet du matériel pédagogique adapté,
- rejeter, pour le surplus, l’intégralité des demandes de madame [F] [V] pour son fils [A] [V].
Elle rappelle qu’il convient de bien distinguer le taux d’incapacité, lié aux conséquences du handicap et le taux d’invalidité qui est lié à la pathologie en elle-même. Elle considère que des troubles importants n’ont pas été constatés du fait du handicap de l’enfant [A] [V] de sorte qu’il n’est pas éligible à l’AEEH de base et à son complément.
À l’issue des débats, les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile que le délibéré sera rendu publiquement par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 30 avril 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de constater qu’aux termes de ses écritures, madame [F] [V] ne sollicite pas l’attribution d’un matériel pédagogique adapté. Elle ne conteste pas non plus le rejet de sa demande de parcours de scolarisation.

Sur la jonction :
Aux termes des articles 367 et 368 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. Les décisions de jonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire.
En l'espèce, les trois recours enregistrés sous les numéros RG 23/01634, RG 23/01635 et RG 23/01636 opposent les mêmes parties et concernent les décisions prises, après un recours administratif préalable obligatoire, par la CDAPH le 12 octobre 2023 portant sur plusieurs demandes de prestations effectuées par madame [F] [V] pour son fils [A] sur la base d’un même formulaire de demande en date du 07 févier 2023.

Pôle social - N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB

Il est à noter que les parties ont pris chacune des conclusions communes aux trois recours enrôlés.
Il convient donc, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner d’office la jonction des recours RG 23/01634, RG 23/01635 et RG 23/01636, l’affaire étant désormais appelée sous le seul numéro RG 23/01634.

Sur la demande avant dire droit d’expertise :
L’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale dispose :
La juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction, qui peut prendre la forme d'une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l'audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d'examen de la personne intéressée.
Aux termes de l'article L. 541-1 et L. 541-2 du code de la sécurité sociale, pour obtenir l'AEEH, l'enfant handicapé doit :
- soit présenter un taux d'incapacité de 80% en application du guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités liées au handicap,
- soit, si le taux d'incapacité est fixé entre 50 et 79%, fréquenter un établissement adapté, ou bénéficier d'un dispositif adapté ou d'accompagnement ou bénéficier de soins préconisés par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
En l'espèce, la CDAPH a estimé le taux d'incapacité de l’enfant [A] [V] inférieur à 50 % au vu des éléments communiqués, et en particulier, le certificat médical complété par son médecin à l’appui de sa demande d’AEEH.
Il n’est fait aucune obligation au tribunal d’ordonner une mesure d’instruction. Celle-ci n’est justifiée qu’en cas de litige d’ordre médical et ne saurait suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve.
En l’espèce, il revient au tribunal d’apprécier si la MDPH a fait une juste appréciation des éléments qui lui étaient soumis, en particulier, l’impact de l’état de santé de l’enfant [A] sur son autonomie individuelle et le retentissement du handicap sur les trois sphères : domestique, sociale et scolaire.

Sur l'allocation d’éducation de l’enfant handicapé :
En application des dispositions de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.
Aux termes de l'article L. 541-1 et L. 541-2 du code de la sécurité sociale, pour obtenir l'AEEH, l'enfant handicapé doit :
- soit présenter un taux d'incapacité de 80% en application du guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités liées au handicap,
- soit, si le taux d'incapacité est fixé entre 50 et 79%, fréquenter un établissement adapté, ou bénéficier d'un dispositif adapté ou d'accompagnement ou bénéficier de soins préconisés par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées codifié à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles permet la reconnaissance d'un taux inférieur à 50% lorsque les déficiences présentées par la personne constituent des troubles modérés n'entraînant pas une gêne notable dans sa vie sociale.
Un taux de 50 % à 79% correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d’efforts importants ou de la mobilisation d’une compensation spécifique. Toutefois, l’autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.
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Un taux de 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en œuvre une personne, vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C’est également le cas lorsqu’il y a déficience sévère avec abolition d’une fonction.
Il résulte par ailleurs de la lecture de ce guide-barème que l’incapacité est définie comme “toute réduction résultant d'une déficience, partielle ou totale, de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain. L'incapacité correspond à l'aspect fonctionnel dans toutes ses composantes physiques ou psychiques et équivaut, dans la définition du handicap, à la notion de limitation d'activité”.
En l’espèce, le certificat médical rempli par le docteur [I] [B], pédiatre, le 19 novembre 2022 à l’appui de la demande de prestation fait état de ce que l’enfant [A] [V] présente une dyslexie, des troubles de l’attention, un retard de langage, des difficultés d’apprentissage. Il a un terrain allergique. Il est suivi par un ergothérapeute, un orthophoniste, un psychomotricien, un psychologue et un neuropédiatre.
Pour remettre en question le taux inférieur à 50% évalué par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, madame [F] [V] produit plusieurs documents médicaux et comptes rendus notamment :
-un courrier du docteur [D] [Y], neuropédiatre en date du 03 février 2023 qui rappelle les troubles de [A] et qui indique qu’il “est nécessaire que [A] soit accompagné par une AESH individuelle et idéalement à temps plein afin de l’aider au niveau de l’organisation et de la réalisation des devoirs”,
-un courrier en date du 06 juillet 2023 rédigé par le docteur [S] [H], pédiatre qui préconise une évaluation pédopsychiatrique vu les difficultés importantes de [A] avec la vie scolaire, le contexte constant d’harcèlement scolaire et les épisodes d’anxiété décrits par la maman.
La MDPH de son côté rappelle que la pathologie ne permet pas à elle seule l’évaluation d’un taux d’incapacité et qu’il faut évaluer les retentissements de celle-ci dans l’autonomie individuelle de la personne puis dans les trois sphères de la vie sociale, domestique et scolaire, pour un enfant scolarisé.
Elle soutient qu’au regard du certificat médical du docteur [I] [B] du 19 novembre 2022, l’enfant [A] [V] est autonome dans la réalisation de l’ensemble des actes essentiels de la vie courante.
Il convient, en application du guide barème de l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles, de rechercher si les déficiences dont souffre l’enfant [A] [V] entraînent des troubles importants à la fois dans la vie scolaire, sociale et domestique, conditions indispensables pour bénéficier d’un taux d’incapacité compris entre 50% et 79%, à la date de la demande, l’autonomie individuelle nétant pas contestée.

S’agissant de la sphère domestique :
-Au niveau de la mobilité, de la capacité motrice, de la manipulation, l’enfant [A] [V] ne présente pas de difficulté pour marcher, se déplacer à l’intérieur, se déplacer à l’extérieur, pour la préhension de la main dominante et non dominante, pour la motricité fine, pour s’orienter dans l’espace, pour gérer sa sécurité personnelle et maîtriser son comportement (côté en A). Le médecin précise que [A] rencontre des troubles majeurs pour l’écriture. Seule l’orientation dans le temps est réalisé avec difficulté mais sans aide humaine (côté en B).
- Au niveau de la communication, l’enfant [A] [V] sait communiquer avec les autres, utiliser un téléphone, les appareils et techniques de communication (ordinateur...) (côté en A).
- Au niveau de son entretien personnel, l’enfant [A] [V] peut faire sa toilette, s’habiller et se déshabiller, manger et boire des aliments préparés, assurer son hygiène intime sans difficulté et sans aucune aide (côté en A). L’enfant [A] [V] ne coupe pas des aliments seul (côté en D).
- [A] [V] n’est pas concerné pour les items concernant la vie quotidienne et domestique (prendre son traitement médical, gérer son suivi des soins, faire des démarches administratives, gérer son budget, préparer un repas, assurer les tâches ménagères...).
Il résulte de ces éléments que l’enfant [A] [V] ne présente pas de troubles importants ou graves entraînant une atteinte de son autonomie dans la sphère domestique.

S’agissant de la sphère sociale :
Le docteur [I] [B] ne mentionne aucun retentissement dans la vie sociale de [A] [V]. Il est mentionné que [A] a une vie familiale et qu’il sait lire.

S’agissant du retentissement scolaire :
Le certificat du docteur [I] [B] n’apporte aucune précision.
Cependant, lors de sa demande et de son RAPO, madame [F] [V] a transmis plusieurs pièces pouvant permettre d’apprécier si les pathologies de [A] ont un retentissement sur la sphère scolaire:
-le compte rendu d’évaluation du neuropsychologue, madame [K] [M] en date du 08 juin 2022 qui conclut “ l’ensemble des éléments n’est pas évocateur d’un trouble déficitaire de l’attention. Plus précisément, il existe des faiblesses attentionnelles mais leur présentation/intensité ne permet pas de conclure à la présence de trouble de l’attention...”. La neuropsychologue oriente [A] vers un ergothérapeute et fait plusieurs recommandations.
-un compte rendu de bilan orthophonique de madame [U] [O] en date du 15 décembre 2022 qui constate les troubles rencontrés par [A], ajoutant que “depuis la rentrée, il est très agité et qu’il a du mal à se poser même pour écrire, qu’il est très sensible à l’échec et commence à avoir une mauvaise image de lui. Il faut continuer le soutien orthophonique et mettre en place une aide à l’école et surveiller ses difficultés”.
-un bilan neuropsychologique effectué le 04 août 2023 par Néocortex, qui conclu que le “tableau clinique mis en exergue ce jour apparaît cohérent avec l’hypothèse d’une problématique neurodéveloppementale de type trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité associée.... [A] est un enfant attachant possédant un potentiel cognitif certain dont il convient d’accompagner et d’aider le développement.”
- le GEVA scolaire pour l’année scolaire 2022/2023 qui indique à sa page 3 que [A] est scolarisé du lundi au vendredi de 8h30 à 16h15, qui mentionne en page 2 l’ensemble des dispositifs et aménagements mis en place au niveau de l’école (le programme personnalisé de réussite éducative PPRE, le réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté RASED, les adaptations pédagogiques...) et qui n’ont pas permis à [A] d’accéder aux acquisitions attendues pour la moyenne de la classe d’âge.
Dans ce rapport, il est précisé que [A] “ manque d’organisation, de concentration, d’écoute” ; qu’il est agité ; qu’il a une “meilleur entente avec les filles” ; qu’il n’écarte pas les autres. Le compte rendu scolaire du premier semestre (septembre 2022 à janvier 2023) indique que [A] “rencontre des difficultés en français et en mathématiques. Il a fait des progrès en écriture, c’est bien, il faut continuer. Une meilleure concentration l’aiderait à progresser. Il peine à maîtriser son énergie. [A] a des capacités qu’il peut mettre en valeur en essayant de faire encore davantage d’efforts” et celui du second semestre (février à juillet 2023) mentionne qu’il “est très difficile d’évaluer les connaissances de [A] compte tenu du travail rendu à l’écrit ainsi qu’à l’oral. Les compétences en CE1 ne semblent pas acquises...”
Il ressort de ces éléments que [A] [V] rencontre un retentissement dans la sphère scolaire qui a été pris en compte par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH qui a accordé à [A] [V], une aide humaine mutualisée aux élèves handicapés pour la période du 12 octobre 2023 au 31 juillet 2024.
Ainsi, quand bien même [A] [V] rencontre des troubles dans la sphère scolaire, les éléments médicaux présents au dossier ne suffisent pas à établir qu’il présente des troubles importants dans la vie sociale et domestique, de sorte que l’enfant [A] [V] ne peut pas bénéficier d’un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %.
Dans ces conditions, il convient de débouter madame [F] [V] de sa demande d’AEEH sans qu’il soit nécessaire de faire droit à la demande d’expertise, le tribunal disposant de suffisamment d’éléments pour statuer.

Sur le complément d'AEEH :
Les articles L.541-1 et suivants du code de la sécurité sociale prévoit l’octroi d’une AEEH et de son complément selon certaines conditions posées par le décret n°2002-422.
A cette base peuvent, le cas échéant, s’ajouter des compléments lorsque la situation de l’enfant le nécessite. Ces derniers visent à compenser des surcoûts (frais exposés) et des pertes financières (réduction d’activité...) réels et évaluables des familles.
Il résulte du développement qui précèdent que le taux d’incapacité permanente de [A] [V], évalué par la CDAPH est inférieur à 50%.
En conséquence et compte tenu de ce taux, le tribunal ne peut que constater que l'enfant [A] ne remplit pas les conditions pour pouvoir bénéficier du complément d’AEEH.
Il convient donc de débouter madame [F] [V] de sa demande de complément d’AEEH.

Sur l’attribution d’une aide humaine à l’élève handicapé (AHEH) individualisée:
Le code de l’éducation, en son article D. 351-16-1 dispose :
“L'aide individuelle et l'aide mutualisée mentionnées à l'article L. 351-3 constituent deux modalités de l'aide humaine susceptible d'être accordée aux élèves handicapés. Un même élève ne peut se voir attribuer simultanément une aide mutualisée et une aide individuelle. Ces aides sont attribuées par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles et intégrées dans le plan personnalisé de compensation du handicap mentionné à l'article L. 146-8 du même code. La commission se prononce sur la base d'une évaluation de la situation scolaire de l'élève handicapé, en prenant en compte notamment son environnement scolaire, la durée du temps de scolarisation, la nature des activités à accomplir par l'accompagnant, la nécessité que l'accompagnement soit effectué par une même personne identifiée, les besoins de modulation et d'adaptation de l'aide et sa durée.”
La commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles est la CDAPH.
Les articles suivants, relatifs à l’aide individualisée, disposent que celle-ci a pour objet de répondre aux besoins d'élèves qui requièrent une attention soutenue et continue, sans que la personne qui apporte l'aide puisse concomitamment apporter son aide à un autre élève handicapé. Elle est accordée lorsque l'aide mutualisée ne permet pas de répondre aux besoins d'accompagnement de l'élève handicapé.
Lorsqu'elle accorde une aide individuelle, dont elle détermine la quotité horaire, la commission susmentionnée définit les activités principales de l'accompagnant.
En l’espèce, suite au RAPO exercé par madame [F] [V], une aide humaine mutualisée aux élèves handicapés a été accordée du 12 octobre 2023 au 31 juillet 2024 pour accompagner [A] dans l’accès aux activités d’apprentissage ainsi que pour les activités de la vie sociale et relationnelle.
Madame [V] demande au tribunal de lui accorder une aide individualisée pour l’année scolaire 2024/2025 dès lors qu’il est inutile de faire une demande rétroactive pour l’année en cours, compte-tenu du temps judiciaire. La MDPH ne s’est pas exprimée sur cette demande, se contentant, à l’audience, de relever une contradiction entre la demande d’aide individuelle et la demande de matériel informatique.
Toutefois, cette demande de matériel pédagogique adapté n’a pas été reprise par madame [F] [V] au terme de ses conclusions.
En l’espèce, le GEVA scolaire 2022/2023 produit aux débats, qui constitue l’évaluation de la situation scolaire de l’élève, a côté en C (c’est-à-dire activité réalisée avec des difficultés régulières et/ou une aide régulière) les activités suivantes: s’orienter dans l’espace, avoir des relations avec autrui conformes aux règles sociales, maîtriser son comportement dans ses relations avec autrui, se déplacer à l’extérieur et à l’intérieur, avoir des activités de motricité fine, écrire, calculer, organiser son travail, contrôler son travail, utiliser des supports pédagogiques). Il s’agit d’activités absolument essentielles dans le parcours scolaire d’un élève en école élémentaire.
L’équipe scolaire a apporté le commentaire suivant en terme de perspective d’évolutions: “Nécessité d’un accompagnement par une AESH individuelle ”.

Pôle social - N° RG 23/01634 - N° Portalis DB22-W-B7H-RYKB

Il ressort de ses observations que de nombreuses difficultés relevées nécessitent une aide humaine. En effet, écrire, calculer, organiser son travail, contrôler son travail, accepter les consignes, suivre les consignes, utiliser des supports pédagogiques (côté en C sur le GEVASCOLAIRE) ne peuvent pas être effectuées par des outils pédagogiques disponibles dans les PPRE ou le RASED. Ce premier niveau d’accompagnement n’est donc pas pertinent pour [A].
La MDPH admet la nécessité de l’aide humaine puisqu’elle en a accordé une mais mutualisée.
Or, tous les acteurs qui contribuent à la prise en charge de [A], à savoir l’orthophoniste (pièce 8), l’équithérapeute, la psychomotricienne (pièce 11), le neuropédiatre (pièce 9), le kinésiologue (pièce 13) et l’ergothérapeute (pièce 12.1) confirment qu’il a besoin d’un accompagnement en classe pour soutenir ses activités d’apprentissages et sa vie sociale et relationnelle, et ce, de manière individualisée.
Il convient de rappeler que son pédiatre, le docteur [B], dans son compte-rendu de consultation du 06 juillet 2023, confirmait que [A] présente un TDA pour lequel un traitement médicamenteux a été mis en place par la neuropédiatre, le traitement ayant été interrompu en raison des effets secondaires trop importants.
Dès le 3 février 2023, le docteur [Y] notait que [A] présente une dyspraxie et une dysgraphie responsables d’une fatigabilité et d’un déficit de l’attention secondaire. Il préconisait la mise en place d’un PAP avec tiers temps inversé, fourniture de polycopiés, limiter l’écrit et favoriser les évaluations à l’oral, une place au premier rang. “Enfin il est nécessaire que [A] soit accompagné par une AESH individuelle et idéalement à temps plein afin de l’aider au niveau de l’organisation et de la réalisation des devoirs.”
En se fondant principalement sur le bilan de madame [M], neuro-psycholoque, établi en mai et juin 2022, et concluant à l’absence de TDAH et à la pertinence d’un travail familial sur les limites à poser à l’enfant, la MDPH n’a pas tenu compte de l’intégralité des éléments médicaux et para-médicaux communiqués par madame [F] [V] à l’appui de ses demandes d’aides dont il ressort pourtant la nécessité d’une aide humaine individuelle.
Ainsi, il convient d’attribuer à [A] [V], à compter de la rentrée de septembre 2024 et jusqu’au 31 juillet 2025, une aide humaine individuelle aux élèves handicapés à temps plein pour les activités suivantes : accompagnement dans l’accès aux activités d’apprentissage (scolaires, éducatives, culturelles, sportives, artistiques ou professionnelles), accompagnement dans les activités de la vie sociale et relationnelle.

Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer, à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Au regard du sens de la présente décision, chacune des parties supportera la charge de ses dépens et il ne sera pas fait droit à la demande de madame [F] [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale, le tribunal peut ordonner l’exécution par provision de toutes ses décisions.
En l’espèce, il y a lieu d’ordonner d’office l’exécution provisoire qui s’avère nécessaire au regard de la nature du litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe le 30 avril 2024 :

Ordonne la jonction des procédures inscrites sous les numéros de RG 23/01634, RG 23/01635 et RG 23/01636, l’affaire étant désormais appelée sous le seul numéro RG 23/01634 ;

Dit bien fondée la décision de la Maison départementale des personnes handicapées des Yvelines du 22 juin 2023, confirmée le12 octobre 2023 par la CDAPH, refusant à l’enfant [A] [V] l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé en raison d’un taux d’incapacité inférieur à 50 % ;

Attribue à l’enfant[A] [V], né le 1er septembre 2015, une aide humaine individuelle aux élèves handicapés (AHEH-i) à temps plein, à compter du 1er septembre 2024 jusqu’au 31 juillet 2025 ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Ordonne d’office l’exécution provisoire.

Dit que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.

La GreffièreLa Présidente

Madame Marie-Bernadette MELOTMadame Béatrice LE BIDEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/01634
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;23.01634 ?
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